Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 1
ARRET DU 01 OCTOBRE 2013
(n° , 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 13/00797
Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Avril 2009 rendu par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE - RG n° 08/12280
Arrêt de la Cour d'appel de VERSAILLES du 6 octobre 2011
Après renvoi de Cassation du 19 décembre 2012
APPELANT
Monsieur [G] [S] né le [Date naissance 1] 1974 à [Localité 5] (Egypte)
COMPARANT
[Adresse 2]
[Localité 2]
représenté par Me Chantal-Rodene BODIN CASALIS, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : L0066
assisté de Me Marie-France MESLEM, avocat plaidant du barreau de PARIS, toque :
G 114
INTIME
Le MINISTÈRE PUBLIC agissant en la personne de Monsieur le PROCUREUR GÉNÉRAL près la Cour d'Appel de PARIS
élisant domicile en son parquet au [Adresse 4]
représenté par Madame ESARTE, substitut général
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 5 septembre 2013, en audience publique, le rapport entendu, devant la Cour composée de :
Monsieur ACQUAVIVA, Président
Madame GUIHAL, Conseillère
Madame DALLERY, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Madame PATE
MINISTÈRE PUBLIC : représenté lors des débats par Madame ESARTE, substitut général, qui a développé oralement ses conclusions écrites
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur ACQUAVIVA, président et par Madame PATE, greffier présent lors du prononcé.
Le mariage de M. [G] [S], né le [Date naissance 1] 1974 à [Localité 5] (Egypte), de nationalité égyptienne, et de Mme [Z] [V], née le [Date naissance 3] 1968 à [Localité 9], de nationalité française, a été célébré le [Date mariage 1] 2000 à [Localité 7] (93). M. [S] a acquis la nationalité française, sur le fondement de l'article 21-2 du code civil, par déclaration souscrite le 25 juin 2001 et enregistrée le 6 mai 2002.
Par acte du 24 septembre 2008, le ministère public a assigné M. [S] pour voir prononcer l'annulation de cet enregistrement. Cette demande a été accueillie par un jugement du tribunal de grande instance de Nanterre du 7 avril 2009, confirmé par un arrêt de la cour d'appel de Versailles du 6 octobre 2011.
Cette décision a été cassée en toutes ses dispositions, avec renvoi à la cour d'appel de Paris, par un arrêt de la Cour de cassation du 19 décembre 2012 au motif, d'une part, que la cour d'appel avait déclaré non prescrite l'action du ministère public sans constater la date à laquelle le ministère public territorialement compétent avait découvert la fraude qu'il imputait à M. [S], d'autre part, que la cour d'appel avait retenu la présomption de fraude résultant de la cessation de la vie commune dans les douze mois suivant l'enregistrement de la déclaration, alors qu'il résultait de la décision du Conseil constitutionnel du 30 mars 2012 que cette présomption n'était susceptible de s'appliquer que dans les instances engagées dans les deux années de la date de l'enregistrement.
Cette cour d'appel a été saisie par déclaration de M. [S] déposée le 14 janvier 2013.
Par conclusions du 1er juillet 2013, M. [S] demande à la cour de déclarer son appel recevable et bien fondé, d'infirmer la décision entreprise, d'annuler l'acte introductif d'instance et la procédure subséquente, subsidiairement, de déclarer prescrite l'action du ministère public, de constater l'absence de fraude, de déclarer valable l'enregistrement de la déclaration de nationalité du 6 mai 2002, de dire qu'il est français et de débouter le ministère public de ses demandes.
Par conclusions signifiées le 25 juillet 2013, le ministère public demande à la cour de confirmer le jugement de première instance et constater l'extranéité de l'appelant.
SUR QUOI :
Sur la demande d'annulation de l'acte introductif d'instance :
Considérant que M. [S] fait grief au ministère public d'avoir fait délivrer l'acte introductif d'instance au [Adresse 1], [Localité 4], alors qu'il avait déménagé au [Adresse 3] [Localité 1] le 1er septembre 2004, qu'il en avait informé les services sociaux et fiscaux et que le ministère public, qui connaissait les termes du jugement de divorce, ne pouvait ignorer qu'il avait dû quitter le domicile conjugal;
Mais considérant que l'adresse de [Localité 4], qui figurait sur le jugement de divorce rendu contradictoirement le 11 mars 2004, est le dernier domicile de M. [S] dont il est établi que le ministère public ait eu connaissance; que l'acte introductif d'instance, transformé en procès-verbal de recherches a été délivré à cette adresse le 24 septembre 2008 et les lettres, recommandée et simple, expédiées, après que le clerc a constaté que le nom de M. [S] ne figurait ni sur les boîtes aux lettres ni sur l'interphone, qu'un voisin a indiqué que l'intéressé était inconnu à cet endroit et que la recherche sur l'annuaire électronique du département des Hauts de Seine est demeurée infructueuse;
Considérant qu'il en résulte que l'huissier instrumentaire, qui ne pouvait solliciter les organismes sociaux ou l'administration fiscale, a accompli les diligences qu'exige l'article 659 du code de procédure civile, de sorte que la demande d'annulation de l'acte introductif instance présentée par M. [S], lequel a, du reste, été relevé de forclusion et a pu faire valoir ses moyens de défense devant la cour d'appel, ne peut qu'être rejetée;
Sur la prescription de l'action du ministère public :
Considérant qu'aux termes de l'article 26-4 alinéa 3 du code civil ; 'L'enregistrement peut encore être contesté par le ministère public en cas de mensonge ou de fraude dans le délai de deux ans à compter de leur découverte'; que ce délai court à compter de la date à laquelle le ministère public territorialement compétent a découvert la fraude;
Considérant qu'en l'espèce, le ministère public territorialement compétent est celui de [Localité 6]; que, dès lors, contrairement à ce que soutient M. [S], le délai précité n'a pas commencé à courir à compter de la réception par le procureur de la République de [Localité 8] d'un courrier de dénonciation de Mme [V], ni à compter de l'audition de cette dernière par les services de police de [Localité 3]-[Localité 8] en janvier 2003 à la demande du préfet du Val d'Oise, mais seulement lorsque l'indication d'une éventuelle fraude a été portée à la connaissance du procureur de la République de [Localité 6] par le ministère de la Justice, lequel a été saisi de la situation de M. [S] au regard de la nationalité française par une dépêche du ministère chargé des naturalisations du 20 septembre 2007, de sorte que le délai biennal, dont le point de départ ne pouvait être antérieur à cette dernière date, n'était pas expiré lorsque l'acte introductif d'instance a été délivré le 24 septembre 2008;
Que la fin de non-recevoir doit donc être écartée;
Sur le fond :
Considérant que l'action en annulation de l'enregistrement de la déclaration ayant été introduite plus de deux ans après cet enregistrement, la preuve de la fraude incombe au ministère public;
Considérant que M. [S] et Mme [V] se sont rencontrés en juin 1999; que leur mariage religieux a été célébré deux mois plus tard et le mariage civil le 5 février 2000; que la déclaration de nationalité française a été souscrite le 25 juin 2001 et enregistrée le 6 mai 2002; que par courrier du 22 octobre 2002, adressé au procureur de la République de [Localité 8], Mme [V] a indiqué que M. [S] l'avait épousée dans l'unique dessein d'acquérir la nationalité française et que, dès que ce but avait été atteint, il avait exercé de nombreuses violences à son encontre; que Mme [V] a dû être hospitalisée le 22 octobre 2002 à la suite de coups ayant entraîné une incapacité de huit jours pour lesquels M. [S] a été condamné par un jugement du tribunal correctionnel de Paris en date du 8 janvier 2003 à 4 mois d'emprisonnement avec sursis; qu'à la suite de ces faits, qui avaient été précédés d'autres violences en septembre 2002, Mme [V] a dû être hébergée dans un foyer d'accueil puis dans sa famille et qu'elle ne cohabitait plus avec son mari depuis le 30 octobre 2002; qu'elle a introduit le 19 novembre 2002 une requête en divorce pour faute, lequel a été prononcé le 11 mars 2004 aux torts exclusifs de M. [S] ; que ce dernier s'est remarié le [Date mariage 2] 2004 avec Mme [R] [E], née le [Date naissance 2] 1982 à [Localité 5] (Egypte), de nationalité égyptienne, qui a souscrit le 11 septembre 2009 une déclaration d'acquisition de nationalité française en application de l'article 21-2 du code civil;
Considérant qu'il résulte de la chronologie des faits, de la hâte avec laquelle M. [S] a épousé Mme [V] puis a procédé à la déclaration aux fins d'acquisition de la nationalité française, de son brusque et très violent changement de comportement à l'égard de son épouse dès l'obtention de ce résultat, enfin, de son remariage immédiat avec une égyptienne après son divorce, que c'est dans une intention frauduleuse que M. [S] a contracté le mariage litigieux;
Considérant qu'il convient de confirmer le jugement entrepris qui a annulé l'enregistrement de la déclaration de nationalité française souscrite le 25 juin 2001 par M. [G] [S], né le [Date naissance 1] 1974 à [Localité 5] (Egypte), et constaté l'extranéité de l'intéressé;
PAR CES MOTIFS :
Vu l'arrêt de la Cour de cassation du 19 décembre 2012;
Rejette les demandes de M. [S].
Déclare recevable l'action du ministère public.
Confirme le jugement du tribunal de grande instance de Nanterre du 7 avril 2009.
Ordonne la mention prévue par l'article 28 du code civil.
Condamne M. [S] aux dépens.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT