RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 8
ARRÊT DU 30 Mai 2013
(n° , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/08856 - MEO
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 07 Juin 2011 par Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS section commerce RG n° 10/05950
APPELANT
Monsieur [B] [Q]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
comparant en personne, assisté de Me Stéphane GOLDENSTEIN, avocat au barreau de PARIS, toque : C0303
INTIMEE
SARL M2I
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Me Pierre ROBIN, avocat au barreau de PARIS, toque : C0622
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 Avril 2013, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marthe-Elisabeth OPPELT-RÉVENEAU, Conseillère, chargée d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Catherine METADIEU, Présidente
Mme Marie-Elisabeth OPPELT-RÉVENEAU, Conseillère
Mme Marie-Antoinette COLAS, Conseillère
Greffier : Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, lors des débats
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
- signé par Mme Catherine METADIEU, présidente et par Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE :
M. [B] [Q] a été engagé selon un contrat à durée indéterminée le 17 janvier 2005, par la Sarl M2I, en qualité de directeur commercial, moyennant une rémunération mensuelle brute s'élevant en dernier lieu à 1 577 €.
La Sarl M2I a pour activité essentielle l'import d'articles de prêt-à-porter masculin.
Convoqué le 28 février 2008 à un entretien préalable, M. [Q] a été licencié pour motif économique par lettre du 13 mars 2008.
L'entreprise compte moins de 10 salariés.
La relation de travail est régie par les dispositions de la convention collective du commerce de gros.
Contestant son licenciement, M. [Q] a saisi le conseil des Prud'Hommes de Paris d'une demande tendant à obtenir la nullité de son licenciement et sa réintégration subséquente, et le paiement d'un rappel de salaire sur la base d'une classification supérieure qu'il a revendiquée, outre une indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile. A titre reconventionnel, la Sarl M2I a réclamé le paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive et une indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par décision en date du 7 juin 2011, le conseil des Prud'Hommes a débouté M. [Q] de toutes ses demandes, ainsi que la Sarl M2I . Il a, en outre, condamné M. [Q] aux dépens.
M.[Q] a fait appel de cette décision dont il sollicite l'infirmation. Il demande à la cour de juger son licenciement nul, d'ordonner sa réintégration sous astreinte et en conséquence de condamner la Sarl M2I à lui payer les sommes suivantes :
- 24 300 € à titre de rappel de salaire pour la période de mai 2005 à Mai 2006
- 19 584 € à titre de rappel de salaire pour la période de juin 2006 à janvier 2007
- 88 128 € à titre de rappel de salaire pour la période de janvier 2007 à décembre 2009
- 88 128 € à titre de rappel de salaire pour la période de janvier 2010 à Mars 2011
- 99 984 € à titre de rappel de salaire pour la période d'avril 2011 à avril 2013.
Subsidiairement, il demande la somme de 94 620 € à titre de rappel de salaire depuis mars 2008, et très subsidiairement, il conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a selon lui dit que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, et de condamner la Sarl M2I à lui payer la somme de :
- 49 992 € et subsidiairement 18 924 €.
Il réclame, enfin, le paiement de la somme de 4 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Contestant l'existence du contrat de travail allégué, ce dont il déduit l'incompétence du conseil des Prud'Hommes, la Sarl M2I demande à ce que l'affaire soit renvoyée devant le tribunal de grande instance de Paris.
A titre subsidiaire, elle conclut à la confirmation du jugement déféré. En tout état de cause elle fait valoir l'impossibilité de réintégrer M. [Q] et sollicite son débouté. A titre reconventionnel, elle demande sa condamnation à lui payer la somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, ainsi que la somme de 5 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier le 23 avril 2013, reprises et complétées à l'audience.
MOTIVATION
Sur la compétence :
La Sarl M2I, contestant la réalité du contrat de travail en cause, en déduit l'incompétence du conseil des Prud'Hommes pour connaître de la présente affaire.
Il résulte de l'application de l'article L 1411-4 du code du travail que le conseil des Prud'Hommes est compétent pour statuer sur l'existence d' un contrat de travail.
En outre, en l'espèce, un contrat de travail a été établi. Son existence est contestée par l' intimée.
Le conseil des Prud'Hommes est donc compétent pour connaître du présent litige qui oppose les parties sur l'existence même d'un contrat de travail les liant.
Il s'ensuit que la présente juridiction qui statue en appel d'un jugement tranchant une telle question est, en conséquence, compétente.
L'exception d'incompétence soulevée par la Sarl M2I est rejetée.
Sur l'existence du contrat de travail :
En application de l'article L 1221-1 et suivants du code du travail, il y a contrat de travail quand une personne s'engage à travailler pour le compte et sous la direction d'une autre, moyennant rémunération. Le lien de subordination se caractérise par le pouvoir, pour l'employeur, de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.
Il revient au juge de qualifier exactement les relations liant les parties.
En présence d'un contrat de travail écrit, ou d'un contrat de travail apparent il revient à celui qui en conteste l'existence ou invoque son caractère fictif d'en administrer la preuve.
En l'absence d'un contrat de travail écrit ou apparent, il revient à celui qui se prévaut de l'existence d'un contrat de travail d'en rapporter la preuve.
En l'espèce, en présence du contrat de travail de M.[Q] ,et des bulletins de salaire afférents, la preuve de son caractère fictif incombe à la Sarl M2I.
A l'appui de ses allégations, elle fait valoir l'absence de tout lien de subordination, à l'égard de M. [Q] qui est associé à 50% de la société et dans le cadre du fonctionnement de laquelle il bénéficie d'une grande autonomie : délivrance à son nom d'une 'business card American Express' sur le compte de la société, délégation de pouvoir en sa faveur à l'égard de la banque Tarneaud, avec une carte bancaire sur ce compte. La Sarl M2I en conclut que M. [Q] est co-gérant de fait de la société et fait valoir le caractère également fictif du licenciement.
Nonobstant sa qualité d'associé au sein de la Sarl M2I , les faits invoqués, sont insuffisants à remettre en cause le statut de salarié de M.[Q] : il apparaît, en effet, d'une part que l'ensemble des avantages consentis à celui-ci peuvent s'inscrire dans le cadre de ses fonctions de directeur commercial, d'autre part, par son licenciement, dont aucun élément ne démontre qu'il est fictif, la Sarl M2I, qui a ainsi exercé son pouvoir disciplinaire, a reconnu l'existence du contrat de travail litigieux.
Il résulte de tout ce qui précède que la Sarl M2I n'établit pas le caractère fictif du contrat de travail de M.[Q].
Sur les rappels de salaire :
M. [Q] qui revendique une classification à l'échelon 4 du niveau 6 sans juger bon de décrire les fonctions étant les siennes exercées dans une très petite société comportant deux personnes, dont le gérant, n'apporte aucun élément de nature à faire droit à sa demande.
Il convient donc de le débouter de sa demande de rappel de salaire formulée à ce titre.
Sur le licenciement :
Compte-tenu des éléments produits aux débats qui établissent la réalité de l'accident de travail subi par M.[Q] , la Sarl M2I , qui a d'ailleurs procédé elle-même à la déclaration de cet accident, ne peut valablement en contester la réalité.
Il est constant par ailleurs que M.[Q] a été licencié alors qu'en l'absence de visite de reprise, son contrat de travail était toujours suspendu.
L'article L 1226-9 du code du travail prévoit qu''au cours des périodes de suspension du contrat de travail, l'employeur ne peut rompre ce dernier que s'il justifie soit d'une faute grave de l'intéressé, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l'accident ou à la maladie'. En application de l'article L 1226-13, 'toute rupture du contrat de travail prononcée en méconnaissance des dispositions des articles L1226-9 et L1226-18 est nulle.'
En l'occurrence, le motif économique constitue un motif étranger à l'accident du travail pouvant rendre impossible le maintien du contrat de travail.
La nullité du licenciement qui est allguée, ne peut donc qu'être rejetée.
Par courrier en date du 13 mars 2008, la Sarl M2I a licencié pour motif économique M.[Q] pour : 'restructuration et réorganisation de l'entreprise entraînant la suppression de votre poste'.
La cour ne peut que relever que la Sarl M2I ne produit pas les données économiques ayant imposé la restruturation et la réorganisation de l'entreprise.
Il s'ensuit que le licenciement de M.[Q] est sans cause réelle et sérieuse.
A défaut de réintégration possible, compte-tenu de la suppression du poste de M.[Q] et de l'absence d'autres postes disponibles au sein de la Sarl M2I , cette situation donne droit à M.[Q] à percevoir une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Relevant que M.[Q] ne produit au soutien de sa demande d'indemnisation, aucun élément sur le préjudice subi, la cour, compte-tenu notamment de l'ancienneté de M.[Q] , évalue, dans ces conditions, le préjudice subi à la somme de 1 000 €, en application de l'article L1235-5 du code du travail.
Il apparaît, enfin, que compte-tenu de son licenciement intervenu le 13 mars 2008, qui a entraîné la fin de son contrat de travail, M.[Q] ne peut prétendre au paiement de salaire au-delà de cette date, et que s'agissant des salaires perçus pendant la période de travail ou de suspension de son contrat de travail, aucun élément produit aux débats n'établit qu'il n'aurait pas été rempli de ses droits.
Il ne peut donc qu'être débouté de sa demande de rappel de salaire.
Compte-tenu de ce qui précède, la Sarl M2I ne peut qu'être déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.
Le jugement déféré est donc confirmé en toutes ses dispositions sauf en ce qui concerne le licenciement.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf en ce qui concerne le licenciement.
L'infirme sur ce chef. Statuant à nouveau :
Dit que le licenciement de M.[B] [Q] est sans cause réelle et sérieuse
Condamne la Sarl M2I à payer à M.[Q] la somme de 1 000 €, en application de l'article L1235-5 du code du travail, outre intérêts au taux légal à compter de la présente décision.
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile
Condamne la Sarl M2I aux dépens.
LE GREFFIER, LA PRESIDENTE,