Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 3
ARRET DU 28 MAI 2013
(n° 379 , 9 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 12/20217
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 17 Octobre 2012 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 12/24945
APPELANTE
Société PAS DE CALAIS HABITAT OFFICE PUBLIC d'HLM, pris en la personne de ses représentant légaux
[Adresse 1]
[Localité 2]
Rep : la SELARL HJYH Avocats à la cour (Me Nathalie HERSCOVICI) (avocats au barreau de PARIS, toque : L0056)
assistée de : Me Thierry MAREMBERT de la SCP KIEJMAN & MAREMBERT (avocat au barreau de PARIS, toque : P0200)
INTIMEE
Société DEUTSCHE BANK AG Société de droit allemand, agissant en la personne de ses représentants légaux
[R] [I] 70
[Localité 1] ALLEMAGNE
Rep/ : Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SCP LISSARRAGUE DUPUID BOCCON GIBOD (avocat au barreau de PARIS, toque : C2477)
assistée de : Me Stéphane BENOUVILLE de la SDE FRESHFIELDS BRUCKHAUS DERINGER LLP (avocat au barreau de PARIS, toque : J007)
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 23 Avril 2013, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Joëlle BOURQUARD, Présidente de chambre
Madame Martine TAILLANDIER-THOMAS, Conseillère
Madame Sylvie MAUNAND, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Mlle Véronique COUVET
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Joëlle BOURQUARD, président et par Mlle Véronique COUVET, greffier.
Dans une perspective de gestion active de son endettement et de réduction d'exposition au risque de hausse des taux d'intérêts, PAS DE CALAIS HABITAT, EPIC local, s'est rapproché de la DEUTSCHE BANK AG, société de droit allemand avec laquelle il a conclu plusieurs contrats de swap [d'échange] de taux d'intérêts à compter de 2006 (24 entre 2006 et 2009). A la suite de l'évolution défavorable de ces opérations, consécutive à la crise financière, PAS DE CALAIS HABITAT a, par courrier du 7 mai 2010, estimé devoir mettre en cause la responsabilité de la DEUTSCHE BANK ce que celle-ci a contesté ; des discussions sont intervenues entre les parties aboutissant le 15 juin 2010 à la signature d'un protocole d'accord visant à réaménager les transactions en figeant définitivement au titre des opérations en cours sur la base d'une valorisation mark to market de 170, 75 M€, à étaler le paiement de cette somme selon l'échéancier initial des contrats et à poursuivre ensemble de bonne foi les discussions en cours dans le but de trouver un accord amiable à leur différend et permettant de réduire significativement les taux fixes résultant du réaménagement des opérations. Ce protocole prévoit notamment que [Pas-de-Calais Habitat] qui réserve l'intégralité de ses droits au titre des transactions ' versera à [Deutsch Bank] toutes les sommes échues en vertu des transactions mais demeurées impayées au jour de [sa] signature dans un délai de trois jours ouvrés à compter de celle-ci et que toutes les autres caractéristiques contractuelles et financières des transactions demeurent inchangées, en ce compris la périodicité de paiement des coupons.
Après avoir dans un premier temps exécuté ce protocole, PAS DE CALAIS HABITAT ne s'est plus acquitté spontanément des échéances d'intérêts exigibles à compter de novembre 2010 et il a été condamné par arrêts confirmatifs de la présente cour d'appel des 14 février et 25 septembre 2012 en paiement de provisions à ce titre.
Par acte du 10 avril 2012, la société DEUTSCHE BANK AG a de nouveau assigné PAS DE CALAIS HABITAT en paiement d'une provision au titre de nouvelles échéances d'intérêts devenues exigibles devant le président du tribunal de commerce de Paris qui, par ordonnance de référé rendue le 17 octobre 2012 a fait droit à ses demandes et condamné PAS DE CALAIS HABITAT à lui payer par provision la somme de 20 958 225, 01 € au titre des échéances exigibles de février à septembre 2012, majorée des intérêts de retard au taux contractuel, à compter du 1er février 2012 à due concurrence de 5 391 555 euros, à compter du 19 mars 2012 à due concurrence de 520, 444, 17 €, à compter du 2 mai 2012 à due concurrence de 7 068 172, 22 €, à compter du 7 juin 2012 à due concurrence de 604 056, 66 €, à compter du 1er août 2012 à due concurrence de 6 676 126, 12 €, à compter du 1er septembre 2012 à due concurrence de 697 870, 84 €, ordonné le capitalisation des intérêts dans les conditions prévues à l'article 1154 du code civil, débouté PAS DE CALAIS HABITAT de sa demande de délais de paiement et l'a condamné à payer à la société DEUTSCHE BANK AG la somme de 20 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Appelant de cette décision, PAS DE CALAIS HABITAT aux termes de conclusions transmises le 11 février 2013, auxquelles il convient de se référer par application des dispositions des articles 455 et 753 du code de procédure civile pour un exposé plus amplement détaillé de son argumentaire dont l'essentiel sera repris à l'occasion de l'examen des moyens et prétentions qui y sont articulés, demande de l'infirmer étant dit que le paiement des échéances dues au titre des contrats de swaps litigieux se heurte à des contestations sérieuses et que l'article 873 alinéa 2 du code de procédure civile ne peut recevoir application en l'espèce et elle sollicite la condamnation de la société DEUTSCHE BANK aux entiers dépens ainsi qu'à lui verser une indemnité de 10 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La société DEUTSCHE BANK AG, par conclusions transmises le 26 mars 2013, auxquelles il convient de se référer par application des dispositions des articles 455 et 753 du code de procédure civile pour un exposé plus amplement détaillé de son argumentaire dont l'essentiel sera repris à l'occasion de l'examen des moyens et prétentions qui y sont articulés, demande de confirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions étant constaté qu'elle dispose à l'encontre de PAS DE CALAIS HABITAT d'une créance de 20 958 225, 01 euros en principal, que cette créance porte intérêts de retard au taux stipulé à l'article 9.1 de la convention-cadre relatives aux opérations de marché à terme signé entre les parties le 6 novembre 2006 courant comme suit :
Intérêts de retard courant à compter du A due concurrence de,
-1er février 20125 391 555 euros
- 19 mars 2012520 444, 17 euros
- 2 mai 20127 068 172, 22 euros
- 7 juin 2012604 056, 66 euros
- 1er août 20126 676 126, 12 euros
- 1er septembre 2012697, 870, 84 euros
Et elle demande de condamner l'appelant aux entiers dépens et à lui payer une indemnité de 40 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
SUR CE, LA COUR,
Considérant que l'appelant fait grief à l'ordonnance d'avoir fait droit à la demande de la banque fondée sur les dispositions de l'article 873 alinéa 2 du code de procédure civile alors que s'il existe, comme en l'espèce, un doute sur la validité de l'obligation dont l'exécution est revendiquée, une contestation sérieuse existe qui fait obstacle à l'octroi d'une provision et le juge des référé est tenu de se reconnaître « incompétent », qu'il estime qu'il ne peut être fait droit à la demande que si, ainsi que l'affirme unanimement la jurisprudence, l'obligation est au-dessus de tout soupçon ; qu'il soutient qu'en l'espèce, la validité de l'obligation dont se prévaut DEUTSCHE BANK n'est pas manifeste, qu'en effet, les griefs qu'il formule contre les contrats sont des plus sérieux dès lors qu'ils portent sur la nullité objective des contrats en raison du défaut de capacité de PAS DE CALAIS HABITAT et du défaut de pouvoir de son directeur général et sur leur nullité subjective du fait des man'uvres dolosives de la banque, et enfin en ce qu'ils visent l'inopposabilité des contrats en raison de la violation des dispositions de la loi du 4 août 1994, relative à l'emploi de la langue française ;
Qu'il soutient que le principe de spécialité interdit à un office public de l'habitat de conclure des opérations spéculatives telles que définies par le Conseil National de la Comptabilité en 1987 et estime qu'en l'espèce si les taux fixes dont DEUTSCHE BANK demande le paiement en application de l'accord de juin 2010 sont si élevés c'est qu'ils résultent de la transformation en taux fixes équivalents de taux variables ultra complexes, que les contrats de swap sont des produits purement spéculatifs, dont l'extrême dangerosité a été relevée par le rapport Ester, ne permettent en aucun cas de réduire le risque mais le décuplent de manière exponentielle sans retour en arrière possible ; qu'il fait valoir qu'en vertu du principe de spécialité, les personnes publiques, autres que l'Etat disposent d'une mission spécifique dont elles ne peuvent excéder les limites sans méconnaître leur compétence, qu'il s'ensuit qu'un établissement public ne peut accomplir que les actes juridiques correspondant à son objet statutaire, tout autre acte lui étant interdit, que s'agissant des offices publics de l'habitat, ils ont une mission de service public administratif, que leur objet, défini par les articles L 421-1 à L 421-4 du code de la construction et de l'habitat, porte sur l'aménagement foncier, la construction, la rénovation, l'acquisition et la gestion d'immeubles ou de logements ainsi que sur des services complémentaires à ces activités, que la spécialité de PAS DE CALAIS HABITAT lui interdisait de passer des contrats sur des produits aussi spéculatifs que ceux que lui a vendus DEUTSCHE BANK lesquels n'entrent pas dans le champ de sa compétence et ne constituent pas le complément ou le prolongement de sa mission de service public étant sans rapport avec son activité d'opérateur social et ne permettant pas d'assurer le bon fonctionnement du service public assumé par PAS DE CALAIS HABITAT ni de le faire fonctionner dans des conditions normales puisqu'ils menacent au contraire l'un des principes cardinaux du service public : le principe de continuité à valeur constitutionnel alors qu'aucun intérêt financier ne saurait justifier une gestion aussi risquée le mettant en péril ; qu'il ajoute que ces contrats ne se rattachent pas davantage à un intérêt public local, les produits souscrits ne satisfaisant aucun besoin des habitants du Pas de Calais ;
Qu'il estime que le signataire des contrats n'avait pas le pouvoir de conclure les contrats ce que la banque ne pouvait ignorer, que les quatre contrats litigieux ont été signés entre le 19 mars 2007 et le 18 janvier 2008 par M. [D], directeur financier de PAS DE CALAIS HABITAT alors que ce n'est que depuis un décret du 18 juin 2008 que le directeur général d'un office public de l'habitat peut par délégation du conseil d'administration, être chargé de souscrire des emprunts et des opérations de gestion, que c'est de manière irrégulière que son directeur général a délégué le 1er novembre 2006 sa signature au directeur financier ainsi que l'a, au demeurant, relevé la Chambre Régionale des Comptes dans son rapport de 2011, que la banque ne peut soutenir que ce vice aurait été purgé par la signature du protocole du 15 juin 2010, les contrats initiaux étant nuls et n'ayant pas pu être réaménagés et ne peut se prévaloir d'un mandat apparent alors qu'elle a omis de vérifier la loi applicable aux OPH ;
Qu'il se prévaut de ce que les fautes commises par la banque sont constitutives de dol, qu'en effet alors qu'elle était tenue, selon la jurisprudence constante, a une obligation d'information spécifique sur les risques particuliers des produits en question et se devait de respecter des règles de bonne conduite depuis l'entrée en vigueur le 1er novembre 2007 de la directive européenne du 21 avril 2004 dont les principes sont complétés par le Règlement de l'AMF, DEUTSCHE BANK n'a jamais évalué les compétences de PAS DE CALAIS HABITAT, lui a vendu des produits très toxiques alors qu'elle ne lui délivrait qu'une information et des avertissements formels, l'a trompé en présentant des signes inquiétants du marché comme des éléments favorables, ne lui a pas communiqué les frais et coûts liés aux contrats de swaps ;
Qu'il estime que les contrats de swaps lui sont en tout état de cause, par application de l'article 4 de la loi du 4 août 1994 sur la protection de la langue française, inopposables en ce qu'ils ne sont pas rédigés en français, contrairement à ce que prescrit l'article 5 de cette loi ;
Que DEUTSCHE BANK fait valoir qu'aux termes du protocole d'accord du 15 juin 2010, PAS DE CALAIS HABITAT est débiteur d'une obligation contractuelle à son égard étant tenue de payer les échéances d'intérêts trimestriels selon le calendrier annexé aux confirmations des Transactions et ce à hauteur de 20 958 225, 01 euros majorés des intérêts conformément à l'article 9.1 de la convention cadre, qu'elle rappelle que celui-ci a, par le passé, lui-même reconnu son obligation de paiement en payant les échéances d'intérêts exigibles les 1er août et septembre 2010 puis acquiescé à la demande de paiement en référé au titre des échéances des intérêts exigibles les 1er novembre et décembre 2010, que ce n'est qu'à l'occasion de la procédure d'appel qu'il s'est prévalu en septembre 2012 d'une contestation relative à la nullité du protocole d'accord et à la violation par le banque de son obligation de négocier de bonne foi ; qu'elle relève que l'appelant invoque pour la première fois dans ses conclusions d'appel de février 2013, deux nouveaux vices tirés du défaut de capacité de l'établissement public et du défaut de pouvoir de son directeur financier pour contracter les contrats de swap en 2007 et 2008 et s'étonne, alors qu'ils lui sont inhérents, du temps mis par l'appelant pour les déceler et les évoquer, six ans après la signature des contrats et qui a par ailleurs attendu le 31 mai 2012 pour initier une procédure au fond ; qu'elle estime que ce rappel chronologique et le comportement procédural de l'appelant dénotent du peu de sérieux et du caractère artificiel de ces contestations ;
Qu'elle estime que sa demande de provision, fondée sur l'article 873 alinéa 2 du code de procédure civile est fondée dès lors qu'il s'interfère du principe du maintien de la force obligatoire d'un contrat qu'aussi longtemps que celui-ci n'a pas été invalidé, le juge des référés est tenu d'écarter les contestations infondées et de faire application des stipulations claires et précises d'un contrat, étant ajouté que le seul fait qu'une action au fond tendant à invalider une contrat est impropre en soit à caractériser l'existence d'une contestation sérieuse ;
Que s'agissant des contestations élevées par l'appelant, elle relève que PAS DE CALAIS HABITAT ne forme aucune critique quant à la validité et le caractère obligatoire des obligations qu'il a souscrites dans le protocole d'accord se bornant à affirmer qu'il n'a pas purgé les vices affectant les contrats et elle souligne que l'engagement dont elle réclame l'exécution est le protocole du 15 juin 2010 ;
Que s'agissant du grief tiré du défaut de capacité pour un établissement public de conclure un contrat de swap, elle soutient qu'il n'existe aucune norme légale ou réglementaire contraignante interdisant à ce type d'établissements de mener une gestion active de leur dette et de conclure des contrats de swap pour diminuer leur charge financière et le cas échéant de recourir à des contrats spéculatifs, qu'elle se réfère au rapport établi par la Chambre Régionale des Comptes sur PAS DE CALAIS HABITAT qui mentionne le caractère légal de tels contrats et ne relève aucun manquement au titre du principe de spécialité, elle ajoute que par ailleurs le processus d'autorisation interne a été respecté pour chacun des contrats et elle souligne que l'appelant n'allègue pas qu'il n'aurait pas eu la capacité de conclure le protocole d'accord et que son directeur financier n'avait pas pouvoir de signer en son nom ;
Qu'en ce qui concerne le dol par réticence dont se prétend victime l'appelant, elle estime que l'analyse conduite par la Chambre Régionale des Comptes sur la gestion de PAS DE CALAIS HABITAT démontre que l'appelant est loin d'être l'investisseur profane qu'il prétend être aujourd'hui, s'étant selon cet organe de contrôle, engagé dès le début des années 2000 dans une gestion active de sa dette, la menant de manière méthodique et massive jusqu'à atteindre en 2009, un encours de 757, 2 M€ et 71, 19 % de sa dette, ayant acquis une compétence certaine à travers la conclusion et la renégociation de plusieurs dizaines de contrats de swap avec de multiples interlocuteurs financiers, se revendiquant être un investisseur professionnel auprès de ses interlocuteurs et ayant pris une part croissante de risque parfaitement connue et revendiquée dans le but de minorer ses charges financières à court terme en contrepartie d'un accroissement assumé des risques financiers encourus à long terme, qu'il ne peut donc prétendre avoir été victime de dol de la part de la banque ni à fortiori que ce prétendu dol présenterait un caractère d'évidence suffisant pour faire échec à l'exécution de ses obligations contractuelles ;
Qu'il fait valoir qu'à supposer que la loi Toubon soit applicable aux contrats de swap ce que l'appelant n'établit pas, elle ne serait pas de nature à en remettre en cause la validité mais seulement entraîner l'inopposabilité à la personne publique des dispositions préjudiciables des contrats, que sa prétendue méconnaissance ne saurait être à fortiori qualifiée de contestation sérieuse susceptible de remettre en cause pour absence de cause la validité du Protocole d'Accord et des Transactions et que par ailleurs et surtout, la contestation élevée sur ce point est dépourvue de sérieux dès lors que l'obligation de payer les intérêts a été souscrite dans le Protocole du 15 juin 2010, rédigé en français et que les échéances d'intérêts ont été émises conformément aux stipulations des transactions, également rédigées en français ;
Et considérant qu'aux termes de l'article 873 alinéa 2 du code de procédure civile, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, la juridiction des référés peut accorder une provision au créancier ; que le montant de la provision susceptible d'être ainsi allouée n'a d'autre limite que le montant non sérieusement contestable de la dette alléguée ;
Considérant en l'espèce que DEUTSCH BANK justifie, aux termes de l'article 1er du protocole du 15 juin 2010 et de ses annexes (pièces 3, 4, 5) librement consentis entre les parties et rédigés en langue française, que PAS DE CALAIS HABITAT est débiteur d'une obligation contractuelle à son égard à hauteur du montant des sommes qu'elle lui réclame à titre de provision, et ce étant relevé que les « Transactions », relatives à chacun des contrats de swap, annexées au protocole indiquent chacune qu'elles ont pour objet [la] « Confirmation d'une Opérations d'Echanges de Conditions d'Intérêts. [Et en surligné] la présente Confirmation se substitue et vient remplacer l'ensemble des Confirmations précédemment conclues entre les parties s'agissant de la présente Transaction » ;
Considérant que la circonstance selon laquelle l'appelant a intenté le 31 mai 2012 une action au fond en annulation et subsidiairement résolution des conventions signées entre les parties ne suffit pas en soi et à priori à caractériser le sérieux de la contestation qu'il élève dès lors que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et doivent recevoir application tant qu'elles n'ont pas été judiciairement annulées ;
Que s'agissant de la contestation soulevée par l'appelant sur le caractère spéculatif et hors de à sa fonction d'opérateur en logement social en tant qu'Etablissement Public Industriel et Commercial, il sera jugé qu'elle ne présente pas un degré de sérieux tel qu'elle puisse s'opposer à l'exécution de l'obligation que l'appelant a contractée ; qu'elle ne saurait pas d'évidence permettre de présumer de la nullité du protocole ; qu'en effet si la Chambre Régionale des comptes du Nord Pas de Calais relève dans son rapport du 11 juin 2011 (13/78) qu'«au regard des caractéristiques retenues par la Charte de bonne conduite adoptée en décembre 2009 entre les établissements bancaires et les collectivités territoriales, les contrats [de swap] souscrits par PCH sont classés parmi les plus risqués », elle indique qu'au nom de la liberté contractuelle de droit commun, les contrats de couverture du risque de taux d'intérêts sont légaux et qu'en application de l'article 8 de la loi du 11 juillet 1985 portant diverses dispositions d'ordre économique et financiers «tous les marchés à terme sur effets publics et autres, tous les marchés à livrer portant sur des valeurs mobilières, denrées ou marchandises ainsi que tous les marchés sur les taux d'intérêts sont reconnus légaux », qu'elle se réfère ensuite aux dispositions législatives encadrant cette liberté, à l'avis du Conseil National de la Comptabilité du 10 juillet 1987 et ajoute que si « les OPH ne sont pas effectivement soumis à l'application de ces différents textes, la nature des financements qui accompagnent le logement social, tant les ressources du livret A que les subventions de l'Etat devraient conduire au respect des règles de prudence. [que] le conseil d'administration de PCH pourrait s'inspirer de ces bonnes pratiques financières et gagnerait à s'imposer volontairement les modalités de gestion prudente recommandées par ces textes » ; que le cour relève de plus que le protocole du 15 juin 2010 a été signé par les parties alors que PAS DE CALAIS HABITAT était en possession du rapport d'analyse du portefeuille de swap établi à sa demande par le cabinet ESTHER datant d'avril 2010, relevant (page 5) l'inadéquation de ces contrats avec les objectifs de l'OPH, que dans la lettre qu'il a adressée le 7 mai 2010 à DEUTSCHE BANK, précédant les négociations ayant conduit à sa signature, l'appelant s'est notamment référé à son objectif de gestion de ses intérêts financiers et stigmatisé le défaut de caractère « d'instruments de couverture » de contrats de swap et leur opposition par rapport à l'objectif de recours aux marchés financiers à la « seule couverture Actif' Passif » fixé par son conseil d'administration ; qu'il savait que ces produits de nature spéculative étaient incompatibles avec les missions d'un organisme de logement social et la nature des financements auxquels il a accès, qu'il a de façon parfaitement éclairé choisi librement de signer le protocole d'accord du 15 juin 2010 ;
Considérant qu'en ce qui concerne la contestation élevée par l'appelant relative à son défaut de capacité de conclure les contrats de swap, elle sera également jugée comme dépourvue de caractère sérieux dès lors que l'appelant n'émet aucune critique quant à la capacité de son directeur général, M. [U] [K] pour signer le protocole du 15 juin 2010, acte dont M. [W] [D], son directeur financier est également signataire et dont DEUTSCHE BANK demande l'exécution des obligations qui en résultent, qu'il sera de plus relevé que les Transactions annexées aux protocole pour chacun des contrats de swap mentionnent clairement pour chacun des contrat que la Transaction, ainsi que précédemment relevé, se substitue et vient remplacer l'ensemble des Confirmations précédemment conclues entre les parties ; qu'au demeurant, la cour observe que la délégation de signature donnée par le directeur général de PAS DE CALAIS HABITAT au directeur financier (pièce 81) vise une décision du conseil d'administration de PCH du 28 septembre 2001 relative aux délégations de signature du directeur général, le répertoire des actes et documents pouvant être signé par délégation ou habilitation du directeur général mis à jour au 1er février 2002 et porte notamment sur les actes relatifs à la mobilisation des emprunts ;
Considérant que doivent être également écartées comme dépourvues de caractère suffisamment sérieux les contestations élevées par l'appelant relatives à l'attitude et dolosive de la banque à son égard ; qu'en effet, il sera rappelé que PAS DE CALAIS HABITAT a choisi, après avoir exposé dans une lettre du 7 mai 2010 certains griefs à l'encontre de la banque, alors qu'il était en possession de l'audit établi à sa demande par le cabinet ESTER, de renégocier les contrats de swap initiaux et de signer en toute connaissance de cause le protocole du 15 juin 2010, s'étant au demeurant, durant les négociations ayant abouti à la signature de cet acte, entouré de ses conseils financiers et fait assister de son avocat, qu'il a exécuté le protocole, que ce n'est qu'après avoir été condamné à deux reprises en paiement d'une provision, qu'il a initié le 31 mai 2012, soit près de deux ans plus tard, une instance au fond et ce alors même qu'il disposait de l'ensemble des éléments dont il fait encore aujourd'hui état devant la cour, et auxquels il joint à ce jour quelques coupures de presse rédigées en langue étrangère pour stigmatiser la démarche de la banque ;
Que la Chambre Régionale des Comptes du Nord Pas-de-Calais dans son rapport du 11 juin 2011 décrit précisément les processus engagés par cet organisme et relève, ainsi que la cour l'a déjà rappelé, qu'« afin de se protéger contre une hausse éventuelle des taux variables, PCH a réalisé dès le début de l'année 2000 des opérations de couverture de taux d'intérêts, au fur et à mesure des renégociations, les contrats souscrits ont perdu leur qualité d'instruments de couverture et sont devenus des produits spéculatifs, présentant des risques élevés en raison des montants notionnels échangés, des options vendues et des indices sous jacents retenus, certaines anticipations de marché s'étant avérées erronées, que jusqu'au milieu de l'année 2008, la prise de risques a été le fait d'un nombre limité de personnes qui ont agi dans un cadre juridique ambigu, le conseil d'administration n'ayant pas suffisamment précisé les conditions et les limites des délégations consenties au directeur général, cette imprécision ayant contribué à affranchir les décisions en la matière de tout encadrement effectif, [que] malgré les montants financiers en jeu, aucun dispositif de contrôle interne n'a été mis en place, [que] la qualité de « professionnel » avancée lors des négociations avec les établissements bancaires, a limité l'obligation d'information de ces derniers à l'égard de leur client ; qu'à coté de cette gestion risquée de la dette, PCH a engagé une gestion tout aussi risquée des ses placements, qu'en 2005, il détenait des placements non autorisés par le code de la construction et de l'habitation (SICAV) ' que si ces irrégularités ont quasiment cessé à compter de 2006, des contrats d'échange de taux d'intérêts ont alors été souscrits qui revêtent un caractère tout aussi critiquable en raison tant du décalage entre la valeur du produit dérivé et celle des actifs financiers sous-jacents, que du risque de perte de valeur en capital, [que] si cette stratégie a été payante durant les premiers exercices, la situation s'est retournée en 2009 et l'office a essuyé des pertes sur ces contrats pour un montant estimé à 1, 6 millions d'euros » ; que le rapport note également (12/78) [que] « alors que PCH aurait pu se contenter de souscrire des contrats transformant un taux variable en un taux fixe, la volonté de dégager un taux bonifié l'a incité à négocier indirectement des options sur les marchés financiers et à prendre de plus en plus de risques, [que] progressivement des étapes financières sont franchies, consistant à spéculer, sans aucune visibilité, d'abord sur le marché obligataire de la zone euro, ensuite extérieur à la zone euro et plus encore sur les marchés étrangers '[que] dans une dynamique mal contrôlée, PCH accepte des contrats de plus en plus risqués'.qu'enfin les derniers contrats souscrits sont caractérisés par une charge d'intérêts qui dépend des performances d'un indice créé par un établissement bancaire »,
Que la CRC ajoute (11/78) que « les griefs à l'encontre des banques invoqués par PCH ne sauraient l'exonérer de sa propre responsabilité, que de même le retournement des marchés financiers n'aurait pas eu un tel effet sur la gestion financière de PCH si celle-ci n'avait pas été caractérisée par la souscription d'options aussi risquées » ajoutant que « le conseil d'administration de PCH ' gagnerait à s'imposer volontairement des modalités de gestion prudente recommandées par ces textes (charte de bonne conduite, textes relatifs aux collectivités et établissements publics précisant les règles de prudence à suivre) ;
Que cet organe de contrôle préconise à PAS DE CALAIS HABITAT (42/78) 1. En matière de gestion active de la dette et des placements [de] définir une stratégie de sortie des positions actuellement détenues en privilégiant la prudence et la transparence et 2. [de] mettre en place un véritable contrôle interne de la gestion de la dette identifiant les responsabilités des acteurs successifs et permettant une bonne information des instances délibérantes ;
Que ce document exclut d'évidence que PAS DE CALAIS HABITAT, qui a résolument opté durant de très nombreuses années pour une gestion active mais de plus en plus risquée de sa dette en parfaite connaissance de cause et en se présentant comme professionnel, ait été victime des man'uvres et fautes qu'il impute à ce jour à la banque ;
Considérant que l'appelant ne peut davantage, pour s'opposer à l'exécution de son obligation, se prévaloir de l'inopposabilité des contrats de swap en ce que leur rédaction violerait les articles 4 et 5 de la loi du 4 août 1994 sur la protection de la langue française, qu'en effet cette contestation n'est pas sérieuse dès lors que l'obligation de payer les intérêts a été souscrite dans le Protocole du 15 juin 2010, rédigé en français et que les échéances d'intérêts ont été émises conformément aux stipulations des transactions, également rédigées en français ;
Considérant que l'appelant ne conteste pas que l'article 9.1 de la convention ' cadre FBF relative aux opérations de marché à terme soit applicable en ce qui concerne les intérêts des sommes dues ;
Considérant en conséquence que l'ordonnance entreprise doit être confirmée en toutes ses dispositions ;
Considérant que l'équité commande d'allouer à l'intimée une indemnité complémentaire en cause d'appel au titre de l'article 700 du code de procédure civile d'un montant tel qu'indiqué au dispositif de l'arrêt ; que l'appelant doit supporter les entiers dépens ;
PAR CES MOTIFS
Confirme en toutes ses dispositions l'ordonnance entreprise,
Condamne PAS DE CALAIS HABITAT, EPIC local, à payer à la société DEUTSCHE BANK AG une indemnité complémentaire en cause d'appel de 30 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette toute autre prétention des parties,
Condamne PAS DE CALAIS HABITAT, EPIC local, aux entiers dépens qui seront recouvrés comme il est prescrit à l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIERLE PRESIDENT