Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 3
ARRÊT DU 12 JUIN 2013
(n° , 10 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 12/07347
Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 Février 2012 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2011/5004
APPELANTE
La SA ESSO SOCIETE ANONYME FRANCAISE, prise en la personne de ses représentants légaux,
[Adresse 4]
[Localité 4]
représentée par Me Jean-Philippe AUTIER de la SCP AUTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0053, avocat postulant
assistée de Me Lin NIN de la SCP DUCLOS THORNE MOLLET-VIEVILLE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0075, avocat plaidant
INTIMÉS
[I] [G], décédé
Monsieur [R] [G], pris en sa qualité d'ayant droit de [I] [G],
Intervenant volontaire
[Adresse 1]
[Localité 2]
Madame [T] [P] épouse [G], prise en sa qualité d'ayant droit de [I] [G],
Intervenante volontaire
[Adresse 3]
[Localité 3]
Madame [Y] [G], prise en sa qualité d'ayant droit de [I] [G],
Intervenante volontaire
[Adresse 3]
[Localité 3]
Monsieur [I] [C] [G], pris en sa qualité d'ayant droit de [I] [G],
Intervenant volontaire
[Adresse 3]
[Localité 3]
Monsieur [E] [N] [B] [G], pris en sa qualité d'ayant droit de [I] [G],
Intervenant volontaire
[Adresse 3]
[Localité 3]
Monsieur [L] [G], pris en sa qualité d'ayant droit de [I] [G],
Intervenant volontaire
[Adresse 2]
[Localité 1]
représentés par Me Thierry SERRA, avocat au barreau de PARIS, toque : D1451, avocat postulant
assistés de Me Franck BENHAMOU de la SCP VBA, avocat au barreau de GRENOBLE, avocat plaidant
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 Avril 2013, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Chantal BARTHOLIN, Présidente, chargée d'instruire l'affaire, laquelle a été préalablement entendue en son rapport.
Madame Chantal BARTHOLIN a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Chantal BARTHOLIN, Présidente
Madame Odile BLUM, Conseillère
Madame Isabelle REGHI, Conseillère
Greffier, lors des débats : Madame Alexia LUBRANO.
ARRÊT :
- contradictoire.
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Chantal BARTHOLIN, Présidente et par Mme Alexia LUBRANO, Greffière.
* * * * * * *
EXPOSE DU LITIGE
M.[I] [G] a créé en 1979 sur un terrain acquis par lui situé [Adresse 5] (Rhône) un fonds de commerce de station-service qu'il a exploitée sous l'enseigne Esso jusqu'à son départ en retraite en 1991.
Suivant acte notarié en date du 27 septembre 1991, il a donné ce fonds en location gérance à la société Esso Saf à effet du 1er octobre 1991 et pour une durée de 18 ans expirant le 30 septembre 2009.
La société Esso Saf a procédé à la déclaration préfectorale nécessaire à l'exploitation de cette installation classée. Elle a informé M.[G] successivement le 10 octobre 2007 puis le 1er décembre 2008 qu'elle n'avait pas l'intention de reconduire le contrat de location gérance.
La société Serpol a effectué, à la demande de la société Esso Saf, des investigations au début 2009 qui ont conclu à la présence d'une pollution d'hydrocarbures situées au droit d'une zone de distribution de carburants entre 0,3 et 6 m de profondeur à proximité des eaux souterraines sans les affecter mais le rapport d'étude n'exclut pas un migration future des polluants vers ces eaux présentant un risque de pollution des captations d'eaux voisines.
M.[G] aux motifs qu'Esso a cessé l'activité de la station-service à la fin du contrat dont elle n'a pas demandé le renouvellement, qu'il n'a lui-même assuré la reprise de l'exploitation qu'en vue de procéder au licenciement des salariés, que la société BP repreneur éventuel a conditionné la reprise de l'exploitation à la dépollution du site, lui a demandé de procéder à la remise en état du site en application des dispositions du code de l'environnement, de lui verser une indemnité d'occupation jusqu'à la fin des travaux correspondants et de lui rembourser les frais consécutifs au licenciement des salariés de la société Kaci.
La société Esso Saf a refusé au motif principalement qu'elle a restitué une station en état de fonctionnement et que c'est à M.[G] qui a pris la décision de cesser l'exploitation de la station-service qu'il incombe de procéder éventuellement à la dépollution du site.
M [G] représenté par son épouse désignée comme tutrice par jugement du juge des tutelles près le tribunal d'instance de Villeurbanne du 30 septembre 2010 a assigné la société Esso Saf par acte du 5 janvier 2011. M [G] est décédé en cours de procédure laissant pour lui succéder sa veuve et ses héritiers.
Par jugement du 29 février 2012, le Tribunal de commerce de Paris a :
- ordonné à la société Esso Saf de procéder auprès de la préfecture du département du Rhône aux déclarations relatives à la cessation d'activité, sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter du 30ème jour suivant la signification du jugement,
- ordonné à la société Esso Saf de procéder à la dépollution du site,
- condamné la société Esso Saf de payer à M.[G] la somme de 290 000 € à titre de provision sur l'indemnité d'occupation correspondant à la période allant du 1er octobre 2009 au 29 février 2012 et de 10 000 € par mois à compter du 1er mars 2012 et jusqu'à la restitution du site après sa dépollution par la société Esso Saf,
- débouté M.[G] des autres demandes à l'encontre de la société Esso Saf,
- débouté M.[G] de sa demande d'expertise,
- débouté la société Esso Saf de l'ensemble de ses demandes,
- condamné la société Esso Saf à payer à M.[G] la somme de 35 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
Vu l'article 232 du Code de procédure civile, avant dire droit sur la dépollution par la société Esso Saf, a nommé M. [A] avec mission de :
*se faire communiquer tous documents et pièces qu'il estimera utiles à sa mission,
*entendre tous sachant qu'il estimera utiles,
*choisir un bureau d'étude chargé de la réalisation de la dépollution mise à la charge de la société Esso Saf,
*s'il estime nécessaire se rendre sur place, visiter les lieux, et faire effectuer des mesures pour caractériser la pollution du sil et des eaux souterraines,
*donner son avis sur les prétentions des parties concernant la nature et le coût des travaux nécessaires à la dépollution,
*donner son avis sur la réalisation de la dépollution,
*fournir tous éléments procédant de son domaine particulier de compétence, afin d'éclairer la juridiction éventuellement saisie sur les allégations des parties concernant les travaux à intervenir, leur justification et la conformité de leur réalisation avec la réglementation du code de l'environnement et un éventuel arrêté préfectoral consécutif à la déclaration par la société Esso saf de la cessation d'activité de la station-service,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement,
- réservé les dépens ;
La société Esso Saf a relevé appel de cette décision et par ses dernières conclusions en date du 17 janvier 2013, elle demande à la Cour de :
Donner acte à la Succession [G] venant aux droits et obligations de M [I] [G] père de son intervention volontaire à l'instance,
Infirmer dans toutes ses dispositions le jugement rendu le 29 février 2012 par le tribunal de commerce de Paris,
Statuant à nouveau,
À titre liminaire,
Opposer une fin de non-recevoir à l'ensemble des demandes de la Succession [G] relevant du pouvoir de police environnemental du Préfet du Rhône ou relever d'office l'incompétence de la Cour s'agissant de ces demandes,
Inviter les parties à mieux se pourvoir devant le Juge administratif,
À titre principal,
Constater que le fonds de commerce de station-service et l'ensemble de ses éléments ont été valablement restitués par Esso Saf à M. [G] père le 30 septembre 2009,
Constater que M. [G] père a succédé à Esso en la qualité d'exploitant de la station-service à compter du 1er octobre 2009,
Constater que M. [G] père est à l'origine de la cessation d'exploitation de la station service,
Constater que la pollution est imputable à l'exploitation de la station-service par M. [G] père,
En conséquence,
Dire et juger qu'Esso n'est tenue d'aucune obligation de remise en état de la station-service au bénéfice de M. [G] père (aux droits duquel vient la succession [G]),
Débouter purement et simplement la succession [G] de l'ensemble de ses demandes à l'encontre d'Esso,
A titre subsidiaire, et si par extraordinaire la Cour devait considérer Esso comme le dernier exploitant,
Constater que la preuve d'un état du sol ou du sous-sol incompatible avec la poursuite d'une activité de station-service n'est pas rapportée,
Constater au contraire que la pollution résiduelle constatée par Serpol n'interdit pas l'activité d'exploitation de station-service,
En conséquence,
Dire et juger qu'Esso n'est tenue d'aucune obligation au titre de la modification de l'usage du site voulue par M. [G] père (aux droits duquel vient la succession [G]),
Débouter purement et simplement la Succession [G] de l'ensemble de ses demandes à l'encontre d'Esso,
À titre infiniment subsidiaire et si par extraordinaire, la Cour devait considérer que l'état de site ne permettait pas de poursuivre son exploitation commerciale lors de la restitution de la station par Esso Saf,
S'agissant de la remise en état, prévoir qu'elle sera limitée à ce qui est nécessaire afin de permettre un usage futur comparable à celui de la dernière période d'exploitation en précisant qu'une telle remise en état s'entend comme une remise en état environnementale uniquement limitée au terrain présentant des indices de pollution qui ne seraient pas compatibles avec une exploitation commerciale et sans reconstruction d'une station-service neuve,
S'agissant de l'indemnité mensuelle d'occupation, constater que, dans un contexte général de dégradation du marché de la distribution de carburant, M [G] père n'a pas donné suite à au moins une offre de reprise de la station-service par un autre distributeur de carburant ainsi que l'absence d'élément probant sur le préjudice lié à la perte de chance de louer la station-service à un locataire-gérant,
En conséquence,
Débouter la Succession [G] de sa demande au titre de l'indemnité d'occupation,
En tout état de cause,
Condamner la Succession [G] à payer à Esso saf la somme de 50.000 € au titre de dommages-intérêts pour procédure abusive,
Condamner la Succession [G] à payer à Esso Saf la somme de 30.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Les consorts [G] ont repris l'instance à la suite du décès de M [G] le [Date décès 1] 2012 et se référant aux dernières conclusions en date du 30 juillet 2012, demandent à la Cour de :
Déclarer irrecevable la société Esso en sa demande d'exception d'incompétence,
Débouter la société Esso de toutes ses demandes, fins et conclusions,
Condamner la société Esso à procéder sous astreinte de 2 000 € par jour de retard à compter du 3ème mois suivant la signification de la décision à venir, à la dépollution du site selon diagnostic de Serpol et selon les règles de l'art et sous le contrôle d'un bureau d'études spécialisé laissé au choix du tribunal,
Condamner le même et sous astreinte à remettre le site en état d'un usage conforme à la dernière exploitation, c'est à dire à usage de station-service,
Condamner la même à verser à M.[G] une indemnité d'occupation d'un montant de 12 660 € ttc par mois pour la période comprise entre le 1er octobre 2009 jusqu'à la date de dépollution du site et remise des certificats de dépollution, soit au 1er juillet 2012 de manière provisoire la somme de 417 780 € et la condamnation de 10 000 € par mois, à compter du jour du prononcé de la décision par la Cour d'appel et jusqu'à la restitution du site après sa dépollution par la société Esso Saf,
La somme sera évaluée au jour de l'audience de plaidoirie,
Condamner la même à rembourser à M.[G] les frais de justice engendrés dans le cadre des contestations prud'homales suites aux licenciements des salariés affectés à la station-service, ainsi que toutes les conséquences pécuniaires de licenciement de messieurs [F],
Enjoindre la société Esso à procéder auprès de la préfecture sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter de la signification de la décision à venir, aux déclarations relatives à la cessation de l'activité,
Condamner la société Esso Saf à remettre à M.[G] une étude de risques, de justifier de la déclaration de cette pollution à la préfecture et à la Dreal, de 2 000 € par jour de retard à compter de la signification de la décision à venir,
Condamner en outre la société Esso Saf à indemniser M.[G] d'une somme de 100 000 € complémentaire à titre de dommages-intérêts pour perte de chance d'exploiter la station-service sous l'enseigne BP la société BP ayant en effet renoncé à toute installation de son enseigne en raison des atermoiements de la société Esso, et de sa réticence à procéder à la dépollution du site.
A titre subsidiaire,
Ordonner une expertise en nommant l'expert qu'il plaira au Tribunal avec comme mission,
De se rendre sur les lieux et se faire transmettre l'ensemble des documents utiles,
D'entendre les parties et tous les sachant,
De procéder à toutes analyses utiles,
D'établir un état des lieux de sols et si les pollutions constatées dépassent les tolérances légales notamment en matière de pollutions aux hydrocarbures,
Dire si la pollution est constatée inférieure,
Dire si cette pollution est liée à l'exploitation de la société Esso,
Définir les mesures de nature à remettre le sol en état et chiffrer,
Déterminer les risques encourus si la situation était laissée en l'état,
Chiffrer les préjudices,
Dire et juger que l'expertise se fera aux frais avancés de la société Esso,
En tout état de cause,
Condamner la société Esso Saf à verser à M.[G] la somme de 35 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
SUR CE,
La société Esso fait valoir que la législation sur les sites classés est une police administrative spéciale relevant de la compétence du Préfet, le juge administratif étant seul compétent pour contrôler les décisions prises par le Préfet dans le cadre de ses pouvoirs relatifs aux installations classées, que le contrôle de l'exploitation et la mise à l'arrêt définitif de la station relève du Préfet et de ses services, seul le Préfet pouvant mettre en demeure la société Esso de satisfaire à l'obligation de dépollution, que tel n'a pas été le cas alors même que le Préfet a été informé de la restitution du fonds à M [G], qu'en imposant à la société Esso de déclarer la cessation définitive d'activité de la station service et en ordonnant une mesure d'expertise pour définir les conditions de remise en état, le tribunal de commerce s'est substitué à l'administration et plus particulièrement au Préfet dans l'exercice de ses pouvoirs de police des installations classées, que le principe de séparation des pouvoirs a été méconnu, ce qui ne constitue pas une exception de compétence mais une fin de non recevoir et qu'il y a lieu d'inviter les parties à mieux se pouvoir devant le juge administratif.
Le moyen soulevé devant la cour par la société Esso est en réalité celui de la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire pour juger du litige opposant les consorts [G] d'une part à la société Esso d'autre part au sujet principalement des frais liés à la dépollution du site de la station service appartenant à M [G] aux droits duquel se trouvent les consorts [G] et exploitée par la société Esso en location gérance du 1er octobre 1991 au 30 septembre 2009.
Or, toute exception de compétence doit être soulevée avant toute défense au fond et ne peut l'être pour la première fois en cause d'appel si elle n'a pas été invoquée en première instance ; la société Esso qui n'avait pas soulevé l'incompétence du tribunal de commerce au profit du juge administratif pour connaître de la demande est irrecevable à le faire pour la première fois en appel.
Sur le fond :
La société Esso fait valoir que la seule obligation du locataire gérant est de restituer le fonds en état d'exploitation, la reprise des contrats de travail en cours étant opérée par le repreneur, que le locataire-gérant est valablement dessaisi du fonds de commerce au profit du loueur dès lors que même en présence d'une pollution résiduelle non susceptible d'empêcher l'exploitation, l'ensemble des éléments du fonds, corporels et incorporels - y compris la clientèle - ont été restitués à la fin du contrat, que le 30 septembre 2009, le fonds de station service a été restitué à M [G] avec tous ses éléments, que les dispositions de l'article 1731 du code civil appliquées par le tribunal et invoquées par les consorts [G] ne trouvent pas à s'appliquer, que la présence d'hydrocarbures dans le sol en quantité limitée, ne contredit pas la possibilité de poursuivre l'exploitation de la station service, et se rattache du reste à l'exploitation antérieure, celle de M [G] avant 1991 dans la mesure où les traces sont au droit des anciens îlots de distribution.
La société Esso ajoute que les installations classées doivent faire l'objet de déclaration d'exploitation et respecter diverses prescriptions générales édictées par les pouvoirs publics, que l'obligation de remise en état est elle-même déclenchée par la mise à l'arrêt définitif de l'installation classée, et ce dans deux hypothèses : lorsque l'exploitant prend la décision de mettre fin définitivement à ses activités classées et lorsque le titre fondant l'activité cesse de produire effet à défaut de mise en service de l'installation dans un délai de trois ans ou à la suite d'une interruption d'exploitation pendant une période de deux années consécutives, ces hypothèses de la mise à l'arrêt définitif de l'installation devant être distinguées de l'hypothèse dans laquelle l'activité est reprise par un nouvel exploitant, qu'au terme de l'article R. 512-68 du Code de l'environnement lorsqu'une société cesse d'exploiter une installation, mais que ladite installation continue à être exploitée par une autre société, la poursuite de la même activité, sur le même site, s'analyse en un changement d'exploitant et non en une cessation d'activité, qu'au cas d'espèce la caducité de l'autorisation d'exploiter consécutif au défaut d'exploitation ne résulte pas de la volonté exprimée par M [G] ou son épouse de cesser définitivement l'activité mais de leur refus de reprendre l'exploitation alors que l'état de la station lors de la restitution permettait la poursuite de l'exploitation, que les consorts [G] ne peuvent d'ailleurs sans se contredire demander tout à la fois la remise en état environnementale conditionnée à la cessation d'activité et projeter de reprendre l'exploitation de la station service ;
Les consorts [G] font valoir que le fonds de station service ne leur a pas été restitué en bon état (auvent en mauvais état, nids de poule dans l'enrobé, panne de système de paiement des cartes bleue..) et, reprenant les conclusions des deux rapports de la société Serpol de janvier et mars 2009, que le fonds comporte une pollution des sols et qu'il est inexploitable en l'état depuis la cessation d'activité de la société Esso, que celle-ci en signant le contrat de location gérance a contracté un certain nombre d'obligations dont celle d'user du fonds en bon commerçant de façon à lui conserver toute sa valeur, qu'elle a au surplus l'obligation à la fin du contrat de respecter les dispositions des articles 1731 et suivants du code civil, de restituer les locaux en bon état de réparations locatives et de répondre des dégradations survenues pendant sa jouissance à moins qu'elle ne prouve qu'elles ont eu lieu sans sa faute ;
Ils soutiennent que la société Esso doit être considérée comme le dernier exploitant au sens de l'article L 512-17 du code de l'environnement dès lors que M [G] qui n'avait accepté de reprendre le fonds que sous réserve de trouver un nouvel occupant (cf la lettre du 9 janvier 2009) a demandé à Esso la remise de documents nécessaires à l'exploitation qu'il a obtenus tardivement et à laquelle il a en définitive renoncé suivant procès-verbal du 30 septembre 2009, ne s'étant jamais déclaré comme exploitant et n'ayant jamais repris effectivement le fonds.
Or il convient de distinguer entre les frais de remise en état qui pèsent sur le locataire gérant lors de la restitution du fonds et qui relèvent de ses obligations nées du contrat de location gérance, des frais de dépollution qui peuvent lui être imposés en tant que dernier exploitant au sens de l'article L 512-17 du code de l'environnement en cas de cessation d'activité.
En ce qui concerne les premiers, les consorts [G] font valoir que la station ne leur a pas été restituée en bon état, qu'elle nécessite des réparations et que le fonds est inexploitable en l'état en raison de la pollution du sol qui l'affecte depuis la cessation d'activité de la station Esso.
Les consorts [G] ne forment cependant pas d'autre demande que celle concernant les opérations de dépollution du sol consécutives à une cessation d'activité et tout en invoquant que le fonds est inexploitable en l'état depuis le départ de la société Esso, ils ne tentent pas de rapporter pas la preuve que la continuation de l'exploitation du fonds en tant que station service est devenue impossible en raison de la pollution du sol qui l'affecterait même si la recherche qu'ils ont entrepris d'un repreneur dès qu'ils ont connu la décision de la société Esso de ne pas poursuivre le contrat est devenue plus compliquée ainsi qu'il résulte des lettres que leur a adressées la société BP successivement les 23 septembre 2009 puis le 27 octobre 2009 soit pour cette dernière, postérieurement à la restitution de la station ;
La société BP écrivait en effet aux époux [G] le 23 septembre 2009 :
'Nous sommes dans l'incapacité de vous faire une proposition commerciale tant que nous ne serons pas en possession du diagnostic d'investigation environnemental complet .. notre société ne prendra pas le risque de reprendre un site en location sans avoir la certitude que le terrain n'est pas pollué' ;
Les rapports Serpol diligentés à la demande de la société Esso ont conclu à cet égard : 1° pour les sols, à une anomalie en hydrocarbures au droit du sondage S13 situé à proximité de la distribution nord -ouest du site, entre 0,3 mètre et 6 mètres de profondeur (cote des eaux souterraines) probablement due à un épanchement en surface, à l'absence d'anomalie pour les hydrocarbures pour les autres échantillons analysés, 2° pour les eaux souterraines, à des teneurs en hydrocarbures ainsi qu'en MTE et en plomb inférieurs aux limites de quantification, 3° pour les gaz du sol, à des traces d'alcanes volatiles, de BTEX er d'hydrocarbures dans l'air interstitiel des sols, recommandant de procéder, eu égard à la proximité des captages dans les environs de la station à une campagne de prélèvement des eaux souterraines dans les trois mois afin de vérifier l'absence de migration de la pollution retrouvée au droit du sondage S13 .
La société BP, connaissance prise de ce rapport, précisait le 27 octobre 2009 à M et Mme [G] que la société ne pourra pas engager de négociations commerciales concrètes dès lors qu'il existe un risque environnemental, que le site est placé dans un environnement sensible à proximité du captage d'eau potable et que la vulnérabilité du sous-sol pourrait entraîner une migration assez rapide des polluants et concluait que les risques de pollution sont importants et que dans le contexte particulier de la gestion future de cette pollution, dans l'hypothèse d'un accord commercial, elle laisserait aux époux [G] le soin de faire la déclaration d'exploitant en leur nom à la préfecture ;
Ces courriers établissent que la société BP ne souhaitait prendre elle-même aucun engagement commercial immédiat compte tenu du risque de pollution déjà identifié, souhaitant laisser aux époux [G] la responsabilité de la déclaration d'exploitation en préfecture pour ne pas avoir à supporter les frais futurs d'une dépollution du site.
Ils traduisent ainsi la difficulté pour les époux [G] à trouver, en présence d'un risque de pollution identifié, un repreneur comme ils en avaient manifesté clairement l'intention ainsi qu'il ressort de leur courrier adressée à la société Esso le 9 janvier 2009 'Comme convenu lors de notre dernière conversation téléphonique du 7 janvier dernier, et pour faire suite à votre fax du 8 janvier 2009, nous vous confirmons par la présente qu'à l'échéance du 30 septembre 2009, nous reprendrons l'exploitation de la station service', concédant que dans l'immédiat, il leur était impossible 'de se positionner sur l'éventuelle reprise ou non par un autre opérateur, du fait de l'absence d'éléments nécessaires', cette intention étant confirmée par la lettre de leur conseil adressée le 5 juin 2009 à la société Esso lui demandant un certain nombre de documents, 'à défaut desquels la station en pourrait pas poursuive son activité' ,'M et Mme [G] ayant décidé de confier la gérance de la station à un repreneur'.
Il est cependant établi que ni M et Mme [G] ni ensuite les consorts [G] aux droits de M [G] ne se sont déclarés ensuite comme exploitants, les parties s'accordant pour dire que la déclaration d'exploitation est ainsi devenue caduque en raison du défaut d'exploitation de la station service pendant deux ans ; les consorts [G] invoquent en conséquence que la société Esso doit être considérée comme le dernier exploitant au sens de l'article L 512 -17 du code de l'environnement et qu'il lui incombe à ce titre de supporter les frais de dépollution du site.
Or, et ainsi résulte des courriers échangés avec la société Esso avant la restitution, les époux [G] n'avaient manifesté aucunement l'intention de ne pas reprendre l'exploitation puisqu'ils affirmaient au contraire dans leur courrier du 9 janvier 2009 confirmé par celui de leur conseil du 5 juin 2009 avoir la volonté de reprendre la station et être à la recherche d'un repreneur ainsi qu'en attestent les échanges de courriers avec la société BP et avec deux autres sociétés de distribution de produits pétroliers Thevenin Ducrot pour la société Avia (lettres du 16 avril 2009) et Dyneff (lettre du 6 juillet 2009) ;
Le procès-verbal de reprise du 30 septembre 2009 ne traduit pas davantage cette intention dans la mesure ou la déclaration de Me [X] assistant Mme [G] suivant laquelle 'il n'y aura pas de reprise d'activité par M [G]' n'est faite qu'en réponse à l'interrogation de l'huissier chargé de dresser l'état des lieux concernant la reprise du contrat de location concernant la station de lavage, le gonfleur et l'aspirateur et cette déclaration peut d'autant moins être interprétée comme une renonciation suffisante exprimée par M [G] à la reprise de la station que l'huissier rappelle, en exergue de son constat, agir à la demande de M [G], propriétaire des murs et du fonds de commerce de station service, qui l' a mandaté pour établir un état des lieux, délivrer une sommation de communiquer certains documents et constater l'existence d'une lettre de la société BP suspendant la négociation, la station étant pour elle inexploitable en l'état, sans qu'il fasse état de l'expression de la volonté de M [G] de ne pas reprendre la station service.
Enfin ni M [G] ni Mme [G] agissant ès qualités de tutrice de son mari ni les consorts [G] aux droits de M [G] n'ont manifesté ensuite leur intention claire de ne pas reprendre l'exploitation pour eux mêmes ou par l'intermédiaire d'un repreneur, demandant au contraire dans leurs dernières conclusions que la société Esso soit condamnée 'à remettre le site en état d'un usage conforme à la dernière exploitation, c'est-à dire à usage de station service', alors que les mesures de dépollution dont ils sollicitent la mise en oeuvre à la charge de la société Esso en qualité de dernier exploitant en application de l'article L 512-17 du code de l'environnement supposent l'arrêt de l'activité précédemment exercée et doivent tendre à éliminer toute pollution résiduelle en vue d'un usage futur du site 'comparable à celui de la dernière exploitation' mais qui n'est pas précisément le même puisqu'il doit avoir cessé.
Il s'ensuit que les consorts [G] sont mal fondés en leurs demandes, concernant tant les frais de dépollution du site réclamés à la société Esso en tant que dernier exploitant qu'en leurs autres demandes, concernant notamment les frais de justice engagés dans le cadre des instances prud'homales suite aux licenciements des salariés affectés à la station service ainsi que toutes les conséquences pécuniaires des licenciements de M [M] [F] et de M [Z] [F], étant observé que ces demandes ne sont sous tendues par aucune motivation concernant l'absence de transfert des contrats de travail et ne sont justifiées par aucune pièce probante produite par les consorts [G].
La demande d'expertise concernant l'étendue de la pollution, les mesures à prendre et le préjudice engendré est sans objet.
Quant à la demande en dommages intérêts pour perte de chance de permettre l'exploitation de la station sous l'enseigne BP du fait de la renonciation de la société BP à toute installation de son enseigne, les consorts [G] n'établissent pas la responsabilité de la société Esso à cet égard et seront déboutés de leur demande de ce chef.
Si la société Esso demande, dans les motifs de ses conclussions, d'enjoindre aux consorts [G] de procéder sans tarder à la déclaration d'exploitant et à la cessation d'activité sous astreinte, elle ne reprend pas cette demande dans le dispositif de ses écritures de sorte qu'elle ne peut être considérée somme une prétention dont la cour est saisie.
La société Esso ne démontre pas l'abus de procéder de la part des consorts [G] d'autant que M et Mme [G] avaient obtenu gain de cause en première instance. Elle sera déboutée de sa demande de dommages intérêts pour procédure abusive.
Les consorts [G] supporteront les entiers dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile. Il n'y a pas lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Rejette l'exception d'incompétence présentée par la société Esso,
Infirme le jugement déféré,
Déboute les consorts [G] intervenant aux droits de M [G] de toutes leurs demandes,
Déboute la société Esso de sa demande en dommages intérêts,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne les consorts [G] aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE