Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 3 - Chambre 1
ARRÊT DU 03 JUILLET 2013
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 09/07072
Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Février 2009 -Tribunal de Grande Instance de SENS - RG n° 05/01352
APPELANT
DEFENDEUR A L'EVOCATION
Monsieur [V], [J] [Z]
né le [Date naissance 1] 1943 à [Localité 3] (Yonne)
Lieu-dit '[Adresse 3]'
[Localité 2]
Représenté et assisté de Me Nicolas SCHBATH de la SCP Bernard SCHBATH, avocat au barreau de PARIS, toque : E0177
INTIMÉ
DEMANDEUR A L'EVOCATION
Monsieur [H] [P]
Mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de Monsieur [Y] [A] [D] [Z]
[Adresse 1]
[Localité 1]
Représenté par Me Frédéric BURET, avocat au barreau de PARIS, toque : D1998, postulant
assisté de Me Denis EVRARD de la SCP EVRARD & ASSOCIÉS, avocat au barreau de SENS, plaidant
COMPOSITION DE LA COUR :
Après rapport oral, l'affaire a été débattue le 28 mai 2013, en audience publique, devant la cour composée de :
Monsieur Pascal CHAUVIN, président,
Madame Nathalie AUROY, conseiller
Madame Monique MAUMUS, conseiller
qui en ont délibéré
Greffier :
lors des débats et du prononcé de l'arrêt : Madame Marie-France MEGNIEN
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Pascal CHAUVIN, président, et par Madame Marie-France MEGNIEN, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*
* *
Par acte du 15 mai 2001, M. [Y] [Z] et M. [V] [Z] ont acquis, à concurrence de moitié chacun, la forêt [Adresse 2] constituée de six parcelles de bois situées à [Localité 5] (Yonne).
Par jugement du 26 janvier 2005, le tribunal de commerce de Joigny a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de M. [Y] [Z] et a désigné Me [H] [P] en qualité de mandataire liquidateur.
Par acte du 25 novembre 2006, Me [H] [P] ès qualités a assigné M. [V] [Z] en ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de l'indivision et en licitation des immeubles indivis.
Par jugement du 26 janvier 2007, le tribunal de grande instance de Sens a :
- ordonné l'ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de l'indivision et désigné le président de la chambre départementale des notaires de l'Yonne avec faculté de délégation afin d'y procéder,
- ordonné la licitation des immeubles indivis,
- préalablement, ordonné une mesure d'expertise immobilière et désigné M. [F] [G] afin d'y procéder,
- renvoyé l'affaire à la mise en état,
- ordonné l'emploi des dépens en frais privilégiés de liquidation et de partage.
Le 23 janvier 2008, M. [G] a déposé son rapport.
Par jugement du 27 février 2009, le tribunal de grande instance de Sens a, pour l'essentiel :
- constaté que le jugement du 26 janvier 2007 est passé en force de chose jugée,
- fixé à 400 000 euros la mise à prix des immeubles indivis, avec faculté de baisse d'un quart à défaut d'enchères, laquelle aura lieu à la barre du tribunal,
- condamné M. [Z] à verser à Me [P] ès qualités la somme de 202 403,93 euros en réparation du préjudice résultant de la conclusion d'un protocole d'achat de bois sur pieds, le 29 avril 2004, avec la société Ferom Bois, la somme de 3 000 euros en réparation du préjudice résultant de la conclusion d'un bail de chasse et la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. [Z] aux frais de la mesure d'expertise,
- ordonné une mesure d'expertise et désigné M. [R] [B] à l'effet de déterminer l'origine des fonds ayant servi à acquérir la forêt [Adresse 2], le 15 mai 2001, ainsi que les modalités de paiement du prix,
- débouté les parties du surplus de leurs demandes,
- ordonné l'exécution provisoire,
- réservé les dépens.
Par déclaration du 20 mars 2009, M. [Z] a interjeté appel de cette décision.
Par ordonnance du 23 mars 2010, le conseiller de la mise en état a sursis à statuer sur l'appel interjeté jusqu'au dépôt du rapport d'expertise de M. [B], dit qu'il appartiendra à la partie la plus diligente d'informer la cour sans délai du dépôt du rapport et dit que les dépens de l'incident suivront le sort de ceux de l'instance au fond.
Le 26 avril 2012, M. [B] a déposé son rapport.
Par arrêt du 13 février 2013, la cour d'appel de Paris (pôle 3 - chambre 1) a :
- confirmé le jugement déféré, sauf en ce qu'il a condamné M. [Z] à verser à Me [P] ès qualités la somme de 202 403,93 euros en réparation du préjudice résultant de la conclusion d'un protocole d'achat de bois sur pieds, le 29 avril 2004, avec la société Ferom Bois,
- statuant à nouveau de ce chef,
- débouté Me [P] ès qualités de sa demande en paiement de la somme de 202 403,93 euros,
- y ajoutant,
- décidé d'évoquer les points non jugés par le tribunal et ayant fait l'objet de la mesure d'expertise de M. [R] [B],
- ordonné la réouverture des débats,
- révoqué l'ordonnance de clôture,
- renvoyé l'affaire à la mise en état,
- dit que M. [Z] conclura au fond sur les points ayant fait l'objet de la mesure d'expertise de M. [R] [B] avant le 19 mars 2013,
- dit que Me [P] ès qualités conclura éventuellement en réponse avant le 23 avril 2013,
- fixé au 15 mai 2013 la date de l'ordonnance de clôture et au 28 mai 2013 la date de l'audience des plaidoiries,
- réservé les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les dépens.
Dans ses dernières conclusions déposées le 24 avril 2013, M. [Z] demande à la cour de :
- constater que Me [P] ès qualités ne rapporte pas la preuve de la créance qu'il invoque,
- au surplus,
- constater qu'il s'est acquitté de sa dette envers M. [Y] [Z],
- ce faisant, lui adjuger de plus fort le bénéfice de ses précédentes écritures,
- débouter Me [P] ès qualités de l'ensemble de ses demandes,
- condamner Me [P] 'à 10 000 euros' au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions déposées le 11 avril 2013, Me [P] ès qualités demande à la cour de :
- homologuer le rapport d'expertise de M. [B],
- condamner M. [V] [Z] à payer à la liquidation judiciaire de M. [Y] [Z] la somme de 933 720 euros augmentée des intérêts de droit à compter du 25 mai 2012,
- condamner M. [V] [Z] à lui payer une indemnité de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais des mesures d'expertise, avec bénéfice de l'article 699 du même code.
SUR CE, LA COUR,
Considérant qu'un débiteur est valablement libéré à l'égard de son créancier par le paiement effectué pour son compte par un tiers, quels que soient les recours éventuels que ce tiers pourrait exercer contre lui ; que le tiers qui, sans y être tenu, a payé la dette d'autrui de ses propres deniers est tenu de prouver que la cause dont procède ce paiement implique pour le débiteur l'obligation de lui rembourser les sommes ainsi versées ;
Considérant en l'espèce que, s'agissant de l'acquisition, le 15 mai 2001, par M. [Y] [Z] et M. [V] [Z], de la forêt [Adresse 2], l'expert désigné par le tribunal, M. [R] [B], avait mission de rechercher si le prix avait été payé par ou hors la comptabilité du notaire et quelle avait été l'origine des fonds ;
Considérant qu'il résulte du rapport clair, précis et circonstancié de M. [R] [B] :
- que le prix d'acquisition de la forêt [Adresse 2], d'un montant de 3 450 000 francs (525 950 euros), ainsi que les frais d'acquisition, d'un montant de 67 000 francs (10 214 euros), ont été réglés par la comptabilité de la scp [Q], notaire à [Localité 4] (Côte d'Or), assistée de Me [W] [S], notaire à [Localité 6] (Yonne),
- que le prix de la part indivise de M. [Y] [Z] a été réglé directement par lui à partir de comptes bancaires qui lui étaient propres, tandis que le prix de la part indivise de M. [V] [Z] a été payé à partir d'un compte bancaire professionnel du cabinet Cbg Conseil, exploité en son nom personnel par M. [Y] [Z] et ayant une activité de conseil en gestion du patrimoine, assurance et courtage,
- que, suivant un contrat conclu le 1er septembre 1992, M. [V] [Z] exerçait une activité d'agent commercial auprès du cabinet Cbg Conseil et qu'un compte fournisseur était ouvert à son nom dans la comptabilité du cabinet,
- que le paiement du prix de la part indivise de M. [V] [Z] s'est inscrit dans un ensemble de paiements de dépenses professionnelles et personnelles effectués par le cabinet Cbg Conseil au profit de M. [V] [Z] et ayant conduit à un solde net débiteur du compte de celui-ci, d'un montant de 933 720 euros au 31 décembre 2002,
- que, le 2 mai 2001, Mlle [C] [S], héritière de la famille [X] et disposant d'un important patrimoine, a conclu, avec l'assistance de son fondé de pouvoir, M. [V] [Z], qui disposait d'un mandat de gestion de ses biens et d'une procuration sur ses comptes, une convention de placements financiers avec le cabinet Cbg Conseil représenté par M. [Y] [Z] et a ainsi versé, entre le 18 avril 2001 et le 18 mai 2001, une somme totale de 9 350 000 francs (1 425 398 euros) à ce titre,
- qu'entre le 1er septembre 2001 et le 14 novembre 2001, Mlle [C] [S] a effectué quatre déclarations de prêts, d'un montant total de 9 671 852 francs (1 474 464 euros), au bénéfice de M. [V] [Z], sans que les prêts aient donné lieu à des versements de fonds,
- que M. [V] [Z] et M. [Y] [Z] ont considéré que les fonds remis par Mlle [C] [S] au cabinet Cbg Conseil représentaient les sommes prêtées par Mlle [C] [S] à M. [V] [Z], ainsi qu'en a attesté la comptabilité du cabinet dans laquelle une compensation de fait a été opérée entre les sommes versées par Mlle [C] [S] au cabinet Cbg Conseil et les sommes réglées par le cabinet Cbg Conseil pour le compte de M. [V] [Z],
- que M. [V] [Z] a ainsi soutenu que les fonds qui ont permis de régler sa part indivise du prix d'acquisition de la forêt [Adresse 2] avaient leur origine dans les prêts que lui a consentis Mlle [C] [S] et a fait valoir qu'un contentieux l'opposant à celle-ci quant au règlement des sommes prêtées s'est soldé par une transaction qui est intervenue le 11 mars 2005 et qui n'a pas été annulée par un arrêt rendu le 14 octobre 2009 par la cour de Paris (pôle 2 - chambre 8), saisie des dispositions civiles d'un jugement rendu le 22 mai 2008 par le tribunal de grande instance d'Auxerre et ayant condamné M. [V] [Z] et M. [Y] [Z] pour abus de faiblesse commis à l'encontre de Mlle [C] [S],
- que, le 13 juin 2005, à la suite du prononcé de la liquidation judiciaire de M. [Y] [Z] le 26 janvier 2005, Mlle [C] [S] a adressé au juge commissaire une requête en relevé de forclusion aux fins de pouvoir déclarer sa créance consécutive à la convention conclue le 2 mai 2001 ;
Considérant qu'ayant décidé d'évoquer, la cour est saisie de la demande formée par Me [P], ès qualités de mandataire liquidateur de la liquidation judiciaire de M. [Y] [Z], et tendant à voir condamner M. [V] [Z] à lui payer la somme de 933 720 euros, augmentée des intérêts de droit à compter du 25 mai 2012, au titre du solde net débiteur du compte de celui-ci au 31 décembre 2002 ;
Considérant qu'eu égard à la règle énoncée précédemment, qui constitue le fondement juridique de la demande découlant des faits allégués, il doit être prouvé que la cause dont procède le paiement par M. [Y] [Z] des dettes professionnelles et personnelles de M. [V] [Z] implique pour celui-ci l'obligation de rembourser à Me [P] ès qualités les sommes versées ;
Considérant qu'il n'est pas démontré que Mlle [C] [S] ait accepté contractuellement que les fonds remis par elle au cabinet Cbg Conseil représentent les sommes prêtées par elle à M. [V] [Z], alors, d'une part, qu'il n'est ni prouvé ni d'ailleurs prétendu qu'elle a cédé à celui-ci la créance qu'elle détenait à l'encontre du cabinet, d'autre part, que celle-ci a tenté à la fois d'obtenir l'annulation de la transaction conclue avec M. [V] [Z] et surtout de déclarer la créance détenue par elle à l'encontre du cabinet et donc de M. [Y] [Z], de sorte qu'aucune compensation ne saurait être admise entre les sommes remises par Mlle [C] [S] au cabinet Cbg Conseil et les sommes payées par le cabinet pour le compte de M. [V] [Z] ;
Considérant que le paiement, par M. [Y] [Z], des dettes professionnelles et personnelles de M. [V] [Z] repose sur une fausse cause, à savoir que les fonds remis à son cabinet par Mlle [C] [S] étaient constitutifs des prêts octroyés par celle-ci à M. [V] [Z] ;
Qu'une telle cause implique pour M. [V] [Z] l'obligation de rembourser à Me [P] ès qualités les sommes payées pour son compte par M. [Y] [Z] via son cabinet ;
Qu'en conséquence, il y a lieu de condamner M. [V] [Z] à payer à Me [P] ès qualités la somme de 933 720 euros avec intérêts au taux légal à compter du 25 mai 2012, date de la première demande, au titre du solde net débiteur du compte de celui-ci au 31 décembre 2002 ;
PAR CES MOTIFS :
Evoquant,
Condamne M. [V] [Z] à payer à Me [P], ès qualités de mandataire liquidateur de la liquidation judiciaire de M. [Y] [Z], la somme de 933 720 euros avec intérêts au taux légal à compter du 25 mai 2012,
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. [V] [Z] et le condamne à verser à Me [P] ès qualités la somme de 5 000 euros,
Condamne M. [V] [Z] aux dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais des deux mesures d'expertise,
Accorde à Me Frédéric Buret le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile,
Dit qu'une copie de la présente décision sera adressée à M. [R] [B], expert, afin de servir à son information.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,