RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 3
ARRÊT DU 22 Octobre 2013
(n° , 9 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/02298
Sur renvoi après cassation d'un jugement rendu le 08 Décembre 2008 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de NANTERRE section RG n° 06/02624, infirmé partiellement par un arrêt rendu par la Cour d'appel de VERSAILLES rendu le 07 mai 2010, cassé partiellement par un arrêt de la Cour de Cassation rendu le 26 janvier 2012
APPELANTE
SAS ETHIQUE HOMMES COMPETENCE
[Adresse 1]
[Localité 1]
représentée par Me Olivier KHATCHIKIAN, avocat au barreau de PARIS, toque : G0619
INTIME
Monsieur [U] [V]
[Adresse 2]
[Localité 2]
comparant en personne,
assisté de Me Sabine MOUGENOT, avocat au barreau de PARIS, toque : E0406
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 10 Septembre 2013, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Guy POILÂNE, Conseiller faisant fonction de Président
Madame Caroline PARANT, Conseillère
Madame Anne MÉNARD, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier : Mme Nora YOUSFI, lors des débats
ARRET :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
- signé par Monsieur Guy POILÂNE, Conseiller faisant fonction de Président et par Madame Claire CHESNEAU, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Monsieur [U] [V] a été embauché en qualité de consultant en recrutement par la société Anacruse, aux droits de laquelle vient la société Ethique Hommes Compétences, dite EHC, suivant contrat à durée indéterminée du 14 février 2005.
Ce contrat de travail était un contrat à temps partiel de 21 heures hebdomadaires par semaine.
Le 24 novembre 2005, Monsieur [V] a fait l'objet d'un avertissement aux motifs suivants :
- manque de qualité dans le respect des procédures du cabinet,
- pratiques de tenues d'entretien en décalage avec l'éthique du cabinet,
- téléchargement de données personnelles via internet sur son ordinateur personnel pendant les heures de travail en contravention avec le règlement applicable.
Par lettre du 11 avril 2006, la société EHC a convoqué Monsieur [V] à un entretien préalable au licenciement et a prononcé parallèlement une mise à pied conservatoire.
Monsieur [V] a été licencié par lettre du 28 avril 2006 aux motifs suivants :
' 1- Une rigueur insuffisante dans la gestion des dossiers qui est préjudiciable à la bonne marche et à l'image du cabinet :
* Non mise à jour systématique des tableaux de bord de pilotage de votre activité
* Clôture des missions ne suivant pas la procédure Cabinet
* Non rappel systématique des candidats pour les informer de la suite à donner à leur candidature.
2 - Une utilisation de la ligne ADSL professionnelle à usage personnelle pendant les heures de bureau pour surfer sur des sites qui n'ont rien à voir avec notre métier, qui sont susceptibles de faire entrer des virus dans notre réseau. Cela crée une gêne dans l'utilisation de la ligne internet par les autres Consultants en provoquant des ralentissements et blocages. Votre ordinateur est un outil de travail et ne peut qu'occasionnellement et exceptionnellement avoir une utilisation personnelle.
3 - Un comportement en phase de prospection de clientèle, non conforme aux principes exposés lors des formations assurées par la société, qui a conduit à un retour très négatif d'un client.
Il résulte de tout ceci que après un peu plus d'un an d'activité au sein de notre société, vous n'avez pas su, ou pu, vous adapter, en termes de méthodes et d'image, à notre société. Ce constat s'accompagne également d'un constat d'un chiffre d'affaires réalisé bien en deçà de nos attentes, en raison d'habitudes et de fonctionnement dans le métier de Consultant et de comportement sans rapport avec les attentes qualitatives de notre cabinet.'
*****
Monsieur [V] a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre le 22 septembre 2006.
Par jugement du 8 décembre 2008, le conseil de prud'hommes présidé par le juge départiteur, a :
- dit le licenciement de Monsieur [V] nul en raison de son caractère discriminatoire,
- condamné la société EHC à payer à Monsieur [V] les sommes suivantes :
* 15 309 € à titre de rappel de salaire et 1 530, 90 € à titre de congés payés y afférents,
* 1 918, 83 € à titre de rappel de salaire sur la mise à pied et 191, 88 € à titre de congés payés y afférents,
ces sommes avec intérêts au taux légal à compter du 22 septembre 2006,
* 138 570 € à titre de rappel de salaire au 30 novembre 2008 et 13 857 € à titre de congés payés y afférents,
* 4 470 € par mois à compter du 1er décembre 2008 jusqu'au prononcé du jugement,
ces sommes avec intérêts au taux légal à compter du jugement,
- débouté les parties du surplus de leurs demandes,
- condamné la société EHC au paiement de la somme de 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La société EHC a régulièrement interjeté appel de ce jugement le 2 février 2009.
Par arrêt du 7 mai 2010, la cour d'appel de Versailles a :
- confirmé le jugement du conseil de prud'hommes de Nanterre en ce qu'il a :
* dit le licenciement de Monsieur [V] nul en raison de son caractère discriminatoire,
* condamné la société EHC au paiement de la somme de 15 309 € à titre de rappel de salaire et 1 530, 90 € à titre de congés payés y afférents,
- infirmé le jugement pour le surplus, et, statuant à nouveau,
- ordonné la réintégration de Monsieur [V] à son poste de travail au sein de la société EHC,
- condamné la société EHC au paiement de :
* 949, 94 € à titre de rappel de salaire sur les heures supplémentaires et de 94, 99 € au titre des congés payés y afférents,
* de dommages et intérêts équivalents à 4 229, 67 € par mois échu à compter du 2 août 2006 jusqu'à la réintégration effective de Monsieur [V], déduction faite des indemnités versées par l'Assedic depuis novembre 2006 et des salaires versés par la société ITG Consultants depuis le 6 novembre 2006 ainsi que de tout autre revenu tiré d'une autre activité et ou de remplacement servi pendant cette période,
- débouté Monsieur [V] de sa demande en paiement de rappel de salaire de la mise à pied conservatoire et des congés payés y afférents,
- statué sur les intérêts au taux légal,
- y ajoutant,
- donné acte du paiement par la société EHC de la somme de 15 309 € à titre de rappel de salaire et de 1 530, 90 € au titre des congés payés y afférents,
- débouté la société EHC de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et condamné la société EHC au paiement de la somme de 2 000 € de ce chef.
*****
La société EHC s'est pourvue en cassation à l'encontre de cet arrêt.
*****
Monsieur [V] a sollicité, le 6 juillet 2010, sa réintégration sur son poste et confirmé cette demande par nouvelle lettre du 28 juillet suivant.
Convoqué par lettre du 6 septembre 2010 à un entretien préalable de licenciement, Monsieur [V] a été licencié par lettre du 11 octobre 2010 pour motif économique en raison de la suppression de son poste de consultant.
*****
Par arrêt du 26 janvier 2012, la Cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt de la cour d'appel de Versailles du 7 mai 2010, mais seulement en ce qu'il a prononcé la nullité du licenciement et ordonné la réintégration de Monsieur [V] en condamnant la société EHC à lui payer son salaire à compter du 2 août 2006 et a renvoyé l'affaire devant la cour d'appel de Paris.
Le conseil de prud'hommes de Nanterre, saisi par Monsieur [V] de sa contestation du licenciement du 11 octobre 2010, a ordonné le retrait du rôle de l'affaire par décision du 15 mars 2012.
Les parties ont été convoquées par le greffe à l'audience du 13 septembre 2013, date de la retenue de l'affaire devant cette cour.
*****
Par conclusions visées au greffe le 13 septembre 2013, au soutien de ses observations orales, auxquelles il est expressément fait référence en ce qui concerne ses moyens, la société EHC demande à la cour :
- a titre liminaire :
d'ordonner à Monsieur [V] la restitution des sommes versées en application des condamnations prononcées par la cour d'appel de Versailles le 7 mai 2010, annulée par la cour de cassation dans son arrêt du 26 janvier 2012,
- statuant à nouveau, sur renvoi après cassation,
- à titre principal :
* relever que le licenciement du 28 avril 2006 ne repose sur aucun critère discriminatoire mais sur les éléments objectifs figurant dans la lettre de licenciement,
* dire et juger que ces motifs justifiaient le licenciement de Monsieur [V],
* en conséquence infirmer en l'ensemble de ses dispositions le jugement du conseil de prud'hommes de Nanterre du 16 janvier 2009 et débouter Monsieur [V] de toutes ses demandes,
- à titre subsidiaire :
* dire et juger que le licenciement ne repose sur aucun critère discriminatoire,
* relever que la réintégration est impossible,
* débouter Monsieur [V] de sa demande de réintégration,
- à titre infiniment subsidiaire :
* relever que la relation de travail a été rompue pour motif économique le 11 octobre 2010,
* dire et juger que la réintégration de Monsieur [V] est impossible,
* dire et juger que le licenciement économique notifié le 11 octobre 2010 était justifié et que les critères d'ordre des licenciements ont été régulièrement appliqués,
* débouter Monsieur [V] de toutes ses demandes,
- en tout état de cause :
* condamner Monsieur [V] au paiement de la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions visées au greffe le 13 septembre 2013, au soutien de ses observations orales, auxquelles il est expressément fait référence en ce qui concerne ses moyens, Monsieur [V] demande à la cour :
- à titre principal :
* de confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Nanterre en ce qu'il a déclaré le licenciement nul car discriminatoire,
* d'infirmer le jugement sur les conséquences de cette nullité,
* débouter la société EHC de sa demande de restitution de toutes créances qui restent acquises à Monsieur [V],
- y ajoutant,
* de constater la nullité du licenciement du 11 octobre 2010,
* d'ordonner la réintégration de Monsieur [V] à un poste équivalent et au salaire minimum de 4470 € par mois, à la date de l'arrêt à intervenir,
* de condamner la société EHC à verser à Monsieur [V] une indemnisation pour licenciement nul équivalente à 4470 € par mois échu à compter du licenciement du 11 octobre 2010 jusqu'à réintégration, sous déduction des revenus de remplacement perçus de l'assurance chômage, d'un éventuel autre employeur ou de tout organisme social pendant toute la période, hors pension de retraite,
- à titre subsidiaire :
* de condamner la société EHC à lui payer la somme de 132 570 € à titre de dommages et intérêts pour rupture du 28 avril 2006 abusive,
* de condamner la société EHC à lui payer la somme de 76 134 € à titre d'indemnité pour licenciement du 11 octobre 2010 sans cause réelle et sérieuse et, subsidiairement, la même somme au titre du non respect des critères d'ordre des licenciements,
- en tout état de cause :
* de condamner la société EHC à lui payer la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS
Sur le caractère prétendument discriminatoire du licenciement du 28 avril 2006
Considérant que par application de l'article L.1132-1 du code du travail, aucun salarié ne peut être licencié en raison, notamment, de son âge ;
que l'article L 1134 - 1 du même code prévoit qu'en cas de litige relatif à l'application de ce texte, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte ; qu'au vu de ces éléments, il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; que le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ;
Considérant en l'espèce que Monsieur [V] soutient que son licenciement est fondé sur une discrimination en raison de son âge ;
qu'il présente à la cour, comme il a présenté au conseil de prud'hommes de Nanterre, au titre des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination, l'attestation de Monsieur [Z], son conseiller pendant l'entretien préalable de licenciement qui s'est tenu le 20 avril 2006, lequel atteste que l'employeur Monsieur [Y] ' précise n'avoir pas de reproche envers Monsieur [V] mais pense avoir un problème d'image du fait de l'âge de Monsieur [V] ' ; qu'après que Monsieur [Z] a fait remarquer à l'employeur que le critère de l'âge n'était pas une cause réelle et sérieuse, l'entretien s'est poursuivi relativement aux désaccords relatifs à des jours de travail non rémunérés et à des commissions manquantes ;
qu'après discussion entre les parties, le représentant de l'employeur n'a pas souhaité régler les sommes demandées par Monsieur [V] ; que l'entretien préalable a duré 45 minutes ;
Considérant que la société EHC qui conteste les propos attribués à son directeur de recrutement pendant l'entretien préalable verse aux débats les pièces suivantes pour justifier du licenciement de Monsieur [V] :
- la lettre de licenciement du 28 avril 2006 dont le contenu figure dans l'exposé du litige qui mentionne 3 séries de griefs tenant à une rigueur insuffisante dans la gestion des dossiers, une utilisation de la ligne ADSL professionnelle à usage personnel pendant les heures de travail et un comportement en phase de prospection de clientèle non conforme aux principes exposés lors des formations ;
- le bilan personnel d'activité à fin mars 2005 de Monsieur [V] qui précise les actions correctrices à mener en terme d'organisation, d'évaluation des candidats et de suivi des misions
- l'avertissement du 24 novembre 2005 faisant état des motifs suivants :
* manque de qualité dans le respect des procédures du cabinet,
* pratiques de tenues d'entretien en décalage avec l'éthique du cabinet,
* téléchargement de données personnelles via internet sur son ordinateur personnel pendant les heures de travail en contravention avec le règlement applicable,
- le procès verbal de constat d'huissier dressé le 26 juillet 2007,
- les attestations de Monsieur [C] et de Madame [I] relatives aux blocages des ordinateurs du service en raison de téléchargement de films sur l'ordinateur de Monsieur [V],
- l'attestation de Madame [J] sur le non respect par Monsieur [V] des procédures ;
Considérant que Monsieur [V] conteste s'être vu notifier régulièrement l'avertissement du 24 novembre 2005 ; qu'il soutient que son prétendu paraphe figurant sur la première page après le mot ' vu ' n'est pas le sien mais celui du président de la société EHC ;
que s'il est exact, comme le soutient la société EHC, que ce paraphe est le même que celui figurant sur le bilan d'activité à fin mars 2005, pour autant la cour constate que ce paraphe est très éloigné de celui figurant au pied des pages du contrat de travail de Monsieur [V] et surtout très ressemblant de celui de Monsieur [D], président de la société EHC, figurant sur les lettres de convocation à entretien préalable du 6 septembre 2010, de licenciement du 11 octobre 2010 et de réponse à la demande relative aux critères de licenciement du 26 octobre 2010 ;
que dans ces conditions la preuve de la notification à Monsieur [V] de l'avertissement du 24 novembre 2005 n'est pas rapportée par la société EHC qui ne peut se prévaloir de cette sanction disciplinaire dans le cadre du présent litige ;
Considérant qu'à l'exception de l'avertissement du 24 novembre 2005, les pièces produites par la société EHC peuvent être considérées comme des éléments objectifs étrangers à toute discrimination au sens de l'article L 1134 - 1 du code du travail ;
qu'elles détaillent les griefs formés contre Monsieur [V], tant au regard du non respect des procédures du cabinet que de sa pratique d'entretien et de l'utilisation de son ordinateur professionnel à des fins personnelles ;
que le fait que les pièces probatoires aient établies postérieurement au licenciement est sans incidence sur la réalité de ces éléments, l'employeur étant en droit de verser aux débats des pièces établies postérieurement au licenciement ;
Considérant, en outre, que la seule pièce produite par Monsieur [V] au soutien du caractère prétendument discriminatoire du licenciement est une attestation qui émane du conseiller du salarié pendant l'entretien préalable ;
que le caractère partiel du contenu de l'attestation est certain puisque Monsieur [Z] fait état d'un entretien qui a duré 45 minutes alors que la description du contenu de l'entretien est brève ;
Considérant au surplus que la société EHC fait justement remarquer qu'elle a embauché Monsieur [V] à l'âge de 56 ans et qu'elle démontre qu'elle a engagé en 2008 deux salariés âgés respectivement de 50 ans et de 54 ans ;
Considérant en conséquence que la cour a la conviction que Monsieur [V] a été licencié en raison des manquements figurant dans sa lettre de licenciement et non, comme il le prétend en raison de son âge, de sorte que son licenciement ne présente pas de caractère discriminatoire au sens de l'article L 1132 - 1 du code du travail ;
qu'il convient d'infirmer le jugement du conseil de prud'hommes déféré qui a déclaré nul le licenciement de Monsieur [V] en raison de son caractère discriminatoire et a condamné la société EHC au paiement de la somme de 138 570 € à titre de rappel de salaires et de 13857 € au titre des congés payés y afférents ;
Sur la cause réelle et sérieuse du licenciement de Monsieur [V] notifié le 28 avril 2006
Considérant que par application de l'article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles ; que si un doute subsiste, il profite au salarié ;
Considérant qu'en l'espèce, la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige reproche à Monsieur [V] une rigueur insuffisante dans la gestion des dossiers, une utilisation de la ligne ADSL professionnelle à usage personnel pendant les heures de travail et un comportement en phase de prospection de clientèle non conforme aux principes exposés lors des formations ; que la lettre de licenciement dont les termes ont été rappelés dans l'exposé du litige détaille les manquements reprochés à Monsieur [V] ;
Considérant que Monsieur [V] conteste la réalité des motifs, soutenus par des attestations récentes et un constat d'huissier non contradictoire ; qu'il soutient que les griefs sont prescrits et que l'employeur a vidé son pouvoir disciplinaire en lui notifiant l'avertissement de novembre 2006 ;
que la société EHC demande à la cour de dire que la cause réelle et sérieuse du licenciement est parfaitement établie au vu des éléments circonstanciés versés aux débats ;
Considérant que le premier grief tenant à une rigueur insuffisante dans la gestion des dossiers reprend les observations notées dans le bilan personnel d'activité à fin mars 2005 versé aux débats ;
que le défaut de rigueur consistant dans le défaut de mise à jour systématique des tableaux de bord de pilotage de l'activité, un manque de suivi de la procédure du cabinet lors de la clôture des missions et dans le défaut de rappel systématique des candidats pour les informer de la suite à donner à leur candidature est attesté par Madame [J], assistante de recrutement, chargée de la gestion administrative de l'activité recrutement au sein de la société EHC et qui certifie que Monsieur [V] ne remplissait pas ses obligations au regard du process EHC ; qu'il ne remplissait pas les fiches de clôture de mission et ne relançait pas les candidats ; qu'il convoquait des candidats pour des entretiens sans les faire entrer dans l'outil informatique ; que l'attestante relate avec précision la nature des manquements et donne de nombreux exemples nominatifs non contestés par Monsieur [V] ;
que le rythme de travail de Monsieur [V] ne peut constituer, comme il le soutient, un élément justificatif du défaut de rigueur dans la gestion de ses dossiers ;
que la seule attestation qu'il produit, à savoir celle de Monsieur [A], qui vante la qualité de sa collaboration professionnelle avec Monsieur [V] et la facilité à le contacter ne contredit pas le contenu de l'attestation de la chargée de gestion administrative de la société EHC ;
que le fait que cette attestation ait été établie en 2009 et qu'elle émane d'une salariée de la société EHC est sans effet sur son caractère probatoire ;
que cette attestation est particulièrement circonstanciée ;
que, s'agissant du non respect de procédures internes, seul un salarié en charge de la gestion administrative des dossiers peut en témoigner ;
que la réalité du premier grief de la lettre de licenciement est établie ;
Considérant que l'utilisation de la ligne ADSL professionnelle de Monsieur [V] à des fins personnelles pendant les heures de bureau est établie par les attestations de Monsieur [C] et de Madame [I] qui certifient qu'en novembre 2005 l'intervention du prestataire de service informatique a été sollicitée en raison de la saturation de la ligne de la la société EHC ; que Monsieur [C] a trouvé sur l'ordinateur de Monsieur [V] un logiciel de téléchargement Azureus et que son profil réseau avait augmenté entre le 28 avril et le 30 juin ; qu'après analyse des données, le profil de Monsieur [V] présentait 1, 5 G de données privées films en tout genre ;
que Madame [I] atteste avoir sollicité cette intervention en raison du mécontentement des autres salariés au regard de la lenteur et du blocage du système informatique ; que, sur son interrogation, le prestataire informatique lui a explique qu'une grande quantité de films à caractère pornographique étaient téléchargés depuis le poste de Monsieur [V] ;
Considérant que le défaut de notification à Monsieur [V] de l'avertissement du 24 novembre 2005 est sans effet sur la connaissance par la société EHC des faits visés dans l'avertissement qu'elle verse aux débats ;
qu'il appartient dès lors à la société EHC d'établir, dans le cadre du débat sur le licenciement, la réitération des faits mentionnés dans l'avertissement ;
Considérant que, contrairement à ce que soutient Monsieur [V], la réitération de cette utilisation à des fins personnelles de sa ligne professionnelle est établie par le constat dressé par Me [K] le 26 juillet 2007 ; que ce constat fait foi, nonobstant son caractère non contradictoire, s'agissant d'un constat dressé par huissier ;
que cet huissier a photographié les fichiers en téléchargement sur le serveur de la société EHC rubrique anciens collaborateurs ;
que parmi les fichiers consultés figure le même fichier Azureus que celui mentionné sur l'attestation de Monsieur [C] ;
que figurent la trace de téléchargement ( et non pas de connections comme le prétend Monsieur [V] ) de 63 dossiers et des dates de dernière connexion à ces fichiers ;
que ce constat confirme la réalité des téléchargements de nombreuses données non professionnelles aux noms évocateurs de sites pornographiques jusqu'en novembre 2005 ;
qu'à compter de décembre 2005, plusieurs nouvelles connections ont été mentionnées par l'huissier à des sites non professionnels à savoir :
- le 12 avril 2006 site recettes et terroirs : 18h 07,
- les 19, 20 janvier et 10 février 2006 site sextracker :21h 10, 13h 29, 21h 56,
- le 20 janvier 2006 site deluxepass :12h 39,
- le 11 avril 2006 site hardware et le particulier : 18h 15 et 17h 39,
- le 11 janvier 2006 site pornonerds : 18h 54,
- le 12 avril 2006 site les frontaliers : 15h 42,
- les 6 février et 12 avril 2006 site adonnante : 20h 44, 17h 59,
- le 26 décembre 2005 site sexteacher : 19h 16,
Considérant que si l'utilisation de la ligne ADSL professionnelle à des fins personnelles est établie après novembre 2005, par contre il apparaît que la plupart de ces connexions ont été réalisées en dehors des heures de travail de Monsieur [V] ;
qu'après vérification de ses horaires contractuels et des horaires figurant sur la copie des agendas de Monsieur [V], seules ont été réalisées pendant les heures de travail la connexion du 20 janvier 2006 au site sextracker ( il est fait mention d'un rendez vous professionnel entre 13 heures et 14 heures ) et celle du 12 avril 2006 au site les frontaliers ;
que ces deux seules connexions réalisées entre décembre 2005 et avril 2006 pendant les heures de travail ne peuvent, compte tenu de leur caractère isolé depuis novembre 2005,et de l'absence de gêne prouvée subie par les autres usagers à compter de cette date, constituer un motif sérieux de licenciement ;
Considérant que le 3e grief relatif à un comportement professionnel non conforme en phase de prospection de clientèle n'est établi par aucune pièce versée aux débats ; que le retour négatif du client n'est pas plus prouvé de sorte qu'il ne peut constituer un motif valable de licenciement ;
que le constat d'un chiffre d'affaires insuffisant qui figure en fin de lettre de licenciement n'est pas justifié ;
Considérant en conséquence que seule est établie la réalité du premier grief énoncé dans la lettre de licenciement, à savoir le manque de rigueur professionnelle ;
qu' à défaut d'avertissement valablement notifié à Monsieur [V], la cour constate qu'aucune mise en garde officielle ou aucune sanction disciplinaire n'a précédé la convocation à entretien préalable de licenciement ;
que dans ces conditions, le sérieux de ce motif de licenciement ne peut être valablement invoqué par la société EHC ;
que la cause réelle et sérieuse du licenciement de Monsieur [V] n'est pas établie ;
Considérant que Monsieur [V] qui comptait 14 mois d'ancienneté dans l'entreprise est bien fondé à se voir allouer, en vertu de l'article L 1235 - 5 du code du travail, des dommages et intérêts pour rupture abusive qui seront arbitrés par la cour, compte tenu de l'ancienneté du salarié, de son âge au moment de la rupture, soit 57 ans, et de la moyenne mensuelle des salaires, soit 4 229 €, à la somme de 15 000 €, la somme sollicitée étant excessive eu égard à la réalité du préjudice en lien avec ce licenciement ;
Sur le licenciement du 11 octobre 2010
Considérant qu'en l'absence de nullité du licenciement intervenu le 28 avril 2006, le contrat de travail de Monsieur [V] a été rompu à l'expiration de la période de préavis de 3 mois qui a pris effet à la date de notification de son licenciement du 28 avril 2006 ;
qu'en conséquence de l'absence de contrat de travail le licenciement intervenu le 11 octobre
2010 doit être considéré comme non avenu puisqu'il a mis fin à un contrat de travail inexistant ;
Considérant que la réintégration intervenue en exécution de l'arrêt de la cour d'appel de Versailles, annulé par la Cour de cassation, n'a pu produire aucun effet de droit ;
Considérant en conséquence qu'il convient de rejeter les demandes en paiement de 76 134 € formées par Monsieur [V] à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour non respect des critères d'ordre des licenciements ;
Sur la demande de restitution de la somme de 63 778 € formée par la société EHC
Considérant que la société EHC sollicite la restitution de la somme de 63 778 € correspondant aux sommes versées en exécution de l'arrêt de la cour d'appel de Versailles annulé par la cour de cassation dans son arrêt du 26 janvier 2012 ;
que cette demande n'est pas recevable, la société EHC disposant d'un titre lui permettant de recouvrer cette somme, à savoir l'arrêt d'annulation de la Cour de cassation ;
qu'en cas de difficulté de recouvrement, il lui appartiendra de saisir de cette difficulté le juge de l'exécution ;
Sur le surplus des demandes
Considérant qu'il convient d'allouer à Monsieur [V] la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et de débouter la société EHC qui succombe partiellement de ce chef de demande ;
PAR CES MOTIFS
- Infirme le jugement du conseil de prud'hommes de Nanterre du 8 décembre 2008 en ce qu'il a déclaré nul le licenciement de Monsieur [V] en raison de son caractère discriminatoire et en ce qu'il a condamné la société Ethique Hommes Compétence à payer à Monsieur [V] la somme de 138 570 € à titre de rappel de salaire et celle de 13 857 € à titre de congés payés y afférents ;
- Y ajoutant,
- Dit que le licenciement du 28 avril 2006 est sans cause réelle et sérieuse ;
- Condamne la société Ethique Hommes Compétence à payer à Monsieur [U] [V] la somme de 15 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif et celle de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Déclare irrecevable la demande de la société Ethique Homme Compétence de remboursement de la somme de 63 778 € ;
- Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;
- Condamne la société Ethique Hommes Compétence aux dépens.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT FF