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11/02/2014 | FRANCE | N°08/11863

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 8, 11 février 2014, 08/11863


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS









COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 8



ARRET DU 11 FEVRIER 2014



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 08/11863





Décision déférée à la Cour : Sur renvoi après cassation du 08 avril 2008 d'un arrêt rendu le 08 décembre 2006 par la Cour d'Appel de PARIS (3ème Chambre section B) RG :05/2094 sur appel d'un jugement rendu le 14 octobre 2004 par le Tribuna

l de Commerce de PARIS RG :2002001994 .





APPELANTES



S.A. OI-MANUFACTURING FRANCE nouvelle dénomination de la SOCIETE BSN GLASSPACK agissant en la personne de s...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 8

ARRET DU 11 FEVRIER 2014

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 08/11863

Décision déférée à la Cour : Sur renvoi après cassation du 08 avril 2008 d'un arrêt rendu le 08 décembre 2006 par la Cour d'Appel de PARIS (3ème Chambre section B) RG :05/2094 sur appel d'un jugement rendu le 14 octobre 2004 par le Tribunal de Commerce de PARIS RG :2002001994 .

APPELANTES

S.A. OI-MANUFACTURING FRANCE nouvelle dénomination de la SOCIETE BSN GLASSPACK agissant en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Maître Edmond FROMANTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J151 Assistée de Maître Eric ANDRES de la SCP BELIN DE CHANTEMELE & ANDRES, avocat au barreau de LYON

Société O-I MANUFACTURING NETHERLANDS B.V

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par Maître Edmond FROMANTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J151 Assistée de Maître Eric ANDRES de la SCP BELIN DE CHANTEMELE & ANDRES, avocat au barreau de LYON

INTIMEE

S.A. PRICEWATERHOUSECOOPERS AUDIT prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée et assistée par Maître Olivier HILLEL, avocat au barreau de PARIS, toque : E0257

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 26 Novembre 2013, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie HIRIGOYEN, Présidente

Madame Evelyne DELBÈS, Conseillère

Monsieur Joël BOYER, Conseiller

qui en ont délibéré

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues à l'article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Violaine PERRET

ARRET :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie HIRIGOYEN, présidente et par Madame Céline LITTERI, greffière présente lors du prononcé.

Suivant accord du 30 mars 1999, les sociétés Groupe Danone et Gerresheimer, d'une part, la société CVC Capital Partners, d'autre part, ont décidé la création de la société BSN Glasspack à laquelle les deux premières ont apporté les participations qu'elles détenaient dans certaines de leurs filiales et dont le capital a été majoritairement acquis par la dernière.

Afin de financer l'opération, il a été procédé, par l'entremise de BSN Financing Co, à l'émission d'obligations subordonnées à haut rendement librement négociables sur le marché des Etats-Unis au taux de 10,25 % qui devait être porté à 11,25 % si les obligations n'étaient pas cotées le 5 février 2000.

Ces obligations devaient, dans un premier temps, faire l'objet d'un placement privé nécessitant l'établissement d'un prospectus d'offre boursier visé par la Securities Exchange Commission (la SEC) selon le processus dit de l'article 144A avant d'être, dans un second temps, admises aux négociations sur le marché de la bourse de New-York ce qui impliquait la préparation par l'émetteur d'un document dit formulaire F4 et son approbation par la SEC .

A ce titre la société Befec-Price Water-House, devenue la société Pricewaterhousecoopers Audit (PWCA), qui était le commissaire aux comptes historique des sociétés du groupe Danone et de BSN Glasspack, a été investie par deux lettres des 30 juin et 21 septembre 1999 d'une double mission de réviseur comptable relative aux deux étapes de l'opération: obtention du visa du prospectus d'offre et enregistrement du formulaire F4.

Après avoir formulé des observations à plusieurs reprises, la SEC n'a délivré un avis favorable au formulaire F4 que dans sa nouvelle version du 24 décembre 2000 à la suite du retraitement des comptes et de leur nouvelle certification auxquels PWCA avait refusé de procéder.

Soutenant que la société PWCA a commis, dans l'exécution de ses missions, des fautes ayant retardé la cotation des obligation lesquelles ont été mises sur le marché boursier américain au-delà de la date limite du 5 février 2000 , par acte du 2 janvier 2002, au visa des articles 1147, 1382 et 1383 du code civil, les sociétés BSN Glasspack et BSN Financing Co (les sociétés BSN) l'ont assignée en paiement de dommages et intérêts du montant des pénalités de retard et des surcoûts occasionnés.

Par jugement du 14 octobre 2004, le tribunal de commerce de Paris a rejeté les demandes et condamné les sociétés BSN pour procédure abusive.

Par arrêt du 8 décembre 2006, la cour d'appel de Paris a infirmé le jugement et condamné PWCA à payer aux sociétés BSN la somme de 2 025 000 euros, montant de la pénalité de retard qu'elles ont dû acquitter auprès des détenteurs de titres du fait du report d'enregistrement du F4, retenu comme le résultat d'une inexécution fautive imputable à PWCA.

La société PWCA ayant formé pourvoi, par arrêt du 8 avril 2008, la Cour de cassation chambre commerciale a cassé l'arrêt en toutes ses dispositions au visa de l'article 455 du code de procédure civile en énonçant que pour condamner PWCA à payer aux sociétés BSN 2 025 000 euros, l'arrêt retient que le retard dans l'obtention du formulaire F 4 est la conséquence de l'inexécution par PWCA de sa mission et qu'il convient de condamner cette dernière au paiement de la somme correspondant aux pénalités versées par les sociétés BSN aux souscripteurs des actions en raison du retard de la cotation à la bourse de [Localité 3], retard consécutif à l'enregistrement reporté du formulaire F4, sans répondre aux conclusions par lesquelles PWCA soutenait, pour contester l'existence d'un lien de causalité entre la faute qui lui était reprochée et le préjudice résultant du paiement des pénalités, que celles-ci étaient encourues dès le 6 février 2000, que le conseil d'administration de la société BSN Glasspack au cours duquel PWCA avait fait savoir qu'elle refusait la publication de la certification des comptes, ne s'était tenu que le 25 avril 2000 et que cette société avait aussitôt été remplacée par le cabinet [L] [C] qui se tenait prêt et avait procédé au retraitement des comptes.

Désignée comme cour de renvoi, cette cour, autrement composée, a été saisie par déclaration des sociétés 0-I Manufacturing France, anciennement dénommée BSN Glasspack, et 0-I Manufacturing Netherlands BV, anciennement dénommée VG Holding BV, associée unique de BSN Financing Co à laquelle est échue la totalité de l'actif de cette dernière à sa dissolution.

Par dernières conclusions signifiées le 29 mai 2012, les sociétés demanderesses à la saisine demandent à la cour de:

- déclarer recevable l'action formée par les sociétés 0-I Manufacturing France, anciennement dénommée BSN Glasspack, et 0-I Manufacturing Netherlands BV, anciennement dénommée VG Holding BV, vu les articles 1134,1147 et suivants du code civil en ce qui concerne la société 0-I Manufacturing France, vu principalement les mêmes articles en ce qui concerne la société 0-I Manufacturing Netherlands et subsidiairement pour elle les articles 1382 et 1383, infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris, constater l'existence d'erreurs comptables commises dans le cadre de la mission de commissaire aux comptes de PWCA, de constater que le prospectus d'offre transmis à la SEC contenait des erreurs que PWCA aurait dû déceler, de dire que PWCA a manqué à sa mission de processus 144A, dire qu'en s'abstenant de prendre position sur les conclusions du rapporteur Towers Perrin, PWCA a violé les termes de sa mission fixée par lettres des 30 juin et 21 septembre 1999 aux fins d'enregistrement de la F4 à la SEC, dire en conséquence que PWCA a manqué à son obligation contractuelle de loyauté à l'égard de BSN et à son devoir absolu d'indépendance, de dire que PWCA a commis une nouvelle faute en refusant son 'consent' sur les comptes rectifiés déjà certifiés par ses soins, dire que PWCA a encore commis une faute en refusant l'octroi de son 'consent' faute par BSN Glasspack d'abandonner par avance toute poursuite à son encontre du fait des travaux faits ou à faire, de dire que PWCA a manqué également à sa mission d'enregistrement du formulaire F4,

- principalement, condamner PWCA à payer aux sociétés 0-I Manufacturing France, anciennement dénommée BSN Glasspack, et 0-I Manufacturing Netherlands BV, anciennement dénommée VG Holding BV, les sommes suivantes:

- 2 025 000 euros au titre de la pénalité de retard qu'elles ont dû acquitter auprès des détenteurs de titres,

- 2 404 744,52 euros au titre des coûts supplémentaires d'assistance, de ré-audit et de conseil qu'elles ont dû engager aux fins d'enregistrement des titres sur le marché financier de [Localité 3] ,

- 417 680 euros au titre des coûts additionnels d'assistance auprès de la société CPS,

- 657 487 euros au titre des coûts additionnels d'assistance dans la mise en oeuvre du projet d'unification auprès de la société PWCA,

- les intérêts de ces sommes au taux légal à compter du 2 janvier 2002, date de l'assignation introductive d'instance, avec capitalisation,

- subsidiairement, condamner PWCA à payer les mêmes sommes à la société 0-I Manufacturing Netherlands BV anciennement dénommée VG Holding BV, avec intérêts au taux légal à compter du 2 janvier 2002, avec capitalisation,

- en tout état de cause, vu les dispositions de l'article 123 du code de procédure civile, condamner également PWCA à payer aux deux sociétés la somme de 20 000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive, débouter PWCA de l'intégralité de ses demandes et la condamner au paiement de 50 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile outre dépens avec distraction.

Par conclusions récapitulatives n°7 signifiées le 18 octobre 2013, PWCA demande à la cour de:

- confirmer le jugement entrepris en ce que les premiers juges ont débouté les demanderesses de leurs prétentions, en ce qu'ils ont fait droit à la demande reconventionnelle formée par le défendeur pour procédure abusive et condamné à ce titre les demanderesses à lui payer la somme de 150 000 euros de dommages et intérêts et en ce qu'ils ont condamné les demanderesses à payer au défendeur la somme de 100 000 euros à titre de frais en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

- ajoutant audit jugement à raison du fait dommageable nouvellement allégué par les appelantes aux termes de leurs conclusions signifiées le 20 octobre 2008 et resignifiées le 3 mars 2009, dire bien fondées les fins de non-recevoir soulevées par l'intimé,

- en conséquence, vu notamment les dispositions des articles L. 822-17 et L. 822-18 du code de commerce, ensemble celles de l'article L. 225-254 du même code, déclarer irrecevables les prétentions des appelantes comme se heurtant à la prescription triennale de l'article L.822-18, le fait dommageable qu'elles allèguent, aux termes de leurs conclusions signifiées les 20 octobre 2008 et 22 juillet 2011, n'étant plus le même qu'en première instance, étant allégué par elles pour la première fois devant la cour qu'elles ont saisies sur renvoi après cassation, et relevant de la mission légale fondamentale du commissariat aux comptes, c'est-à-dire de la certification des comptes, soit, en l'occurrence, de la certification, par PWCA, des comptes de BSN relatifs aux exercices 1996, 1997 et 1998 et vu notamment les dispositions des articles 31 et 32 du code de procédure civile, déclarer irrecevables les prétentions des appelantes à raison du défaut de qualité et d'intérêt à agir, du défaut de qualité de PWCA pour défendre à l'action, vu le principe de l'interdiction de se contredire au détriment d'autrui, constater que PWCA, en sa qualité de commissaire aux comptes de la société BSN à l'époque des faits litigieux, a certifié les comptes des exercices en cause (1996, 1997 et 1998), tels qu'établis par ladite société, que, de surcroît, par lettres dites d'affirmation (en date des 30 juin, 20 juillet et 3 août 1999), les dirigeants de la société BSN ont affirmé et confirmé itérativement à PWCA, ès qualités de commissaire aux comptes de ladite société, que les comptes de l'exercice clôturé le 31 décembre 1998 étaient présentés conformément aux normes comptables internationales généralement admises, qu'ils comprenaient toutes les informations nécessaires à une présentation sincère, que toutes les dettes y étaient incluses et qu'en particulier « les hypothèses et méthodes actuarielles retenues pour valoriser sur le plan comptable les passifs et les charges concernant les retraites et autres avantages complémentaires de retraite » étaient « appropriées, au vu des circonstances », dire que, dans ces conditions, la société BSN se contredit au détriment de la société PWCA et qu'elle est en conséquence irrecevable à agir en responsabilité à l'encontre de celle-ci en alléguant que les comptes des exercices antérieurs à 1999 étaient affectés d'erreurs et que ces erreurs sont la cause directe du préjudice à la réparation duquel elle prétend ;

- et vu les dispositions des articles 700 et 699 du code de procédure civile, condamner les sociétés appelantes, in solidum, à payer à la partie intimée, à titre de frais, relatifs à l'instance d'appel, la somme de 50 000 euros outre dépens avec distraction.

SUR CE

- Sur l'intervention des sociétés 0-I Manufacturing France, anciennement dénommée BSN Glasspack, et 0-I Manufacturing Netherlands BV, anciennement dénommée VG Holding BV,

Il convient de constater que les sociétés 0-I Manufacturing France et 0-I Manufacturing Netherlands BV sont aux droits de BSN Glasspack et VG Holding BV et de les déclarer recevables en leur intervention.

- Sur les fins de non-recevoir

Selon PWCA, prisonnières du lien de causalité impossible à établir entre le fait dommageable jusqu'alors invoqué et le préjudice allégué, devant la cour de renvoi, les sociétés BSN invoquent un nouveau fait dommageable mais ce faisant, se heurtent à des fins de non-recevoir: exception de demande nouvelle, prescription, interdiction de se contredire au détriment d'autrui, défaut de qualité et d'intérêt à agir.

Sur l'exception de demande nouvelle

Pour PWCA, nouvelle est la créance de réparation invoquée et nouveau le débiteur de la réparation poursuivi. Alors que la cause de la créance qu'invoquait BSN jusqu'à présent était l'exécution prétendument fautive des missions contractuelles confiées en 1999 à PWCA, la créance de réparation désormais invoquée a pour cause les comptes des exercices 1996 à 1998 et donc, en ce qui concerne PWCA, la certification de ces comptes. Quant au débiteur de la réparation, il était désigné comme étant PWCA en qualité d'auditeur contractuel chargé des missions à lui confiées les 30 juin 1999 et 21 septembre 1999 soit le réviseur contractuel missionné par les lettres de mission des 30 juin 1999 et 21 septembre 1999 tandis qu'il est à présent allégué que les erreurs affectant dès l'origine les comptes de BSN Glasspack pour les années 1996 à 1999 sont directement la cause du préjudice de sorte que c'est en sa qualité de commissaire aux comptes et non plus de réviseur contractuel que BSN recherche la responsabilité de PWCA ce qui est radicalement différent.

Mais de la lecture de l'assignation et des conclusions successives, il ressort que de manière constante depuis l'introduction de l'instance, les sociétés BSN recherchent la responsabilité de PWCA en sa qualité de réviseur chargé d'établir le formulaire F4 à l'attention de la SEC à l'occasion de l'entrée en bourse des obligations et qu'elles lui font reproche d'avoir refusé tout à la fois de publier la certification des comptes qu'elle avait précédemment validés comme commissaire aux comptes des sociétés BSN et de corriger les erreurs alléguées qui affectaient les comptes antérieurs, opérations nécessaires à l'obtention de l'avis favorable de la SEC.

Ainsi, on peut lire dans l'assignation introductive d'instance (page 16):

' Le prospectus d'offres du 27 juillet 1999 mis à jour avec l'assistance de PWC et repris à la SEC contenait des erreurs substantielles que PWC était à même de percevoir ayant audité et certifié les comptes de l'ensemble des sociétés constituant le groupe BSN Glasspack, tant les filiales issues du groupe Danone ( VMC, NV Vereenidge Glasfabrieken, Verdome, BSN Vidrio Espana) que celles issues du groupe Gerresheimer puisque dans les deux cas, PWC était le commissaire aux comptes historiques de l'ensemble de ces entités. Il est manifeste que les insuffisances des provisions constituées dans les comptes présentés à la SEC étaient de nature à altérer sensiblement la situation nette des compte sociaux et de nature à présenter une image de la société qui ne reflétait pas la réalité'.

Il est fait état des erreurs portant en particulier sur les exercices 1996, 1997, 1998 que PWC ne pouvait qu'identifier et révéler pour avoir audité et certifié les comptes et des 'erreurs significatives' révélées dans les dits comptes.

Dans l'énoncé des moyens des sociétés demanderesses, le tribunal note que celles-ci 'affirment l'existence d'erreurs substantielles ou fondamentales affectant les comptes historiques du groupe Danone, erreurs impliquant un retraitement comptable des comptes historiques de ce groupe'.

