RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 9
ARRÊT DU 02 Octobre 2013
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/11573
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 29 Août 2011 par le conseil de prud'hommes de PARIS - section encadrement - RG n° 09/09332
APPELANTE
Madame [Q] [X] [J]
[Adresse 2]
[Localité 2]
comparante en personne, assistée de Me Jean-Luc TISSOT, avocat au barreau de VERSAILLES
INTIMÉE
RÉGIE AUTONOME DES TRANSPORTS PARISIENS (R.A.T.P.)
[Adresse 1]
[Localité 1]
représentée par Me Michèle BONNET, avocate au barreau de PARIS, C1353
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 01 Juillet 2013, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Christine ROSTAND, présidente, chargée d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Christine ROSTAND, présidente
Monsieur Benoît HOLLEAUX, conseiller
Monsieur Jacques BOUDY, conseiller
GREFFIÈRE : Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, lors des débats
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Christine ROSTAND, présidente et par Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Mme [Q] [X] a été engagée au sein de la Régie autonome des transports parisiens (RATP) le 4 octobre 1983 comme chef de section administratif. Elle est ensuite devenue chef de section principale administratif puis agent de maîtrise et a obtenu enfin le statut cadre.
Suivant lettre recommandée avec accusé de réception du 19 décembre 2006, Mme [X] été convoquée à un entretien préalable en vue d'une éventuelle révocation, fixé au 8 janvier suivant.
Après avis du conseil de discipline, la RATP a prononçé sa révocation le 7 mars 2007.
Contestant cette décision, Mme [X] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris qui par jugement du 29 août 2011, l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes et condamnée aux dépens
Par lettre recommandée avec accusé de réception reçue au greffe le 15 novembre 2011, Mme [X] a interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 24 octobre 2011.
A l'audience du 1er juillet 2013, développant oralement ses conclusions visées par le greffier, Mme [X] demande à la cour d'infirmer le jugement, d'annuler la mesure de révocation prononcée à son encontre, d'ordonner sa réintégration dans les effectifs de la RATP sans préalable de visite à la médecine du travail et de condamner la RATP à lui verser les salaires dus depuis le 25 octobre 2006 jusqu'à sa réintégration effective dans l'entreprise, outre les congés payés incidents, sous déduction des prestations reçues du régime de sécurité sociale.
À titre subsidiaire, elle demande à la cour de condamner la RATP à lui payer les sommes suivantes :
- 13 865,04 € au titre des salaires du 25 octobre 2006 au 12 mars 2007
- 1 386,50 € au titre des congés payés afférents
- 9 042,42 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis
- 904,24 € au titre des congés payés afférents
- 13 865,04 € à titre d'indemnité de licenciement
- 11 287 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur le salaire de réintégration
- 72 339,36 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
En toute hypothèse, elle demande à la cour de condamner la RATP à lui verser une somme complémentaire de 25 000 € de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral subi ainsi que la somme de 3000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
La Régie autonome des transports parisiens (RATP) développant oralement ses conclusions visées par le greffier, demande à la cour de confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Paris le 29 août 2011, de débouter Mme [X] de toutes ses demandes et de la condamner à lui verser la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier et développées lors de l'audience des débats.
MOTIFS
Le litige soumis à la cour se présente ainsi :
Du 18 décembre 2000 au 10 novembre 2002, Mme[X] était en arrêt de travail à la suite d'un accident du travail.
Par certificat du 5 novembre 2002, son médecin traitant signait sa visite de reprise en indiquant que son état de santé était compatible avec une reprise du travail à compter du 11 novembre 2002.
Toutefois, Mme [X] ne s'étant pas présentée à son travail le 12 novembre 2002, la RATP lui notifiait par lettre du 14 janvier 2003, sa révocation avec effet au 1er février au motif suivant : absence irrégulière du 12 novembre 2002 au 11 décembre 2002.
Contestant sa révocation, Mme [X] saisissait le conseil des prud'hommes de Paris qui par jugement du 25 octobre 2004, la déboutait de toutes ses demandes.
Par arrêt du 16 juin 2006, la cour d'appel de Paris infirmait cette décision, déclarait nul son licenciement et ordonnait sa réintégration.
La RATP formait un pourvoi à l'encontre de cette décision qui était déclaré non admis par la Cour par décision du 13 novembre 2007.
Afin d'exécuter les dispositions de l'arrêt du 16 juin 2006 en procédant à la réintégration de Mme [Q], la RATP convoquait Mme [X] à un rendez-vous devant le médecin du travail fixé au 24 octobre 2006. Elle ne s'est pas présentée à ce rendez-vous.
Une nouvelle convocation lui était adressée le 27 octobre 2006 pour un examen fixé au 7 novembre suivant.
Mme [X] ne déférait pas cette seconde convocation.
La RATP engageait une nouvelle procédure disciplinaire à l'encontre de Mme[X] aux termes de laquelle sa révocation était prononcée le 7 mars 2007 au motif suivant : «Absences aux rendez-vous fixés en médecine du travail les 24 octobre et 7 novembre 2006 pour lesquels vous avez été convoquée par lettre recommandée avec accusé de réception mettant l'entreprise dans l'incapacité de proposer un emploi faute d'aptitude déclarée. ».
Au soutien de sa demande tendant à voir prononcer la nullité du licenciement notifié le 12 mars 2007, Mme [X] fait valoir qu'elle ne pouvait être contrainte de se présenter aux deux rendez-vous à la médecine du travail des 24 octobre et 7 novembre 2006, alors qu'à ces dates, d'une part, la RATP n'avait pas versé l'intégralité du montant des condamnations ordonnées par la cour et d'autre part, elle n'était pas réintégrée dans les effectifs de la RATP et donc pas salariée de celle-ci qui ne lui a pas versé ce qu'elle lui devait avant le 21 novembre 2006, que c'est en effet à tort que la RATP a entendu soumettre sa réintégration à un préalable de visite par le médecin du travail, préalable qui n'est imposé par aucun texte du code du travail.
La RATP réplique que dès le 9 octobre 2006, elle s'est rapprochée de Mme [X] pour la rencontrer afin d'examiner les conditions de mise en oeuvre de l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris le 16 juin 2006, qu'après un entretien qui s'est tenu le 18 octobre 2006, elle a confirmé par courrier sa volonté d'appliquer la décision de réintégration en lui indiquant que celle-ci était subordonnée à un examen par la médecine du travail compte-tenu des obligations imposées en la matière par le code du travail et a précisé dans le courrier que le nécessaire était fait pour que les sommes qui lui était dues lui soient versées dans les meilleurs délais mais qu'en raison de son refus obstiné de se rendre aux visites de reprise auxquelles elle était convoquée, elle a été dans l'impossibilité de procéder à sa réintégration effective.
Des pièces versées aux débats, il résulte que Mme [X] a fait en novembre 2003 une demande de reconnaissance d'invalidité et qu'elle a été classée en invalidité 2ème catégorie à compter du 25 novembre 2003 et bénéficie depuis cette date d'une pension d'invalidité.
Le classement en invalidité 2ème catégorie, aux termes de l'article L. 341-4 du code de la sécurité sociale empêche en principe l'exercice d'une quelconque activité professionnelle. Toutefois, s'agissant d'une notion relevant du droit de la sécurité sociale, cette situation ne met pas fin à la suspension du contrat de travail et ne dispense pas l'employeur d'organiser la visite de reprise.
Seul met fin à la période de suspension, l'examen pratiqué par le médecin du travail dont doit bénéficier le salarié à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail lors de la reprise du travail en application de l' article R.4624-21 du code du travail, lequel prévoit que le salarié bénéficie d'un examen de reprise du travail par le médecin du travail notamment après une absence d'au moins huit jours pour cause d'accident du travail.
En l'espèce, à la suite de l'annulation de la révocation prononcée par l'arrêt du 16 juin 2006, le contrat de travail liant Mme [X] à la RATP n'avait jamais été rompu et se trouvait en octobre 2006 toujours suspendu à la suite de l'accident de travail dont elle avait été victime à la fin de l'année 2000.
Mme [X] ayant manifesté sa volonté de revenir dans l'entreprise en demandant en justice sa réintégration, il appartenait à l'employeur qui n'avait pas à se préoccuper de son classement en invalidité 2ème catégorie, de saisir le médecin du travail et d'organiser la visite médicale de reprise qui seule peut mettre fin à la suspension du contrat de travail et rendre effective la réintégration.
En effet, l'employeur tenu d'une obligation de sécurité de résultat aux termes de l'article L. 2141-1 du code du travail doit faire procéder à l'examen médical de reprise qui a pour objet d'apprécier l'aptitude médicale du salarié à reprendre son ancien emploi, la nécessité d'une adaptation des conditions de travail ou d'une réadaptation du salarié ou éventuellement de l'une ou l'autre de ces mesures.
Cet examen, selon l'article R.4624-24 du code du travail, devant avoir lieu lors de la reprise du travail et au plus tard dans un délai de huit jours, en l'espèce, l'employeur a respecté ce délai en demandant à la salariée de s'y soumettre avant de réintégrer l'entreprise.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté Mme [X] de sa demande de voir prononcer la nullité du licenciement et de sa demande de rappel de salaires.
Subsidiairement, Mme [X] soutient que la décision de révocation ne peut constituer une faute grave.
La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et nécessite son départ immédiat.
L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.
En l'espèce, la RATP justifie par les pièces versées au dossier avoir pris l'initiative de la mise à exécution de l'arrêt du 16 juin 2006 en provoquant une rencontre avec l'appelante le 18 octobre 2006 au cours de laquelle il a informé celle-ci de l'impératif de se rendre à la visite médicale qu'il avait organisée, et avoir satisfait ensuite à sa demande de report de cette première visite. Le caractère obligatoire de l'examen médical pour permettre la réintégration est par ailleurs explicitement rappelé dans les deux courriers adressés en recommandé avec accusé de réception à Mme [X] les 18 et 27 octobre 2006.
Mme [X] qui n'a pas justifié des raisons l'ayant empêchée à deux reprises de se rendre aux rendez-vous chez le médecin du travail qui lui étaient fixés, a fait obstacle délibérément à la visite de reprise qui conditionnait la reprise du contrat de travail. Son comportement constitue une faute grave qui rendait impossible son retour dans l'entreprise.
Les demandes de rappel de salaire et de paiement des indemnités de rupture et de dommages et intérêts sont en conséquence mal fondées et le jugement sera confirmé dans toutes ses dispositions.
Mme [X] sera condamnée aux dépens. Il ne sera pas cependant fait application des dispositions de l'article 700 du code du procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code du procédure civile.
CONDAMNE Mme [Q] [X] aux dépens.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE