La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/09/2013 | FRANCE | N°11/06599

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 2, 13 septembre 2013, 11/06599


Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 2 - Chambre 2



ARRÊT DU 13 SEPTEMBRE 2013



(n° 2013- , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 11/06599



Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Février 2011 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 05/10628



APPELANT:



Monsieur [F] [V]

[Adresse 1]

[Localité 4]



représenté par la SELARL

PELLERIN - DE MARIA - GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque L 18

assisté de Maître Gautier GISSEROT de la SELARL LAFARGE ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, toque : T10, plaidant pour LAFARGE E...

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 2

ARRÊT DU 13 SEPTEMBRE 2013

(n° 2013- , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 11/06599

Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Février 2011 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 05/10628

APPELANT:

Monsieur [F] [V]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représenté par la SELARL PELLERIN - DE MARIA - GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque L 18

assisté de Maître Gautier GISSEROT de la SELARL LAFARGE ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, toque : T10, plaidant pour LAFARGE ET ASSOCIES

INTIMES

S.A. ALLIANZ IARD

[Adresse 8]

[Localité 2]

représentée par Maître Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN (avocat au barreau de PARIS, toque : L0034)

assistée de Maître Frédéric MALAIZE , plaidant pour la SCP FABRE (avocat au barreau de PARIS, toque : D 2018) et substituant Maître Hélène FABRE, avocat au barreau de PARIS

SOCIÉTÉ [1]

[Adresse 7]

[Localité 3]

représentée par Maître Anne-Marie MAUPAS OUDINOT (avocat au barreau de PARIS, toque : B0653)

assistée de Maître Sophie SCHLUMBERGER, plaidant pour la SCP BURGOT CHAUVET &ASSOCIES (avocat au barreau de PARIS toque R 1230)

C.P.A.M. DE PARIS

[Adresse 3]

[Localité 6]

représentée par la SELARL BOSSU & ASSOCIES (Me Maher NEMER) (avocats au barreau de PARIS, toque : R295)

assistée de Maître Clotilde CHALUT NATAL (avocat au barreau de PARIS, toque : R295)

[2]

[Adresse 4]

[Localité 5]

représentée par Maître Bruno REGNIER de la SCP REGNIER - BEQUET - MOISAN (avocat au barreau de PARIS, toque : L0050)

assistée de Maître Soledad RICOUARD (avocat au barreau de PARIS, toque : C0536)

Madame [T] [Q]

[Adresse 6]

[Localité 1]

représentée par la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES (Me Véronique DE LA TAILLE) (avocats au barreau de PARIS, toque : K0148)

assistée de Maître Laurence BEUREY (avocat au barreau de PARIS, toque : D0469)

Monsieur [R] [O]

[Adresse 5]

[Localité 5]

représenté par la SCP FISSELIER (Me Alain FISSELIER) (avocats au barreau de PARIS, toque : L0044)

assisté de Maître Stéphanie TEMAM , plaidant pour la SCP WOISSBERG (avocat au barreau de PARIS, toque : R254)

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU DOUBS

[Adresse 2]

[Localité 1]

assignée et défaillante

SOCIÉTÉ MAAF SANTÉ

[Adresse 9]

[Localité 1]

assignée et défaillante

COMPOSITION DE LA COUR :

Madame Marie-Sophie RICHARD ayant été préalablement entendue en son rapport dans les conditions de l'article 785 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Juin 2013, en audience publique, devant la Cour composée de :

Anne VIDAL, Présidente de chambre

Françoise MARTINI, Conseillère

Marie-Sophie RICHARD, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Elisabeth VERBEKE

ARRÊT :

- réputé contradictoire

- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Anne VIDAL, Présidente et par Guénaëlle PRIGENT, Greffier.

***

FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES:

Se plaignant de lombalgies Mme [T] [Q] a consulté le docteur [W] qui a pratiqué un scanner le 6 mars 1997 et l'a adressée au docteur [O] chef de neurochirurgie à la [2]. Hospitalisée en urgence à la suite d'une sciatique invalidante Mme [Q] a été opérée à la [2] par le docteur [V] le 28 mars 1997. Les douleurs lombaires sont réapparues deux mois plus tard et ont persisté malgré un traitement par anti inflammatoires.

Mme [Q] a été à nouveau opérée par le docteur [V] le 27 septembre 1997 à la [1].

Une symptomatologie supplémentaire étant apparue, Mme [Q] a sollicité une mesure d'expertise confiée par ordonnance de référé en date du 6 avril 2001 au docteur [L] qui a déposé son rapport le 3 mars 2003.

Mme [Q] a assigné en responsabilité et en indemnisation de son préjudice les docteurs [V] et [O] ainsi que la [1] et la [2], la société AGF, la MAAF SANTE et appelé dan s la cause la CPAM de [Localité 8] et celle de [Localité 7],. Un complément d'expertise a été ordonné notamment pour préciser les conditions d'exercice des docteurs [O] et [V] ainsi que leurs relations contractuelles et à la suite du dépôt du second rapport le tribunal de grande instance de Paris a, par jugement en date du 28 février 2011, déclaré la [2] et le docteur [V] responsables in solidum des préjudices subis par Mme [Q] évalués à 256 205,78 euros retenant un partage de responsabilité à hauteur de 50% chacun et les a condamnés à lui payer cette somme ainsi qu'à la CPAM de Paris la somme de 63 578,94 euros .

Le tribunal a jugé que les fautes commises par le docteur [V] procédant pour partie d'un défaut de surveillance et de contrôle post opératoire après la première intervention à la [2] engageaient la responsabilité de la [2] dont le docteur [V] était le médecin salarié en raison du contrat de soins et d'hospitalisation conclu entre la patiente et la [2] puisque le contrôle non effectué par le docteur [V] était de nature à éviter l'erreur d'étage commise lors de la seconde intervention réalisée par le docteur [V] dans un cadre libéral à la [1] en qualité de remplaçant du docteur [O].

Mais le tribunal a considéré que la négligence fautive du Docteur [O] ayant consisté à ne pas transmettre le contrat de remplacement au conseil de l'Ordre comme il en avait l'obligation, l'Ordre devant donner son autorisation pour ce remplacement à M [V] non titulaire de la spécialité de neurochirurgie, était sans lien de causalité avec le préjudice subi par Mme [Q] que le docteur [V] avait déjà opérée et dont les dommages étaient exclusivement liés aux fautes de ce dernier.

Le tribunal a pour les mêmes motifs écarté la responsabilité de la [1] et enfin retenu que la cie ALLIANZ assureur du docteur [O] pouvait opposer sa non garantie en l'absence de respect des formalités présidant au remplacement effectué par le docteur [V].

Il a également rejeté l'appel en garantie formé par le docteur [V] contre le docteur [O] en retenant que celui-ci ne répondait pas des fautes de son remplaçant.

M [V] a interjeté appel de cette décision et dans ses conclusions signifiées le 1er septembre 2011 demande à la cour de réformer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de garantie présentée à l'encontre de la société ALLIANZ, et de condamner celle-ci à le garantir des condamnations prononcées contre lui en tant que remplaçant du docteur [O], subsidiairement de constater que les négligences commises par le docteur [O] ont eu pour conséquence de le priver de la garantie responsabilité civile professionnelle souscrite auprès de la société ALLIANZ et condamner le docteur [O] à le garantir de toutes condamnation prononcées contre lui, à titre infiniment subsidiaire de rejeter ou réduire à de plus justes proportions les indemnisation allouées à Mme [Q] et à la CPAM de Paris.

Il soutient pour l'essentiel, s'en rapportant au jugement quant à la reconnaissance de la faute commise, que la garantie de la société ALLIANZ est due compte tenu de ses diplômes et notamment de l'octroi d'une licence de remplacement délivrée le 20 décembre 1995 pour une durée indéterminée comme l'a tranché la juridiction ordinale et que si la cour devait retenir l'absence de garantie de l'assureur , celle-ci résultant d'une négligence fautive du docteur [O], ce dernier devrait être condamné au titre d'une perte de chance qui doit être évaluée à 100% puisque les qualifications du docteur [V] lui auraient permis sans aucun doute de disposer des autorisations et habilitations requises pour le remplacement du docteur [O].

Dans ses conclusions signifiées le 19 avril 2013 Mme [Q] qui a formé un appel incident demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il a retenu la seule faute du docteur [V] , de retenir la responsabilité du docteur [V] , du docteur [O], de la [1] et de la [2] en sa qualité de commettant et de les condamner in solidum avec la cie ALLIANZ à l'indemniser de son préjudice qu'elle évalue comme suit:

*préjudices patrimoniaux temporaires:

-dépenses de santé actuelles: 14 206,57 euros dont 731,75 euros à la charge de la victime,

-tierce personne: 6 570 euros,

-frais de transport: 1 883,50 euros,

-perte de gains professionnels actuels: 42 145,18 euros déduction faite de la créance de la CPAM d'un montant de 34 854,32 euros,

*préjudices patrimoniaux permanents:

- frais de véhicule adapté: 2 100 euros,

-tierce personne définitive: 41 710 ,08 euros dont 13 680 euros au titre des arrérages échus,

-perte de gains professionnels futurs: 161.095,80 euros déduction faite de la créance de la CPAM de 15 185,18 euros au titre des arrérages échus de la pension d'invalidité et des prestations versées au titre des indemnités journalières ,

-incidence professionnelle: 40 000 euros,

*préjudices extrapatrimoniaux temporaires:

- déficit fonctionnel temporaire: 38 250 euros,

-souffrances endurées: 25 000 euros,

* préjudices extrapatrimoniaux permanents:

-déficit fonctionnel permanent: 30 000 euros,

- préjudice d'agrément: 5 000 euros,

-préjudice esthétique: 4 000 euros,

-préjudice permanent exceptionnel: perte de chance: 15 000 euros,

Elle soutient pour l'essentiel qu'outre la responsabilité du Docteur [V] et celle de la [2] son employeur, il convient de retenir celle de la [1] qui devait vérifier la qualification professionnelle des chirurgiens auxquels elle permettait d'intervenir dans ses locaux alors que le docteur [V] n'était pas titulaire du certificat de neurochirurgie qui ne lui a été délivré que le 24 octobre 1997 et que le choix du remplaçant du docteur [O] ne pouvait se faire qu'avec l'accord de la [1], celle du docteur [O] qui ne pouvait ignorer qu'il avait organisé un remplacement en contravention avec les dispositions légales et réglementaires de la profession puisqu'il n'a jamais sollicité l'avis du Président du Conseil départemental de l'Ordre des médecins ni obtenu l'arrêté préfectoral autorisant ce remplacement, le docteur [O] apparaissant en outre en qualité de prescripteur sur les actes et examens médicaux pratiqués lors du séjour à la [1].

Elle réactualise enfin son préjudice.

Dans ses conclusions du 11 juin 2012 le docteur [O] demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté sa responsabilité et retenu les fautes du docteur [V] dont il demande à la cour de constater qu'il n'est en fait pas intervenu en qualité de remplaçant au sein de la [1] , de constater qu'il n'était lié par aucun contrat médical avec Mme [Q] , en tout état de cause de rejeter l'ensemble des demandes formées contre lui et de condamner le docteur [V] à lui verser la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Il soutient pour l'essentiel que :

-Mme [Q] n'a pas été sa patiente à la [2] mais uniquement celle du docteur [V] son assistant qui a seul examiné puis opéré et suivi la patiente et qu'il était toujours salarié de la [2] et non pas son remplaçant lors de la seconde intervention pratiquée pour des raisons de commodités et de sa propre initiative par le docteur [V] à la [1];

-le docteur [V] qui n'a obtenu sa spécialité en neurochirurgie que postérieurement aux faits soit le 24 octobre 1997 a commis des faux notamment concernant sa licence de remplacement de 1995 accordée de façon très provisoire et n'a jamais produit l'original du contrat de remplacement pourtant réclamé ,

-à supposer que le docteur [O] ait commis une faute, celle-ci serait sans lien avec le préjudice résultant de la seule erreur médicale commise par le docteur [V],

-il conteste enfin l'évaluation de ses préjudices faite par Mme [Q] .

Dans ses conclusions signifiées le 28 novembre 2012 la cie ALLIANZ IARD qui forme un appel incident, demande à la cour de réformer le jugement et de constater que le docteur [V] n'a jamais agi comme remplaçant du docteur [O] et qu'elle ne doit pas sa garantie à ce titre, subsidiairement de confirmer le jugement en ce qu'il a dit que la cie était bien fondée à opposer sa non garantie, de débouter Mme [Q] de ses demandes à ce titre ainsi que de ses demandes en garantie à son encontre, plus subsidiairement de constater l'absence de lien de causalité entre la faute du docteur [O] et le préjudice de Mme [Q] et à titre infiniment subsidiaire de dire que la faute du docteur [O] n'est à l'origine que d'une perte de chance évaluée à 5% de Mme [Q] d'être opérée par un autre praticien et d'éviter les dommages subis et en tout état de cause de condamner le docteur [V] à la garantir de toute condamnation qui pourrait être prononcée contre elle et à lui verser la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient pour l'essentiel que le docteur [O] n'a jamais rencontré Mme [Q] à la [2] et que l'intervention à la [1] n'est que la continuité de la relation intuitu personae formée entre Mme [Q] et le docteur [V], que le contrat de remplacement est un faux manifeste , subsidiairement qu'elle est bien fondée à opposer sa non garantie compte tenu des conditions du remplacement jamais communiqué à l'ordre des médecins et dont la durée devait être temporaire soit trois mois et non un an et enfin de l'absence de diplôme de spécialité obtenu seulement le 24 octobre 1997, la licence dont fait état le docteur [V] étant d'un durée limitée au 31 décembre 1995;

plus subsidiairement qu'aucun lien de causalité n'est démontré entre une éventuelle faute du docteur [O] et le préjudice subi par Mme [Q], les diplômes du docteur [V] lui permettant d'obtenir alors la dérogation pour pratiquer l'intervention litigieuse.

Dans ses conclusions du 5 septembre 2011 la [2] sollicite l'infirmation du jugement et sa mise hors de cause, seule la seconde intervention pratiquée à la [1] étant selon elle à l'origine du dommage, subsidiairement la condamnation de la cie ALLIANZ et celle du docteur [O] à garantir le docteur [V] des condamnations prononcées contre lui et demande à la cour de dire que dans leurs rapports entre eux la [2] est tenue à hauteur de 20% et le docteur [V] à hauteur de 80% et de réduire les préjudices.

Dans ses conclusions signifiées le 2 septembre 2011 la [1] demande à la cour de

de confirmer le jugement qui l'a mise hors de cause , le docteur [V] lui ayant été présenté de façon élogieuse par le docteur [O] et aucun contrat de soins n'ayant été conclu entre la clinique et Mme [Q], s'agissant d'un remplacement dans le cadre du contrat d'exercice libéral conclu entre le docteur [O] et la clinique à laquelle aucune faute ne peut être reprochée lors de la seconde intervention, et de lui donner acte de ce que le docteur [V] ne sollicite aucune condamnation à son encontre.

Dans ses conclusions signifiées le 9 janvier 2012 la CPAM de Paris sollicite la confirmation du jugement sauf sur le quantum des sommes allouées porté à 70 052,47 euros sous réserve d'actualisation.

MOTIFS DE LA DÉCISION:

Sur les responsabilités:

Considérant que l'expertise du docteur [L] a mis en évidence les fautes commises par le docteur [V] qui ne sont au demeurant pas discutées par ce dernier après l'intervention effectuée le 28 mars 1997 réalisée à la [2] dont le docteur [V] était le médecin salarié aux termes d'un contrat de travail qui a pris fin le 1er novembre 1997; qu'il s'agit d'un défaut de surveillance et de contrôle post opératoire résultant d'une part d' une erreur de rédaction du compte rendu opératoire puisqu'il a été mentionné une hernie discale en L4-L5 et une intervention à ce niveau alors qu'elle a été réalisée en L5-S1 et d'autre part d'une absence d'examens complémentaires post opératoires alors que la patiente se plaignait de phénomènes douloureux;

que l'expertise a également mis en évidence la faute commise par le docteur [V] lors de la seconde intervention inappropriée par arthrodèse en L4-L5 réalisée cette fois à la [1] le 27 septembre 1997 et résultant de la mauvaise position de la 'cage' lors de sa mise en place rendant nécessaire un repositionnement au cours duquel s'est produite une saillie du matériel discal expliquant la symptomatologie surajoutée sur la racine L4 et des lésions à l'origine des séquelles présentées par Mme [Q] ;

que les premières fautes commises lors de la rédaction du premier compte rendu opératoire et lors de la consultation post opératoire sont en lien direct avec le préjudice subi par Mme [Q] puisque comme l'a justement relevé le tribunal, la mention erronée de l'étage d'intervention sur le compte rendu et l'absence d'examen complémentaire lors de la consultation post opératoire effectuée à la [2] le 18 septembre 1997 ont contribué à l'erreur d'étage commise lors de la seconde intervention pratiquée à la [1] de sorte que la [2] doit être tenue sur la base du contrat d'hospitalisation et de soins conclu entre la patiente et cet hôpital de réparer les conséquences dommageables des fautes commise par son salarié le docteur [V];

que le docteur [V] est intervenu à la [1] sans qu'aucun contrat de travail ne le lie à cet établissement; qu'il n'existe pas davantage de contrat de soins entre Mme [Q] et le docteur [O] qu'elle n'a jamais rencontré;

que ce dernier comme l'a pertinemment relevé le tribunal n'a jamais argué de faux dans ses conclusions au fond le contrat de remplacement que le docteur [V] soutient avoir signé avec lui, qu'au surplus il résulte des lettres échangées entre le docteur [O] et la [1] que ce praticien qui exerçait à titre libéral dans cet établissement a présenté le docteur [V] comme son remplaçant, qu'il écrivait en effet le 3 janvier 1997 à la [1]: 'je confirme par ce petit mot que le Dr [F] [V] me remplacera à la clinique un mardi sur deux en consultation et un jour par semaine au bloc opératoire, et ce pendant toute cette année. Le Dr [V] est assistant dans mon service à la [2] et il y aura donc une bonne continuité des soins pour les patients neuro-chirurgicaux de la Clinique';

qu'ainsi c'est bien en cette qualité que le docteur [V] a opéré Mme [Q] le 27 septembre 1997 au sein de la [1];

qu'il doit donc être tenu responsable des fautes commises lors de cette seconde intervention pratiquée à titre libéral;

Considérant que Mme [Q] reproche au docteur [O] d'avoir commis une faute en organisant son remplacement par un médecin qui n'avait pas les qualifications et la compétence requises et sans en avertir le conseil de l'ordre comme le prévoit le code de la santé publique; qu'elle reproche également à la [1] avec lequel le docteur [O] avait conclu un contrat d'exercice libéral couvert par une assurance responsabilité professionnelle de n'avoir effectué aucun contrôle lors de la présentation du docteur [V] comme remplaçant du docteur [O] et de n'avoir pas respecté le contrat d'hospitalisation qui met à la charge de la clinique une obligation d'organisation et de bon fonctionnement qui impose la mise à disposition d'une équipe médicale compétente;

que par de justes motifs que la cour adopte le tribunal a retenu que le docteur [O] qui ne soutient pas davantage dans ses conclusions au fond devant la cour que le contrat de remplacement serait un faux a commis une négligence fautive en ne respectant pas les dispositions du code de la santé publique relatives aux contrats de remplacement et notamment l'article R 4127-65 qui impose une information préalable de l'Ordre mais que cette faute est sans lien avec le préjudice subi par Mme [Q], le contrôle préalable des compétences du docteur [V] s'il avait été effectué n'étant pas de nature à changer la décision de Mme [Q] de se faire opérer par ce dernier;

qu'en effet celle-ci avait toute confiance dans les compétences du docteur [V], assistant en neurochirurgie dans le service du docteur [O] au sein de la [2], de sorte que l'existence d'une perte de chance pour Mme [Q] d'avoir recours à un autre praticien titulaire du diplôme que n'avait pas encore le docteur [V] et d'éviter les séquelles subies n'est pas démontrée;

qu'il ne peut en revanche être reproché une négligence fautive à l'égard de la [1] à laquelle le docteur [O] a transmis un curriculum vitae du docteur [V] ainsi que des recommandations relatives à leur collaboration à la [2], le docteur [V] ayant au surplus assuré le remplacement de manière à permettre la bonne organisation des soins pendant les congés du docteur [O];

qu'à supposer la négligence fautive de la [1] démontrée, la perte de chance en résultant pour Mme [Q] d'être opérée par un autre praticien que le docteur [V] qu'elle avait librement suivi dans un autre établissement hospitalier n'est pas davantage démontrée;

que la décision qui a retenu la responsabilité in solidum de la [2] et du docteur [V] sera confirmée;

Considérant que la société ALLIANZ, assureur responsabilité professionnelle du docteur [O] dénie à bon droit sa garantie au docteur [V] dès lors que l'extension de garantie au remplaçant de l'assuré suppose que ce dernier soit titulaire des mêmes diplômes et autorisations ou qu'il soit légalement habilité et que, comme l'a relevé le tribunal, le docteur [V] qui n'était pas titulaire du diplôme de neurochirurgie lorsqu'il a opéré Mme [Q] n'avait pas davantage obtenu une habilitation par arrêté préfectoral;

Considérant que le docteur [V] reproche au docteur [O] une négligence fautive à l'origine de ce défaut d'assurance et soutient] que dès lors que son dossier lui aurait permis s'il avait été présenté devant les instances ordinales par le Dr [O] comme celui-ci en avait l'obligation, d'obtenir les autorisations nécessaires pour effectuer le remplacement de ce dernier, la faute du Dr [O] est à l'origine de la perte de chance pour lui d'être régulièrement garanti par la cie AXA, perte de chance qu'il estime à 100% compte tenu de ses compétences et qualifications;

que si compte tenu des compétences dont il justifie notamment par les éléments relatifs à ses études médicales versés aux débats, le Dr [V] était en mesure d'exercer régulièrement ce remplacement en obtenant les autorisations nécessaires, les circonstances dans lesquelles il a remplacé le Dr [O] révèlent qu'il a commis une faute de nature à exonérer totalement le docteur [O] de toute responsabilité;

qu'en effet le docteur [V] s'est prévalu auprès du Dr [O] de la qualité de neurochirurgien titulaire d'un DES de neurochirurgie qu'il ne possédait pas encore puisque son inscription comme spécialiste en neurochirurgie n'est intervenue que le 24 octobre 1997 après obtention du diplôme le 2 octobre 1997, trompant ainsi la confiance du docteur [O] qui s'est abstenu de transmettre le contrat de remplacement auprès de l'ordre, persuadé que le docteur [V] était en possession du diplôme requis pour ce remplacement;

que le docteur [V] sera débouté de sa demande de garantie à l'encontre du Dr [O];

Considérant que dans les rapports entre eux la part de responsabilité de la [2] sera fixée à 20% et celle du docteur [V] à 80% eu égard à l'importance respective des fautes commises par le docteur [V] d'une part au sein de la [2] dont il était le salarié et d'autre part à la [1] en sa qualité de praticien libéral et alors qu'il lui appartenait de vérifier le dossier constitué à la [2] Rotschild avant d'intervenir à nouveau à titre libéral au sein de la [1];

Sur le préjudice:

Considérant qu'au vu des deux rapports d'expertise desquels il résulte :

-une ITT du 27 septembre 1997 au 20 décembre 2001 date de la consolidation,

- une IPP de 20%,

- des souffrances endurées de 4,5/7,

-un préjudice esthétique de 2/7,

-une incidence professionnelle pouvant être chiffrée comme son IPP: son état rendant difficile la possibilité de retrouver du travail compte tenu également de son âge,

-un préjudice d'agrément,

-la nécessité de l'assistance d'une tierce personne pour les courses importantes et le gros ménage soit 2H/semaine,

-la nécessité d'équiper son véhicule d'une boîte automatique;

ainsi que des éléments versés aux débats et de l'âge de Mme [Q] âgée de 55 ans au jour de la consolidation, son préjudice sera évalué comme suit:

Préjudices patrimoniaux:

Préjudices patrimoniaux temporaires:

-dépenses de santé actuelles:

prises en charge par la CPAM de Paris:13 474,82 euros,

restées à charge: 731,75 euros,

la question de savoir si ces dépenses ont été facturées au nom du Dr [O] étant sans incidence s'agissant de réparer le préjudice subi par Mme [Q], ce qui n'est pas contesté;

-frais divers de transport:

en l'absence de justificatifs il n'y a pas lieu de faire droit à ce chef de demande,

-assistance tierce personne: justement évaluée par le tribunal cette aide sera accordée à hauteur de la somme de 6 570 euros jusqu'à la consolidation ,

-perte de gains professionnels actuels: 42 145,18 euros, après actualisation sur la base du dernier coefficient INSEE valeur 2012, de la somme de 34 719,98 euros et en tenant compte d'une rémunération annuelle nette de 18 294 euros,

Mme [Q] n'ayant subi aucune perte de salaire en 1997 et 1998 , une perte de salaire de 6 373,67 euros en 1999, de 13 739,87 euros en 2000 , de 14 606,44 euros en 2001 jusqu'à la date de consolidation au 20 décembre 2001, étant précisé qu'à compter de la fin de son préavis elle a perçu de la CPAM des indemnités journalières qui se sont élevées à la somme de 29 440,45 euros à laquelle il convient d'ajouter les arrérages de la pension d'invalidité servie à compter du 5 mars 2000 jusqu'à la date de la consolidation;

préjudices patrimoniaux permanents:

-frais de véhicule adapté: il sera fait droit à cette demande à hauteur de la somme de 2 100 euros compte tenu du devis versé aux débats

-assistance tierce personne définitive:

l'évaluation retenue par le tribunal sera adoptée par la cour qui retiendra la somme de 18 360 euros pour les arrérages échus au 30 septembre 2013 ainsi qu'une rente viagère annuelle de 22 635,60 euros à compter du 1er octobre 2013,

-Perte de gains professionnels futurs: 94 466,34 euros

Considérant que par des motifs pertinents que la cour adopte le tribunal a retenu compte tenu de l'âge de Mme [Q], de son licenciement survenu en 1998 de la société où elle exerçait la profession d'aide comptable en lien direct avec ses arrêts de travail prolongés consécutifs aux interventions du Dr [V], de la pension d'invalidité allouée à compter de mai 2000 et des prestations versées par ailleurs, que ce poste de préjudice pouvait être évalué à la somme de 156 651,52 euros; que cependant seules la pension d'invalidité à hauteur de 15 185,18 euros et les retraites versées à hauteur de 47 000 euros seront déduites de ce montant;

