RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 12
ARRÊT DU 16 Mai 2013
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/10603 LL
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 05 Octobre 2010 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de [Localité 1] RG n° 07-04160
APPELANTE
SARL AMAZONAS IMAGES
[Adresse 4]
[Localité 1]
représentée par Me Alain SUTRA, avocat au barreau de PARIS, toque : P0171 substitué par Me Sophie BAILLY, avocat au barreau de PARIS, toque : C0346
INTIMEES
UNION POUR LE RECOUVREMENT DES COTISATIONS DE SÉCURITÉ SOCIALE ET D'ALLOCATIONS FAMILIALES DE L'ILE DE FRANCE venant aux droits de l'URSSAF de [Localité 1] - REGION PARISIENNE
dont le siège social est [Adresse 3]
[Localité 3]
représentée par M. [N] en vertu d'un pouvoir général
AGESSA
[Adresse 2]
[Localité 1]
représentée par Mme [S] en vertu d'un pouvoir général
Monsieur le Ministre chargé de la sécurité sociale
[Adresse 1]
[Localité 2]
avisé - non représenté
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 14 Mars 2013, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Bernadette VAN RUYMBEKE, Président
Monsieur Luc LEBLANC, Conseiller
Madame Marie-Ange SENTUCQ, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier : Madame Marion MELISSON, lors des débats
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Bernadette VAN RUYMBEKE, Président et par Madame Marion MELISSON, Greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par la société Amazonas Images d'un jugement rendu le 5 octobre 2010 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de [Localité 1] dans un litige l'opposant à l'URSSAF de [Localité 1]-région parisienne, aux droits de laquelle vient l'URSSAF d'Ile de France et à l'Agessa ;
LES FAITS, LA PROCÉDURE, LES PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Les faits de la cause ont été exactement exposés dans la décision déférée à laquelle il est fait expressément référence à cet égard ;
Il suffit de rappeler qu'à la suite d'un contrôle de l'application de la législation de la sécurité sociale par la société Amazonas Images, agence de presse photographique, l'URSSAF a réintégré dans l'assiette des cotisations du régime général dues par cette société les sommes allouées, sous la forme de droits d'auteur, à un photo-journaliste de l'agence en contrepartie d'un reportage photographique ; qu'il en a résulté un redressement de cotisations pour la période du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2005 ; qu'une mise en demeure a été adressée, le 29 septembre 2006, à la société Amazonas Images pour avoir paiement de la somme de 82.946 € de cotisations et de celle de 8.295 € de majorations de retard ; que la société a contesté ce redressement devant la commission de recours amiable qui a rejeté sa réclamation ; que la société a alors saisi la juridiction des affaires de sécurité sociale ;
Par jugement du 5 octobre 2010, le tribunal des affaires de sécurité sociale de [Localité 1] a rejeté le recours de la société Amazonas Images tendant à l'annulation du redressement et au remboursement de la somme de 60.890 € et l'a condamnée à payer à l'URSSAF de [Localité 1]-région parisienne la somme de 959 € au titre des cotisations et celle de 6.222 € au titre des majorations de retard provisoires sur la période du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2005 ;
La société Amazonas Images fait déposer et soutenir oralement par son conseil des conclusions tendant à infirmer le jugement, annuler le redressement, débouter l'URSSAF de sa demande et lui ordonner le remboursement de la somme de 60.890 € déjà payée ou son imputation sur les prochaines cotisations. En tout état de cause, elle demande la remise intégrale des majorations de retard, compte tenu de sa bonne foi.
A l'appui de son appel, elle fait valoir qu'elle verse au journaliste photographe un salaire mensuel en contrepartie de son travail d'étude, d'élaboration de projets et des prises de vue, d'une part, et des droits d'auteur pour l'exploitation commerciale de se photographies en presse et hors presse, d'autre part. Elle considère que les sommes versées sous cette dernière forme et déclarées à l'Agessa ne constituent pas des rémunérations salariales soumises aux cotisations du régime général. Elle fait valoir, en effet, que si les journalistes sont titulaires d'un contrat de travail, l'article L 7113-2, alinéa 2, du code du travail prévoit que la reproduction de leurs oeuvres est obligatoirement subordonnée à une convention expresse en précisant les conditions. Elle en déduit l'existence de deux sortes de rémunération dont celle versée spécifiquement au titre de l'exploitation des oeuvres photographiques relève du régime des auteurs et non du régime général. Elle invoque aussi les dispositions de l'article 22 de la loi du 27 janvier 1993 ayant modifié l'article L 382-1 du code de la sécurité sociale qui prévoient que les auteurs d'oeuvres photographiques journalistes professionnels bénéficient du régime des auteurs pour les revenus complémentaires tirés de l'exploitation de leurs oeuvres photographiques dans la presse, dans des conditions à prévoir par un accord collectif. Elle précise que si cet accord collectif n'est intervenu qu'après la période contrôlée, le photographe auquel elle a remis les droits d'auteurs contestés bénéficie du moratoire institué par l'article 22 précité et de la loi du 4 février 1995 qui maintient de plein droit l'application du régime des auteurs pour les photographes ayant travaillé pendant ou depuis au moins trois ans pour des agences de presse à la date de la publication de la loi du 27 janvier 1993. Enfin, elle estime que les sujétions inhérentes aux fonctions de journalistes n'empêche pas cet auteur de recevoir les revenus de l'exploitation de ses oeuvres sous la forme de droits soumis au régime géré par l'Agessa.
L'URSSAF d'Ile de France et l'Agessa demandent la confirmation du jugement attaqué et reprennent leurs conclusions de première instance aux termes desquelles les sommes litigieuses ne devaient pas être déclarées comme des droits d'auteurs mais entraient dans l'assiette des cotisations du régime général des travailleurs salariés. Selon elles, les dispositions de l'article L 382-1 du code de la sécurité sociale ne visent que les créateurs indépendants et non ceux exerçant une activité salariée. Elles font remarquer qu'en l'espèce le photographe auquel l'agence a versé les sommes contestées est salarié de l'agence de presse photographique et a reçu de celle-ci une commande de reportages photographiques. Elles contestent la possibilité de rémunérer ce photographe moyennant le versement de salaires pour les prises de vues et de droits d'auteur pour l'exploitation commerciale de l'oeuvre photographique alors qu'il s'agit dans ce cas de la reproduction de reportages réalisés dans le cadre de son contrat de travail. De même, elles font valoir que l'obligation prévue à l'article L 7113-2, alinéa 2, du code du travail de conclure une convention expresse pour autoriser la reproduction des oeuvres réalisées dans le cadre d'un contrat de travail n'implique pas une rémunération sous la forme de droits d'auteur. Enfin, elles considèrent que le moratoire instauré par l'article 22 de la loi du 27 janvier 1993 ne bénéficie pas aux personnes exerçant leur activité d'auteur dans le cadre d'un contrat de travail, comme c'est le cas en l'espèce.
Il est fait référence aux écritures ainsi déposées de part et d'autre pour un plus ample exposé des moyens proposés par les parties au soutien de leurs prétentions ;
Sur quoi la Cour :
Considérant qu'en application de l'article L 761-2, alinéa 2, devenu L 7112-1 du code du travail, toute convention par laquelle une entreprise de presse s'assure moyennant rémunération, le concours d'un journaliste professionnel est présumé être un contrat de travail ; que cette présomption subsiste quels que soient le mode et le montant de la rémunération ainsi que la qualification donnée à la convention par les parties ;
Considérant que l'article L 761-2, alinéa 3, devenu L 7111-4 du code du travail assimile aux journalistes professionnels les reporters-photographes qui exercent leur activité principale dans une ou plusieurs entreprises de presse ;
Considérant qu'il s'ensuit que l'ensemble des sommes versées par l'entreprise de presse aux reporters-photographes salariés en contrepartie de leur collaboration régulière est soumis aux cotisations salariales du régime général ;
Considérant que si, en vertu de l'article L 7113-2, alinéa 2, du code du travail, alors vigueur, la qualité d'auteur d'oeuvres artistiques donne aux photo-reporters professionnels le droit de percevoir une rémunération spéciale en contrepartie de l'autorisation de faire paraître dans plus d'un journal ou périodique leurs oeuvres photographiques, cette rémunération ne présente pas pour autant le caractère d'un droit d'auteur ;
Considérant qu'en effet, le travail effectué par les photo-reporters au sein d'une entreprise de presse n'est pas un travail indépendant exécuté en totale liberté ; que l'activité de ces journalistes est soumise à l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de leur donner des ordres et directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les éventuels manquements ;
Considérant qu'à cet égard le lien de subordination existant entre le reporter-photographe professionnel et l'entreprise de presse est le même au moment des prises de vue que lors de la reproduction de celles-ci dans la presse et hors presse ; qu'il n'y a donc pas lieu de distinguer entre la réalisation technique de l'oeuvre rémunérée sous forme de salaire et l'exploitation commerciale de celle-ci ;
Considérant qu'en l'espèce, selon la lettre d'observations de l'URSSAF en date du 6 juin 2006, la société Amazonas-Images, qui est une agence de presse photographique, verse au reporter photographe salarié de l'entreprise des revenus complémentaires sous la forme de droits d'auteur en contrepartie de reportages photographiques effectués dans le cadre d'un projet éditorial appelé 'Génésis' ; que ces derniers revenus sont déclarés à l'Agessa et non au régime général ;
Considérant toutefois que, selon le contrat relatif au projet 'Génésis', l'entreprise met à la disposition de l'auteur l'infrastructure logistique nécessaire à la réalisation de ces reportages et les photographies réalisées doivent s'inscrire dans l'esprit éditorial du projet ; que l'article V du contrat dispose que l'auteur recevra un salaire de 22.000 F mensuel correspondant à la réalisation des prises de vues, du reportage et de toutes les autres tâches nécessaires au bon déroulement du projet ; qu'il est aussi prévu que l'entreprise pourra mettre fin au contrat en cas d'absence de livraison de reportages ;
Considérant qu'ainsi, si le photographe se voit garantir sa liberté de création au sein de l'entreprise, il s'agit cependant d'un travail de commande s'inscrivant dans un projet éditorial prédéterminé s'étendant sur huit années et pour lequel il reçoit à titre principal un salaire mensuel fixe ; que ces éléments caractérisent l'existence d'une relation salariée ;
Considérant que l'exploitation commerciale des oeuvres photographiques n'est pas étrangère aux relations de travail existant entre l'entreprise de presse et le photographe-reporter et la rétribution qui lui est due à ce titre présente le même caractère salarial que sa rémunération principale ;
Considérant qu'enfin, la société Amazonas-Images ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article L 382-1 du code de la sécurité sociale relatives aux revenus complémentaires perçus par les photographes journalistes professionnels au titre de l'exploitation de leurs oeuvres dans la presse dès lors que la mise en place de ce dispositif était expressément subordonnée à la conclusion d'un accord professionnel, lequel est intervenu le 10 mai 2007, bien après la période de cotisations litigieuse ;
Considérant qu'elle ne peut pas non plus invoquer utilement l'article 22 III de la loi du 27 janvier 1993 maintenant de plein droit le bénéfice du régime des artistes-auteurs aux photographes d'agence qui relevaient, à la date d'entrée en vigueur de cette loi, des dispositions de ce régime depuis au moins trois années puisque, en l'espèce, le photographe a exécuté son activité artistique dans le cadre d'un contrat de travail ;
Considérant que, dans ces conditions, toutes les sommes versées par l'agence de presse au reporter-photographe professionnel en contrepartie de l'exploitation commerciale des oeuvres photographiques réalisées dans le cadre de son contrat de travail devaient être soumises aux cotisations du régime général ;
Que le jugement sera donc confirmé ;
Considérant que la société ne peut pas non plus demander à la Cour la remise des majorations de retard et il appartiendra à la société de présenter cette demande auprès de l'organisme de recouvrement ;
PAR CES MOTIFS,
- Déclare la société Amazonas-Images recevable mais mal fondée en son appel ;
- Confirme le jugement entrepris ;
- Déboute la société de sa demande subsidiaire de remise des majorations de retard ;
- Fixe le droit d'appel prévu par l'article R 144-10, alinéa 2, du code de la sécurité sociale à la charge de l'appelante au 10ème du montant mensuel du plafond prévu à l'article L 241-3 et la condamne au paiement de ce droit.
Le Greffier, Le Président,