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30/05/2013 | FRANCE | N°10/23673

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 5, 30 mai 2013, 10/23673


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 5



ARRET DU 30 MAI 2013



(n° , 12 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 10/23673



Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 novembre 2010 - Tribunal de Commerce de CRETEIL - 1ère CHAMBRE - RG n° 2009F00145





APPELANT



Monsieur [J] [E]

Demeurant [Adresse 1]

[Adresse 1]



Représenté par Me

Véronique KIEFFER JOLY (avocat au barreau de PARIS, toque : L0028)



Assisté de Me Emmanuele BLANC pour la FIDAL (avocat au barreau de VERSAILLES toque : T 290)





INTIMÉE



Société COVIDIEN SAS...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 5

ARRET DU 30 MAI 2013

(n° , 12 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/23673

Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 novembre 2010 - Tribunal de Commerce de CRETEIL - 1ère CHAMBRE - RG n° 2009F00145

APPELANT

Monsieur [J] [E]

Demeurant [Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me Véronique KIEFFER JOLY (avocat au barreau de PARIS, toque : L0028)

Assisté de Me Emmanuele BLANC pour la FIDAL (avocat au barreau de VERSAILLES toque : T 290)

INTIMÉE

Société COVIDIEN SAS FRANCE prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Ayant son siège social

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Olivier BERNABE (avocat au barreau de PARIS, toque : B0753)

Assistée de Me Mario GONZALEZ pour la SCP POIRIER ET SCHRIMPF & ASSOCIES (avocat au barreau de PARIS, toque: R 228)

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 mars 2013, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Colette PERRIN, Présidente, chargée d'instruire l'affaire et Madame Valérie MICHEL-AMSELLEM, Conseillère

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Colette PERRIN, Présidente

Madame Valérie MICHEL-AMSELLEM, Conseillère

Madame Patricia POMONTI, Conseillère

Greffier, lors des débats : Madame Elisabeth VERBEKE

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Colette PERRIN, Présidente et par Mademoiselle Emmanuelle DAMAREY, Greffier des services judiciaires auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

****

FAITS ET PROCEDURE

La société Sofradim qui fabrique et commercialise, par différentes voies de distribution, des produits implantables chirurgicaux, en particulier des prothèses et des implants intra corporels, notamment la gamme des produits implantables « Parietex » a conclu le 21 décembre 1994 un contrat de représentation commerciale avec M. [E];

Le 3 novembre 2005, le groupe Tyco a acquis la majorité des droits de la société Floreane Medical Implants, société détenant 100% du capital de la société Sofradim.

Par protocole d'accord du 6 mars 2006, la société Sofradim a transféré à la société Covidien France, anciennement dénommée Tyco Healthcare France (ci-après THF), le « droit au bénéfice.... de tous les contrats conclus à ce jour » dont celui de M.[E].

Le 23 mai 2006, la société THF a notifié à M. [E] la résiliation du contrat à l'issue d'un préavis de trois mois, tout en lui proposant de devenir salarié de la société THF ce que celui-ci a refusé.

Par courrier recommandé en date du 26 juillet 2006, la société THF est revenue sur sa décision de rompre le contrat de M. [E] et de lui proposer un contrat de travail salarié.

Le 27 septembre 2007, la société THF a notifié à M. [E] la rupture de son contrat pour fautes graves.

Par courrier recommandé du 23 octobre 2007, M. [E] a demandé à la société THF des propositions d'indemnisation conformément à la loi pour rupture du contrat.

Par acte du 2 février 2009, M. [E] a assigné la société Covidien devant le Tribunal de commerce de Créteil afin de constater que la rupture du contrat d'agent commercial a été notifiée par la société THF pour des motifs purement internes, non justifiée par une quelconque faute grave et la voir condamnée au paiement de différentes indemnités.

Par jugement en date du 9 novembre 2010, assorti de l'exécution provisoire, le Tribunal de commerce de Créteil a :

- condamné la société Covidien France à payer à M. [E] la somme de 220.000,00 euros au titre de l'indemnité compensatrice avec intérêts au taux légal à compter du 2 février 2009,

- débouté M. [E] de sa demande de condamnation de la société Covidien France à lui payer 26% de l'indemnité compensatrice au titre d'une indemnité de réemploi,

- condamné la société Covidien France à payer la somme de 15.500 euros au titre d'une indemnité contractuelle à M. [E],

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile et a débouté les parties de leurs demandes formées de ce chef.

Vu l'appel interjeté le 7 décembre 2010 par M. [E] contre cette décision.

Vu les dernières conclusions signifiées le 11 février 2013, par M. [E] qui demande à la Cour de :

- constater que la rupture du contrat d'agent commercial a été notifiée par la société Tyco désormais dénommée Covidien pour des motifs purement internes, non justifiée par une quelconque faute grave,

En conséquence,

- condamner la société Covidien au paiement de la somme de 660.000 euros au titre de l'indemnité de rupture compensatrice,

- condamner la société Covidien au paiement de la somme de 150.000 euros au titre des dommages et intérêts complémentaires,

- condamner la société Covidien au paiement de la somme de 15.500 euros au titre de l'indemnité contractuelle de l'avenant du 3 septembre 2003, restée impayée,

- condamner la société Covidien au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- fixer au 27 décembre 2007 la date d'application des intérêts de retard à calculer sur la totalité des sommes ci-dessus,

- dire et juger qu'en application de l'article 1154 du code civil les intérêts échus depuis plus d'un an produiront eux-mêmes intérêts au taux légal.

Monsieur [E] soutient que le tribunal a justement constaté qu'aucun des motifs allégués par la société intimée pour justifier la rupture sans indemnisation, pour une prétendue faute grave, n'est fondé. En effet, il retient qu'il n'a jamais pris d'engagement envers les chirurgiens, sans accord préalable du mandant dont il n'avait comme mission que de relayer auprès de ce dernier, en fonction du nombre d'invitations disponibles que celui-ci lui communiquait, les demandes d'invitation des praticiens à ces congrès.

Il ajoute que les pièces communiquées montrent ainsi que le 27 février 2007, soit bien avant la « révocation de l'usage » qui lui a été notifiée le 19 mars pour le 18 juin 2007, la société intimée lui refusait déjà et pour la première fois en 13 ans, quatre demandes sur cinq, de prise en charge de déplacements de clients à des congrès, ce qui bien évidemment était de nature à lui créer des difficultés qui se sont aggravées en ce que celui-ci s'est progressivement vu refuser toutes les demandes d'invitation des clients dont il s'occupait et ceci sans aucun motif.

Il ajoute que la société intimée n'évoque aucun prétendu manquement qui serait survenu après le 19 juin 2007 et qu'au-delà, elle ne lui reproche que des faits qui sont faux comme par exemple le fait que M. [E] aurait systématiquement demandé à cette dernière de prendre en charge sa propre participation, voire des faux congrès.

Sur le prétendu dénigrement de la part de M. [E], celui-ci retient qu'il est totalement transparent et que ce sont les clients qui se sont adressés directement à la société intimée afin de les interroger sur le refus de prise en charge de leurs demandes d'invitation. Pour lui, c'est donc la société intimée qui a entamé une campagne de dénigrement en totale violation de ses obligations au titre du mandat d'intérêt commun qu'est le contrat d'agence et qui a adopté une attitude contraire à l'exigence d'exécuter le contrat de bonne foi, conformément à l'article 1134 du code civil et L 134-4 du code de commerce.

Ensuite quant aux reproches relatifs à la non participation à des réunions commerciales, M. [E] soutient que la société intimée n'apporte aucun élément précis ni factuel, permettant de donner le moindre caractère probant à ces affirmations.

Sur la prétendue action en concurrence déloyale de M. [E], celui-ci retient qu'il n'est pas un agent exclusif de la société Sofradim/ Tyco.

Au-delà, il ajoute que la rupture des contrats d'agence commerciale a été collective en ce que la société Tyco s'est séparée, en même temps de tous les partenaires commerciaux qu'elle payait à la commission.

Il retient en dernier lieu, que son droit à indemnité compensatrice est incontestablement acquis, du fait de la notification de la rupture par la société intimée en date du 27 septembre 2007 et pour des motifs exclusivement internes à la société et en l'absence de toute faute grave de ce dernier. Pour lui, il n'y a donc pas lieu de limiter son préjudice à la perte de revenu résultant de l'application de la clause de non concurrence post contractuelle.

Vu les dernières conclusions signifiées le 13 février 2013, par la société Covidien qui demande à la Cour de :

- dire irrecevable comme présentée pour la première fois en cause d'appel la demande de condamnation « au paiement de la somme de 150.000 euros au titre de dommages et intérêts complémentaires »,

A titre principal,

- constater que l'article 4 du « contrat de représentation commerciale » en date du 21 décembre 1994 exclut toute possibilité de négociation pour M. [E],

- dire et juger que M. [E] ne peut se prévaloir de la qualité d'agent commercial à l'égard de la société Covidien,

- en conséquence, infirmer le jugement en ce qu'il a alloué à M. [E] la somme de 220.000,00 euros à titre d' « indemnité compensatrice »,

- dire irrecevable et à défaut mal fondé M. [E] en toutes ses demandes, fins et conclusions à l'égard de la société Covidien et l'en débouter,

A titre subsidiaire,

- infirmer le jugement en toutes ses dispositions et dire irrecevable M. [E] en toutes ses demandes, fins et conclusions à l'égard de la société Covidien et l'en débouter,

A titre très subsidiaire,

- débouter M. [E] en son appel,

En tout état de cause,

- condamner M. [E] à payer à la société Covidien la somme de 7.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Covidien retient à titre liminaire que même si le contrat ainsi que certains écrits font référence à la dénomination « d'agent commercial », il s'agit d'un « contrat de représentation commerciale ».

Elle ajoute ensuite que les dispositions de l'article L 134-13 du code de commerce, qui établissent le droit à une indemnité compensatrice en cas de rupture d'un contrat d'agent commercial, ne s'appliquent pas lorsque le contrat prend fin en raison d'une faute grave de l'une des parties ou de la survenance d'un cas de force majeure.

Ainsi, elle retient que la faute grave de M. [E] est caractérisée en l'espèce en ce qu'il n'a pas assisté aux réunions organisées par la société THF d'autant plus importantes compte tenu du transfert d'activité de la société Sofradim au profit de la société THF, qu'il n'a pas respecté la politique de prise en charge des frais de déplacement des clients à des congrès et qu'il n'a pas suivi les besoins de la clientèle.

Au-delà, il considère que M. [E] a mené une véritable campagne de dénigrement auprès des clients de la société THF, ce qu'il a même reconnu expressément dans son courrier en date du 10 avril 2007 comme étant de son « devoir ».

Sur la violation de la clause d'exclusivité par M. [E], elle considère que ce n'est non sans mauvaise foi et sans égard au contrat qu'il a signé, que celui-ci prétend qu'il n'aurait jamais été tenu à une quelconque exclusivité à l'égard de la société THF alors que la clause d'exclusivité, claire et non équivoque, ne vise pas seulement les produits contractuels mais tous les produits commercialisés par le mandant, ce qu'il ne pouvait ignorer.

De plus, sur les conditions de la résiliation et l'absence de démonstration par M. [E] du préjudice qu'il allègue, la société intimée soutient qu'il y a prescription de l'action fondée sur l'avenant à effet du 1er juillet 2002 depuis le 30 juin 2003 voire depuis le 2 septembre 2004.

Elle considère que le préavis dont a bénéficié M. [E] révèle la bonne foi de la société THF qui, malgré les agissements gravement fautif de son agent, a néanmoins appliqué rigoureusement l'article 11 du contrat prévoyant un délai de préavis de trois mois.

Enfin, sur les préjudices prétendument subis par M. [E], elle retient que celui-ci ne rapporte pas la preuve d'un quelconque préjudice.

La Cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions initiales des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur la qualification de la relation commerciale liant les parties :

Considérant que la société Covidien soutient que, même si le contrat ainsi que certains écrits font référence à la dénomination « d'agent commercial », il s'agit d'un «contrat de représentation commerciale», dans la mesure où M.[E] n'avait aucun pouvoir de négociation, notamment sur le prix ;

Considérant que M.[E] fonde ses demandes sur sa qualité d'agent commercial ;

Considérant que la cour n'est pas tenue par la qualification donnée par les parties à leur relation ;

Considérant que l'article L134-1 du code de commerce définit l'agent commercial comme « un mandataire qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier et éventuellement de conclure des contrats de vente, d'achat, de location ou de prestations de services, au nom et pour le compte de producteurs, d'industriels, de commerçants ou d'autres agents commerciaux.

Ne relèvent pas des dispositions du présent chapitre les agents dont la mission de représentation s'exerce dans le cadre d'activités économiques qui font l'objet, en ce qui concerne cette mission, de dispositions législatives particulières » ;

Que l'article 4 du contrat stipule que « les prix et conditions de vente sont fixés par un tarif officiel Sofradim. Il est entendu que l'agent commercial ne pourra, sauf à perdre sa commission, accorder une remise » ;

Considérant que l'article L134-1 prévoit que l'agent commercial doit être un mandataire exerçant à titre indépendant qui est chargé de négocier voire de conclure des contrats sans pour autant limiter cette capacité de négocier au seul élément de prix ;

Considérant que l'annexe B du contrat a fixé un objectif de vente pour l'année 1985 de 3.800.000 francs soit 579 306,27€ étant précisé que « pour les années suivantes, il sera fixé avant le 15 décembre de l'année en cours ; dans le cas contraire, il sera porté automatiquement à +30% de l'objectif de l'année précédente. La réalisation de l'objectif ainsi défini constitue une obligation de résultat à la charge de l'agent qui l'accepte expressément » ;

Que l'article 5 stipule qu'au cas «  où les ventes , mesurées trimestriellement en unités cumulées, n'atteindraient pas 75% de l'objectif fixé à l'annexe B du contrat, Sofradim pourra résilier sans préavis ni indemnité le contrat de l'agent commercial » ;

Que par ailleurs, il résulte des pièces produites qu'avait été instaurée une pratique consistant à offrir des prestations aux praticiens clients selon les propositions faites par les agents commerciaux, de sorte que ces cadeaux représentaient une valeur financière indiscutable et constituaient un outil de négociation à la disposition de l'agent commercial ; que la société Sofradim adressait chaque année à sa « force de vente », donc à ses agents commerciaux, le tableau des congrés internationaux et les programmes ; que par une note interne du 20/01/2004, la société Sofradim a écrit « nous allons mettre en place sur l'année 2004 une fiche navette pour enregistrer les demandes de prise en charge de vos clients »; qu'il était même ajouté « avant d'envoyer vos fiches assurez vous de n'avoir oublié personne ...certains clients importants (voir liste VIP) n'apprécieraient guère » ce qui démontrait l'impact de cette prise en charge ; que sur les consignes 2001, il était précisé sur les congrès à l'étranger « Le coût d'un congrès étant élevé, les inscriptions sont réservées aux meilleurs clients, un seul congrès est accordé sur l'année à un client donné » ;

Considérant que M.[E] a produit un relevé manuscrit, pièce 37, des invitations dont ont bénéficié les clients médecins à son initiative ; que la société Covidien fait valoir que cette pièce doit être écartée des débats au titre du principe que nul ne peut s'établir de preuve à lui-même ; que cette pièce ne constitue pas une preuve en elle-même mais sert à étayer les affirmations de M.[E] sur les prises en charge financières des invitations et permettait à la société Covidien d'y répondre ; qu'elle n'a pas lieu d'être écartée ; que la société Covidien ne conteste pas les renseignements qu'elle contient, faisant observer qu'elle permet seulement de constater que les critères de prise en charge ont pu varier en fonction notamment des appréciations de l'administration, ce qui n'est au demeurant pas contesté ;

Considérant qu'au titre de l'année 2005, M.[E] fait état de 58 invitations dont 6 à [Localité 7], 4 à [Localité 6], une à [Localité 1], une à [Localité 2] ; qu'il justifie des séjours de clients en 2005 à [Localité 5] d'une durée de 4 jours pour un coût de 2508€, d'un autre en 2004 à [Localité 3] de 5 nuits pour un coût de 2682€ ; que ces invitations que M.[E] proposait à son mandant constituait un support marketing mis à sa disposition destiné à favoriser ses relations avec les clients et les ventes des produits du mandant et caractérise un élément de la négociation ;

Qu'en conséquence, M.[E], qui exerçait son activité à titre indépendant, avait ainsi la capacité de négocier au regard même des avantages dont pouvaient bénéficier les clients et de conclure des opérations pour le compte de son mandant ; que c'est donc à juste titre que les premiers juges ont retenu sa qualité d'agent commercial.

Sur la rupture des relations commerciales :

Considérant que la société Covidien fait valoir que les dispositions de l'article L 134-13 du code de commerce, qui établissent le droit à une indemnité compensatrice en cas de rupture d'un contrat d'agent commercial, ne s'appliquent pas lorsque le contrat prend fin en raison d'une faute grave de l'une des parties ou de la survenance d'un cas de force majeure ;

Qu'elle soutient que la faute grave de M. [E] est caractérisée en l'espèce en ce qu'il n'a pas assisté aux réunions organisées par la société THF d'autant plus importantes compte tenu du transfert d'activité de la société Sofradim au profit de la société THF, qu'il n'a pas respecté la politique de prise en charge des frais de déplacement des clients à des congrès, qu'il n'a pas suivi les besoins de la clientèle et qu'il a violé la clause d'exclusivité liant les parties.

Sur la participation aux réunions :

Considérant que la société Covidien fait état de deux réunions en date des 6 février et 27 février 2007 auxquelles n'aurait pas participé M.[E].

Considérant que M.[E] fait valoir qu'au cours de l'année 2006, il a participé à pas moins de 7 journées de réunions et qu'il se rendait à celles-ci dès lors qu'il en était informé suffisamment à l'avance, le contrat prévoyant un délai de prévenance de 3 semaines et dès lors qu'elles avaient trait à son activité et que de plus, les réunions devaient être espacées d'au moins 8 semaines, dispositions permettant à l'agent commercial de s'organiser ;

Qu'ainsi, M.[E] justifie de son assiduité aux réunions ayant précédé celles en cause ; qu'en revanche, la société Covidien ne démontre pas avoir avisé son agent en temps utile, ni avoir observé un délai suffisant dans la programmation successive des deux réunions qu'elle a espacées de seulement 3 semaines, démontrant un défaut évident de prise en considération des obligations de son agent commercial dont elle n'ignorait pas qu'il était multi cartes ; qu'enfin, il résulte des pièces que la réunion du 27 février évoquée par un courriel du16 février 2007 et qualifiée par le mandant « d'entretien » avait pour objet de discuter du futur de la collaboration de M.[E] ;

Que M.[E] fait observer qu'il n'a pas été convié à la réunion Europe en janvier 2007 alors que tous les commerciaux sauf lui avaient été invités ;

Qu'en conséquence, la société Covidien ne démontre pas à travers l'absence de M.[E] aux deux réunions programmées par elle un manque de professionnalisme de son agent.

Sur la prise en charge des frais de déplacement des clients à des congrès :

Considérant que la société Covidien fait valoir qu'il avait été rappelé à plusieurs reprises à M.[E] que la prise en charge des clients à des congrès, à fortiori à l'étranger, au regard des dispositions du code de la santé publique et du coût de ces déplacements, nécessitait l'accord préalable de la direction des ventes de la division Sofradim de la société THF ;

Considérant que M.[E] soutient qu'il n'a jamais pris d'engagement envers les chirurgiens et qu'il a toujours transmis les souhaits de ceux-ci à la direction commerciale de son mandant en vue d'être validés par cette dernière sous réserve de l'accord formel du conseil de l'ordre des médecins ;

Considérant qu'il justifie clairement de la note de la société Sofradim du 20 janvier 2004, examinée dans le cadre de la qualification du contrat liant les parties, que l'agent commercial servait de relais et qu'en raison du chiffre d'affaires qu'il développait, il était fondé à transmettre 5 demandes par année selon les instructions mêmes de son mandant ; que cette note démontre qu'il s'agissait d'un usage établi par la société Sofradim

Considérant que la société Covidien ne peut prétendre que M.[E] aurait failli à son obligation de lui soumettre les demandes des médecins dans la mesure où elle a opposé, le 27 février 2007, un refus à 4 demandes sur 5 alors que pendant 13 ans d'activité M.[E] avait toujours vu ses propositions acceptées ; que c'était d'ailleurs la société Sofradim qui adressait l'invitation et non M.[E], celle-ci précisant qu'elle ne pourrait être valide qu'après avis favorable de l'ordre des médecins ;

Considérant que si M.[E] a transmis, en 2007, une demande de deux praticiens pour participer à un congrès à Boston, qui a d'ailleurs été refusée et si la société Covidien observe qu'il n'était programmé aucun congrès dans cette ville, elle ne conteste pas que le congrès de l'année précédente s'est seulement déplacé en Floride ; que M.[E] relate que les médecins ont cru que le congrès qui s'était déjà déroulé dans la ville de Boston, y avait à nouveau lieu et ne saurait être responsable de cette erreur ; que la société Sofradim était parfaitement en mesure de vérifier l'existence des prestations qu'elle offrait à ses clients et leur lieu ;

Considérant ainsi que si, en 2005, 58 clients de M.[E] ont bénéficié d'invitations, il n'y a plus que 15 en 2006 alors que la société Tyco a repris Sofradim en mars 2006 et aucune en 2007, alors même qu'après le refus de M.[E] d'accepter un statut de salarié, la société Tyco était revenue sur sa proposition et avait accepté par courrier du 26 juillet 2006 de poursuivre la relation commerciale à l'identique de ce qu'elle était avec la société Sofradim ;

Considérant que la société Covidien ne démontre aucune faute qui aurait été commise par M.[E] à l'occasion de la politique d'invitations des clients médecins, celui-ci ayant transmis seulement des propositions à son mandant sans prendre d'engagements.

Sur le dénigrement :

Considérant que la société Covidien soutient que M.[E] a commis des actes de dénigrement ; qu'elle caractérise ceux-ci par les courriers adressés par M.[E] aux médecins pour les informer d'un changement de politique de la société concernant la prise en charge des frais de congrès ;

Considérant que M.[E] conteste avoir adressé des courriers à l'ensemble des clients mais seulement avoir renseigné certains médecins qui avaient été surpris du refus de prise en charge qui leur était opposé dont les docteurs [X] et [Q], faisant valoir qu'il était en relation professionnelles avec M.[Q] depuis 12 ans et que celui-ci avait vu ses demandes précédentes acceptées et que, pour M.[X], client depuis 10 ans, il s'agissait d'un congrès au titre de sa formation permanente ;

Considérant que, de plus M.[E] avait été informé le 19 mars 2007 par son mandant de ce que celui-ci résiliait l'usage consistant en la prise en charge des déplacements des clients avec effet le 18 juin tout en refusant dès le 23 février, 6 des 7 demandes déjà adressées ;

Considérant, en conséquence, que M.[E] était fondé à renseigner ces deux clients du refus de prise en charge de leurs demandes ; que, de plus, en transmettant leurs courriers à son mandant, il a loyalement informé celui-ci de leur réaction ; qu'il ne saurait lui être reproché d'avoir lui-même déploré ce changement de politique dès lors qu'il n'était pas sans conséquence pour lui ;

Considérant en conséquence qu'il n'est pas démontré que M.[E] ait commis des actes de dénigrement à l'encontre de son mandant ;

Sur le défaut de suivi de la clientèle :

Considérant que la société Covidien soutient que M.[E] n'a pas respecté ses obligations contractuelles en ce qui concerne le suivi de la clientèle ; qu'elle fait état du courrier en date du 14 août 2007 du docteur [Y] du service de chirurgie digestive au centre hospitalier de [Localité 4] qui se plaint de « l'absence de toutes visites, mises au point concernant le matériel plaque éventration Parietex »;

Considérant que l'article 1 du contrat stipule «  L'agent commercial s'engage à visiter régulièrement la clientèle et à lui fournir toutes les indications nécessaires quant à l'utilisation des produits des contrats » ;

Considérant que M.[E] produit un courrier de ce même médecin en date du 23 février 2008 qui indique avoir écrit le premier courrier alors qu'il était venu au centre hospitalier à deux reprises mais avoir ignoré la seconde visite car étant lui-même en vacances ;

Qu'en conséquence, la cour ne saurait déduire du premier courrier, contredit par le second, la preuve d'un manquement de M.[E] à ses obligations vis à vis de la clientèle, la société Covidien ne rapportant la preuve d'aucune autre réclamation qui aurait été faite au cours de 12 ans de relations entre les parties.

Sur la violation de la clause d'exclusivité :

Considérant que la société Covidien soutient que M.[E] a violé la clause d'exclusivité contractuelle ;

Considérant que l'article 7 du contrat conclu en 1994 avec la société Sofradim et repris par la société Tyco stipule qu'il est interdit à M.[E] « toute activité et notamment toute aide à caractère de promotion et de prospection ou d'aide à la conclusion d'affaires au bénéfice de sociétés distribuant des produits concurrents de ceux commercialisés par la société Sofradim ou ses fournisseurs » ;

Qu'aucun avenant n'a été conclu afin de modifier ces dispositions, alors même que la société Sofradim avait fait l'objet d'une reprise par la société Tyco de sorte que la gamme des produits s'était nécessairement élargie ;

Considérant que M.[E] qui était multi cartes distribuait notamment des ciseaux à usage unique Endo Shears et des aiguilles Surgineedle, produits concurrents de ceux de la société Tyco ; que la clause d'exclusivité visant uniquement les produits de la société Sofradim, c'est à juste titre que les premiers juges ont dit qu'il n'avait pas enfreint la lettre du contrat.

Considérant que la société Covidien a successivement proposé à son agent un statut de salarié puis à la suite de son refus lui a proposé la poursuite de son contrat d'agent commercial démontrant qu'elle entendait le conserver à son service ce qui conforte l'inanité de ses griefs à son encontre ;

Considérant en conséquence qu'il résulte de l'ensemble des éléments de la cause que M.[E], en sa qualité d'agent commercial, n'a commis aucun manquement à ses obligations contractuelles et qu'il y a lieu de l'indemniser du fait de la rupture de son mandat à l'initiative de son mandant.

Sur la réparation :

Sur la prescription au titre de l'avenant en date du 3 septembre 2003 à effet du 1er juillet 2002

Considérant que la société Covidien soutient que la demande de M.[E] est prescrite faute d'être intervenue dans le délai d'un an, l'avenant ayant pris effet le 1er juillet 2002, toute demande d'indemnisation se trouvant prescrite depuis le 2 juillet 2003 et, à défaut, depuis le 2 septembre 2004 ;

Considérant que l'article L134-12 du code de commerce dispose que « l'agent commercial perd le droit à réparation s'il n'a pas notifié, dans un délai d'un an à compter de la cessation du contrat , qu'il entend faire valoir ses droits ».

Considérant que, par avenant du 3 septembre 2003 les parties ont convenu d'une réduction de la gamme de produits que M.[E] avait le droit de promouvoir moyennant le versement en contrepartie de la somme de 15 500€ ; qu'il ne s'agit pas d'une réparation du fait de la cessation de la relation d'agent commercial mais d'une contrepartie fixée par les parties à raison d'une modification de leur relation ; qu'elle ne relève dès lors pas du régime spécial de la prescription de l'article L134-12 ;

Qu'il n'est pas contesté que cette somme qui avait été acceptée par les parties n'a pas été réglée à M.[E] ; que c'est donc à juste titre que les premiers juges ont condamné la société Covidien à la lui régler.

Sur l'indemnité compensatrice :

Considérant que M.[E] fait grief à la décision entreprise de lui avoir alloué la somme de 220 000€ en réparation de son préjudice résultant de l'application de la clause de non concurrence qui l'empêchait d'exercer pendant une année.

Considérant que l'article L134-12 du code de commerce dispose que « En cas de cessation de ses relations avec son mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi ».

Considérant que cette indemnité a pour objet de réparer le préjudice causé par la perte du revenu résultant pour l'agent de la clientèle qu'il a apportée à son mandant du fait de la cessation du contrat ; que cette perte résulte donc de la rupture du contrat ; que le préjudice découlant de la clause de non concurrence est un préjudice découlant de la restriction apportée à la liberté d'installation de l'agent ; que pour autant, l'article L134-4 du code de commerce dispose que «  Le contrat peut contenir une clause de non concurrence après la cessation du contrat » de sorte que cette restriction ayant été convenue par les parties, son exécution ne saurait entrainer un préjudice distinct de celui réparé par l'indemnité compensatrice sauf à en tenir compte dans l'appréciation de son montant ;

Considérant que M.[E] justifie, par la production des factures, avoir perçu, au cours des trois années précédant la rupture de son contrat d'agence commerciale, de son mandant, un montant annuel moyen de commissions 232 693€ ;

Considérant que M.[E] justifie de courriers de félicitations de la société Sofradim et du prix du meilleur chiffre d'affaires pour l'année 2004-2005 ; que les relations contractuelles duraient depuis 13 ans lors de la rupture et qu'à l'origine, il n'existait aucun portefeuille de clientèle préexistant ; qu'il ajoute qu'en plus de distribuer les produits de la société, il est à l'origine de la coopération entre celle-ci et le docteur [R] qui a permis la mise sur le marché d'un nouveau produit ; qu'il résulte de ces éléments qu'il a mis tous ses efforts au cours des années de coopération à assurer le développement de la société Sofradim et qu'il a donc à l'évidence contribué à sa valorisation ;

Considérant en revanche que la société Tyco s'est comportée de façon déloyale à l'égard de son mandataire en lui laissant ignorer ses véritables intentions dans la mesure où elle lui a écrit le 26 juillet 2008 « nous ne vous demandons plus d'intégrer notre société en qualité de salarié et souhaitons poursuivre avec vous la relation professionnelle à l'identique »;

Considérant que si M.[E] était un agent commercial multi cartes , il n'en demeure pas moins qu'il a subi un préjudice résultant de la perte des commissions liées au développement de la clientèle de la société Sofradim ; qu'en revanche, il ne saurait arguer de ce qu'il est actuellement sans ressources, son préjudice ne pouvant être apprécié qu'au regard de ses seules commissions dont il a bénéficié au titre de la clientèle développée avec les sociétés Sofradim puis Tyco ;

Considérant, qu'au regard de l'ensemble de ces circonstances, il y a lieu de lui allouer une indemnité compensatrice égale à deux années de commissions soit la somme de 465 386€;

Sur l'article 700 du code de procédure civile

Considérant que M.[E] a dû engager des frais non compris dans les dépens qu'il serait inéquitable de laisser en totalité à sa charge, qu'il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 700 dans la mesure qui sera précisée au dispositif.

PAR CES MOTIFS

Et, adoptant ceux non contraires des Premiers Juges,

LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

REFORME le jugement déféré,

CONDAMNE la société Covidien à payer M.[E] la somme de 465 386€ au titre de l'indemnité compensatrice avec intérêts au taux légal à compter du 2 février 2009

CONDAMNE la société Covidien à payer M.[E] la somme de 15 500€ au titre de l'indemnité contractuelle prévue à l'avenant du 3 septembre 2003 avec intérêts au taux légal à compter du 2 février 2009

ORDONNE la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil

REJETTE toute autre demande plus ample ou complémentaire

CONDAMNE la société Covidien à payer à M.[E] la somme de 5 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile

CONDAMNE la société Covidien aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le GreffierLa Présidente

E.DAMAREYC.PERRIN


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 10/23673
Date de la décision : 30/05/2013

Références :

Cour d'appel de Paris I5, arrêt n°10/23673 : Autres décisions constatant le dessaisissement en mettant fin à l'instance et à l'action


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-05-30;10.23673 ?
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