-incidence professionnelle:

destiné à réparer en l'espèce la perte de droits à la retraite si elle avait continué à travailler jusqu'à l'âge de celle-ci, ce poste de préjudice a été justement évalué par le tribunal à la somme de 20 000 euros;

Préjudices extra patrimoniaux:

préjudices extra patrimoniaux temporaires:

-déficit fonctionnel temporaire:

justement évalué par le tribunal à la somme de 38 250 euros qui tient compte des 160 séances de rééducation ainsi que des traitements morphiniques administrés pour calmer la douleur;

-souffrances endurées de 5,5/7: 20 000 euros,

préjudices extra patrimoniaux permanents:

-déficit fonctionnel permanent: 30 000 euros,

-préjudice d'agrément( marche et natation): 5 000 euros,

-préjudice esthétique 2/7 (marche avec cannes): 3 000 euros,

-préjudice permanent exceptionnel:

Considérant que l'expert indique que l'intervention chirurgicale du 27 septembre 1997 a entraîné une souffrance de la racine L4 gauche qui n'existait pas auparavant et qui représente une perte de chance pour le traitement de la sciatalgie S1 gauche, que cependant l'intégralité des séquelles présentées par Mme [Q] et notamment celles résultant de l'impossibilité de ré intervenir en S1 ont été prises en compte dans l'évaluation du déficit fonctionnel permanent de sorte qu'il n'y a pas lieu de faire droit à ce chef de demande;

qu'il convient en conséquence d'allouer à Mme [Q] la somme de 186 156,93 euros en réparation de son préjudice corporel outre une rente viagère annuelle de 22 635, 60 euros et à la CPAM de Paris la somme de 70 052,47 euros;

Considérant que l'équité commande de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de Mme [Q] et de la CPAM de Paris;

Considérant que les dépens d'appel seront supportés in solidum par les autres parties;

PAR CES MOTIFS:

Statuant publiquement, par décision réputée contradictoire:

-Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a déclaré dans leurs rapports entre eux la [2] et le docteur [V] responsables chacun à hauteur de 50% des dommages subis par Mme [Q] et en ce qui concerne le montant des sommes allouées à Mme [Q] et à la CPAM de Paris;

-Condamne in solidum la [2] et le docteur [V] à payer à Mme [Q] la somme de 186 156,93 euros en réparation de son préjudice corporel ainsi qu'une

rente viagère annuelle au titre de la tierce personne d'un montant de 22 635,60 euros à compter du 1er octobre 2013 et qui sera suspendue en cas d'hospitalisation ou de prise en charge en milieu médical spécialisé supérieure à 45 jours,

-Dit que cette rente sera payable à terme échu, avec intérêts au taux légal à compter de chaque échéance échue et sera révisable chaque année conformément à l'article 2 de la loi 51-695 du 24 mai 1951,

-Condamne in solidum la [2] et le docteur [V] à payer à la CPAM de Paris la somme de 70 052,47 euros en remboursement des prestations par elle exposées outre intérêts à compter du 23 décembre 2005 sous réserve d'actualisation outre l'indemnité prévue par l'article L 376-1 du code de la sécurité sociale;

-Déclare dans leurs rapports entre eux la [2] et le docteur [V] responsables à hauteur respectivement de 20% et de 80% des dommages subis par Mme [Q],

-Condamne le docteur [V] à garantir la [2] à hauteur de 80% des condamnations prononcées contre elle;

Y ajoutant,

-Condamne in solidum le docteur [V] et la [2] à payer à Mme [Q] la somme de 4 000 euros et à la CPAM de Paris la somme de 1000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile;

-Condamne in solidum le docteur [V] et la [2] aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile;

-Déboute les parties du surplus de leurs demandes;

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 11/06599
Date de la décision : 13/09/2013

Références :

Cour d'appel de Paris C2, arrêt n°11/06599 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-09-13;11.06599 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award