Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 5
ARRÊT DU 21 JANVIER 2014
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 11/22402
Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Octobre 2011 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 09/14408.
APPELANTE
GENERALI VIE SA au capital de 299 197 104 euros, immatriculée au RCS de Paris n° B 602 062 481, agissant en la personne de son Président du Conseil d'Administration et Directeur Général y domicilié en cette qualité
[Adresse 1]
[Localité 1].
Représentée par Me Frédéric INGOLD, avocat au barreau de PARIS, toque B1055.
Assistée de Me Miandra RATRIMOARIVONY, de L'AARPI NGO & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS toque R013, substituant Me Stéphane CHOISEZ, avocat au barreau de PARIS, toque R013.
INTIMÉE
Madame [O] [Z]
[Adresse 2]
[Localité 2].
Représentée par Me Jean-Loup PEYTAVI, avocat au barreau de PARIS, toque B1106.
Assistée de Me Xavier BELLIARD, avocat de la SCP LECOQ-VALLON et FERON-POLONI, au barreau de PARIS toque L187, substituant Me Nicolas LECOQ-VALLON, avocat au barreau de PARIS, toque L187.
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 03 Décembre 2013, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Catherine LE FRANCOIS, Présidente de chambre, entendue en son rapport,
Monsieur Christian BYK, Conseiller
Monsieur Michel CHALACHIN, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Madame Joëlle BOREL
ARRÊT
- contradictoire,
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Catherine LE FRANCOIS, présidente et par Madame Aouali BENNABI, greffière présente lors du prononcé.
Madame [Z] a adhéré à un contrat d'assurance vie dénommé PREFERENCE VERSEMENTS LIBRE à effet du 18 janvier 2001, auprès de la société GENERALI ASSURANCE VIE et sur lequel elle a investi une somme de 121.959,21 euros.
Se prévalant de la faculté de renonciation prévue à l'article L. 132-5-1 du code des assurances, Madame [Z] a, devant le refus de restitution des fonds opposé par cet assureur, fait assigner ce dernier, par acte du 17 septembre 2009, devant le Tribunal de grande instance de PARIS.
Par jugement rendu le 10 octobre 2011, cette juridiction a dit n'y avoir lieu à poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union Européenne, les dispositions de l'article L. 132-5-1 du code des assurances étant conformes au droit communautaire, déclaré recevable l'action de Madame [Z], condamné la société GENERALI à verser à cette dernière la somme de 121.959,21 assortie des intérêts au taux légal au taux majoré de moitié du 5 juillet 2009 au 5 septembre 2009, puis au double de ce taux, et anatocisme pour une année entière, outre la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par déclaration du 15 décembre 2011, la société GENERALI VIE a interjeté appel de cette décision.
Par ordonnance du 3 septembre 2012, le magistrat chargé de la mise en état a déclaré irrecevables les conclusions déposées par l'intimée le 26 juin 2012.
Par ordonnance du 18 février 2013, ce magistrat a déclaré irrecevables les conclusions d'incident signifiées par Madame [Z] les 20 décembre 2012 et 4 février 2013 et déclaré recevable la déclaration d'appel de la société GENERALI VIE.
Aux termes de ses dernières conclusions, signifiées le 30 octobre 2013, l'assureur demande à la Cour de juger les conclusions d'intimée signifiées par Madame [Z] irrecevables puis poursuit l'infirmation du jugement entrepris en demandant à la Cour, à titre liminaire, de poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union Européenne, d'écarter, sous divers constats, l'article L. 132-5-1 du code des assurances dans sa rédaction en vigueur à la date de conclusion des contrats litigieux, d'interpréter cet article à la lumière des dispositions de la directive 2002/83/CE, de juger que la demande de renonciation de l'intimée est prescrite, et, en toutes hypothèses, de débouter Madame [Z] de ses demandes, la condamner au versement de la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les dépens.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur l'irrecevabilité des conclusions signifiées par l'intimée le 26 juin 2012
Considérant que par ordonnance définitive du 3 septembre 2012, le magistrat chargé de la mise en état a déclaré les conclusions signifiées par l'intimée le 26 juin 2012 irrecevables, qu'il n'y a pas lieu en conséquence de statuer sur la demande de la société GENERALI présentée à ce titre devant la cour, qui est sans objet ;
Sur la différence entre les régimes juridiques français et européens concernant le régime de la renonciation et le droit à l'information précontractuelle et la demande de question préjudicielle
Considérant qu'aux termes de l'article L 132-5-1, dans sa rédaction qui était en vigueur au moment de l'adhésion de Madame [Z], toute personne physique qui avait signé une proposition d'assurance ou un contrat avait la faculté d'y renoncer par lettre recommandée avec demande d'avis de réception pendant le délai de trente jours à compter du premier versement ; la proposition d'assurance ou de contrat devait comprendre un projet de lettre destiné à faciliter l'exercice de cette faculté de renonciation ; elle devait indiquer notamment, pour les contrats qui en comportaient, les valeurs de rachat au terme de chacune des huit premières années au moins; l'entreprise d'assurance ou de capitalisation devait, en outre, remettre, contre récépissé, une note d'information sur les dispositions essentielles du contrat, sur les conditions d'exercice de la faculté de renonciation, ainsi que sur le sort de la garantie décès en cas d'exercice de cette faculté de renonciation ; le défaut de remise des documents et informations entraînait de plein droit la prorogation du délai de trente jours ;
Considérant que l'appelante soutient que ce texte n'était pas conforme aux dispositions des articles 15 de la Directive 90/619/CEE, concernant la faculté de renonciation et 31 de la Directive 92/96/CEE, concernant l'information précontractuelle qui sont reprises par les articles 35 et 36 de la directive 2002/83/CEE et qui étaient ainsi rédigées :
-article 15: 'Chaque état membre prescrit que le preneur d'un contrat d'assurance vie individuelle, souscrit dans un des cas visés au titre III, dispose d'un délai compris entre quatorze et trente jours à compter du moment à partir duquel le preneur est informé que le contrat est conclu pour renoncer aux effets de ce contrat. La notification par le preneur de sa renonciation au contrat a pour effet de le libérer pour l'avenir de toute obligation découlant de ce contrat. Les autres effets juridiques et les conditions de la renonciation sont réglés conformément à la loi applicable au contrat, telle que définie à l'article 4, notamment en ce qui concerne les modalités selon lesquelles le preneur est informé que le contrat est conclu. Les états membres peuvent ne pas appliquer le paragraphe 1 aux contrats d'une durée égale ou inférieure à six mois.'
-article 31: ' Avant la conclusion du contrat d'assurance, au moins les informations énumérées à l'annexe II point A doivent être communiquée au preneur. Le preneur d'assurance doit être tenu informé pendant toute la durée du contrat de toute modification concernant les information énumérées à l'annexe II point B. L'état membre de l'engagement ne peut exiger des entreprises d'assurance la fourniture d'informations supplémentaires par rapport à celles énumérées à l'annexe II que si ces informations sont nécessaires à la compréhension effective par le preneur des éléments essentiels de l'engagement. Les modalités d'application du présent article et de et de l'annexe II sont arrêtés par l'état membre de l'engagement';
Considérant que l'appelante reproche à l'article L 132-5-1 du code des assurances, dans sa rédaction applicable à la date de souscription du contrat litigieux, d'une part de reporter le point de départ de la faculté de renonciation à la date de remise de l'information précontractuelle et d'autre part de conférer un effet rétroactif à la renonciation, alors que les autres législations européennes, conformes au texte de la directive, prennent comme point de départ la date de conclusion du contrat et ne prévoient qu'une information pour l'avenir, qu'elle soutient que cette divergence du droit porte atteinte à l'unité ou à la cohérence du droit communautaire et justifie que soit posée une question préjudicielle ;
Considérant que les directives européennes avaient laissé à chaque Etat Membre le soin de préciser les conditions dans lesquelles la renonciation à un contrat d'assurance pouvait être effectuée, qu'il n'est donc ni incohérent, ni contraire à l'unité du droit communautaire que chaque législation nationale édicte des règles particulières quant aux modalités d'exercice de la faculté de renonciation, tant qu'elle respecte les principes posés en la matière par les textes communautaires ;
Considérant qu'en prévoyant un délai de trente jours et sa prorogation en cas de non remise des documents contractuels ce qui constitue une règle plus protectrice du consommateur que certaines autres législations de pays européens, la loi française est parfaitement conforme à la finalité du droit communautaire, qui est de veiller à garantir au preneur d'assurance le plus large accès aux produits d'assurance en lui assurant les informations nécessaires pour choisir le contrat convenant le mieux à ses besoins ;
Considérant par ailleurs que la sanction de la restitution des fonds est inhérente à l'exercice de la faculté de résiliation, qui implique que les parties soient remises dans l'état où elles se trouvaient avant la souscription du contrat, que cette sanction présente un caractère effectif, proportionné et dissuasif, conformément aux exigences du droit communautaire, que la demande de question préjudicielle n'est donc pas fondée et doit être rejetée ;
Sur la non-conformité de l'ancien article L. 132-5-1 du code des assurances au droit communautaire.
Considérant que l'appelante fait valoir que l'article L. 132-5-1 du code des assurances ne respectait pas la directive 2002/83/CEE en ce qu'il prévoyait un délai de renonciation illimité, un point de départ différent du jour de la conclusion du contrat et un effet rétroactif de la renonciation , qu'elle ajoute que la sanction de la prorogation du délai de renonciation avec annulation rétractive du contrat était manifestement disproportionnée;
Considérant que les dispositions de l'article 15 de la directive du conseil du 8 novembre 1990 modifiée , ultérieurement reprises à l'article 35 de la directive du Parlement européen et du conseil du 5 novembre 2002, ne faisaient nullement obstacle à ce qu'un Etat membre prévoie, pour assurer l'effectivité de l'obligation d'information préalable prévue par l'article 31 de la directive du Conseil du 10 novembre 1992 que le non respect de cette obligation soit sanctionné par le maintien du droit de renonciation prévu au profit de l'assuré par l'article L132-5-1 du code des assurances ;
Considérant que le délai de renonciation prévu par l'article L132-5-1 du code des assurances en sa rédaction applicable à l'espèce n'était pas illimité puisqu'il avait pour point de départ la remise par l'assureur des documents précontractuels visés par le texte et qu'il prenait fin trente jours après la remise effective de ces documents ; que le point de départ prévu par ce texte permettait de s'assurer que le preneur disposait de toutes les informations nécessaires pour opérer un choix éclairé entre différentes propositions d'assurance et de sanctionner de manière effective, proportionnée et dissuasive le défaut d'information préalable ce qui relevait de la compétence des Etats membres en application de l'article 10 du Traité CEE ;
Considérant que la sanction de la prorogation du délai de renonciation avec annulation rétroactive du contrat était proportionnée aux objectifs poursuivis par la directive précitée , les assureurs pouvant sans difficultés sauvegarder tant les intérêts des preneurs d'assurance que leurs propres exigences de sécurité juridique en se conformant à leur obligation d'information ;
Considérant que l'article L132-5-1 était donc conforme aux règles du droit communautaire et ne saurait être écarté pour déclarer la demande de Madame [Z] irrecevable ;
Sur la prescription
Considérant que la société GENERALI avance que l'action de l'intimée est prescrite sur le fondement de l'article L132-5-1 du code des assurances interprété à la lumière de de la directive 2002/83/CE en exposant que le délai de renonciation arrivait à expiration le 4 mars 2001 et que la demande de renonciation de Madame [Z], effectuée par courrier du 26 mai 2009, est tardive ;
Mais considérant qu'alors qu'il a été dit que l'article 132-5-1 dans sa rédaction applicable à la date du contrat en ce qu'il prévoyait la prorogation du délai de renonciation n'était pas contraire au droit communautaire, ce moyen est inopérant ;
Considérant qu'elle soutient ensuite que la demande de renonciation étant intervenue près de neuf ans après l'adhésion au contrat, l'action est prescrite sur le fondement de l'article L114'1 du code des assurances en ce que le point dé départ de la prescription biennale, applicable à la demande de renonciation au contrat comme dérivant de celui-ci, doit être fixé à la date où le souscripteur était en situation d'avoir connaissance de la non conformité des informations qui lui étaient fournies et était en mesure d'agir, à savoir au jour de la conclusion du contrat, que l'action visant à obtenir la restitution des primes naissait bien du contrat d'assurance en même temps que le droit de renonciation qu'elle sanctionnait et non du refus de l'assureur de répondre favorablement à une demande de renonciation tardive ; elle ajoute que suspendre le point de départ du délai de prescription biennal à l'exercice par l'assuré de la faculté de renonciation reviendrait à modifier la durée de la prescription ce qui est prohibé par l'article L114-3 du code des assurances ;
Considérant que l'exercice de la faculté de renonciation n'est pas soumis au délai de prescription de l'article L 114-1 du code des assurances, puisqu'il obéit à des règles spécifiques en ce sens que ce droit ne peut être exercé que dans un délai préfix de trente jours à compter de la remise effective des documents précontractuels et qu'au delà de ce délai, l'assuré ne peut plus exercer sa faculté de renonciation ;
Considérant qu'en l'espèce, ce délai n'a pas commencé à courir puisque Madame [Z] a soutenu qu'elle n'avait pas reçu une note d'information conforme aux dispositions de l'ancien article L132-5-1;
Considérant que seule l'action en remboursement des fonds est soumise à cette prescription dont le point de départ est le refus de restitution des fonds opposé par l'assureur à l'assuré ou l'expiration du délai de trente jours imparti par l'article L132-5-1 du code des assurances ;
Considérant qu'en l'espèce le délai de prescription a commencé à courir le 17 juin 2009, date de la lettre par laquelle la société GENERALI faisait savoir à Madame [Z] que sa demande de renonciation ne pouvait être satisfaite, que l'action aux fins de restitution introduite par assignation du 17 septembre 2009 n'est en conséquence pas prescrite ;
Sur la demande de renonciation
Considérant que la société GENERALI prétend que la demande de renonciation n'est pas justifiée dès lors que la remise de deux documents distincts n'est pas exigée par les articles L.112-2 et L.132-5-1 du code des assurances, que la demande de renonciation n'a pu valablement intervenir faute pour le droit à renonciation d'être né compte tenu de l'absence de remise de deux documents distincts au moment de la souscription, que Madame [Z] a reçu une parfaite information sur les dispositions essentielles du contrat d'assurance qu'elle a souscrit, que les conditions générales valant note d'information contenaient toutes les informations essentielles sur le contrat d'assurance vie, qu'il n'y pas lieu à prorogation du délai de renonciation, qu'en tout état de cause l'exercice de son droit à renonciation est abusif, qu'admettre, au profit du demandeur un droit de renonciation absolu, pouvant être exercé discrétionnairement, revient à faire supporter à l'assureur le risque de perte financière et donc à dénaturer le contrat;
Considérant qu'aux termes de l'article L 132-5-1 du code des assurances, dans sa rédaction applicable à l'espèce, l'assureur doit remettre la proposition d'assurance ou de contrat, qui doit comprendre un projet de lettre destiné à faciliter l'exercice de la faculté de renonciation prévue au premier alinéa et, en outre, contre récépissé, une note d'information sur les dispositions essentielles du contrat, que le défaut de remise de ces documents entraîne de plein droit la prorogation du délai de renonciation prévu au premier alinéa jusqu'à la date de remise de ces documents ;
Considérant qu'en l'espèce , Madame [Z] s'est vue remettre par la société GENERALI un document intitulé conditions générales sur lesquelles il est précisé en préambule 'les présentes conditions générales ,valant note d'information' ;
Considérant que la note d'information prévue par l'article L. 132-5-1 du code des assurances, qui est destinée à l'information précontractuelle du preneur d'assurance et ne doit contenir que les dispositions essentielles du contrat, sur lesquelles il convient d'attirer particulièrement son attention, est nécessairement distincte des conditions générales qui constituent le contrat lui-même, que l'assureur ne saurait se prévaloir des dispositions générales de l'article L112-2 du code des assurances pour écarter les disposition spécifiques de l'article L132-5-1 destinées à garantir au preneur d'assurance le plus large accès aux produits d'assurance en lui assurant les informations nécessaires pour choisir le contrat convenant le mieux à ses besoins ; qu'il en résulte que la seule remise par la compagnie d'assurance de "conditions générales valant note d'information', qui contiennent l'ensemble des éléments d'information contractuelle, sans distinguer les éléments essentiels du contrat, ne répond pas aux exigences de ce texte de sorte que le délai de renonciation dont bénéficie l'assuré n'a pas couru et que Madame [Z], qui pouvait exercer son droit à tout moment jusqu'au trentième jour suivant la date de remise effective des documents prévus par la loi, a valablement exercé son droit de renonciation par lettre recommandée avec accusé de réception reçue le 5 juin 2009, l'exercice de la faculté de renonciation étant discrétionnaire pour l'assuré dont la bonne foi n'est pas requise ;
Considérant que la décision entreprise doit en conséquence être confirmée ;
Considérant qu'il n'y a pas lieu d'allouer à la SA GENERALI ASSURANCES VIE qui succombe une somme au titre de ses frais irrépétibles ;
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement par mise à disposition de la décision au greffe, contradictoirement et en dernier ressort ;
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Déboute la SA GENERALI ASSURANCE VIE de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SA GENERALI ASSURANCE VIE aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LA PRESIDENTE