Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 6
ARRÊT DU 17 MAI 2013
(n° , 11 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 11/21934
Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Novembre 2011 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 05/18646
APPELANTE
SARL ABIO PLAST agissant en la personne de ses représentants légaux
Dont le siège social est
[Adresse 2]
[Localité 6]
Représentée par : Me Chantal-rodene BODIN CASALIS, avocat au barreau de PARIS, toque : L0066
Assistée par : Me Guillaume CADIX, avocat au barreau de PARIS, toque : B667
INTIMEES
SA AXA FRANCE IARD assureur de la société ESNAULT prise en la personne de ses représentants légaux
Dont le siège social est
[Adresse 3]
[Localité 3]
Représentée par : Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111
Assistée par : Me Jérôme GRANDMAIRE, avocat au barreau de PARIS, toque : P325
SA CS COMMUNICATION & SYSTEMES prise en la personne de ses représentants légaux
Dont le siège social est
[Adresse 4]
[Localité 4]
Représentée et assistée par : Me Catherine CHATEL, avocat au barreau de PARIS, toque : B0725
SA GENERALI IARD prise en la personne de son Président en exercice et tous représentants légaux
Dont le siège social est
[Adresse 5]
[Localité 5]
Représentée par : Me Laurence TAZE BERNARD, avocat au barreau de PARIS, toque : P0042
Assistée par : Me Clément MICHAU, avocat au barreau de PARIS, toque : P267
SAS ESNAULT prise en la personne de ses représentants légaux
Dont le siège social est
[Adresse 7]
[Localité 1]
Représentée par : Me Matthieu BOCCON GIBOD, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477
Assistée par : Me Florian LEVIONNAIS, avocat au barreau de CAEN
SA MMA IARD prise en la personne de ses représentants légaux
Dont le siège social est
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par : Me François TEYTAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : J125
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 785, 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 Février 2013, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie- Christine BERTRAND, Présidente et chargée du rapport et de Madame Valérie GERARD, Conseillère.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composé de :
Madame Marie- Christine BERTRAND, Présidente
Monsieur Jean Pierre GIMONET, Conseiller
Madame Valérie GERARD, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Madame Sabrina RAHMOUNI
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Marie-Christine BERTRAND, Présidente et par Madame Sabrina RAHMOUNI, Greffier présent lors du prononcé.
FAITS, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
A la suite d'un orage survenu le 27 juillet 2001, la SARL ABIO PLAST, sous-locataire d'un local industriel situé à [Adresse 6] donné à bail par la SCI PONTAULT COMBAULT, aux droits de laquelle se trouve la société CS COMMUNICATION ET SERVICES, a obtenu, par arrêt de la cour d'appel du 4 décembre 2009, l'indemnisation de son préjudice matériel consécutif à la détérioration de son matériel d'exploitation et de ses marchandises, à hauteur de 1.785.824,14 euros TTC.
La cour d'appel a condamné in solidum la société CS COMMUNICATION ET SERVICES, la société GENERALI, son assureur, la société MMA, assureur d'une société GSA en liquidation judiciaire, à qui avaient été confiés des travaux de réfection des chéneaux à la suite de précédents dommages causés par des orages, la société ESNAULT, sous-traitante de la société GSA , et la société AXA FRANCE, son assureur.
Dans les rapports entre les responsables des dommages, la cour d'appel a réparti la charge de la réparation des dommages entre la société ESNAULT et la société AXA FRANCE d'une part, à hauteur de 30% et la société MMA d'autre part à hauteur de 70%.
Monsieur [Y], expert précédemment désigné pour évaluer le préjudice immatériel de la SARL ABIO PLAST, a déposé son rapport le 26 novembre 2009.
Par jugement du 9 novembre 2011, le tribunal de grande instance de PARIS a statué en ces termes sur la demande d'indemnisation de la SARL ABIO PLAST relative à son préjudice immatériel :
'Constate que le désistement de la société ABIO PLAST à l'égard de la société ALLIANZ IARD est parfait au sens de l'article 395 du Code de procédure civile,
Dit que préjudices immatériels indemnisables de la société ABIO PLAST s'élèvent à :
- la somme de 20.744 € pour les pertes de marge subies en 2001
- la somme de 275.396,15 € pour les pertes de marge subies après 2001.
Di t que la responsabilité de la société CS COMMUNICATION et SYSTEMES, de la société GSA et de la société ESNAULT est engagée au titre de ces préjudices immatériels et ce, sur le fondement des articles 1147 et 1719 du code civil en ce qui concerne la société CS COMMUNICATION et SYSTEMES et sur le fondement de l'article 1382 du code civil en ce qui concerne la société ESNAULT et la société GSA,
Dit que la société GENERALI doit sa garantie à son assuré la société CS COMMUNICATION et SYSTEMES,
Dit que la société M.M.A doit sa garantie à son assuré la société GSA,
Dit que la société AXA FRANCE doit sa garantie à son assuré la société ESNAULT,
Dit que les garanties souscrites s'appliqueront dans les termes et limites de la police souscrite, laquelle prévoit l'application de franchises par assuré et par sinistre dont les montants sont fixés aux termes des conditions particulières de la police, et notamment à hauteur du plafond de 336.424 € en ce qui concerne la société AXA France.
Condamne in solidum la société CS COMMUNICATION et SYSTEMES et son assureur la société GENERALI dans les limites de sa police, la société ESNAULT et son assureur la société AXA France dans les limites de sa police, et la société M.M.A, assureur de la société GSA dans les limites de sa police à payer à la société ABIO PLAST :
- la somme de 20.744 € pour les pertes de marge subies en 2001
- la somme de 275.396,15 € pour les pertes de marge subies après 2001.
Dit que dans les rapports entre co-obligés, le partage de responsabilité s'effectuera de la manière suivante :
- 30% à la charge de la société ESNAULT et de son assureur la société AXA FRANCE
- 70% à la charge de la société M.M.A, assureur de la société GSA,
Dit que dans leurs recours entre eux, les parties déclarées responsables et leurs assureurs respectifs, dans les limites contractuelles des polices souscrites, seront garantis des condamnations prononcées à leur encontre à proportion de leurs parts de responsabilité ci-dessus indiquées,
Dit que les sommes précitées sont exprimées hors taxes et que la TVA s'y ajoutera le cas échéant au taux en vigueur à la date de l'exécution,
Dit que les sommes précitées porteront intérêt au taux légal à compter de la date du présent jugement en application de l'article 1153-1 du Code civil,
Ordonne la capitalisation des intérêts, sous réserve des strictes conditions d'annualité prévues par les dispositions de l'article 1154 du Code Civil,
Condamne in solidum la société CS COMMUNICATION et SYSTEMES et son assureur la société GENERALI dans les limites de sa police, la société ESNAULT et son assureur la société AXA France dans les limites de sa police, et la société M.M.A, assureur de la société GSA dans les limites de sa police, à payer les dépens, comprenant les frais d'expertise relatifs au rapport d'expertise de M. [Y],
Condamne in solidum la société CS COMMUNICATION et SYSTEMES et son assureur la société GENERALI dans les limites de sa police, la société ESNAULT et son assureur la société AXA France dans les limites de sa police, et la société M.M.A, assureur de la société GSA dans les limites de sa police à payer à la société ABIO PLAST la somme de 30000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette toutes les autres demandes plus amples ou contraires formées par les parties,
Dit que la charge finale des dépens et celle de l'indemnité de procédure seront réparties entre les parties succombantes au prorata des responsabilités retenues, dans les limites contractuelles des polices respectives (plafond et franchises),
Ordonne l'exécution provisoire du jugement.
Admet les avocats qui en ont fait la demande et qui peuvent y prétendre au bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile'.
La SARL ABIO PLAST et la société MMA ont respectivement fait appel du jugement les 9 décembre 2011 et 12 juillet 2012 et la jonction des deux procédures a été ordonnée le 4 octobre 2012.
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Les conclusions auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des demandes et des moyens des parties sont les suivantes :
-SARL ABIO PLAST : 13 février 2013
-SA MMA IARD : 3 octobre 2012
-CS COMMUNICATION &SYSTEMES : 9 mai 2012
-SA GENERALI IARD : 22 octobre 2012
-SA ESNAULT : 4 mai 2012
-SA AXA FRANCE IARD : 6 juillet 2012
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sur la demande d'indemnisation d'un préjudice immatériel de la SARL ABIO PLAST
La demande de la SARL ABIO PLAST vise cinq sources de préjudice:
1. demande au titre de la perte de marges
Soutenant que son préjudice immatériel n'a pris fin qu'à l'exécution de la condamnation prononcée par la cour d'appel le 4 décembre 2009, qui lui a permis de remplacer les moules nécessaires à son activité endommagés par le sinistre, la SARL ABIO PLAST demande sa perte de marge théorique jusqu'en 2010, à hauteur de 2.475.793 euros.
Les autres parties contestent l'existence d'un lien de causalité entre la durée de l'attente d'indemnisation du préjudice matériel et le sinistre et font valoir que la SARL ABIO PLAST a contribué à la constitution de son préjudice immatériel en souscrivant une garantie insuffisante des dommages matériels, qui auraient pu été réparés dès la fin de l'année 2001.
L'expertise réalisée par Monsieur [J] dans le cadre de la première procédure relative à l'indemnisation du préjudice matériel révèle que la SARL ABIO PLAST a subi un sinistre le 11 mai 2000, à l'origine de la détérioration de 52 moules, un sinistre le 27 juillet 2001, à la suite duquel 298 moules se trouvaient endommagés, les 52 premiers n'ayant pas été réparés, et un sinistre le 17 juin 2003, à l'origine de la détérioration de 11 moules.
L'expertise réalisée par Monsieur [Y] fournit les éléments d'information suivants:
-Le chiffre d'affaires de la société ABIO PLAST en 2000 s'est élevé à 638.956 euros et le chiffre d'affaires de l'année 2001, qui aurait pu en théorie, compte tenu de l'évolution du marché, progresser de 10% et atteindre 702.851 euros, s'est limité à 628.763 euros, générant une perte théorique de chiffre d'affaire de 74.088 euros
-La perte de marge du deuxième semestre de l'année 2001 a été calculée sur la base d'un taux de marge de 28%, soit une perte de 24.744 euros.
-Le préjudice s'est poursuivi au delà de l'année 2001 car la société ne disposait pas des moyens financiers lui permettant de faire procéder immédiatement à la réparation ou au remplacement des moules endommagés.
-Trois années étaient suffisantes pour lui permettre de rétablir son outil de production même en l'absence d'indemnisation, compte tenu notamment de l'avance de fonds importante réalisée par son gérant.
-La hausse théorique de chiffre d'affaires pour la période postérieure à 2001 est de 5% et le taux de marge théorique est de 27% pendant deux ans puis de 26%.
-L'expert n'a pu raisonner qu'à partir des comptes annuels de la société ABIO PLAST et des données du marché, faute par elle d'avoir fourni des données fiables plus précises.
-Le calcul opéré par l'expert aboutit à une perte de marge de 286.344 euros pour les années 2002, 2003 et 2004.
La société ABIO PLAST évalue à trois années au delà de l'année 2009, le délai nécessaire à la remise en état de son parc de machines, compte tenu de l'importance du sinistre dont l'expert n'avait, selon elle, pas connaissance à la date du dépôt de son rapport.
Il est certain que la souscription par la société ABIO PLAST d'une faible garantie de son matériel auprès de sa compagnie d'assurance n'est pas fautive et n'est ni une cause du sinistre dont elle a été victime ni une cause d'exonération de la responsabilité des auteurs des dommages.
Mais, contrairement aux affirmations de la société ABIO PLAST, le nombre des moules endommagés et leur coût de réfection étaient connus dès la première expertise, au cours de laquelle le sapiteur en avait fait l'évaluation, l'arrêt de la cour d'appel du 4 décembre 2009 n'ayant fait que lui allouer l'indemnisation de ce poste de préjudice, que le tribunal lui avait refusée pour des motifs indépendants de leur coût de réparation ou de remplacement.
La société ABIO PLAST ne démontre pas l'incidence qu'aurait pu avoir la décision prise par la cour d'appel le 4 décembre 2009 sur l'évaluation de ses pertes de marge par Monsieur [Y], qui avait une parfaite connaissance du nombre de moules endommagés et du coût de leur remplacement, indispensable à son activité.
L'expert a estimé, à la lecture des documents fournis par la SARL ABIO PLAST et sans être contredit utilement par l'apport d'éléments complémentaires probants, que trois ans étaient nécessaires à la société ABIO PLAST pour reconstituer son parc de moules.
La société ABIO PLAST soutient qu'elle est parvenue à un chiffre d'affaires de 595.274 euros en 2002 en utilisant 60 moules pour en déduire qu'elle aurait fait un chiffre d'affaires de 874.885,20 euros si elle avait disposé des 298 moules endommagés.
Or l'examen de ses comptes annuels auquel a procédé l'expert révèle qu'avant le sinistre, alors qu'elle disposait de l'intégralité de ses moules, son chiffre d'affaires atteignait 638.956 euros, ce constat faisant présumer que son niveau d'activité antérieur n'exigeait pas l'utilisation de la totalité de son parc de moules.
La société ABIO PLAST ne démontre ni que sa perte de marge a été supérieure à l'évaluation de Monsieur [Y], ni que l'incidence de la détérioration des moules sur les résultats de son activité a dépassé la durée de trois ans retenue par le tribunal, même si elle a fait le choix d'attendre le versement de l'indemnité réparant son préjudice matériel pour reconstituer son outil de travail.
Inversement, la société MMA affirme mais ne démontre pas que la société ABIO PLAST a été en mesure de reconstituer l'intégralité de son outil de travail dès la fin de l'année 2001 et que sa baisse d'activité au cours des trois années suivantes a eu une cause distincte et exclusive du sinistre.
Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, l'évaluation de l'expert peut seule être retenue.
2. perte d'opportunité (1.360.402 €)
Comme l'a relevé l'expert [Y], sur les conclusions duquel le tribunal a fondé son jugement, aucune pièce du dossier ne démontre que la société ABIO PLAST, en l'absence de sinistre, aurait réalisé des investissements supplémentaires et aurait conquis de nouveaux marchés lui permettant de dégager une marge, et la société ABIO PLAST ne démontre pas avoir dû renoncer à contracter des marchés en raison de son inaptitude à en assurer l'exécution.
La preuve d'une perte de chance d'obtenir de meilleurs résultats par d'éventuels investissements opérés avec les éventuelles augmentations de marges dont la société a été privée du fait du sinistre, n'est pas rapportée.
L'augmentation théorique du chiffre d'affaires et de la marge de la société ABIO PLAST au cours des années 2001 à 2004 a déjà été prise en compte dans le calcul de sa perte de marge.
Le jugement doit être confirmé.
3. frais REALTECH et PLASCO
La demande, qui correspond au coût de fabrication d'un nouveau moule, pour 33.154 euros H.T., et à l'achat d'une machine, pour 7.636 euros, fait partie intégrante du préjudice matériel déjà indemnisé par arrêt de la cour d'appel du 4 décembre 2009.
Le jugement doit être confirmé.
4. temps passé par la direction (67.512 €)
La demande correspond à l'indemnisation du temps de travail de son dirigeant consacré au sinistre, préjudice que Monsieur [Y] estime réel et évalue à 33.756 euros.
LA société ABIO PLAST est une petite entreprise, qui est passée d'un effectif de 7 personnes à un effectif variant de 2 à 5 personnes, entreprise au sein de laquelle le dirigeant est tenu de consacrer l'essentiel de son temps à la gestion des relations avec la clientèle et à la production.
En l'espèce, Monsieur [Z] a été contraint de sacrifier une partie de son activité personnelle au sein de la société à la gestion des procédures pendant plus de onze ans, privant la société d'une part de son activité nécessaire.
L'expert a fait une juste évaluation du coût de cette privation, directement consécutive au sinistre, à hauteur de 33.756 euros.
5. intérêts du compte courant de Monsieur [Z] (81.676 €)
La société ABIO PLAST inclut dans le même poste les intérêts du compte courant de Monsieur [Z] et « les intérêts qu'auraient pu rapporter les salaires perçus et que Monsieur [Z] n'a pas touchés ».
Il est certain que les intérêts dus à Monsieur [Z] par la société au titre de ses apports en compte courant après le sinistre, jusqu'à la fin de l'année 2004, constituent une conséquence directe du sinistre dans une société qui, selon les conclusions de l'expert, assurait auparavant son financement sans recours à l'emprunt et sans apport de son dirigeant, intérêts dont Monsieur [Y] a évalué le montant à 37.235 euros.
Au delà de l'année 2004, à défaut de lien de causalité démontré entre le mode de fonctionnement et les résultats de la société ABIO PLAST avec le sinistre, la demande n'est pas fondée.
Quant aux intérêts supposés dus à Monsieur [Z] au titre de salaires non versés, leur réalité n'est pas démontrée et la demande n'est pas fondée.
'
Le montant total du préjudice indemnisable de la société ABIO PLAST au titre de son préjudice immatériels atteint 382.079 euros (24.744 € + 286.344 € + 33.756 € + 37.235 €).
L'indemnisation est due in solidum par l'ensemble des responsables ayant concouru à la réalisation des dommages et par leurs assureurs, conformément aux dispositions de l'arrêt de la cour du 4 décembre 2009 qui a définitivement statué sur les responsabilités.
sur la garantie de la société MMA
La société MMA demande la limitation de sa garantie à la somme de 1.314.190 euros pour le total du préjudice matériel et du préjudice immatériel, plafond qu'elle oppose à son assuré et au tiers victime, sa garantie étant due dans le cadre d'une assurance facultative.
Elle se prévaut également d'une franchise de 10% sans pouvoir excéder 3.980 euros.
Elle précise qu'elle a payé une somme de 1.555.959 euros à la société ABIO PLAST.
La cour d'appel a d'ores et déjà statué sur le plafond de garantie par son arrêt du 4 décembre 2009 en retenant un plafond de 2.256.292 euros pour les dommages matériels et immatériels.
Comme le soulève la société ESNAULT à juste titre, la MMA est irrecevable à contester le plafond de garantie en raison de l'autorité de chose jugée qui s'attache à l'arrêt du 4 décembre 2009 sur ce point.
sur la garantie de la société AXA FRANCE IARD au profit de la SA ESNAULT
Le tribunal a retenu un plafond de garantie de 336.424 euros par application de l'article 16 des conditions générales de la police souscrite par la société ESNAULT au titre de sa responsabilité civile.
La société AXA FRANCE IARD soutient que le plafond de garantie contractuel à prendre en considération est le plafond prévu par sinistre, limité à 168.212,25 euros pour les dommages immatériels, et que la franchise est de 841,06 euros par sinistre, franchise déjà réglée par son assurée.
Pour s'opposer à l'application du plafond de garantie contractuel, la société ESNAULT invoque des manquements de la société AXA FRANCE IARD à son obligation d'exécuter le contrat de bonne foi, en ce qu'elle a assuré la direction du procès sans l'informer des limitations de garantie dont elle entendait se prévaloir, ainsi que de son obligation de conseil en ce qu'elle ne l'a pas suffisamment informée en attirant son attention sur les risques encourus, les polices souscrites étant en inadéquation avec ces risques.
La SA ESNAULT, qui a souscrit son contrat d'assurance en parfaite connaissance de ses obligations éventuelles de constructeur en relation avec la nature des chantiers qu'elle entreprenait, n'est pas fondée à reprocher à son assureur une inadéquation de sa police d'assurance aux risques encourus, qui relève de son seul choix et de sa compétence, l'obligation de conseil de la compagnie d'assurance ne lui imposant pas d'inciter le souscripteur averti à envisager tel niveau de garantie, dont il est seul à connaître l'utilité.
En outre, aucune faute n'est démontrée dans la défense des intérêts de la SA ESNAULT par la société AXA FRANCE IARD dans la conduite du procès, l'application d'un plafond de garantie étant connu préalablement par l'assuré et n'ayant pas d'incidence sur le principe et le montant de l'indemnisation de la SARL ABIO PLAST.
La société AXA FRANCE IARD verse aux débats les conditions particulières du contrat « multigaranties entreprise de construction » qui la lie à la SA ESNAULT avec effet au 1er juillet 1999, contrat dont l'article 16, relatif à l'indemnisation des dommages immatériels consécutifs à la responsabilité de sous-traitant pour travaux en cas de dommages de nature décennale, prévoit un plafond de garantie de 2.206.800 francs (336.424,49 €) par sinistre et par an, et l'article 18 du contrat, relatif à la responsabilité civile pour préjudice causé à autrui, prévoit un plafond de garantie de 1.103.400 francs (168.212,25 €) par sinistre pour l'indemnisation des dommages immatériels.
Si la responsabilité de la SA ESNAULT est inévitablement engagée à l'égard de la SARL ABIO PLAST sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, en sa qualité de sous-traitant de la société GSA et à défaut de contrat la liant à la SARL ABIO PLAST, les désordres dont a été affecté le bâtiment à la suite des travaux étaient de nature décennale, en ce que, survenus après réception, ils ont rendu l'immeuble impropre à sa destination.
Par conséquent, le plafond de garantie applicable résulte de l'article 16 susvisé, soit la somme de 336.424, 49 euros ainsi que l'a retenu le tribunal.
sur la demande de dommages-intérêts de la société CS COMMUNICATION &SYSTEMES
La société CS COMMUNICATION &SYSTEMES demande la condamnation de la société ABIO PLAST à lui payer une somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts pour « appel abusif et vexatoire ».
L'appel de la société ABIO PLAST, qui est partiellement justifié, n'ayant aucun caractère abusif, la demande n'est pas fondée.
sur l'article 700 du Code de procédure civile
La société ABIO PLAST est en droit de se prévaloir de l'article 700 du Code de procédure civile à l'encontre de toutes les parties pour obtenir le remboursement des dépenses occasionnées par la procédure d'appel, à hauteur de 15.000 euros, étant précisé qu'elle a obtenu la somme de 30.000 euros à ce titre en première instance.
L'équité s'oppose à ce qu'une somme soit allouée sur ce fondement aux autres parties.
sur les recours entre coobligés
La cour d'appel, dans son arrêt du 4 décembre 2009 a évalué comme suit la part de chaque responsable dans la réalisation des dommages :
ESNAULT et AXA : 30%
MMA : 70%
Les recours entre les coobligés sont justifiés, selon cette répartition des responsabilités, de la manière suivante :
La société CS COMMUNICATION &SYSTEMES et son assureur GENERALI sont en droit d'obtenir de la SA ESNAULT et de la SA AXA FRANCE IARD, la garantie des condamnations prononcées à leur encontre au profit de la SARL ABIO PLAST, à hauteur de 30 % des sommes dues en principal, intérêts, article 700 du Code de procédure civile et dépens.
La société CS COMMUNICATION &SYSTEMES et son assureur GENERALI sont en droit d'obtenir de la MMA, la garantie des condamnations prononcées à leur encontre au profit de la SARL ABIO PLAST, à hauteur de 70% des sommes dues en principal, intérêts, article 700 du Code de procédure civile et dépens.
La SA ESNAULT et la SA AXA FRANCE IARD sont en droit d'obtenir de la MMA, la garantie des condamnations prononcées à leur encontre au profit de la SARL ABIO PLAST, à hauteur de 70% des sommes dues en principal, intérêts, article 700 du Code de procédure civile et dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour,
CONFIRME le jugement en ce qu'il a
-Déclaré la société CS COMMUNICATION et SYSTEMES, la société GSA et la société ESNAULT responsables des préjudices immatériels sur le fondement des articles 1147 et 1719 du Code civil en ce qui concerne la société CS COMMUNICATION et SYSTEMES et sur le fondement de l'article 1382 du code civil en ce qui concerne la société ESNAULT et la société GSA,
-Dit queles compagnies d'assurance doivent leur garantie à leurs assurés,
-Condamné in solidum la société CS COMMUNICATION et SYSTEMES, la société GENERALI, la société ESNAULT, la société AXA France et la société M.M.A, assureur de la société GSA à payer à la société ABIO PLAST la somme de 30.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
-Ordonné la capitalisation des intérêts,
L'INFIRME pour le surplus,
CONDAMNE in solidum la SA MMA IARD, la société CS COMMUNICATION &SYSTEMES, la SA GENERALI IARD, la SA ESNAULT et la SA AXA FRANCE IARD à payer à la SARL ABIO PLAST la somme de TROIS CENT QUATRE VINGT DEUX MILLE SOIXANTE DIX NEUF EUROS (382.079 €), dans la limite, en ce qui concerne la condamnation prononcée à l'encontre de la SA AXA FRANCE IARD, de son plafond de garantie de TROIS CENT TRENTE SIX MILLE QUATRE CENT VINGT QUATRE EUROS QUARANTE NEUF CENTIMES (336.424,49 €), avec intérêts au taux légal à compter du jugement du 9 novembre 2011 sur la somme de 296.140,15 euros et à compter du présent arrêt sur le surplus,
CONDAMNE in solidum la SA MMA IARD, la société CS COMMUNICATION &SYSTEMES, la SA GENERALI IARD, la SA ESNAULT et la SA AXA FRANCE IARD à payer à la SARL ABIO PLAST la somme de QUINZE MILLE EUROS (15.000 €) sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
CONDAMNE la SA MMA IARD à garantir la société CS COMMUNICATION &SYSTEMES et la SA GENERALI IARD des condamnations prononcées à leur encontre au profit de la SARL ABIO PLAST à hauteur de 70% des sommes dues en principal, intérêts, article 700 du Code de procédure civile et dépens.,
CONDAMNE la SA MMA IARD à garantir la SA ESNAULT et la SA AXA FRANCE IARD des condamnations prononcées à leur encontre au profit de la SARL ABIO PLAST à hauteur de 70% des sommes dues en principal, intérêts, article 700 du Code de procédure civile et dépens,
CONDAMNE la SA ESNAULT et la SA AXA FRANCE IARD à garantir la la société CS COMMUNICATION &SYSTEMES et la SA GENERALI IARD des condamnations prononcées à leur encontre au profit de la SARL ABIO PLAST à hauteur de 30% des sommes dues en principal, intérêts, article 700 du Code de procédure civile et dépens,
CONDAMNE in solidum la SA MMA IARD, la société CS COMMUNICATION &SYSTEMES, la SA GENERALI IARD, la SA ESNAULT et la SA AXA FRANCE IARD aux dépens des procédures de première instance et d'appel
LE GREFFIER LE PRESIDENT