En demandant à la cour au dispositif de ses conclusions de constater l'existence d'erreurs comptables commises dans le cadre de la mission de commissaire aux comptes de PWCA, erreurs qu'elle aurait dû déceler mais qui ont été reproduites dans le prospectus d'offre transmis à la SEC, les sociétés BSN ne font que réitérer ce moyen pour soutenir que PWCA a manqué à sa mission de processus 144 A et à la mission d'assistance à l'enregistrement du formulaire F4 sans alléguer comme il est prétendu deux séries de faits qui s'excluent mutuellement dans leur rôle causal ni modifier sa demande au sens de l'article 564 du code de procédure civile.

C'est bien à raison de fautes contractuelles commises dans le cadre de l'exécution de la double mission afférente au prospectus d'offres selon l'article 144 A de la législation américaine sur les valeurs mobilières et à l'enregistrement du formulaire F4 auprès de la SEC que la responsabilité de PWCA est recherchée de manière constante.

L'exception de demande nouvelle doit, par suite, être écartée.

Sur la prescription

Au soutien de sa fin de non-recevoir prise de la prescription triennale de l'article L.822-18 du code de commerce, PWCA prétend encore que jusqu'au 20 octobre 2008, date de ses premières conclusions devant la cour de renvoi par elle saisie, BSN n'avait allégué comme fait générateur du dommage invoqué que l'exécution fautive des missions144 A et F4 accomplies en 1999 et 2000 tandis qu'elle se prévaut dans le dernier état de la procédure des erreurs qui auraient affecté les comptes 1996 à 1998 lesquels relèvent de la mission légale fondamentale du commissariat aux comptes qui est régie par cette prescription, désormais acquise.

Cependant, comme il a été vu, PWCA allègue en vain l'invocation nouvelle par les sociétés BSN d'une faute ancienne relevant de sa fonction de commissaire aux comptes dont procéderaient tous les griefs de sorte que la prescription triennale de l'article L. 822-18 du code de commerce ne trouve pas à s'appliquer .

Sur l'interdiction de se contredire au détriment d'autrui

Le constat d'un débat inchangé qui conduit au rejet de l'exception de demande nouvelle conduit encore à écarter la méconnaissance alléguée du principe qui interdit à une partie de se contredire au détriment d'autrui .

Sur le défaut de qualité et d'intérêt à agir

Cinq motifs de défaut de qualité ou d'intérêt sont développés par PWCA.

Est invoqué en premier lieu le défaut d'intérêt de BSNG à agir au titre de l'opération 144 A dont la société PWCA soutient qu'elle n'a jamais été investie 'à proprement parler' en ce sens qu'elle s'est vu confier une mission d'audit et d'analyse relative à l'information comptable et financière devant être incluse dans le processus d'offre et alors, de surcroît, que ce processus s'est déroulé sans difficultés.

Mais PWCA ne conteste pas avoir signé une lettre de mission relative à l'opération 144 A dont la nature, l'étendue et l'exécution relèvent du débat de fond.

La société PWCA estime, par ailleurs, ne pas avoir qualité pour défendre à l'action engagée par BSNF dès lors qu'elle était commissaire aux comptes de BSNG laquelle l'a investie des missions particulières relatives aux processus 144 A et F 4 et qu'elle n'a pas de lien contractuel avec BSNF.

Cependant, il ressort des pièces au débat que la société PWCA a proposé ses services pour l'organisation de la mission afférente au processus d'offres dans les termes de l'article 144 A et au processus F 4 pour l'ensemble des comptes du groupe Danone, qu'elle a adressé les projets de lettres de mission à 'BSN' soit le groupe, que, notamment, la lettre du 21 septembre 1999 portant confirmation des termes de la mission dite 144 A prévoit la préparation des états financiers du groupe Danone Containers dont font partie à la fois BSNG et BSNF, qu'au surplus, la responsabilité de PWCA est recherchée sur les fondements contractuel et délictuel, que BSNF a donc qualité pour agir et PWCA qualité pour défendre.

PWCA oppose aussi le défaut d'intérêt de BSNG à agir en réparation du préjudice causé par de prétendues erreurs affectant les comptes antérieurs en faisant valoir que ce n'est pas le commissaire aux comptes qui établit les comptes mais la société auprès de laquelle il exerce ses fonctions de sorte que si les comptes étaient erronés, c'est celle-ci qui en porte la responsabilité et invoque encore le principe de l'interdiction de se contredire au détriment d'autrui qui interdirait à BSN d'agir en responsabilité contre son ancien commissaire aux comptes sauf à admettre une situation qu'elle a elle-même créée et des choix comptables qu'elle a elle-même opérés en toute connaissance de cause.

L'argumentation est inopérante dès lors que les certifications données par le dirigeant de la société au nom de celle-ci dans les lettres d'affirmation de comptes réguliers et sincères ne font pas obstacle à la recherche de la responsabilité du commissaire aux comptes du chef de fautes éventuelles.

Quant aux fins de non-recevoir prises du défaut de qualité de BSNG pour agir en paiement de pénalités de retard payées par BSNF, émettrice des obligations, et au défaut d'intérêt à agir de BSNF au titre de coûts supplémentaires qui, à les supposer réels, 'auraient' été assumés par BSNG et non BSNF, elles relèvent du débat sur la preuve du préjudice, chacune de ces sociétés devant, au cas où la faute de PWCA serait retenue, démontrer qu'il en est résulté pour elle un préjudice direct et certain.

Toutes les fins de non-recevoir doivent, par suite, être rejetées.

- Sur le fond

Il sera observé que PWCA évoque mais ne réitère pas la demande en production de pièces ayant donné lieu à un incident rejeté par le conseiller de la mise en état.

Sur la mission

Les parties s'opposent sur la nature de la mission confiée à PWCA.

Selon les sociétés demanderesses à la saisine, il s'agit d'une mission de réviseur comptable soit une mission de conseil assortie d'un objectif déterminé à savoir l'obtention du visa du prospectus d'offre 144 A et l'enregistrement du formulaire F4. Tandis que la société PWCA conteste avoir été investie d'une mission de réviseur et de conseil et revendique une mission d'auditeur comprenant le contrôle et l'analyse de l'information comptable et financière devant être incluse dans le prospectus et l'assistance technique de BSN Glasspack à la présentation de cette information, soulignant que le visa du prospectus et l'enregistrement F4 avaient été confiés au cabinet américain [P] [Y] et [K].

Il ressort des lettres de mission versées au débat que BSN, alors division Emballage du groupe Danone, a donné à PWCA 'agissant en qualité de réviseurs comptables indépendants' une mission afférente au prospectus d'offre aux termes de la Règle 144 A que PWCA a acceptée le 30 juin 1999, que PWCA se voyait confier l'audit des états financiers pour 1996, 1997 et 1998 ainsi que l'émission d'une lettre de confort pour le prospectus d'offre boursier, qu'il est prévu que PWCA est responsable de la réalisation de l'audit conformément aux règles d'audit généralement admises et que selon ces normes, elle doit planifier et réaliser l'audit afin d'obtenir une assurance raisonnable que les états financiers ne sont pas entachés d'erreurs significatives, que dans le prolongement de cette mission , PWCA a accepté le 21 septembre 1999 de la société BSN Glasspack 'en qualité de réviseurs comptables indépendants, une mission afférente à la mise à jour du prospectus d'offre du 27 juillet dans le cadre de la règle 144A aux fins d'un enregistrement F4 à la SEC', que PWCA s'engage notamment à revoir dans leur forme non définitive les documents devant être déposés et préparés par la société, à aider celle-ci à mettre à jour l'identification des différences par rapport aux principes comptables généralement admis, les obligations en matière de publication et à effectuer les concessions/rapprochements entre systèmes comptables, à fournir une expertise technique et à interpréter les règles en vigueur aux Etats-Unis, qu'il est rappelé que PWCA est responsable de la réalisation de l'audit conformément aux règles d'audit généralement admises et que selon ces normes, elle doit planifier et réaliser l'audit afin d'obtenir une assurance raisonnable que les états financiers ne sont pas entachés d'erreurs significatives.

Les tâches décrites dans ces lettres de mission caractérisent une double mission de réviseur comptable investi d'une mission de conseil en vue, d'une part, de l'obtention du visa du prospectus d'offre 144 A , d'autre part, de l'enregistrement du formulaire F4 qui se distingue de sa mission de commissaire aux comptes auprès des sociétés du groupe Danone puis de BSN Glasspack.

Sur la faute

Des pièces mises au débat, il ressort que le dossier initial d'enregistrement F4 ayant été déposé le 3 novembre 1999, la SEC a émis un premier refus, notifié le 10 décembre suivant en énonçant 127 interrogations relatives notamment aux indemnités de départ à la retraite et à l'impôt différé inscrit dans les comptes de la filiale espagnole, qu'il a été répondu par lettre du 10 janvier 2000, que le 27 janvier 2000, la SEC adressait de nouvelles observations auxquelles il était répondu le 2 février 2000, que cependant, la SEC réitérait son avis défavorable le 5 février 2010 en soulignant en particulier la nécessaire mise en conformité des comptes établis selon la norme IAS aux normes américaines US GAAP et en appelant l'attention sur le choix à opérer dans la présentation entre un retraitement dans les comptes antérieurs de façon rétrospective et un parti prospectif dans les comptes à venir, que pour remédier aux erreurs et insuffisances de provisions affectant les comptes, la direction de BSN a souhaité retraiter tant les comptes de l'exercice en cours que les comptes historiques des sociétés concernées et a demandé à PWCA de donner son accord (consent) pour joindre au F4 ses rapports de certification, que par lettre du 5 avril 2000, PWCA a refusé de 'réémettre [son] opinion sur les comptes [des exercices 1996, 1997, 1998] modifiés', que par lettre du 11 avril 2010, BSNG a relevé le caractère peu cohérent de la décision de PWCA qui soit n'admettait pas l'existence d'erreurs et ne pouvait que confirmer ses certifications antérieures en donnant son 'consent', soit admettait des erreurs dans les comptes historiques qui devaient alors être rectifiées, que par ce courrier, il était demandé à PWCA de communiquer dans les plus brefs délais son accord 'aux fins que nous puissions transmettre à la SEC une copie de votre rapport en date du 30 juin 1999 sur les comptes au 31 décembre 1998" soit d'indiquer 'le délai nécessaire à la rectification par vos équipes des comptes BSN Glasspack au 31 décembre 1998", qu'aucune réponse n'a été donnée avant le conseil d'administration du 25 avril 2000 au cours duquel PWCA a fait savoir qu'elle refusait la publication de la certification des comptes, que BSN a fait retraiter les comptes des trois années antérieures à la demande d'admission à la cote (1996,1997, 1998) puis, le temps ayant passé, des comptes des années 1997,1998, 1999, que les comptes retraités ont été certifiés par le co- commissaire aux comptes de BSNG, [D] [M].

Pour justifier sa position et contester toute faute, PWCA argue d'erreurs non significatives ou inexistantes et soutient que les erreurs alléguées par BSN en matière d'engagements de retraite procédaient de provisions établies sur la base d'hypothèses actuarielles jugées insuffisantes ce qui caractérise un changement d'estimation mais non une erreur justifiant la procédure de correction.

Mais les erreurs affectant les écritures du chef de la provision à raison de la révision des fours BSN, de l'inscription de l'impôt différé de la filiale espagnole à l'actif des comptes , de la comptabilisation, de la filiale nationale Reuzit qui n'avait pas été cédée à BSN, l'exclusion de la société financière Finalim sont avérées et s'agissant des engagements retraites, calculés sur la base de 100 % de départs volontaires, le pré-rapport du cabinet Towers Perrin spécialisé dans ce domaine en date du16 février 2000 et le rapport définitif en date du 23 mai 2000 mettent en évidence un différentiel dû non pas à de simples hypothèses actuarielles mais à de réelles insuffisances de provisions reposant sur des données objectives.

Et l'avis favorable donné par la SEC au formulaire F4 dans sa version du 21 décembre 2000 à la suite du retraitement des comptes et de leur nouvelle certification suffit à valider le processus ayant conduit à la correction des erreurs.

Il apparaît ainsi qu'en refusant de certifier les comptes consolidés rectifiés sans fournir aucune solution pour obtenir l'enregistrement du formulaire F 4, auquel est parvenu un autre conseil, PWCA a manqué à son obligation contractuelle d'assistance et de conseil en matière comptable.

Sur le préjudice

Il est constant que l'enregistrement des titres a été réalisé le 3 juillet 2001 soit 17 mois après le délai de 180 jours prescrit.

Les sociétés demanderesses à la saisine font plaider que ce retard est imputable à PWCA, que BSNF a dû s'acquitter auprès des souscripteurs d'une pénalité de retard de 2 025 000 euros, que BSN Glasspack a viré ces sommes sur le compte de BSN Financing qui les a réglées, que la demande portant sur cette somme outre intérêts doit donc être admise pour le moins au bénéfice de OI Manufacturing Netherlands BV venant aux droits de BSNF, que le préjudice s'entend en outre des frais supplémentaires ( 417 680 euros) exposés pour préparer les ré-audits dans le cadre du processus F 4 et frais d'unification des

systèmes de gestion, opération qui n'a pu être assumée par les services internes occupés par le travail supplémentaire occasionné par les ré-audits et a dû être confiée à PWCA pour un coût de 657 487 euros.

PWCA invoque, très subsidiairement en réponse, pour l'essentiel, le défaut de lien de causalité du préjudice allégué, d'une part, avec la mission et, d'autre part, à raison de la cessation de la mission, souligne que c'est seulement en mai 2000 que le cabinet Towers Perrin remet son rapport définitif, que BSN l'a déchargée depuis le 27 avril de sa mission de réviseur contractuel concernant l'information à joindre au F4, ajoute que BSNG a choisi d'assumer le retard en décidant de bouleverser le processus en modifiant ses comptes et conteste la réalité du préjudice.

Le manquement caractérisé de PWCA à sa mission d'assistance a nécessairement retardé le processus d'enregistrement du formulaire F4. Toutefois, alors que les pénalités étaient encourues dès le 6 février 2000, c'est seulement le 27 avril 2000 que BSNG a déchargé PWCA de sa mission de réviseur comptable pour le remplacer par le cabinet [L] [C] qui se tenait prêt, que les lettres de mission d'[L] [C] ont été émises seulement le 20 juillet 2000 Par ailleurs, la longueur du processus ultérieur témoigne de difficultés sans lien avec le manquement de PWCA puisque le formulaire qui emportait l'avis favorable de la SEC était finalisé le 20 décembre 2000 tandis que l'enregistrement des titres était réalisé le 3 juillet 2001.

Il s'ensuit que le préjudice résultant de l'inexécution de la mission de PWCA est circonscrit à une partie seulement des pénalités que la cour estime, au vu des éléments de la cause, à la somme de 1 million d'euros.

Le coût 'supplémentaire' du retraitement, nécessaire en tout état de cause, ne peut être imputé à PWCA ni le travail 'supplémentaire' qui en serait résulté.

Il convient, en conséquence, d'infirmer le jugement et de condamner PWCA à payer à 0-I Manufacturing Netherlands BV aux droits de BSN Glasspack qui a acquitté les pénalités la somme de 1 million d'euros qui portera intérêt au taux légal à compter du présent arrêt, avec capitalisation des intérêts dans les termes de l'article 1154 du code civil.

- Sur les dommages et intérêts pour procédure abusive

La solution du litige conduit à infirmer le jugement en ses dispositions portant condamnation des sociétés BSN pour procédure abusive et à débouter PWCA de ce chef de demande.

Il résulte de l'article 123 du code de procédure civile que les fins de non-recevoir peuvent être proposées en tout état de cause sauf la possibilité pour le juge de condamner à des dommages et intérêts ceux qui se seraient abstenus, dans une intention dilatoire de la soulever plus tôt.

Les sociétés demanderesses à la saisine sollicite l'application de cette disposition qui doit cependant être rejetée faute de preuve du caractère dilatoire de l'abstention que ne suffit pas à caractériser la tardiveté.

- Sur l'article 700 du code de procédure civile

Aucune considération d'équité ne commande de faire application de ces dispositions.

PAR CES MOTIFS

Constate que les sociétés 0-I Manufacturing France et 0-I Manufacturing Netherlands BV sont aux droits de BSN Glasspack et VG Holding BV et les déclare recevables en leur intervention,

Rejette les fins de non recevoir,

Infirme le jugement entrepris,

Condamne PWCA à payer à 0-I Manufacturing Netherlands BV, aux droits de BSN Glasspack, la somme de 1 million d'euros outre intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, avec capitalisation dans les termes de l'article 1154 du code civil,

Déboute les parties de toutes autres demandes,

Condamne PWCA aux dépens de première instance et d'appel et dit que les dépens d'appel pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile

La GreffièreLa Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 08/11863
Date de la décision : 11/02/2014

Références :

Cour d'appel de Paris I8, arrêt n°08/11863 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-02-11;08.11863 ?
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