RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 7
ARRÊT DU 16 Mai 2013
(n° , 9 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/05504
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 12 Mai 2011 par le conseil de prud'hommes de LONGJUMEAU Section Encadrement RG n° 09/00633
APPELANT
Monsieur [W] [U]
[Adresse 2]
[Adresse 3]
[Localité 1]
comparant en personne
assisté de Me Jean-marc BORTOLOTTI, avocat au barreau de FONTAINEBLEAU
INTIMEE
SARL CHAUDRONNERIE TOLERIE DES MOULINEAUX (CTM)
[Adresse 4]
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Me Pierre ROBIN, avocat au barreau de PARIS, toque : C0622
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 01 Février 2013, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Rémy LE DONGE, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Jean-Marc DAUGE, Président
Monsieur Bruno BLANC, Conseiller
Monsieur Rémy LE DONGE, Conseiller
Greffier : Madame Laëtitia CAPARROS, lors des débats
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Jean-Marc DAUGE, Président, et par Melle Laëtitia CAPARROS, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Après 4 mois effectués en intérim, en qualité de chargé d'affaires à compter de novembre 2004, M. [U] a été engagé par la Société CTM « Chaudronnerie Tôlerie des Moulineaux » à compter du 1er avril 2005 en qualité de Directeur Commercial par contrat à durée indéterminée en date du 8 mars 2005. Nommé Directeur Général, il percevait dans le dernier état des relations contractuelles, un salaire de 6.617,80 €, la moyenne mensuelle brute sur les douze derniers mois de travail s'établissant à 8 938,15 € .
Les relations entre le salarié et la société CTM qui compte plus de onze salariés sont régies par la Convention collective des Ingénieurs et cadres de la métallurgie du 13 mars 1972.
M. [U] a fait l'objet le 12 mars 2009 d'une convocation à un entretien préalable à licenciement assortie d'une mise à pied conservatoire, qui s'est tenu le 23 mars 2009 avant d'être licencié par lettre du 26 mars 2009 pour faute grave constituée par :
-un comportement inacceptable lors de la réunions du 3 mars 2009
-une attitude inadmissible lors de la réunion du 23 janvier 2009 (en réalité 23 février 2009)
-des fautes graves commises dans l'exercice de ses fonctions
- une attitude développée lors de la mise à pied conservatoire et de ses suites
Le 18 juin 2009, M.[U] saisissait le conseil de prud'hommes de LONGJUMEAU aux fins de faire juger que le licenciement intervenu le 26 mars 2009 était dénué de cause réelle et sérieuse et faire condamner la société CTM à lui payer :
- 160000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
-19853,40 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis
-1985,34 € au titre des congés payés afférents
-7597,43 € à titre d'indemnité de licenciement
- 6269,40 € à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire et retenue indue de RTT sur mars 2009
- 626,94 € au titre des congés payés afférents
- 20000 € à titre de rappel de prime d'ancienneté de bilan/prime de résultat
- 2000 € au titre des congés payés afférents
- 3000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile
Outre l'exécution provisoire, M.[U] demandait au Conseil de prud'hommes d'assortir les condamnations mises à la charge de son employeur de l'intérêt légal.
La cour est saisie d'un appel formé par M.[U] contre la décision du Conseil de prud'hommes de LONGJUMEAU en date du 12 mai 2011 qui l'a débouté de l'ensemble de ses demandes et condamné aux dépens.
Vu les conclusions du 1er février 2013 au soutien de ses observations orales au terme desquelles, M. [U] conclut à l'infirmation de la décision entreprise et à la condamnation de la société CTM à lui verser :
- 160 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
-19853,40 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis
-1985,34 € au titre des congés payés afférents
-7597,43 € à titre d'indemnité de licenciement
- 6269,40 € à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire et retenue indue de RTT sur mars 2009
- 626,94 € au titre des congés payés afférents
- 20000 € à titre de rappel de prime d'ancienneté de bilan/prime de résultat
- 2000 € au titre des congés payés afférents
- 5000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile
M. [U] demande, outre la remise sous astreinte d'une attestation destinée à l'assurance chômage, d'un certificat de travail et d'un bulletin de paie conformes à l'arrêt à intervenir, que les sommes allouées portent intérêts au taux légal à compter de la saisine du Conseil de Prud'hommes.
