RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 12
ARRÊT DU 03 Octobre 2013
(n° , 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/03695
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 30 Janvier 2012 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de PARIS RG n° 07-07245
APPELANTE
URSSAF 75 - PARIS/REGION PARISIENNE
Service 6012 - Recours Judiciaires
[Adresse 3]
[Adresse 3]
représentée par Mme GAY en vertu d'un pouvoir général
INTIMEE
SA CLUB MEDITERRANNEE
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représentée par Me Delphine PANNETIER, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE
Monsieur le Ministre chargé de la sécurité sociale
[Adresse 2]
[Adresse 2]
avisé - non comparant
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Juin 2013, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Luc LEBLANC, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Bernadette VAN RUYMBEKE, Président
Monsieur Luc LEBLANC, Conseiller
Madame Marie-Ange SENTUCQ, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier : Mme Marion MELISSON, lors des débats
ARRET :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, conformément à l'avis donné après les débats dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
- signé par Madame Bernadette VAN RUYMBEKE, Président et par Madame Marion MELISSON, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par l'URSSAF de Paris-région parisienne, aux droits de laquelle vient l'URSSAF d'Ile de France d'un jugement rendu le 30 janvier 2012 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris dans un litige l'opposant à la société Club Méditerranée ;
Les faits, la procédure, les prétentions des parties :
Les faits de la cause ont été exactement exposés dans la décision déférée à laquelle il est fait expressément référence à cet égard ;
Il suffit de rappeler qu'à la suite d'un contrôle de l'application de la législation de la sécurité sociale au sein de la société Club Méditerranée, l'URSSAF a constaté notamment que cette société calculait les réductions Fillon en convertissant en heures de travail les repos compensateurs destinés à remplacer les majorations de salaire rémunérant les heures supplémentaires de travail accomplies par ses salariés en contrat à durée déterminée ; que l'organisme de recouvrement a procédé au redressement des cotisations indûment éludées par cette pratique et a adressé à la société, le 13 juillet 2007, une mise en demeure pour avoir paiement de la somme de 426 499 € représentant le supplément de cotisations pour la période du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2005 ainsi que celle de 42 650 € correspondant aux majorations de retard ; que la société Club Méditerranée a contesté partiellement ce redressement devant la commission de recours amiable qui a rejeté sa réclamation ; qu'elle a alors saisi la juridiction des affaires de sécurité sociale ;
Par jugement du 30 janvier 2012, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris a dit le contrôle régulier, condamné la société Club Méditerranée au paiement de la somme de 6 820 € au titre des cotisations dues pour l'emploi d'un médecin en forfait jours réduit et aux majorations de retard y afférentes mais a accueilli le recours de cette société relativement aux réductions Fillon et débouté l'URSSAF de sa demande en paiement de la somme de 373 664 € ;
L'URSSAF d'Ile de France fait déposer et soutenir oralement par sa représentante des conclusions tendant à infirmer ce jugement, confirmer la décision prise le 8 octobre 2007 par la commission de recours amiable et condamner la société Club Méditerranée à lui payer la somme de 373 664 € représentant les cotisations dues au titre de la réduction des cotisations de sécurité sociale et des majorations de retard provisoires y afférentes ainsi que celle de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de son appel, elle fait valoir que la société Club Méditerranée ne pouvait pas convertir en temps de travail rémunéré les repos compensateurs de remplacement rémunérant, en fin de contrat, la majoration de 25 % due au titre des heures supplémentaires accomplies par ses salariés. Selon elle, seul le repos compensateur obligatoire constitue un temps de travail rémunéré devant être pris en compte pour le calcul des réductions Fillon mais non le repos compensateur de remplacement qui se substitue au paiement des majorations d'heures supplémentaires. Elle prétend en effet que les heures supplémentaires accomplies sont incluses dans les heures rémunérées mais que le nombre total des heures n'est pas majoré à hauteur de la majoration applicable en cas de recours aux heures supplémentaires. Si elle admet que la notion d'heures rémunérées vise aussi bien les temps de travail effectif que les temps de pause, elle considère que les repos compensateurs ne doivent pas être pris en compte comme temps de travail lorsqu'ils se substituent uniquement aux majorations de salaire et invoque la lettre-circulaire ACOSS du 5 avril 2007. Elle fait remarquer qu'en l'espèce, les heures supplémentaires accomplies par les salariés ont été incluses normalement avec les heures rémunérées pour le calcul de la réduction Fillon mais que les indemnités de repos compensateurs de remplacement de la majoration de salaire pour heures supplémentaires n'avait pas à être convertie en temps de travail au moment du départ des salariés à contrat à durée déterminée dès lors que ces indemnités correspondent à une majoration de salaire et non à un temps de travail.
La société Club Méditerranée fait déposer et soutenir oralement par son conseil des conclusions aux termes desquelles elle demande à la Cour de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a annulé le chef de redressement relatif au calcul de la réduction Fillon, annuler la mise en demeure du 13 juillet 2007 à hauteur de 373 664 € de cotisations en principal et des majorations y afférentes, annuler la décision de la commission de recours amiable en ce qu'elle a maintenu ce chef de redressement et condamner l'URSSAF d'Ile de France à lui verser la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle prétend en effet avoir correctement appliqué la réduction de cotisations sociales dites 'Fillon' instituée par l'article L 241-13 du code de la sécurité sociale. Pour les salariés sous contrat à durée déterminée saisonnier qui accomplissent 4 heures supplémentaires par semaine et bénéficient à ce titre d'un repos compensateur de remplacement au lieu et place de la majoration de 25% applicable à ces heures, elle considère que les indemnités compensatrices de ces repos versées au moment de leur départ doivent être incluses dans le nombre d'heures rémunérées retenues pour le calcul de la réduction Fillon. Selon elle le nombre d'heures rémunérées figurant au numérateur de la formule de calcul prévue par l'article D 241-7 du code de la sécurité sociale doit nécessairement correspondre à la rémunération mensuelle brute figurant au dénominateur. Elle estime que le nombre d'heures rémunérées comprend non seulement les heures de travail effectif mais aussi les heures de repos compensateur acquises par les salariés au moment de leur départ et souligne le fait que l'article L 241-13, III, alinéa 1er se réfère au salaire horaire et non au temps de travail effectif. Elle fait aussi observer que le nombre d'heures rémunérées comprend le temps de pause comme les périodes de congés payés et qu'il doit en aller de même des temps de repos compensateur, toutes les heures rémunérées devant être prises en compte qu'elle qu'en soit la nature. Enfin, elle relève que s'il ne devait pas être tenu compte des repos compensateurs au motif qu'ils ne sont pas pris en raison du caractère saisonnier des contrats, il en résulterait une inégalité de traitement à son détriment.
Il est fait référence aux écritures ainsi déposées de part et d'autre pour un plus ample exposé des moyens proposés par les parties au soutien de leurs prétentions ;
Sur quoi la Cour :
Considérant qu'en application de l'article L 241-13, III, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, le montant de la réduction de cotisations dite 'réduction Fillon' est égal au produit de la rémunération mensuelle du salarié concerné par un coefficient déterminé en fonction de sa rémunération horaire ; que celle-ci est calculée en divisant la rémunération mensuelle par le nombre d'heures rémunérées au cours du mois considéré ;
Considérant que, selon l'article D 241-7 du code de la sécurité sociale établissant la formule de calcul, la rémunération mensuelle est constituée des gains et rémunérations tels que définis à l'article L 242-1 versés au salarié au cours du mois civil et le nombre d'heures rémunérées correspond au nombre d'heures de travail auquel se rapporte la rémunération mensuelle brute versée au cours du mois civil considéré ;
Considérant que le nombre d'heures rémunérées au cours d'un mois considéré comprend non seulement la durée du travail effectif mais aussi les temps de pause et, le cas échéant, les périodes de congés payés ;
Considérant que lorsque le travail accompli dépasse les 35 heures, les heures supplémentaires figurent parmi les heures rémunérées ainsi que le temps de repos compensateur obligatoire auquel ouvre droit l'exécution de ces heures supplémentaires ;
Considérant qu'en l'espèce, les inspecteurs du recouvrement ont constaté que les majorations de salaire correspondant aux heures supplémentaires effectuées par les saisonniers employés par le Club Méditerranée ne leur étaient pas payées en même temps que leurs heures de travail mais étaient remplacées par l'octroi de repos compensateurs non obligatoires donnant lieu au versement d'indemnités compensatrices au moment du départ des intéressés ;
Considérant qu'il apparaît donc que ces indemnités se substituent aux majorations de salaire normalement exigibles mais ne correspondent en réalité à aucun supplément d'heures à rémunérer ;
Considérant ensuite que le fait que les indemnités figurent au numérateur du coefficient de la formule de calcul des réductions Fillon n'implique pas leur conversion en heures du travail au dénominateur de cette formule ;
Considérant qu'au contraire, en convertissant en heures de travail ces indemnités de repos compensateurs de remplacement, la société Club Méditerranée a artificiellement accru le nombre d'heures rémunérées à prendre en considération pour le calcul des réductions Fillon ;
Considérant que la situation litigieuse est différente de celle des temps de pause et congés payés qui sont obligatoirement dus aux salariés ;
Considérant qu'enfin, la société Club Méditerranée ne peut se plaindre d'une inégalité de traitement alors que cette situation résulte uniquement du mode d'organisation du travail qu'elle a adopté pour répondre aux besoins de l'entreprise ;
Considérant que, dans ces conditions, c'est à juste titre que l'URSSAF a opéré le redressement litigieux et poursuivi le recouvrement d'un rappel de cotisations de 373 664 € ;
Que le jugement entrepris sera infirmé et la demande reconventionnelle de l'URSSAF accueillie ;
Considérant qu'au regard de la situation respective des parties, il y a lieu de condamner la société Club Méditerranée à verser à l'URSSAF d'Ile de France la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et de la débouter de sa propre demande à ce titre ;
Par ces motifs :
- Déclare l'URSSAF d'Ile de France recevable et bien fondée en son appel ;
- Infirme le jugement entrepris en ses dispositions relatives aux réductions Fillon ;
Statuant à nouveau de ce chef :
- Déboute la société Club Méditerranée de son recours au titre du redressement opéré du chef des réductions Fillon ;
- Condamne la société Club Méditerranée à payer à l'URSSAF la somme de 373 664 € représentant les cotisations dues au titre de la réduction des cotisations de sécurité sociale et des majorations de retard provisoires y afférentes ;
- Condamne cette société à verser à l'URSSAF la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et la déboute de sa propre demande de ce chef.
Le Greffier, Le Président,