RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 9
ARRÊT DU 15 Mai 2013
(n° , 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/07185
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 05 Mai 2011 par conseil de prud'hommes de CRETEIL - section activités diverses - RG n° 10/01564
APPELANTE
Madame [D] [V] épouse [J]
[Adresse 1]
[Localité 2]
comparante en personne, assistée de Me Georges SOUCHON, avocat au barreau de PARIS, P0452
INTIMÉE
S.C.P. [F] anciennement SCP [K] et [F]
[Adresse 2]
[Localité 1]
En présence de Monsieur [L] [F], assisté de Me Françoise PELLETIER, avocate au barreau de PARIS, P0238
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 Mars 2013, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Benoît HOLLEAUX, conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Christine ROSTAND, présidente
Monsieur Benoît HOLLEAUX, conseiller
Monsieur Jacques BOUDY, conseiller
GREFFIÈRE : Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, lors des débats
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Christine ROSTAND, présidente et par Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Vu le jugement du conseil de prud'hommes de Créteil du 5 mai 2011 ayant débouté de toutes ses demandes Mme [D] [J] et l'ayant condamnée aux dépens ;
Vu la déclaration d'appel de Mme [D] [J] reçue au greffe de la cour le 28 juin 2011 ;
Vu les écritures régulièrement communiquées et oralement soutenues à l'audience du 26 mars 2011 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens de Mme [D] [J] qui demande à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté les moyens de la SCP [F] tirés de la péremption d'instance et de la prescription
- l'infirmer pour le surplus et statuant à nouveau,
prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur et condamner en conséquence la SCP [K]-[F] à lui régler les sommes suivantes :
' si prise d'effet de la résiliation à la date de l'arrêt à intervenir :
200 000 € de dommages-intérêts pour harcèlement moral, harcèlement sexuel et discrimination
240 463,92 € à titre de manque à gagner suite au défaut de règlement de toute rémunération après décembre 1997
28 795,68 € de dommages-intérêts pour rupture abusive
2 599,61 € au titre du préavis et 259,96 € d'incidence congés payés
' si prise d'effet de la résiliation judiciaire à la date du jugement précité du 5 mai 2011 :
les mêmes sommes que dans la première hypothèse sauf à ce que sa demande au titre du manque à gagner soit ramenée à 209 268,60 €
' si prise d'effet de la résiliation judiciaire au 30 avril 2008, date de son départ à la retraite :
les mêmes sommes que dans la première hypothèse sauf à ce que sa demande au titre du manque à gagner soit ramenée à 161 175,82 €
' si prise d'effet de la résiliation judiciaire au 17 mai 2000, date de saisine du conseil de prud'hommes :
les mêmes sommes que dans la première hypothèse sauf à ce que sa demande au titre du manque à gagner soit ramenée à 37 694,34 €
' si prise d'effet de la résiliation judiciaire au 18 décembre 1997 :
Les mêmes sommes que dans la première hypothèse à l'exclusion de toute demande au titre d'un manque à gagner
condamner enfin la SCP [K]-[F] à lui verser la somme de 5 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Vu les écritures régulièrement communiquées et oralement soutenues à l'audience du 26 mars 2013 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens de la SCP [F] qui demande à la cour de confirmer la décision querellée et de condamner Mme [D] [J] à lui verser la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS
Sur les exceptions d'irrecevabilité
Contrairement à ce prétend l'intimée dans ses conclusions (pages 12-13) :
- il n'y a pas de péremption d'instance opposable à l'appelante au sens de l'article R.1452-8 du code du travail quand celle-ci a demandé le rétablissement de l'affaire par un courrier reçu au greffe du conseil de prud'hommes de Créteil le 19 avril 2010, dès lors que l'ordonnance de radiation de cette même juridiction du 14 juin 2001 ne mentionnait alors aucune diligence particulière à la charge expressément de l'une ou l'autre des parties ;
- il ne peut pas davantage être invoqué la prescription réduite à 5 ans, telle qu'issue de la loi n°2008-561 du 17 juin 2008, dans la mesure où son article 26 II prévoit que ces nouvelles dispositions s'appliquent à compter de son entrée en vigueur le 18 juin 2008 sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure - 30 ans en matière indemnitaire - , de sorte qu'en toute hypothèse l'appelante, qui a initialement saisi la juridiction prud'homale de Créteil le 17 mai 2000 et dont le droit d'agir n'était manifestement pas expiré lors de l'entrée en vigueur de la loi précitée, ne serait prescrite en l'espèce que le 18 juin 2013 (18 juin 2008 + 5 ans), étant rappelé que sa demande de rétablissement de la présente affaire est du 19 avril 2010.
Le jugement déféré sera en conséquence confirmé en ce qu'il a rejeté ces deux moyens d'irrecevabilité soulevés par l'intimée qui s'en rapporte finalement à la cour.
Sur l'examen au fond des demandes
Mme [D] [J], au soutien de ses prétentions indemnitaires pour «harcèlement moral», «harcèlement sexuel» et «discrimination», rappelle que l'arrivée de Me [F] comme notaire associé au sein de l'étude de Me [K] en 1995 a provoqué de «très nombreux bouleversements», que dès le début de leur collaboration elle a subi de sa part une «attitude déplacée et harceleuse», qu'elle a refusé de «céder aux propositions de Maître [F]» qui l'a accusée «en privé ou en public d'être la maîtresse de Maître [K]», que les recrutements opérés ultérieurement au sein de l'étude auront pour effet de la marginaliser y compris vis-à-vis de Me [K], qu'elle sera ainsi exclue de la formation informatique dispensée aux collaborateurs au sein de l'étude en se voyant confier des tâches subalternes (accueil des clients, standard téléphonique, ménage), que l'inspection du travail en a été avisée, qu'elle a finalement été privée de bureau et contrainte de subir des pressions psychologiques permanentes, et que son état de santé s'en est trouvé sensiblement altéré aboutissant à une mise en invalidité seconde catégorie à compter du 1er avril 1997 qui fut suivie d'arrêts de travail successifs pour troubles anxio-dépressifs jusqu'à son départ à la retraite en mai 2008.
Me [F] conteste cette version des faits donnée par l'appelante.
L'article L.1154-1 du code du travail dispose que le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et/ou sexuel au sens des articles L.1152-1 et/ou L.1153-1 du code du travail.
Mme [D] [J], qui a été recrutée initialement par Me [K] à compter du 1er septembre 1983 en qualité de secrétaire qualifiée au coefficient conventionnel (convention collective nationale du notariat) 278 moyennant un salaire de 6 200 francs bruts mensuels sur 13 mois, produit les pièces suivantes :
- un courrier de protestation qu'elle a adressé à la SCP [K]-[F] le 19 juin 1995 suite à sa démarche auprès de l'inspection du travail ;
- un courrier cosigné de Me [K] et Me [F] le 12 mai 1995 la recadrant dans ses fonctions au sein de l'étude ;
- une pétition des salariés de l'étude du 15 juin 1995 remise à la SCP [K]-[F] dénonçant des pratiques managériales critiquées avec une demande de redéfinition des missions de chacun et d'ouverture de discussions ;
- une lettre de la SCP [K]-[F] du 21 juin 1995 la recentrant sur ses fonctions de clerc de notaire 3ème catégorie (production d'actes notariés simples et constitution des dossiers s'y rapportant, accomplissement des formalités consécutives aux actes lui étant confiés) en conformité avec la définition conventionnelle de son emploi ;
- sa réponse critique du 1er septembre 1995 valant refus avec l'hypothèse d'une rupture de son contrat de travail dont l'initiative incomberait, selon elle, à l'employeur ;
- de nombreux arrêts de maladie, certificats médicaux, ordonnances médicales et rapports de la médecine du travail sur son état de santé fragilisé.
Aucun de ces éléments, en ce y compris les documents médicaux versés par la salariée, n'établit matériellement une situation de nature à laisser présumer l'existence d'un harcèlement moral et sexuel sur la personne de Mme [D] [J], harcèlements qui seraient imputables à Me [F] au sens des articles L.1152-1 et L.1153-1 du code du travail.
En effet, le fait déclencheur des difficultés et crispations rencontrées en interne, que personne ne conteste, a été la volonté légitime de Me [F] de réorganiser cette étude qui ne correspondait plus aux standards de l'époque, en remettant en cause de toute évidence certaines habitudes et pratiques auxquelles il importait de mettre un terme, ce qui se réalisa dans le courant des années 1995-1996.
Si l'on s'attache plus précisément à une approche globale des faits de l'espèce, tels qu'exposés par Mme [D] [J] dans ses écritures, et au vu des seuls éléments qu'elle soumet à la cour, force est de constater qu'aucun comportement qualifiable de harcèlement moral et sexuel n'est réellement établi à l'égard de Me [F] qui d'emblée a été confronté au refus de tout changement manifesté par cette dernière.
Il en va de même concernant l'autre grief de «discrimination» pour lequel l'appelante ne satisfait pas davantage aux exigences de l'article L.1134-1 du code du travail comparable dans sa formulation à l'article L.1154-1 précité.
Ainsi, contrairement à ce qu'indique Mme [D] [J], l'intimée n'est aucunement responsable de son état d'invalidité reconnue à compter du 1er avril 1997, invalidité s'étant accompagnée d'une période d'arrêts de travail successifs jusqu'à son départ à la retraite courant mai 2008, ce qui constitue un mode de rupture du contrat de travail à l'initiative du salarié non discuté dans le cadre de la présente procédure.
Pour ces raisons, le jugement critiqué sera confirmé en ce qu'il a débouté Mme [D] [J] de sa demande aux fins de voir prononcée la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de l'intimée et de ses prétentions de nature pécuniaire y étant associées.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
Aucune circonstance d'équité ne commande qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et Mme [D] [J] sera condamnée aux dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
CONFIRME le jugement entrepris ;
Y ajoutant,
DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE Mme [D] [J] aux dépens d'appel.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE