RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 12
ARRÊT DU 27 Juin 2013
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/10391 LL
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 12 Novembre 2010 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de CRETEIL RG n° 09-00983
APPELANTE
Société ALSTOM POWER SA
[Adresse 4]
[Localité 2]
représentée par Me Camille-Frédéric PRADEL, avocat au barreau d'ANGERS substituée par Me Marion MOURAND, du Cabinet PRADEL
INTIMES
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU VAL DE MARNE - 94 -
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Florence KATO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901
Monsieur [Q] [M]
[Adresse 1]
[Localité 4]
représenté par Me Renate GROTSCHNIG AUDIT, avocat au barreau de PARIS, toque : C1281
Monsieur le Ministre chargé de la sécurité sociale
[Adresse 3]
[Localité 1]
avisé - non représenté
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Avril 2013, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Luc LEBLANC, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Bernadette VAN RUYMBEKE, Président
Monsieur Luc LEBLANC, Conseiller
Madame Marie-Ange SENTUCQ, Conseiller
Greffier : Mme Michèle SAGUI, lors des débats.
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, conformément à l'avis donné après les débats dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
- signé par Madame Bernadette VAN RUYMBEKE, Président et par Madame Marion MELISSON, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*****
La Cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par la société Alstom Power d'un jugement rendu le 12 novembre 2010 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Créteil dans un litige l'opposant à la caisse primaire d'assurance maladie du Val de Marne et à M. [M] ;
Les faits, la procédure, les prétentions des parties
Les faits de la cause ont été exactement exposés dans la décision déférée à laquelle il est fait expressément référence à cet égard ;
Il suffit de rappeler que M. [M], employé par la société Alstom Power en qualité de directeur à la direction générale, a établi, le 19 novembre 2007, une déclaration de maladie professionnelle relative à la 'maladie des motoneurones' ; que l'intéressé s'est vu reconnaître à ce titre une incapacité permanente partielle supérieure à 25 % ; que cette maladie ne figurant sur aucun tableau de maladie professionnelle, un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles a été saisi ; qu'en l'absence de réponse de cet organisme dans le délai imparti pour instruire le dossier, la caisse primaire a refusé de prendre en charge cette maladie, par décision notifiée le 9 mai 2008 ; que l'intéressé a contesté cette décision devant la commission de recours amiable ; que postérieurement, le comité régional a émis un avis défavorable et la caisse primaire a adressé à l'intéressé une seconde décision de refus de prise en charge en date du 27 février 1999 ; que, par décision du 18 mai 2009, la commission de recours amiable a rejeté la réclamation de l'intéressé ; que celui-ci a alors saisi la juridiction des affaires de sécurité sociale ;
Par jugement du 12 novembre 2010, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Créteil a rejeté les moyens tirés de l'irrecevabilité et de l'inopposabilité du recours et ordonné la saisine d'un autre comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles pour qu'il donne son avis sur l'existence d'une maladie professionnelle.
La société Alstom Power fait déposer et soutenir oralement par son conseil des conclusions tendant à infirmer le jugement et déclarer irrecevable l'action en reconnaissance du caractère professionnel de la maladie dont est atteint M. [M]. Subsidiairement, si la Cour jugeait cette action recevable, elle conclut à sa mise hors de cause. Encore plus subsidiairement, si la saisine d'un nouveau comité régional était confirmée, elle demande à la caisse primaire et au comité d'observer le principe du contradictoire avant tout avis et conclut à l'inopposabilité à son égard de l'éventuelle prise en charge de la maladie, les décisions des 9 mai 2008 et 27 février 2009 n'ayant pas été prises contradictoirement à son égard.
Au soutien de son appel, elle fait d'abord valoir que M. [M] n'a pas saisi la commission de recours amiable après la décision de refus de prise en charge du 27 février 2009, de sorte qu'il n'était pas recevable à contester cette décision devant les premiers juges. Elle relève aussi l'irrégularité de la décision de la commission de recours amiable en ce que, saisie seulement de la contestation du refus administratif du 9 mai 2008, elle n'aurait pas dû se prononcer sur le refus du 27 février 2009. Selon elle, en l'absence de contestation de cette décision, le refus de prendre en charge la pathologie déclarée par M. [M] est devenu définitif.
Subsidiairement, elle indique qu'en raison de l'indépendance des rapports caisse/assuré et employeur/salarié, la décision de refus initial lui est définitivement acquise et invoque à ce sujet la circulaire du 21 août 2009.
Encore plus subsidiairement, elle demande à être associée aux travaux du comité régional tout en revendiquant l'inopposabilité d'une éventuelle décision de prise à charge dès lors que l'instruction conduite par la caisse primaire avant ses décisions de refus n'a pas été contradictoire à son égard.
La caisse primaire d'assurance maladie du Val de Marne fait déposer et soutenir oralement par son conseil des conclusions aux termes desquelles elle s'en remet à l'appréciation de la Cour sur la fin de non-recevoir soulevée par la société Alstom Power et demande le rejet des demandes d'inopposabilité.
Elle fait valoir en effet que les modalités d'instruction de maladie déclarée par M. [M] sont celles applicables avant l'entrée en vigueur du décret du 29 juillet 2009, de sorte que la société Alstom Power ne peut se prévaloir du caractère définitif de la décision initiale de refus de prise en charge. Enfin, elle soutient qu'en cas de refus, l'article R 441-14 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, prévoit seulement l'envoi d'un double de la notification à l'employeur pour son information. Elle ajoute qu'en raison de sa présence à l'instance judiciaire appelée à se prononcer sur le caractère professionnel de la maladie, l'employeur n'est pas recevable à invoquer l'irrégularité de la procédure d'instruction puisqu'il a pu faire valoir ses moyens de défense. Enfin elle précise que le principe du contradictoire est assuré, durant la procédure judiciaire, par la libre discussion des éléments de fait et de droit invoqués par chacune des parties.
M [M] fait déposer et soutenir oralement par son conseil des conclusions de confirmation du jugement attaqué et de condamnation de la société Alstom Power à lui verser la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter les dépens.
Il fait valoir que son action est recevable dès lors que la commission de recours amiable était déjà saisie lorsque la caisse lui a confirmé, le 27 février 2009, le refus de la prise en charge de sa maladie après avis défavorable du comité régional et a examiné les motifs retenus par ce comité. Il soutient qu'il n'était pas tenu de saisir à nouveau la commission de recours amiable qui a d'ailleurs expressément relevé qu'il contestait non seulement la décision notifiée le 9 mai 2008 mais aussi celle du 27 février 2009. Il indique ensuite que la société Alstom Power ne peut utilement se prévaloir des dispositions nouvelles issues du décret du 29 juillet 2009 alors que l'instruction de son dossier par la caisse primaire est achevée depuis le mois de février 2009. Enfin, il fait observer que l'appel de la société Alstom Power ne peut porter sur la disposition du jugement ordonnant la saisine d'un autre comité régional, cette disposition ne mettant pas fin au litige. Il fait observer qu'il n'y a pas lieu d'évoquer le fond du dossier avant de connaître l'avis qui sera rendu par ce comité.
Il est fait référence aux écritures ainsi déposées de part et d'autre pour un plus ample exposé des moyens proposés par les parties au soutien de leurs prétentions ;
Sur quoi la Cour,
Sur la recevabilité du recours formé par M. [M] :
Considérant qu'il résulte des articles R 242-1 et R 242-18 du code de la sécurité sociale que le tribunal des affaires de sécurité sociale ne peut être saisi d'une réclamation contre un organisme de sécurité sociale qu'après que celle-ci a été soumise à la commission de recours amiable ;
Considérant qu'en l'espèce, M. [M] avait déjà saisi la commission de recours amiable à la suite du refus de la prise en charge de sa maladie notifiée le 9 mai 2008 lorsque la caisse primaire lui a confirmé ce refus, le 27 février 2009, après l'avis défavorable émis par le comité régional ;
Considérant qu'il n'était donc pas tenue de saisir à nouveau la commission qui ne s'était pas encore prononcée sur sa demande de prise en charge ;
Considérant qu'il ressort d'ailleurs de la notification de la décision de la commission de recours amiable que celle-ci a statué à la suite du refus opposé le 9 mai 2008 mais aussi de celui notifié le 27 février 2009 ;
Considérant que, dans ces conditions, c'est à juste titre que les premiers juges ont rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la société Alstom-Power ;
Sur les demandes de la société Alstom-Power tendant à sa mise hors de cause ou à la reconnaissance de l'inopposabilité des décisions de la caisse primaire:
Considérant d'abord que les nouvelles dispositions invoquées par la société sont issues du décret du 29 décembre 2009 entré en vigueur le 1er janvier 2010;
Considérant qu'elles n'étaient donc pas applicables à la procédure d'instruction de la maladie professionnelle déclarée par M. [M] le 29 octobre 2007 à l'issue de laquelle la caisse primaire lui a notifié, le 27 février 2009, un refus de prise en charge ;
Considérant que la société Alstom Power ne peut donc opposer à la caisse primaire les nouvelles modalités selon lesquelles, en cas de refus de reconnaissance du caractère professionnel de la maladie, la décision initiale reste définitivement acquise à l'employeur, quelle que soit l'issue de la contestation du salarié ;
Considérant ensuite que l'employeur n'est pas recevable à invoquer l'irrégularité de la procédure administrative d'instruction d'une demande de reconnaissance du caractère professionnel de la maladie, lorsque la prise en charge résulte d'une procédure judiciaire à laquelle il a participé et a pu faire valoir contradictoirement ses moyens de défense ;
Considérant qu'en l'espèce, la société Alstom-Power a été appelée à la cause dès l'introduction du recours de M. [M] contre la décision de la caisse de refuser la prise en charge de sa maladie et a été en mesure de faire valoir ses moyens de défense ;
Considérant qu'au surplus, la procédure judiciaire se poursuit dans l'attente de l'avis d'un second comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles et aucune prise en charge n'est encore acquise ; qu'il est donc prématuré de se prononcer sur l'opposabilité de la décision à intervenir ;
Considérant que, dans ces conditions, c'est à juste titre que les premiers juges ont rejeté la demande de la société Alstom-Power tendant à l'inopposabilité de la procédure de reconnaissance de la maladie déclarée par son salarié ;
Considérant qu'enfin, le tribunal ne pouvait se prononcer sur l'origine professionnelle de la maladie sans recueillir préalablement l'avis d'un comité régional autre que celui saisi par la caisse ;
Que le jugement attaqué sera donc confirmé en toutes ses dispositions ;
Considérant que s'agissant du caractère contradictoire de la procédure d'instruction en cas de saisine d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, les dispositions particulières à l'organisation et au fonctionnement de ces comités et notamment les articles D 461-29 et D 461-30 du code de la sécurité sociale suffisent à le garantir et la société Alstom-Power sera de toute façon en mesure de faire valoir tous moyens de défense avant que la juridiction saisie ne se prononce sur le caractère professionnel de la maladie ;
Considérant qu'au regard de la situation respective des parties, il convient de condamner la société Alstom Power a verser à M. [M] la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Considérant que la procédure en matière de sécurité sociale est gratuite et sans frais ; qu'elle ne donne pas lieu à dépens ;
Par ces motifs
Déclare la société Alstom-Power recevable mais mal fondée en son appel ;
Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;
Renvoie la cause et les parties devant les premiers juges pour la procédure y suivre son cours ;
Condamne la société Alstom-Power à payer à M. [M] la somme de 1500 € au titre de l'article 700 du code procédure civile ;
Dit n'y avoir lieu de statuer sur les dépens ;
Fixe le droit d'appel prévu par l'article R 144-10, alinéa 2, du code de la sécurité sociale à la charge de l'appelante au 10ème du montant mensuel du plafond prévu à l'article L 241-3 et la condamne au paiement de ce droit ;
Le Greffier, Le Président,