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11/02/2014 | FRANCE | N°13/20253

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 8, 11 février 2014, 13/20253


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 8



ARRET DU 11 FÉVRIER 2014



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 13/20253



Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Septembre 2013 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2013000546





APPELANTE



SAS MARRONS IMBERT agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité aud

it siège

[Adresse 3]

[Localité 1]



Représentée par Maître Marie-Laure BONALDI, avocat au barreau de PARIS, toque : B0936

Assistée de Maître Pierre MOULIN, avocat au barr...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 8

ARRET DU 11 FÉVRIER 2014

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 13/20253

Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Septembre 2013 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2013000546

APPELANTE

SAS MARRONS IMBERT agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Maître Marie-Laure BONALDI, avocat au barreau de PARIS, toque : B0936

Assistée de Maître Pierre MOULIN, avocat au barreau de MONTPELLIER.

INTIMES

Maître [L] [I] Es qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la SAS RHEOLIC ENTREPRISE

[Adresse 1]

[Localité 1]

Régulièrement assigné - non représenté

SA UNIFERGIE - UNIFERGIE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée et assistée par Maître Françoise BELLEMARE de l'Association BELLEMARE MORTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : R092

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 17 Décembre 2013, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie HIRIGOYEN, Présidente

Madame Evelyne DELBÈS, Conseillère

Monsieur Joël BOYER, Conseiller

qui en ont délibéré

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues à l'article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Céline LITTERI

ARRET :

- réputé contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie HIRIGOYEN, présidente et par Madame Céline LITTERI, greffière présente lors du prononcé.

La société Marrons Imbert qui fabrique et commercialise des marrons glacés s'est installée au cours de l'année 2004 sur un nouveau site dans la commune d'[Localité 1] en [Localité 2] où elle a dû mettre en place un système de traitement des eaux usées, trop chargées en sucre.

Elle a commandé le 4 juin 2007 à la société Rhéolic Entreprise la fourniture et l'installation d'une station d'épuration, correspondant aux exigences de l'Agence de l'Eau, pour un prix de 170 172, 86 euros TTC.

L'opération a été financée pour l'essentiel par un contrat de crédit-bail conclu le 6 août 2007 avec la société Unifergie à hauteur d'une somme de 108 885, 52 euros HT, moyennant le paiement de loyers trimestriels de 6 708, 90 euros sur cinq ans.

La mise en service de la station d'épuration, qui ne répondait pas aux exigences fixées, se heurtera à diverses difficultés qui retarderont l'établissement d'un procès verbal sans réserve, lequel sera finalement signé par le crédit-preneur le 1er juin 2010 et adressé à cette date au crédit-bailleur.

Les difficultés de dépollution persistant, la société Marrons Imbert a sollicité en référé en octobre 2011 une mesure d'expertise au contradictoire de son fournisseur Rhéolic Entreprise, les opérations d'expertise ayant été ultérieurement étendues à Unifergie.

L'expert a déposé son rapport le 16 décembre 2012. Ce dernier concluait à un choix technologique inadapté à la nature et aux variations d'activité de Marrons Imbert, imputable à Rhéolic Entreprise, soit au titre de l'erreur de conception, soit, pour le moins, au titre de son devoir de conseil.

Entre temps, une procédure de redressement judiciaire avait été ouverte à l'égard de cette dernière par jugement du tribunal de commerce d'Aubenas en date du 8 novembre 2011, la procédure ayant été convertie en liquidation judiciaire par jugement du 14 février 2012.

La société Marrons Imbert a, le 30 novembre 2011, régulièrement déclaré sa créance au passif de cette procédure à hauteur de 170 172 euros TTC.

C'est dans ces circonstances que la société Marrons Imbert a fait assigner à bref délai devant le tribunal de commerce de Paris, par acte du 4 février 2013, la société Unifergie et Maître [I], ès qualités. Par acte du 4 mars 2013, la société Unifergie a fait assigner en intervention forcée le Gan, assureur du fournisseur.

La société Marrons Imbert qui exposait ne pas rechercher la résiliation du contrat principal entre Unifergie et Rhéolic Entreprise, poursuivait la résolution du contrat de crédit-bail pour manquement d'Unifergie à l'obligation de délivrance au visa de l'article 1719 du code civil, sa nullité pour vice du consentement tiré de la contrainte économique au visa de l'article 1109, et sollicitait la condamnation du crédit-bailleur à lui rembourser les échéances de loyer jusqu'alors réglées, soit la somme de 78 969, 22 euros, et à faire procéder à ses frais et sous astreinte à l'enlèvement des installations.

Par jugement du 19 septembre 2013, le tribunal a joint les causes, a jugé recevable mais mal fondée l'action de la société Marrons Imbert, l'a déboutée de toutes ses demandes, l'a condamnée à payer à la société Unifergie la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, a débouté les parties de toutes leurs autres demandes et a condamné la société Marrons Imbert aux dépens.

La société Marrons Imbert a relevé appel de ce jugement par déclaration du 21 octobre 2013.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 17 décembre 2013, elle demande à la cour de:

- réformer le jugement déféré, sauf en sa disposition l'ayant déclarée recevable en son action,

-dire et juger qu'en sa qualité de propriétaire-bailleur de ladite station d'épuration, la société Unifergie a violé les articles 1719 à 1721 du code civil dont elle ne pouvait écarter l'application et de prononcer en conséquence la résolution judiciaire de ce contrat sur le fondement de l'article 1184 du code civil,

-dire et juger que l'exclusion de responsabilité stipulée au contrat de crédit- bail est limitée, expressis verbis, à l'article 1724 du code civil et, qu'en tout état de cause, ledit contrat ne contient aucune stipulation excluant l'application des dispositions de l'article 1721 du même code,

- dire et juger, au vu du rapport d'expert retenant la faute de conception commise par la société Rhéolic Entreprise et de l'impossibilité pour celle-ci de remédier techniquement à la situation, que la société Unifergie est responsable des dysfonctionnements présentés par le matériel livré sur le fondement de l'article 1721 du code civil et la condamner, en conséquence, à réparer le préjudice par elle subi,

- dire et juger que la société Unifergie a commis une faute dans l'exécution du contrat de crédit-bail, en la contraignant à signer un procès-verbal de réception de travaux sans réserves, et, en conséquence, de dire et juger nul et de nul effet, le contrat de crédit bail pour cause de vice du consentement résultant de la violence économique exercée à son encontre,

- dire et juger que l'article 8.6 du contrat de crédit-bail constitue une clause abusive et en prononcer, par conséquent, la nullité, subsidiairement d'écarter cette clause, faute de toute contrepartie possible, en l'état de jugement de liquidation judiciaire frappant la société Rhéolic Entreprise,

- condamner la société Unifergie à lui rembourser le montant des trimestrialités de loyers, soit la somme à ce jour de 99 096 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 30 septembre 2011, date de l'assignation en référé,

- la condamner en outre à faire enlever, à ses frais et sous le contrôle de l'expert [C] [U], à nouveau désigné aux frais avancés de la société Unifergie, les installations défectueuses,

- débouter la société Unifergie de toutes ses demandes,

- la condamner à lui payer la somme de 12 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

- déclarer commun et opposable à Maître [I], ès qualités, l'arrêt à intervenir.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 16 décembre 2013, la société Unifergie demande à la cour de confirmer le jugement déféré, de débouter la société Marrons Imbert de ses demandes, de la condamner à lui payer la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et de la condamner aux dépens.

Maître [I], régulièrement assigné ès qualités et contre lequel aucune demande n'est formée, n'a pas constitué avocat.

SUR CE

Sur le manquement allégué du crédit bailleur à son obligation de délivrance

L'appelante soutient, au visa de l'article 1719 du code civil, que la clause stipulée à l'article 8-3 du contrat de crédit-bail selon laquelle ayant été 'le maître de l'ouvrage ou le maître de l'opération et en étant l'utilisateur', 'le crédit preneur dispense le crédit-bailleur, dès la signature du contrat, de toute obligation de délivrance ou de bon fonctionnement' est illicite pour priver de cause le contrat de louage de chose.

Mais les dispositions de l'article 1719 du code civil peuvent être écartées en matière de crédit- bail mobilier de la commune intention des parties dès lors que le crédit-preneur a reçu, comme en l'espèce, du crédit-bailleur mandat d'agir contre le fournisseur qu'il a choisi sous sa seule responsabilité, sans intervention ni conseil du crédit-bailleur, lequel n'est intervenu dans l'opération qu'aux seules fins de financement des installations en cause, dans les conditions dont les parties sont librement convenues.

Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a rejeté ce moyen.

Sur la nullité du contrat de crédit-bail tiré de la contrainte économique

La société appelante fait grief au crédit-bailleur d'avoir usé à son égard de la contrainte économique, équivalente à la violence exclusive du libre consentement, et poursuit sur ce fondement la résolution du contrat au visa de l'article 1109 du code civil.

Elle fait valoir que la société Unifergie a exercé sur elle d'intolérables pressions pour la contraindre à signer un procès-verbal de réception sans réserve alors qu'elle n'ignorait rien des difficultés d'installation liées aux sous-performances en matière de dépollution des eaux.

Elle souligne à cet égard que le crédit-bailleur lui a intimé par courrier du 18 février 2010 faisant suite à l'envoi d'un procès-verbal de réception assorti de réserves, de lui adresser un procès-verbal sans réserve, puis l'a informée par courrier recommandé du 22 avril suivant qu'elle résiliait le contrat auquel elle n'a redonné vie qu'à réception le 1er juin suivant d'un procès-verbal de réception sans réserve, lequel ne résultait que du chantage à la résiliation qui avait été exercé sur elle.

Mais ne constitue ni une violence économique ni un chantage le rappel par un crédit-bailleur des dispositions contractuelles liant les parties, au titre desquelles figure l'article 5.1 qui ouvre au crédit-bailleur, dans le cas où la réception ne peut-être prononcée sans réserve majeure pour quelque cause que ce soit dans les deux mois de la réception prévisionnelle, la faculté soit de revoir ses conditions financières, soit de résilier le contrat par lettre recommandée avec avis de réception, le crédit-preneur étant alors tenu de verser l'indemnité de résiliation dans les huit jours.

Il en résulte que le courrier d'Unifergie à la société Marrons Imbert en date du 22 avril 2010 qui se bornait à mettre en oeuvre ces dispositions, non sans avoir laissé le temps au crédit-preneur de régler directement avec le fournisseurs conformément à l'économie générale du contrat de crédit-bail les problèmes signalés de performances des installations, dont la réception prévisionnelle était initialement fixée au 31 décembre 2007, n'est pas fautif.

La société Unifergie justifie en outre que c'est la société Marrons Imbert qui, à réception de ce courrier, a encore sollicité par courrier du 27 avril 2010 un délai à l'expiration duquel une réception sans réserve était envisagée, faisant alors état d'un bilan de la Socotec annonçant 'des résultats conformes' et d'un dossier adressé à l'Agence de l'Eau 'qui va très prochainement valider ces résultats et donc la conformité de l'installation' ajoutant 'nous pourrons alors établir le PV de réception du matériel installé, et vous faire la demande du paiement total', un procès-verbal de réception sans réserve ni restriction portant mention d'une mise en service au 1er juin 2010 ayant finalement été adressé au crédit-bailleur, lequel ne pouvait pas douter, compte tenu des assurances antérieurement annoncées par le crédit-preneur, de l'exactitude et de la sincérité de ces déclarations.

Le moyen tiré de la violence économique, laquelle n'est nullement établie, sera par conséquent écarté et le jugement déféré encore confirmé sur ce point.

Sur la garantie des vices cachés

L'article 8.1 du contrat de crédit-bail dispose : 'Le crédit-preneur exécutera à ses frais, risques et périls exclusifs, sans recours ni répétition, les réparations qui deviendraient nécessaires au cours du contrat de crédit-bail, y compris les grosses réparations prévues à l'article 606 du code civil et toute réparation quelconque qu'elle comporte qui s'avéreraient nécessaires par suite de vices, défauts et malfaçons dans la construction, et qu'ils soient apparents ou cachés et alors même qu'aucun signe extérieur n'aurait révélé la nécessité de les entreprendre. [...] En conséquence, le crédit-preneur ne pourra prétendre au bénéfice des dispositions de l'article 1724, alinéa 2, du code civil'.

La société Marrons Imbert tire argument de que ce que cette clause n'a pas expressément exclu l'application de l'article 1721 du code civil, relatif à la garantie des vices, pour soutenir que le crédit-bailleur y demeurerait tenu.

Mais selon l'article 1156 du code civil, on doit dans les conventions rechercher quelle a été la commune intention des parties contractantes, l'article 1561 du même code disposant que toutes les clauses des conventions s'interprètent les unes par les autres en donnant à chacune le sens qui résulte de l'acte entier.

Or, il résulte de l'article 3-B , 5) du contrat litigieux qu'en 'cas de vice apparent ou caché ou de non fonctionnement de biens financés pour toute autre cause', 'le crédit-preneur exercera directement tout droit ou recours à l'encontre des constructeurs ou fournisseurs, le crédit-bailleur ayant conféré au crédit-preneur les droits et pouvoirs les plus étendus pour agir à cette fin', l'article 8.3 précisant que le crédit-preneur a dispensé le crédit-bailleur 'de toute obligation de garantie concernant tout vice de construction, de montage ou de défaut de matière', de sorte qu'il résulte de ces dispositions, auxquelles l'article 8.1 invoqué, propre aux dépenses d'entretien et de maintenance, ne déroge pas, que de convention expresse entre les parties le crédit-bailleur n'est pas tenu de la garantie des vices cachés ou des défauts de conception affectant les biens financés à l'égard du crédit-preneur, ce dernier s'étant vu transférer l'ensemble des droits et actions à entreprendre à de telles fins à l'encontre du fournisseur.

Sur la clause abusive

C'est tout aussi vainement que la société Marrons Imbert soutient que la renonciation du crédit-preneur à exercer 'tout recours et/ ou toute action directe à l'égard du crédit-bailleur au titre des biens financés ou loués', moyennant 'le transfert [par ce dernier] au crédit-preneur des droits et actions les plus étendus qu'il pourrait éventuellement détenir à ce sujet', qui figure à l'article 8.3 du contrat, constituerait une clause abusive lorsque le fournisseur est placé, comme en l'espèce, en liquidation judiciaire, circonstance rendant un recours contre ce dernier illusoire.

Mais une telle clause, de portée générale, est conforme à l'économie du crédit-bail mobilier dans lequel le bien financé a été choisi sous la seule responsabilité du crédit-preneur, lequel demeure le seul juge de sa réception sans réserve et, aux termes du contrat, des actions à entreprendre à l'égard du fournisseur en cas de manquement à l'obligation de délivrance ou de vice de conception, ce dont l'appelante s'est abstenue quand son fournisseur était in bonis.

Expressément convenue entre les parties, elle ne caractérise pas la clause abusive.

Pour ces motifs le jugement déféré sera confirmé en toutes ses dispositions et l'équité conduira à condamner la société Marrons Imbert à payer la somme de 3 500 euros au titre des frais irrépétibles d'appel exposés par la société Unifergie.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement déféré,

Rejette toute autre demande,

Condamne la société Marrons Imbert à payer à la société Unifergie la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Marrons Imbert aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La GreffièreLa Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 13/20253
Date de la décision : 11/02/2014

Références :

Cour d'appel de Paris I8, arrêt n°13/20253 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-02-11;13.20253 ?
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