RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 4
ARRÊT DU 08 Octobre 2013
(n° , 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/11964
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 29 Septembre 2011 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire- de BOBIGNY section encadrement RG n° 10/03006
APPELANT
Monsieur [R] [I]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
comparant en personne, assisté de Me Marjana PRETNAR, avocat au barreau de PARIS, toque : E0922
INTIMEE
SOCIETE AIR FRANCE
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représentée par Me Aurélien BOULANGER, avocat au barreau de PARIS, toque : T03 substitué par Me Isabelle MINARD, avocat au barreau de PARIS, toque : T03
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 02 Juillet 2013, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Charlotte DINTILHAC, Présidente
Madame Anne-Marie DEKINDER, Conseillère
Madame Dominique LEFEBVRE-LIGNEUL, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier : Mademoiselle Sandrine CAYRE, lors des débats
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
- signé par Madame Charlotte DINTILHAC, Présidente et par Mlle Sandrine CAYRE, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La cour est saisie de l'appel interjeté par M. [I] du jugement du Conseil de Prud'hommes de Bobigny section Encadrement du 29 septembre 2011
qui l'a débouté de ses demandes.
FAITS ET DEMANDES DES PARTIES
M. [I], né le [Date naissance 1] 1949, a été engagé le 1er juin 1974 en qualité d'officier pilote de ligne. En dernier lieu il était pilote commandant de bord instructeur.
Il a été informé le 10 décembre 2008 qu'il serait appelé à cesser son activité de pilote à l'âge de 60 ans au 3 août 2009 ;
Il a été convoqué le 9 mars 2009 à un entretien préalable fixé au 18 mars 2009 et il lui a été notifié le 30 mars 2009 la rupture du contrat de travail en application de l'article L 421-9 du code de l'aviation avec impossibilité de reclassement au sol avec effet au 31 août 2009 dont un congé sabbatique à compter du 3 août 2009.
Il a saisi le conseil des prud'hommes le 1er septembre 2010;
M. [I] demande d'infirmer le jugement,
à titre principal, de dire que la rupture constitue un licenciement nul, d'ordonner sa réintégration au poste de pilote commandant de bord B 747-400 et Tri et de condamner Air France à payer la somme de 998 960 € pour salaires du 1er septembre 2009 au 1er juillet 2013, avec intérêt légal capitalisé à compter du 1er septembre 2010, outre ceux jusqu'à sa réintégration effective, sur la base d'un salaire brut mensuel de 24 974 €, de lui donner acte de son offre de restitution à Air France de la somme de 214 522 € perçue à son départ et de la restitution des retraites perçues aux organismes payeurs,
subsidiairement de condamner Air France pour licenciement nul ou au moins sans cause réelle et sérieuse, à payer les sommes de :
260 120 € d'indemnité de licenciement avec intérêts capitalisés à compter du 1er septembre 2010,
700 000 € de dommages-intérêts pour le licenciement
19 339 € pour le dommages-intérêts
73 000 € pour rupture fautive et prématurée
en tout état de cause10 000 € pour préjudice moral pour exclusion en rapport avec son âge et 4 186 € pour frais irrépétibles.
La société Air France demande de confirmer le jugement et de condamner M. [I] à payer la somme de 3000 € pour frais irrépétibles.
SUR CE
Il est expressément fait référence aux explications et conclusions des parties visées à l'audience ;
La loi du 17 décembre 2008, applicable au 1er janvier 2010 relativement à cet article, a modifié l'article L 421-9 du code de l'aviation civile, imposant la cessation d'activité de pilote de ligne de transport public à 60 ans, sans rupture du contrat sauf impossibilité pour l'entreprise de proposer un reclassement dans un emploi au sol ou refus de l'intéressé de l'emploi proposé, en ouvrant aux pilotes la faculté de formaliser des demandes de renouvellements annuelles de prolongation d'activité jusqu'à l'âge de 65 ans à condition de co-pilotage avec un seul pilote de plus de 60 ans ;
Le 8 janvier 2009, M. [I] a sollicité un congé sabbatique pour la période du 2 août 2009 au 1er janvier 2010, demande renouvelée les 17 mars et 21 août 2009 pour un congé sabbatique prolongé au 3 février 2010, dans le dessein pragmatique d'attendre la mise en vigueur de la loi du 17 décembre 2008 au 1er janvier 2010, aux fins de reprendre ses activités de pilote dans les conditions du nouvel article L 421-9 du Cac ;
Cette demande de mise en congé sabbatique, qui est un droit du salarié, a été exercée dans les conditions des articles L 3142-92 et suivants du code du travail, avant la notification du licenciement et a été admise par Air France dans son principe mais limitée abusivement au 31 août 2009 ;
La société Air France ne peut opposer utilement ni loyalement que l'article L 421-9 du Cac alors applicable ne prévoit que l'alternative d'un reclassement au sol au-delà de l'âge de 60 ans, alors que le contrat de travail n'était pas rompu ni la date de limite d'âge de 60 ans atteinte à la date de la demande de mise en congé sabbatique qui constitue un droit du salarié, et qui en tout état de cause n'enfreignait pas l'interdiction de navigation pour la période postérieure au 60ème anniversaire applicable jusqu'au 1er janvier 2010, et rendait inopportune et prématurée la recherche d'un reclassement au sol d'un salarié en prochaine suspension de contrat de travail;
Il ne résulte pas non plus de la mise en vigueur au 1er janvier 2010 du nouvel article que la modification n'est applicable qu'aux pilotes ayant 60 ans après cette date comme étant nés après le 1er janvier 1950 ;
D'ailleurs, il a été communiqué par exploit du 31 juillet 2009 à Air France la lettre du 24 juillet 2009 du Ministre du Travail et du secrétaire d'état aux transports émettant cette position ;
Dans ces conditions la rupture du contrat de travail opérée en raison de l'atteinte de l'âge de 60 ans de M. [I] avec effet pendant un congé sabbatique excluant la nécessité de rechercher un reclassement au sol s'analyse en un licenciement discriminatoire qui est donc nul et qui doit donner lieu à réintégration selon sa demande pour porter atteinte à un droit fondamental ;
M. [I] doit être réintégré dans ses fonctions, dans les conditions du nouvel article L 421-9 du Cac entré en vigueur depuis le 1er janvier 2010 et qui lui est applicable ;
La moyenne mensuelle de ses salaires sur la dernière année travaillée s'élève à 23 459 € y compris des sommes mensuelles de 147.04 € et 4 360 € retenues chaque mois sous la rubrique Esa ;
La société Air France sera condamnée pour la période de février 2010, à l'issue du congé sabbatique, au 1er juillet 2013, à payer 41 mois selon ces modalités qui comprennent les congés payés ;
Le cours de l'intérêt légal courra à compter du 1er septembre 2010 sur les mois échus à cette date, et à compter de leur échéance pour les mois postérieurs;
Il sera donné acte des engagements de remboursement ;
La réintégration ordonnée répare complètement le préjudice sans avoir lieu à dommages-intérêts spécifiques pour préjudice moral ;
Il n'y a pas lieu à frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement et statuant à nouveau :
Dit que la rupture du contrat de travail constitue un licenciement nul;
Ordonne la réintégration de M. [I] dans ses fonctions de commandant instructeur niveau I échelon 10 dans les conditions de l'article L 42169 du Cac en vigueur au 1er janvier 2010;
Condamne la société Air France à payer, sur la période de février 2010 au 1er juillet 2013, une rémunération mensuelle de 23 459 € incluant les retenues Esa de 174.04 € et 4 360 €, avec intérêt légal à compter du 1er septembre 2010 pour les mois échus à cette date et à compter de leur échéance pour les mois postérieurs, ainsi que les mois courant jusqu'à la réintégration effective ;
Dit que les intérêts seront capitalisés dans les conditions de l'article 1154 du code civil ;
Donne acte de l'offre de M. [I] de restituer à Air France la somme de 214 522 € perçue à son départ et aux organismes payeurs les retraites perçues;
Rejette les autres demandes ;
Condamne Air France aux entiers dépens.
LE GREFFIER LE PRESIDENT