Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 9
ARRET DU 06 JUIN 2013
(n° , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 12/02869
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 24 Janvier 2012 - Tribunal de Commerce de PARIS -
APPELANTE :
SA INTERFIMO
ayant son siège social [Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 1]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
représentée par : Me Nadia BOUZIDI-FABRE (avocat au barreau de PARIS, toque : B0515)
assistée de : Me Elie AZEROUAL (avocat au barreau de PARIS, toque : R010)
INTIME :
Monsieur [N] [E]
demeurant [Adresse 1]
[Localité 2]
représenté par : la SCP BOLLING - DURAND - LALLEMENT (Me Frédéric LALLEMENT) (avocats au barreau de PARIS, toque : P0480)
assisté de : Me Jean-Marie JOB de la SELARL JTTB AVOCATS (avocat au barreau de PARIS, toque : P0254)
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 Mai 2013, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur François FRANCHI, Président, et Monsieur Gérard PICQUE, Conseiller, chargés d'instruire l'affaire.
Un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur François FRANCHI dans les conditions prévues par l'article 785 du Code de procédure civile,
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur François FRANCHI, Président
Monsieur Gérard PICQUE, Conseiller
Monsieur Joël BOYER, Conseiller appelé d'une autre chambre afin de compléter la Cour en application de l'article R.312-3 du Code de l'Organisation Judiciaire
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Monsieur Bruno REITZER,
MINISTERE PUBLIC : L'affaire a été communiquée au Ministère Public représenté lors des débats par Monsieur Fabien BONAN, Substitut Général, qui a été entendu en ses observations.
ARRÊT :
- contradictoire,
- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
- signé par Monsieur François FRANCHI, Président et par Monsieur Bruno REITZER, Greffier présent lors du prononcé.
Selon acte sous seing privé du 28 mars 2001 enregistré, le CREDIT LYONNAIS a consenti à la SNC PHARMACIE FITOUSSI, représentée par Monsieur [N] [E], Associé Gérant, un prêt d'un montant de 3.687.887 FF (562.214,75 euros) pour une durée de 12 ans, en vu de financer l'acquisition d'une officine de pharmacie à [Localité 3] 15ème. Ce prêt était garanti par la caution solidaire de la société INTERFIMO, société de cautionnement mutuel. Le CREDIT LYONNAIS bénéficiait en plus du nantissement du fonds de commerce de la pharmacie FITOUSSI et du nantissement des parts de Monsieur [N] [E] de la SNC PHARMACIE FITOUSSI.
En garantie de son propre engagement, la société INTERFIMO a obtenu le cautionnement personnel et solidaire de Monsieur [N] [E], selon acte sous seing privé du 2 février 2001, ledit cautionnement ayant été consenti à hauteur de la somme de 800.000 FF.
La SNC PHARMACIE FITOUSSI ne pouvant faire face à ses engagements au titre du prêt consenti par le CREDIT LYONNAIS, M. [N] [E], en accord avec le CREDIT LYONNAIS) a :
- cédé, par acte du 12 juillet 2005, des éléments d'actifs (stock et clientèle) de la SNC PHARMACIE FITOUSSI à la SNC PHARMACIE CENTRALE pour un montant de 171.014,65 euros.
- cédé, par acte du 3 août 2005, le droit au bail de la SNC PHARMACIE FITOUSSI au profit de la société PARIS COMMERCE O'CD pour un montant de 292.617,96 euros.
La société INTERFIMO a par la suite exécuté son engagement de caution et versé au CREDIT LYONNAIS la somme de 427.273,32 euros correspondant à l'échéance du mois de juillet et du capital restant dû.
La société INTERFIMO s'est par suite de ce paiement trouvée subrogée dans les droits du CREDIT LYONNAIS, qui lui a délivré une quittance subrogative le 9 janvier 2006.
Selon lettre recommandée du 5 mai 2006, la société INTERFIMO a mis en demeure Monsieur [E] d'avoir à satisfaire son engagement de caution.
Monsieur [E] a de nouveau été mis en demeure selon lettre recommandée du conseil de la société INTERPIMO du 19 janvier 2007 de régler le solde restant dû à la suite de la perception d'une somme de 350 000€ détenue par le séquestre du prix de vente du fonds.
Ces mises en demeure sont demeurées vaines.
La SCP JOB TREHOREL BONZOM BECHET, en sa qualité de séquestre, a adressé le 5 janvier 2007 un chèque de 350.000 euros à la société INTERFIMO à valoir sur sa créance à l'encontre de la SNC PARMACIE FITOUSSI.
Le 10 mai 2007, la société INTERFIMO a délivré à la SNC PHARMACIE FITOUSSI une sommation de payer la somme de 127.896,31 euros correspondant au solde restant dû après encaissement du chèque précité.
La sommation de payer délivrée à la SNC PHARMACIE FITOUSSI le 10 mai 2007 est demeurée infructueuse.
Par exploits des 5 et 6 juin 2007, la société INTERFIMO a assigné la SNC PHARMACIE FITOUSSI et M. [N] [E] en vu d'obtenir paiement de la somme susvisée tant en sa qualité d'associé unique et gérant de la SNC, à ce titre indéfiniment tenu des dettes sociales, que de caution personnelle et solidaire.
En raison de la liquidation judiciaire de :
- la SNC PHARMACIE FITOUSSI intervenue le 28 février 2008, la société INTERFIMO a déclaré, le 14 mai 2008, sa créance pour un montant de 140.201,44 euros. La société INTERFIMO a obtenu du mandataire judiciaire le 8 mars 2010 le versement de la somme de 7.437,81 euros et par jugement également du 29 juin 2010, le Tribunal de commerce de Paris a prononcé d'office la clôture de la liquidation judiciaire de la SNC PHARMACIE FITOUSSI pour insuffisance d'actif.
- M. [N] [E] intervenu le 5 juin 2008, la société INTERFIMO a déclaré, le 18 juin 2008, sa créance pour un montant de 128.072,02 euros et le 16 mars 2009, le Greffe du Tribunal de commerce de Paris a notifié à la société INTERFIMO l'admission de sa créance détenue à hauteur de 143.038,03 euros avant clôture des opérations de liquidation judiciaire le 29 juin 2010 pour insuffisance d'actif.
- Le 24 août 2010, la société INTERFIMO a adressé une lettre recommandée de mise en demeure à M. [N] [E] l'enjoignant de lui payer la somme de 158.613,70 euros.
Par requête du 16 janvier 2012, la société INTERFIMO a sollicité de Monsieur le Président du Tribunal de commerce de Paris la délivrance d'un titre exécutoire à l'encontre de M. [N] [E] en arguant les dispositions de l'article L. 643-11 du Code de commerce qui autorise la caution à poursuivre le débiteur lorsqu'elle a payé au lieu et place de ce dernier.
Par ordonnance du 24 janvier 2012, le Président du Tribunal de commerce de Paris a débouté la société INTERFIMO de sa demande en indiquant : « Dit n'y avoir lieu sachant que l'ordonnance du 12 mars 2009 est un titre exécutoire ». La société INTERFIMO a interjeté appel de cette demande.
***
Vu les dernières conclusions signifiées le 27 août 2012 par la SA INTERFIMO, appelante ;
Vu les dernières conclusions signifiées le 07 mai 2013 par M. [N] [E], intimé.
***
La SA INTERFIMO, appelante, demande à la cour de :
Réformer la décision entreprise,
Dire et juger que la société INTERFIMO justifie des conditions de l'article L. 643-11, II du code de commerce, texte applicable au présent litige,
Débouter M. [E] de l'ensemble de ses moyens, fins et conclusions,
Dire que l'arrêt à intervenir vaudra titre exécutoire à l'encontre de M. [N] [E] au profit de la société INTEFIMO à hauteur de la somme de 171.784,94 euros arrêté au 7 novembre 2011, outre intérêts postérieurs au taux de 8,25% l'an sur le principal de 128.072,02 euros.
Enjoindre à M. [N] [E] de payer la société INTERFIMO ladite somme,
Condamner M. [N] [E] à payer à la société INTERFIMO la somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamner M. [N] [E] aux entiers dépens de l'instance.
Elle soutient que par la décision rendue, la société INTERFIMO a bénéficié d'une décision de pure et simple admission ne valant pas titre exécutoire alors que la décision d'adoption de l'état de créances admises par le Juge commissaire est une décision d'admission des créances mais non une décision portant titre exécutoire pour paiement de ces créances, et qu'une décision d'admission confère aux créanciers des droits dans le périmètre de la procédure collective, mais ne permet pas de mettre en 'uvre des mesures d'exécution ni pendant le temps de la procédure collective ni ultérieurement et que c'est précisément à raison de cette situation que, pour les cas où la loi prévoit la reprise des poursuites après clôture pour insuffisance d'actif, la même loi a prévu l'obtention d'un titre exécutoire pour les cas d'admission de la créance.
Elle ajoute satisfaire les conditions posées par le texte de l'article L 643-11 du code de commerce pour l'obtention d'un titre exécutoire puisqu'elle établit sa qualité de caution de la dette de M. [E], fait la preuve de son paiement ès qualité de caution par la production des quittances subrogatives du 9 janvier 2006 et produit la preuve de son admission au passif de la liquidation judiciaire de M. [E] par la copie de la notification de créance admise.
Par ailleurs, le recours en reprise de poursuite est formé contre M. [N] [E] tant pour le paiement du principal payé que pour le paiement des intérêts puisqu'en effet, la notification d'autorisation de crédit portant accord entre la société INTERFIMO, la SNC et M. [E] comporte une clause faisant courir les intérêts sur toute somme non payée à son échéance au taux contractuel majoré.
Sur les moyens de défense invoqués par M. [E] consistant à faire valoir qu'il n'est intervenu qu'en qualité de sous-caution en sorte qu'il ne serait pas le débiteur tel que visé à l'article L. 643-11, la société INTERFIMO soutient que son recours formé à l'encontre de M. [E] n'est pas fondé sur son engagement de caution mais sur sa qualité d'associé co-débiteur solidaire de la SNC FITOUSSI. Suite au paiement fait entre les mains du CREDIT LYONNAIS par elle, es qualité de caution, elle a déclaré au passif de la liquidation ouverte à l'encontre de M. [E] une créance de 143.038,03 euros et que, cette créance a fait l'objet d'une admission au passif de M. [E]. Cette créance a été déclarée par elle au passif de la SNC FITOUSSI et a fait l'objet d'une admission distincte.
M. [E] est irrecevable à contester sa qualité de débiteur de la société INTERFIMO dès lors que par la décision rendue le 12 mars 2009, sa qualité de débiteur a été reconnue et cette décision a autorité de chose jugée.
En conséquence, compte tenu de sa qualité de codébiteur du remboursement du prêt, le règlement d'échéances impayées et du capital restant dû, fait par elle entre les mains du CREDIT LYONNAIS, est un règlement fait en lieu et place de M. [E] et elle est donc bien fondée à solliciter l'octroi du titre exécutoire prévu à l'article L. 643-11puisque les trois conditions exigées par ce texte (à savoir, un engagement de caution, un paiement fait en lieu et place du débiteur et une admission au passif de ce débiteur au titre du paiement fait es qualité de caution) sont réunies en l'espèce.
Monsieur [N] [E], intimé, demande de :
Confirmer l'ordonnance dont appel,
Constater que Monsieur [N] [E] n'était pas le débiteur du prêt LCL au sens de l'article L. 643-11 II du code de commerce,
Dire et juger que la société INTERFIMO est infondée à reprendre ses poursuites à l'encontre de Monsieur [N] [E],
En conséquence,
Rejeter toutes les demandes, fins et conclusions de la société INTERFIMO,
En tout état de cause,
Condamner la société INTERFIMO à verser à Monsieur la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
Condamner la même société aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction pour ceux la concernant au profit de la SCP BOLLING DURAND LALLEMENT, société d'avocats, en application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
Il soutient que :
- l'article L. 643-11 du Code de commerce, sur lequel se fonde la société INTERFIMO, n'est pas applicable à l'espèce puisqu'elle ne s'est pas portée caution de Monsieur [N] [E] mais de la SNC PHARMACIE FITOUSSI, laquelle était le débiteur du Prêt LCL. En conséquence, il indique qu'il ne peut être le débiteur au sens de l'article L. 643-11 II puisqu'il s'est porté caution de la société INTERFIMO dans l'hypothèse où le CREDIT LYONNAIS engagerait la caution de la société INTERFIMO dans la limite de 800.000 FF.
La caution d'une SNC ne peut reprendre les poursuites à l'encontre du gérant de celle-ci après que ce dernier ait fait l'objet d'une procédure collective pour insuffisance d'actif (CA Paris, 13 déc. 2007, n°05/22426).
SUR CE,
Sur la qualité de créancière de la société INTERFIMO à l'égard de Monsieur [N] [E] :
La cour observe que :
1- Il est certain que la société INTERFIMO s'est portée caution au profit du LCL de l'engagement de la SNC PHARMACIE FITOUSSI et non de Monsieur [N] [E]. Et d'ailleurs la société INTERFIMO a été appelée en garantie par le LCL en raison de la défaillance de la SNC PHARMACIE FITOUSSI, la quittance subrogative ne visant que la SNC PHARMACIE FITOUSSI.
Mais Monsieur [N] [E] s'est porté caution solidaire de la société INTERFIMO et était donc tenu avec celle-ci au paiement de la dette, et celle-ci qui l'a acquittée et a été subrogé dans les droits du créancier est ainsi mise à la place du créancier, bénéficie des avantages du créancier contre l'autre caution et donc de Monsieur [N] [E] par le jeu de l'article 1251 3° du code civil.
D'ailleurs, Monsieur [N] [E] parle dans ses écritures de sa position de sous-caution et cette sous-caution est un contre-garant qui cautionne le débiteur à l'égard de la caution originaire devenue elle-même créancière lorsqu'elle a payé le créancier principal après avoir été actionnée.
2- L'article L.22l-1 alinéa 1 du Code de commerce dispose que les associés en nom collectif ont tous la qualité de commerçant et répondent indéfiniment et solidairement des dettes sociales mais que les créanciers de la société ne peuvent poursuivre le paiement des dettes sociales contre un associé qu'après avoir vainement mis en demeure la société par acte extrajudiciaire.
Or, le 10 mai 2007, la société INTERFIMO a délivré à la SNC PHARMACIE FITOUSSI une sommation de payer la somme de 127.896,31 euros correspondant au solde restant dû et celle-ci est demeurée infructueuse.
Associé en nom d'une SNC ayant fait l'objet d'une procédure collective, la procédure ouverte contre Monsieur [N] [E] l'a bien été en qualité de débiteur et le fait que la procédure ait été ouverte contre lui par "ricochet" de la procédure ouverte contre la SNC PHARMACIE FITOUSSI n'a pas d'impact même si le mécanisme automatique et obligatoire d'extension de l'ancien article L624-l du Code de commerce a disparu. Le Tribunal de commerce de Paris a d'ailleurs rendu un seul et même jugement de clôture pour insuffisance d'actif dans l'une et l'autre procédure.
La cour considère ainsi que la société INTERFIMO était bien créancière de Monsieur [N] [E] tant en sa qualité d'associé unique et gérant de la SNC, à ce titre indéfiniment tenu des dettes sociales, que de caution personnelle et solidaire.
Sur l'application de l'article L 643-11 du code de commerce :
La cour observe que l'article L 643-11 du code de commerce dispose que, si le jugement de clôture de liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif ne fait pas recouvrer aux créanciers l'exercice individuel de leurs actions contre le débiteur, la caution ou le coobligé qui a payé aux lieu et place du débiteur peut poursuivre celui-ci, et constate que la société INTERFIMO établit sa qualité de caution de la dette de M. [E], fait la preuve de son paiement ès qualité de caution par la production des quittances subrogatives du 9 janvier 2006 et produit la preuve de son admission au passif de la liquidation judiciaire de M. [E] par la copie de la notification de créance admise.
Elle infirmera donc la décision entreprise et fera droit à la demande de la société INTERFIMO.
Sur les frais irrépétibles et les dépens :
La cour fera droit aux demandes de la société INTERFIMO, rejetant toute autre demande.
PAR CES MOTIFS :
Infirme l'ordonnance du 24 janvier 2012 du Président du Tribunal de commerce de Paris,
Dit que l'arrêt à intervenir vaudra titre exécutoire à l'encontre de M. [N] [E] au profit de la société INTEFIMO à hauteur de la somme de 171.784,94 euros arrêté au 7 novembre 2011, outre intérêts postérieurs au taux de 8,25% l'an sur le principal de 128.072,02 euros,
Condamne M. [N] [E] à payer à la société INTERFIMO la somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette toutes autres demandes des parties,
Condamne M. [N] [E] aux entiers dépens de l'instance, lesquels seront recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,
B. REITZER F. FRANCHI