Vu les conclusions du 1er février 2013 au soutien des observations orales par lesquelles la société CTM conclut à titre principal à la confirmation du jugement déféré et à titre subsidiaire à la réduction des prétentions de M. [U] et à sa condamnation sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile , renvoie aux conclusions déposées et soutenues l'audience ;
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur le licenciement
Pour infirmation, M. [U] fait valoir qu'il n'a jamais fait de rétention d'information, qu'il n'a jamais pu engager la société sans l'aval de la gérance, que les attestations qui lui sont opposées sont sujettes à caution comme émanant de salariés encore présents dans l'entreprise, qu'il n'avait aucune volonté de quitter l'entreprise, qu'il n'a jamais fait plus que sensibiliser les salariés aux difficultés prévisibles en période de crise.
M. [U] conteste en outre les fautes qui lui sont imputées dans l'exercice de ses fonctions, les griefs concernant la société ATERMES n'étant pas établis, les attestations des membres de la société ATS étant dénuées de force probante à raison des liens de dépendance de cette société avec CTM et des liens d'amitiés avec M. [P] son PDG, le retard de recouvrement de la créance à l'égard de la société SILEC ne lui étant pas imputable, l'Eurl [U] n'ayant bénéficié d'aucun traitement privilégié et le retard de réponse à la société SCHLUMBERGER résultant en particulier de la nature de la commande passée.
M. [U] indique qu'il ne peut lui être reproché d'avoir refusé la remise en mains propres de la notification de la mise à pied, ni d'avoir refusé de remettre immédiatement un ordinateur portable qu'il pensait personnel, n'ayant fait que récupérer des données à caractère privé. Il ajoute que les échanges avec le CEA qui n'engageaient pas à ce stade la société, ne poursuivaient que l'intérêt de la société, en recherchant des solutions lui permettant de sortir de sa dépendance à la société SCHLUMBERGER.
Pour confirmation, la société CTM fait valoir que M. [U] a adopté un comportement inacceptable à l'égard de son employeur lors des réunions des 11 février et 3 mars 2009, témoignant du refus de rendre compte de l'exécution de sa mission et de la recherche de solutions aux difficultés de la société et de toute critique qui en l'espèce ne revêtait aucun caractère provocateur de la part de son employeur.
L'employeur soutient avoir appris pendant la période de mise à pied conservatoire, que M. [U] avait lors d'une réunion du 23 février 2009, fait une description catastrophique de la situation de l'entreprise, encourageant le personnel à la quitter, allant jusqu'à indiquer que la société était dirigée par un fou.
S'agissant des fautes dans l'exercice de ses fonctions, CTM relève que M. [U] faisait preuve de passivité à l'égard de clients importants, ne répondant pas à des demandes urgentes, ne recouvrant pas des créances importantes et privilégiant l'Eurl dirigée par ses parents.
La société intimée estime en outre que l'attitude adoptée par son salarié lors de la notification de la mise à pied comme l'absence de restitution de son ordinateur portable et partant la dissimulation d'informations qu'il contenait, témoigne de son attitude à l'égard de son employeur.
En application des articles 'L1234-1 et L1234-9 du code du travail que, lorsque le licenciement est motivé par une faute grave, le salarié n'a droit ni à un préavis ni à une indemnité de licenciement.
La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée du préavis.
C'est à l'employeur qui invoque la faute grave et s'est ainsi situé sur le terrain disciplinaire et à lui seul de rapporter la preuve des faits allégués et de justifier qu'ils rendaient impossible la poursuite du contrat de travail de M. [W] [U] même pendant la durée du préavis.
La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige et qui lie le juge est rédigée dans les termes suivants :
« Monsieur,
Je fais suite à l'entretien que nous avons eu le 23 mars 2009 à 15 heures ; vous étiez présent et avez fait le choix de ne formuler aucune observation sur les griefs que j'ai portés à votre connaissance.
Cette attitude ne m'a pas permis de modifier mon appréciation ; ainsi je vous notifie par la présente votre licenciement pour faute grave et ce pour les motifs exposés lors de cet entretien, à savoir :
1) vous avez adopté une attitude inadmissible lors de notre réunion qui s'est tenue le mardi 3 mars 2009 à 16 heures. Vous avez adopté un ton agressif et insultant à mon égard. Vous avez élevé le ton sous une forme agressive, vous affranchissant des règles élémentaires de correction et de politesse (« j'ai des couilles vous n 'en avez pas »).
Cette réunion avait pour objet de faire le point sur des questions qui avaient été évoquées lors du 11 février 2009. |
En effet, je vous avais dit mes préoccupations devant le défaut de toute politique commerciale mise en 'uvre mais aussi devant le manque de suivi et de surveillance de la production (aboutissant à des travaux non-conformes par exemple et très récemment une goulotte pour THALES).
Vous avez préféré éluder l'examen de questions des plus légitimes en recherchant et provoquant un grave incident.
Votre attitude révèle en réalité une véritable insubordination qui n 'est pas acceptable au sein de notre structure.
2) Au-delà des questions de forme et de ton que vous avez employés, je vous reproche des prises de décision sans aucune information ni a fortiori accord donné par mes soins, mais aussi des carences notables. Je reprends ci-après les exemples les plus significatifs.
3)La société ATERMES nous a adressé une demande de prix en date du 2 février 2009. Sans transmettre à quiconque, vous n 'avez apporté aucune réponse à cette demande.
La société ATERMES vous a relancé le 13 février 2009\ en vain. Cette demande n 'a pu être traitée qu 'après une troisième relance du client et alors que vous étiez absent le 16 février 2009.
Dans une conjoncture économique très difficile ; notre société ne peut se permettre de négliger des marchés potentiels. Votre attitude est constante : autre exemple avec la société ATS. Je viens d'apprendre qu'une demande de devis vous a été faite en novembre 2008 par cette dernière ; vous n'y avez répondu qu 'au cours du mois de février 2009 .
4) La société SILEC reste devoir à la société CTM la somme importante de 79.000 €. Nous ignorons tout des raisons qui conduisent ce client à retenir paiement. Nous n 'avons retrouvé aucune trace écrite au sein du dossier dont vous assumiez personnellement la gestion.
Al'inverse. j'ai constaté que l'ensemble des sociétés prestataires sous-traitantes de la société CTM, dont la société [U] animée par vos parents* «avaient été réglées sur votre seule initiative, sans jamais m'en avoir référé et par conséquent sans mon accord !
5) Je viens d'apprendre que lors d'une réunion de production qui s'est tenue le 23 janvier dernier, vous auriez précisé à une assistance composée des principaux collaborateurs de la société que « la société est en perdition ; je vais partir ; je vous conseille de chercher ailleurs » ; ce faisant vous vous êtes plu à démotiver le personnel et avez encouragé le débauchage.
6) J'ai à vous reprocher l'attitude par vous adoptée à l 'égard de notre principal client la société SCHUMBERGER (qui avec ses intégrateurs représentant 50% de notre chiffre d'affaires en 2007 et 2008) ; lors d'un entretien téléphonique que vous avez eu très récemment avec Monsieur [Z] [H] numéro trois EPS sur le site de [Localité 3], vous lui avez adressé des reproches sur la conduite générale de sa structure (des retards en terme de politique sociale compte tenu de la conjoncture !) ; vous lui avez précisé qu 'il risquait même de ne plus être là l'année prochaine ...
La société CTM a reçu un courrier de [Z] [H] le 12 mars 2009 rédigé en ces termes : « je ne suis pas content de devoir vous relancer sur cette affaire » (il évoquait le prix des commandes ouvertes) et votre engagement d'un retour rapide non tenu.
Nous retrouvons là des reproches initialement formulés relatifs au défaut de tout politique commerciale digne de ce nom, allant même jusqu'à négliger nécessairement sciemment et avec l'intention de nuire à la société CTM, ses clients les plus importants.
7) En dépit de ma demande expresse lors de la remise de la convocation à entretien préalable, mais aussi en dépit de la promesse que vous m'aviez formulée alors, vous n 'avez pas laissé au siège votre ordinateur portable ; sans raison aucune, vous avez quitté la société muni de votre ordinateur portable.
Vous avez consenti à sa restitution après que nous vous ayons fait injonction ; en déficit d'informations sur nombre de dossier, nous avons recherché au sein de votre ordinateur un certain nombre d'informations ; nous avons alors constaté que vous aviez procédé à l'effacement d'un certain nombre de fichier ; ce faisant, manifestement, vous continuez à dissimuler des informations dont tout à l'inverse vous devriez nous rendre destinataires.
Parmi les fichiers retrouvés, nous avons noté des échanges entre vous et le centre d'énergie atomique desquels il ressort que vous avez engagé la société CTM, (via des emails en réponse à un appel d'offre, encore une fois sans accord et sans même nous en informer à des travaux en dehors de notre compétence (proposition de prestation de bureau d'études et référence à un collaborateur spécialiste en ordonnancement de travaux) et ce pour des sommes très importantes évaluées par vos soins à 846.000 euros !
Votre licenciement prend effet immédiatement II est privatif de l'indemnité de préavis et de licenciement.
.../... »
- S'agissant de l'insubordination de M. [U]
En dépit de l'affirmation de l'employeur selon laquelle M. [U] s'affranchissait de la tutelle hiérarchique du gérant et ne rendait pas compte de son activité, il ressort des attestations produites par l'employeur que la réunion du 11 février 2009 a effectivement été organisée à la demande du salarié, lequel sans être contesté sur ce point, indique avoir pris l'initiative d'une telle réunion dans la mesure où son employeur ne cherchait pas à le rencontrer ni à lui adresser la parole lors de ses visites de l'entreprise depuis la fin 2008.
Il doit être relevé que contrairement à l'articulation de l'argumentation de l'employeur, la lettre de licenciement ne retient aucun grief à l'encontre de M. [U] en ce qui concerne la réunion du 11 février 2009.
En toute hypothèse, au delà de l'extrapolation qu'elle comporte sur une éventuelle intention de départ de M. [U], l'attestation établie par M. [F] expose de manière précise le contenu de la réponse apportée par M. [U] à l'énumération des critiques formulées par M. [P], précisant que le ton "était limite respectueux".
En outre il ressort sans ambiguïté des débats et en particulier des conclusions de son employeur, que M. [U] mis à disposition de la société en 2004, puis engagé en qualité de Directeur commercial en avril 2005, a été promu Directeur Général de la société CTM afin de permettre à son gérant de prendre un peu de recul et qu'il a exercé ces fonctions en donnant toute satisfaction jusqu'à ce que selon son employeur, apparaissent des difficultés dans le courant de l'année 2009.
Pour autant, il apparaît qu'au cours de la réunion du 11 février 2009, des critiques importantes sur la stratégie commerciale à mener, sur le management des équipes, sur l'organisation de la production ou le niveau de rémunération de son Directeur général ont été formulées par le gérant de la société, mettant publiquement et soudainement en évidence les divergences de vue entre le Directeur général et le gérant.
Dans un tel contexte de défiance de son supérieur et après une demi-heure de critiques portant sur sa propre action au sein de l'entreprise, la tenue de propos excessifs, hors la présence de témoin direct lors de la réunion du 3 mars, si elle peut justifier que les parties mettent un terme à leurs relations contractuelles, n'en constitue pas pour autant un acte d'insubordination constitutif d'une faute lourde .
- Sur la réunion de production du 23 février 2009
La société CTM produit plusieurs attestations émanant toutes de collaborateurs de M. [U], toujours salariés de l'entreprise. Dans ces conditions, elles ne peuvent être prises en compte qu'avec la plus grande circonspection.
Il n'est pas contesté par l'appelant qu'il ait rappelé au cours de cette réunion, les difficultés que rencontrait l'entreprise en cette période de crise, ne faisant que reprendre à son compte une part des constats de son employeur concernant en particulier le manque d'activité des ateliers.
Dans ces conditions la faute grave alléguée n'apparaît pas établie.
- Les fautes graves commises dans l'exercice des fonctions
Contrairement à ce que soutient la société intimée, il n'apparaît pas que la demande de prix de la société ATERMES du 2 février 2009 soit restée sans réponse de la part de M. [U] ainsi qu'il en justifie, la réponse apportée par un de ses collaborateurs le 16 février 2009 à la suite de la réponse d'attente qu'il avait lui même adressée le 10 février 2009, ne saurait lui être imputée à faute.
Le grief tenant au retard apporté à l'établissement d'un devis pour la société ATS, même à le supposer établi, étant précisé qu'il n'est pas contesté qu'il s'agit avant tout d'un fournisseur de CTM hébergé dans ses murs et dont les dirigeants sont des proches de M. [P], ne peut, faute de plus de précision et au regard des explications données par M. [U] être qualifié de fautif.
Sans plus d'éléments, la société intimée impute à une passivité de M. [U], le non recouvrement d'une créance à l'égard de la société SILEC, en indiquant à la fois tout ignorer des raisons de ce retard et préciser que la société débitrice évoquerait des non conformités.
De manière plus précise, M. [U] explique le retard de règlement du dernier des trois postes de ce marché, par l'existence d'un contentieux tenant à des erreurs d'études d'une société tiers, impactant directement le règlement litigieux et qui aurait dû faire l'objet d'une réunion postérieurement à la notification de sa mise à pied.
Dans ces conditions, les difficultés de recouvrement de la somme litigieuse n'apparaissent pas imputable à une quelconque inertie du salarié qui de surcroît, si elle était établie relèverait plus de l'insuffisance professionnelle que de la faute grave.
Il n'est ni établi ni démontré par l'employeur que l'Eurl [U] appartenant aux parents de M. [U] ait bénéficié d'un traitement privilégié lors de la réalisation d'opération, M. [U] rappelant autant que de besoin sans être contredit, les limites mises à la passation des marchés avec cette société. En outre, il ne peut être sérieusement soutenu que des règlements seraient intervenus en faveur de fournisseurs à l'insu du gérant dès lors qu'il n'est pas contesté qu'il pouvait en être régulièrement informé par la Directeur administratif et financier.
De surcroît, s'il peut être exigé d'un Directeur Général qu'il rende compte de la mise en 'uvre des directives et orientation du gérant de la société, il ne peut lui être reproché de ne pas solliciter systématiquement son aval pour toute décision.
De la même manière, en ce qui concerne les relations avec la société SCHLUMBERGER, il ne peut à la fois être reproché à M. [U] d'agir au sein de l'entreprise sans en référer hiérarchiquement et lui reprocher de prendre un temps suffisant pour évaluer les marges de manoeuvre dont il pouvait disposer pour ainsi que le lui demandait son co-contractant, revoir les marges de la société.
Dans un tel contexte, le mécontentement de M. [H], cadre de la société SCHLUMBERGER, à l'origine de cette demande sortant des procédures ordinaires, exprimé opportunément par courriel à M. [U] le jour même de sa mise à pied, ne peut en soi fonder ou participer de la faute lourde alléguée.
Il ressort en outre de la lettre de licenciement, que la tonalité de ce courriel n'était pas étrangère aux critiques exprimées téléphoniquement à l'encontre de M. [H] par M. [U] en ce qui concerne la conduite générale de sa structure.
En toute hypothèse, faute d'être sérieusement établies, même appréciées ensemble, les fautes imputées à M. [U] ne sont pas constitutives d'une faute grave.
Sur la restitution de l'ordinateur portable
Même s'il est établi que M. [U] a effectivement emporté l'ordinateur portable de la société, le jour où lui a été notifié sa mise à pied, l'employeur ne rapporte pas la preuve que ce refus de restitution que le salarié explique par la nécessité d'en extraire des données personnelles, lui ait été dissimulé. A cet égard, M. [U] précise que cet ordinateur lui avait été confié à la suite de la destruction de son ordinateur personnel lors d'un incident électrique au sein de l'entreprise.
Par ailleurs, M. [U] n'est pas contredit quand il soutient que les données de la société étaient stockées sur son serveur central.
S'agissant du courriel concernant l'échange avec M. [S], il n'est pas démontré que l'estimation transmise par M. [U] engageait la société, ni même que cette démarche tendant à établir des relations directes avec le CEA était contraire aux intérêts de l'entreprise.
De surcroît, la prétendue découverte de ce courriel démontre s'il en était besoin que M. [U] n'a pas cherché à dissimuler à son employeur les actions qu'il avait engagées.
Sachant qu'au contraire, M. [U] a organisé sa boîte aux lettres électronique afin qu'elle soit exploitable par la société, la non restitution immédiate de son ordinateur portable ne peut donc lui être imputée à faute.
Sur les conséquences du licenciement
Hormis la contestation des prétentions de M. [U] portant sur la réparation du préjudice résultant de son licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'employeur ne formule aucun argument opposant concernant les autres demandes indemnitaires liées à la rupture, il sera donc fait droit aux prétentions formulées à ce titre, y compris les rappels de salaire (sur mise à pied conservatoire et retenue de RTT sur la période de mise à pied)et les congés afférents.
La demande relative à la prime d'ancienneté de bilan/prime de résultat au titre de l'année 2008 qui apparaît fondée en son principe et en son montant, n'appelle aucune critique de la part de l'employeur, il sera par conséquent fait droit aux prétentions de M. [U] à ce titre.
S'agissant du licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'employeur fait valoir que M. [U] qui aurait pu trouver un emploi au sein de l'EURL [U] n'a pas souhaité reprendre cette entreprise, qu'il ne justifie pas de son préjudice ni de sa situation professionnelle alors qu'il avait été engagé dans le cadre d'un contrat à durée déterminée par la société Louis LAURENT.
M. [U] expose qu'il ne pouvait intégrer la société familiale qui n'a pu prolonger son activité faute de commandes de la société CTM, qu'il n'a retrouvé qu'un contrat à durée déterminée au bout de deux ans et se trouve pratiquement en fins de droits.
La Cour, compte tenu de l'âge du salarié au moment de son licenciement (né le [Date naissance 1] 1976), de son ancienneté et de son niveau de responsabilité dans l'entreprise et à défaut d'autres éléments sur sa situation professionnelle actuelle et les difficultés alléguées à retrouver un emploi, dispose d'éléments permettant de l'évaluer à la somme de 76 000 €.
Sur la remise des documents sociaux
Il convient de faire droit à la demande de remise des documents de travail, attestation pour le Pôle Emploi, certificat de travail, bulletins de paye, conformes au présent arrêt sans qu'il y ait lieu de prononcer une astreinte.
Sur l'article 700 du Code de procédure civile
L'équité et la situation des parties commande d'allouer 3000 € à M.[U] sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Sur le remboursement des indemnités ASSEDICS
En vertu de l'article L 1235-4 du code du travail dont les conditions sont réunies en l'espèce, le remboursement des indemnités de chômage par la Société CTM, employeur fautif, est de droit ; que ce remboursement sera ordonné.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant en dernier ressort et par arrêt contradictoire mis à la disposition des parties au greffe,
Déclare recevable l'appel formé par M. [U],
INFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Et statuant à nouveau
DÉCLARE le licenciement de M. [W] [U] dépourvu de cause réelle et sérieuse,
CONDAMNE la SARL CHAUDRONNERIE TOLERIE DES MOULINEAUX (CTM) à payer à M. [W] [U] :
- 76 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
-19 853,40 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis :
-1985,34 € au titre des congés payés afférents
-7597,43 € à titre d'indemnité de licenciement :
- 6269,40 € à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire et retenue de RTT sur mars 2009
- 626,94 € au titre des congés payés afférents
- 20 000 € à titre de rappel de prime d'ancienneté de bilan/prime de résultat
- 2000 € au titre des congés payés afférents
DIT que les condamnations de nature salariales porteront intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et les autres sommes mises à la charge de l'employeur à compter du présent arrêt.
CONDAMNE la SARL CTM à remettre à [W] [U] un certificat de travail, des bulletins de salaire et une attestation destinée à Pôle Emploi conformes ;
CONDAMNE la SARL CTM à payer à [W] [U] 3000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,
DÉBOUTE la SARL CTM de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
DÉBOUTE [W] [U] du surplus de ses demandes,
ORDONNE, dans les limites de l'article L 122-14-4 alinéa 2, ancien devenu L 1235-4 du code du travail, le remboursement par la SARL CTM à l'organisme social concerné des indemnités de chômage payées à M. [W] [U]
CONDAMNE la SARL CTM aux entiers dépens de première instance et d'appel,
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT