RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 11
ARRÊT DU 30 Mai 2013
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/07490
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 20 Juin 2011 par Conseil de Prud'hommes de PARIS - RG n° 10/03347
APPELANT
Monsieur [E] [D]
[Adresse 2]
comparant en personne, assisté de Me Philippe SAUTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : E0052
INTIMEE
Association DES PARALYSES DE FRANCE
[Adresse 1]
représentée par Me Philippe GAUTIER, avocat au barreau de LYON, toque : 741
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 29 Mars 2013, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Isabelle DOUILLET, Conseillère, chargée d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Jean-Michel DEPOMMIER, Président
Madame Evelyne GIL, Conseillère
Madame Isabelle DOUILLET, Conseillère
Qui en ont délibéré
Greffier : Melle Flora CAIA, lors des débats
ARRET :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Jean-Michel DEPOMMIER, Président et par Mademoiselle Flora CAIA, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Vu l'appel régulièrement interjeté par M. [E] [D] à l'encontre d'un jugement prononcé le 20 juin 2011 par le conseil de prud'hommes de Paris ayant statué sur le litige qui l'oppose à l'ASSOCIATION DES PARALYSES DE FRANCE, ci-après l'APF, sur ses demandes relatives à l'exécution et à la rupture de son contrat de travail.
Vu le jugement déféré qui
- a débouté M. [E] [D] de toutes ses demandes,
- a débouté l'APF de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,
- a mis les dépens à la charge de M. [D].
Vu les conclusions visées par le greffier et développées oralement à l'audience aux termes desquelles :
M. [E] [D], appelant, poursuivant l'infirmation du jugement déféré, demande à la cour
- de condamner l'APF à lui payer les sommes suivantes, outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 24 novembre 2009, capitalisés :
- sur l'exécution du contrat de travail : 105 592,75 € à titre de rattrapage salarial, outre les congés payés de 1/10ème afférents,
- sur la rupture :
- à titre principal : 408 630,65 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul,
- à titre subsidiaire :
- 48 393,90 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés de 1/10ème afférents,
- 96 787,80 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,
- 48 393,90 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- de condamner en outre l'APF à lui payer 5 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
L'ASSOCIATION DES PARALYSES DE FRANCE, intimée, conclut
- à titre principal à la confirmation du jugement et au débouté de M. [D] de l'ensemble de ses demandes,
- subsidiairement, à la réduction des sommes demandées, non fondées dans leur quantum,
- à la condamnation de M. [D] à lui payer la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
CELA ÉTANT EXPOSÉ
Par contrat écrit à durée indéterminée en date du 2 janvier 1991, à effet du même jour, M. [D] a été engagé par l'APF en qualité d'adjoint à la direction des délégations, statut cadre.
Par avenant en date du 1er avril 1999, M. [D] a été promu directeur régional de la région Ile de France, son poste étant basé au siège de l'association à [Localité 1].
L'APF est une association nationale dirigée par un conseil d'administration élu par ses adhérents. Elle est à la fois un mouvement revendicatif (activité militante qui s'exprime au sein de délégations départementales) et une association de gestion de services et d'établissements médico-sociaux.
M. [D] s'est porté candidat aux élections prud'homales de décembre 2008.
Le 7 avril 2009, était signée une rupture conventionnelle du contrat de travail fixant au 31 mai 2009 la date de la rupture du contrat de travail.
Le 14 mai 2009, l'inspection du travail accordait l'autorisation de procéder à la rupture conventionnelle du contrat de travail de M. [D].
Par lettre du 24 novembre 2009, M. [D] contestait son solde de tout compte et réclamait un rappel de salaire sur les cinq dernières années sur le fondement des dispositions de la convention collective du 31 octobre 1951 rénovée.
Le 9 mars 2010, M. [D] saisissait le conseil de prud'hommes qui a rendu le jugement déféré.
SUR CE
Sur le rappel de salaire
M. [D] soutient que la convention collective nationale des établissements d'hospitalisation, de soins, de cure et de garde à but non lucratif du 31 octobre 1951, dite convention FEHAP, lui est applicable dans sa totalité ; que cette convention n'a pas fait l'objet d'un arrêté d'extension mais est opposable à l'APF en tant que celle-ci est adhérente et membre du conseil d'administration de l'organisme représentant les employeurs qui l'a signée (la fédération FEHAP) ; qu'à partir d'avril 1999, ses bulletins de salaire font référence à la convention collective ; que par avenant du 25 mars 2002, applicable au 1er juillet 2003, la convention a été modifiée, une part de rémunération variable ayant pour assiette de calcul le compte de charge des établissements dépendant de l'APF dont il avait la responsabilité étant instaurée ; que cet avenant ne lui a toutefois jamais été appliqué ; qu'il en résulte une créance salariale ; que l'inégalité de traitement que l'APF voudrait imposer à certains cadres du siège est contraire à la convention collective et à l'article L. 2254-1 du code du travail qui y est visé ; que l'avenant du 25 mars 2002 s'applique à la catégorie professionnelle des directeurs régionaux même si cette catégorie n'y est pas expressément mentionnée ; qu'il convient d'interpréter l'avenant en considérant le critère de rémunération voulu par les partenaires sociaux, à savoir une rémunération proportionnelle aux responsabilités, objectivement calculée par rapport au compte de charge des établissements ; que toute autre solution serait constitutive d'une inégalité de traitement.
L'APF objecte qu'au personnel du siège est appliqué, non pas la convention collective du 31 octobre 1951 non étendue, mais un statut interne spécifique, intitulé 'Mémento des conditions d'emploi', lequel est visé dans le contrat de travail de M. [D] et dans l'avenant audit signé le 1er avril 1999 ; que l'association est constituée d'établissements autonomes ; que seuls les établissements médico-sociaux adhérent individuellement et obligatoirement à la FEHAP ; que l'établissement siège n'a pas adhéré à la FEHAP ; qu'il ne relève donc pas de la convention collective ; qu'en conséquence, les dispositions conventionnelles ne présentaient aucun caractère obligatoire et leur application partielle résultait de la seule décision unilatérale de l'Association ; qu'à compter du 1er avril 1999, elle a fait une application partielle et volontaire des dispositions de la convention collective relatives à la rémunération du personnel du siège, ce qui n'impliquait nullement qu'elle applique les avenants ultérieurs ; qu'elle n'avait donc aucune obligation d'appliquer les dispositions relatives à la convention collective rénovée par l'avenant du 25 mars 2002 ; que, subsidiairement, l'article A1.3.1 de l'avenant du 25 mars 2002 sur lequel M. [D] fonde sa demande de rappel de salaire n'est pas applicable au poste de directeur régional occupé par M. [D] ; que M. [D], qui s'est vu appliquer les mêmes dispositions que l'ensemble des autres salariés placés dans sa situation, ne peut invoquer une inégalité de traitement.
Le contrat de travail et l'avenant à ce contrat signés par M. [D] font tous deux référence au Mémento des conditions d'emploi des salariés des délégations départementales et du siège national.
Il est constant que les dispositions de la convention collective des établissements d'hospitalisation, de soins, de cure et de garde à but non lucratif du 31 octobre 1951 ne sont pas étendues et que l'AFP n'a pas signé la convention collective et n'y a pas adhéré.
M. [D] soutient, mais sans l'établir, que l'APF est adhérente à la FEHAP (Fédération des Etablissements Hospitaliers & d'Aide à la Personne), elle-même signataire de la convention collective, de sorte que cette convention collective serait applicable à l'APF : le fait que le directeur général de l'APF et l'un de ses administrateurs soient membres du conseil d'administration de la FEHAP ne suffit pas à établir l'adhésion alléguée et l'employeur verse l'attestation de Mme [B], directrice adjointe des ressources humaines, qui indique que le siège de l'APF n'est pas adhérent à la FEHAP et qu'en conséquence, il ne lui paie pas de cotisation. Dans ces conditions, l'APF doit être suivie quand elle affirme que la convention collective du 31 octobre 1951 ne revêtait pas un caractère obligatoire et que son application partielle résultait de sa seule décision unilatérale.
Il est constant qu'à compter d'avril 1999, l'APF a décidé, de façon unilatérale, d'appliquer volontairement, au personnel du siège, par dérogation aux règles prévues par le Mémento des conditions d'emploi, les modalités de calcul de la rémunération des directeurs des structures médico-sociales appliquant la convention collective du 31 octobre 1951. D'autres dispositions de la convention collective de 1951ont également été appliquées au personnel du siège en vertu d'accords d'entreprise (accord du 18 juin 2004 relatif aux jours fériés, accord du 2 février 2006 relatif aux conditions de travail des femmes enceintes). La mention 'CCN 31 octobre 1951 partielle' figurant sur les bulletins de paie de M. [D] à compter d'avril 1999 traduit l'application partielle de la convention collective ainsi décidée par l'employeur.
La décision de l'employeur d'appliquer volontairement aux personnels du siège certaines dispositions de la convention collective n'emportait pas pour lui engagement de faire application à ces personnels des éventuels avenants ultérieurs à la convention collective, tel l'avenant du 25 mars 2002, entré en vigueur au 1er juillet 2003, qui a rénové de façon substantielle le système de rémunération prévu par la convention collective de 1951 en instituant une part variable de rémunération. M. [D] ne peut donc prétendre se voir appliquer l'avenant du 25 mars 2002.
M. [D], qui ne prétend pas avoir été, sur le plan salarial, traité différemment des autres personnels placés dans sa situation, argue vainement d'une rupture du principe d'égalité.
Dans ces conditions, la demande de rappel de salaire de M. [D], fondée sur les dispositions de l'avenant du 25 mars 2002, ne peut prospérer. Le jugement de première instance sera confirmé de ce chef.
Sur la rupture
M. [D] soutient qu'il n'a jamais accepté le refus de l'employeur de lui accorder le bénéfice de la convention collective ; que le 29 mars 2009, il a adressé une lettre de démission motivée faisant état des manquements de l'employeur à ses obligations contractuelles ; que cette démission était donc équivoque ; qu'en outre, il a dénoncé par lettre du 24 novembre 2009, à réception du solde de tout compte, la discrimination ou en tout cas l'inégalité de traitement dont il a été victime ; que sa démission doit donc être requalifiée en prise d'acte de rupture ; que celle-ci était motivée par une inégalité de traitement, il appartient à l'employeur de prouver qu'elle n'a pas pour cause une discrimination pouvant provenir du mandat électif au conseil de prud'hommes ; qu'à défaut de justification de l'inégalité de traitement imposée, la rupture constitue un licenciement nul ; que le fait qu'une rupture conventionnelle ait été négociée et autorisée par l'inspection du travail est indifférent ; qu'en tout état de cause, la rupture constitue un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
L'APF répond que la demande de M. [D] de rupture conventionnelle du contrat de travail excluait toute volonté de démissionner ou de licenciement et que la rupture conventionnelle a été autorisée par l'inspection du travail qui a constaté la liberté de consentement des parties à rompre le contrat de travail.
La lettre en date du 29 mars 2009 adressée par M. [D] à M. [G], directeur général, indique : 'A ce jour, je me vois dans l'obligation de t'informer qu'il ne m'est plus possible de remplir correctement ma mission de Directeur Régional et ce, conformément à ma fiche de poste. Depuis 10 ans que j'exerce cette fonction de Directeur Régional des établissements et des délégations en IDF, je ne cesse de dire et d'écrire que les moyens octroyés par l'organisation sont bien en deça des besoins exprimés par les directeurs et les équipes et bien en deça des enjeux stratégiques de l'APF pour cette région Capitale dans laquelle réside 1/5ème de la population (...).
Depuis septembre 2009, j'assume seul l'animation, l'accompagnement et le soutien de toute la région IDF (...)
Les directions régionales sont partout des entités stratégiques mais vidées de tout moyen opérationnel (...)
Je ne partage pas cette option. Je pense sincèrement que le désengagement de l'APF des directions régionales est une erreur stratégique majeure (...)
Le rejet de ma candidature au poste de Directeur territorial pour des raisons totalement inexpliquées et sans aucun écrit de votre part, ce souci de retirer les moyens à l'ensemble des DR, me font dire qu'il devient urgent de trouver ensemble une solution.
Je refuse d'être un frein au changement et je suis trop loyal pour accepter d'être dans une situation paradoxale ingérable avec le terrain.
Je souhaite que très rapidement nous puissions nous engager vers une rupture conventionnelle.'
Il ressort de ce courrier que M. [D] a formé une demande très explicite de rupture conventionnelle et que cette demande trouvait son origine dans l'insuffisance, selon M. [D], des moyens attribués aux directions régionales, et en particulier à celle de l'Ile de France, son désaccord avec les options stratégiques de la direction et le rejet de sa candidature au poste de directeur territorial, à l'exclusion d'une quelconque divergence quant aux conditions de sa rémunération.
Il n'est pas contesté que la mise en place de la rupture conventionnelle est intervenue dans les conditions prévues aux articles L.1237-11 et suivants du code du travail, destinées à garantir la liberté du consentement des parties. De plus, compte tenu du statut de M. [D] de candidat aux élections prud'homales, la rupture conventionnelle a été autorisée par l'inspection du travail, laquelle, après enquête, a constaté la liberté de consentement des parties à rompre le contrat de travail et l'absence de lien entre la procédure et la situation du salarié. Aucun recours n'a été formé contre la décision d'autorisation de l'administration.
M. [D] n'établit pas l'existence de faits pouvant laisser présumer l'existence d'une discrimination à son encontre en raison de sa candidature aux élections prud'homales, étant souligné qu'il a renoncé en cause d'appel à la demande d'indemnisation fondée sur une discrimination qu'il avait présentée en première instance. Il a été relevé par ailleurs qu'il arguait en vain d'une rupture du principe d'égalité sur le plan salarial, ne justifiant pas, ni même ne prétendant, avoir été traité différemment des autres personnels placés dans une situation identique à la sienne. La seule circonstance que le 24 novembre 2009, soit huit mois après la rédaction de la demande de rupture conventionnelle, il ait contesté son solde de tout compte daté du 28 mai 2009 en sollicitant l'application de la convention collective, au demeurant sans dénoncer, contrairement à ce qu'il affirme, une quelconque discrimination ou inégalité de traitement, ne permet pas de requalifier sa demande de rupture conventionnelle en une démission devant s'analyser en une prise d'acte de rupture produisant les effets d'un licenciement entaché de nullité en raison du statut du salarié ou simplement dénué de cause réelle et sérieuse.
Les demandes contraires de M. [D] relatives à la rupture de son contrat de travail seront par conséquent rejetées et le jugement de première instance sera confirmé sur ce point également.
Sur les dépens et les frais non compris dans les dépens
Succombant en son recours, M. [D] sera condamné aux dépens d'appel et gardera à sa charge les frais non compris dans les dépens qu'il a exposés à l'occasion de la présente instance, les dispositions prises sur les dépens et les frais irrépétibles de première instance étant confirmées.
Il y a lieu, en équité, de laisser à l'APF la charge de ses frais non compris dans les dépens.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne M. [D] aux dépens d'appel,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'ASSOCIATION DES PARALYSES DE FRANCE.
Le Greffier,Le Président,