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05/03/2014 | FRANCE | N°12/08046

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 3, 05 mars 2014, 12/08046


Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 3



ARRÊT DU 05 MARS 2014



(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 12/08046



Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Mars 2012 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 05/00536





APPELANTS



Monsieur [E] [S]

[Adresse 1]

[Localité 3]



La SCI WAGRAMISLE, prise en la per

sonne de ses représentants légaux,

[Adresse 5]

[Localité 2]



Représentés par Me Edouard GOIRAND, avocat au barreau de PARIS, toque : K0003, avocat postulant

Assistés de Me André GUILLEMAIN de la SCP...

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 3

ARRÊT DU 05 MARS 2014

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 12/08046

Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Mars 2012 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 05/00536

APPELANTS

Monsieur [E] [S]

[Adresse 1]

[Localité 3]

La SCI WAGRAMISLE, prise en la personne de ses représentants légaux,

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représentés par Me Edouard GOIRAND, avocat au barreau de PARIS, toque : K0003, avocat postulant

Assistés de Me André GUILLEMAIN de la SCP GUILLEMAIN SAINTURAT PANEPINTO, avocat au barreau de PARIS, toque : P0102, avocat plaidant

INTIMÉE

L'ATELIER ELIO SA, prise en la personne de ses représentants légaux,

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Me Charles-Hubert OLIVIER de la SCP LAGOURGUE - OLIVIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0029, avocat postulant

Assistée de Me Jean-Pierre BLATTER de la SCP BLATTER RACLET ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0441, avocat plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 04 décembre 2013, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Chantal BARTHOLIN, présidente

Madame Odile BLUM, conseillère

Madame Isabelle REGHI, conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Monsieur Guillaume LE FORESTIER

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- Signé par Madame Chantal BARTHOLIN, présidente et par Madame Alexia LUBRANO, greffière, à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

* * * * * * *

EXPOSE DU LITIGE

Faits et procédure :

Le 31 mars 1992, M [S] aux droits duquel se trouve la sci Wagramisle, a donné à bail à Mme [P] aux droits de laquelle se trouve la société Atelier Elio divers locaux commerciaux sis au [Adresse 4] pour une durée de 9 ans à compter du 1er avril 1992.

La destination des lieux est celle de commerce d'achat et de vente de tableaux et objet d'art, ainsi que tous accessoires de mode, objet de décoration et de la maison, à l'exclusion de toutes autres activités notamment de prêt-à-porter et de vêtements.

Le 12 décembre 2002, la société Atelier Elio a formé une demande en renouvellement de son bail à effet au 1er janvier 2003. Le 23 janvier 2003, le bailleur a notifié un refus de renouvellement et de paiement d'une indemnité d'éviction, invoquant un défaut de paiement des loyers et charges.

Le 31 décembre 2004, la locataire a assigné son bailleur devant le Tribunal de grande instance de Paris en paiement d'une indemnité d'éviction du fait du non renouvellement du bail.

Par jugement du 5 octobre 2006, le Tribunal de grande instance de Paris a :

- dit que la société Atelier Elio avait droit au paiement d'une indemnité d'éviction et qu'elle était redevable d'une indemnité d'occupation.

- désigné M [O] pour déterminer le montant des indemnités d'éviction et d'occupation

Le 6 octobre 2007, la Cour d'appel de Paris a confirmé le jugement reconnaissant au bénéfice de la société Atelier Elio le droit au paiement d' une indemnité d'éviction.

Le 23 décembre 2008, la société locataire a notifié son départ avec remise des clés au 28 décembre 2008.

Dans son rapport déposé le 11 juin 2010, l'expert [O] a estimé que l'éviction n'entraînera pas la perte du fonds, que l'indemnité principale doit être appréciée à la valeur du droit au bail, qu'il a évaluée à 46 500 euros outre les indemnités accessoires pour 11 616 euros, proposant de fixer l'indemnité d'occupation à la somme annuelle de ht et hc de 15 930 euros en janvier 2003 et si indexation, de :

-16 461 euros en janvier 2004

-16 992 euros en janvier 2005

-17 253 euros en janvier 2006

-17 658 euros en janvier 2007

Par jugement en date du 22 mars 2012, le Tribunal de grande instance de Paris a :

- dit que par l'effet de la demande de renouvellement signifiée le 22 janvier 2003, le bail a pris fin le 1er janvier 2003,

- fixé à la somme de 75 931 euros le montant de l'indemnité d'éviction toutes causes confondues due in solidum par Monsieur [E] [S] et la sci Wagramisle à la société Atelier Elio,

- dit que la société Atelier Elio est redevable à l'égard de M [E] [S] et la sci Wagramisle d'une indemnité d'occupation à compter du 1er janvier 2003,

- fixé le montant de cette indemnité d'occupation à la somme annuelle de 15 930 euros,

- dit que la compensation entre le montant de l'indemnité d'éviction et d'occupation s'opérera de plein droit,

- débouté M [E] [S] et la sci Wagramisle de leurs demandes tendant à faire courir les intérêts légaux sur les indemnités d'éviction et d'occupation à compter du présent jugement,

- condamné M [E] [S] et la sci Wagramisle in solidum à payer la somme de 12 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné M [E] [S] et la sci Wagramisle aux entiers dépens, en ce compris les frais d'expertise et dit qu'ils seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire.

M [E] [S] et la sci Wagramisle ont interjeté appel du jugement le 27 avril 2012.

Par leurs conclusions en date du 7 novembre 2012, M [E] [S] et la sci Wagramisle demandent à la cour de :

Infirmer au visa de la règle de l'estoppel de l'article 1134 du Code civil, de la règle de la fraude « corrompt tout » et des dispositions de l'article L. 145-14 alinéa 1 du Code de commerce, la décision déférée,

Juger que les appelants sont fondés à opposer à la société Atelier Elio une évaluation du préjudice qu'elle prétend avoir subi en fonction du transfert opéré par cette société dans les locaux du [Adresse 2],

Juger que la société Atelier Elio qui de son propre aveu s'est réinstallée [Adresse 2] et a formé une demande d'indemnité en fonction du transfert, ne peut obtenir au visa de l'article L. 145-14 une indemnisation du fait de son éviction qu'en justifiant du coût d'effort qui a été sien pour acquérir les locaux,

Juger qu'il n'existe aucun préjudice en l'absence de réel coût d'effort puisque, de l'aveu même de la société Atelier Elio, la valeur du droit au bail acquis est de 75 000 euros, le loyer du bail qui lui a été consent étant à hauteur de 12 000 euros alors que le maintien dans les locaux de la [Localité 9] aurait eu un coût annuel au minimum en principal de 20 060 euros,

Dire que la société Atelier Elio ne saurait prétendre à une quelconque indemnité principale, faute de justifier d'un préjudice et juger au titre des frais de réinstallation satisfactoire dans l'hypothèse de la recherche d'un coût d'effort, l'offre de Monsieur [S] et de la sci Wagramisle de s'acquitter de la somme de 19 500 euros,

Dire qu'il n'y a pas lieu à paiement des frais de remploi, la société Atelier Elio ne justifiant aucun paiement au titre des frais susceptibles de démonter l'existence d'un remploi et sur ce point, réformer la décision déférée en ce qu'il a été alloué à la société Atelier Elio la somme de 6 645 euros,

Dire n'est pas davantage justifié de frais complémentaires juridiques ou autres et dès lors réformer la décision déférée en ce qu'il a été alloué forfaitairement à la société Atelier Elio la somme de 1 500 euros,

Subsidiairement et dans l'hypothèse où serait prise en compte la valorisation du droit au bail de la [Localité 9],

Fixer l'indemnité principale à la somme de 46 500 euros au titre de la valeur du droit au bail, sauf subsidiairement à confirmer la décision déférée,

Débouter la société Atelier Elio de toutes ses demandes, fins et prétentions, s'agissant des indemnités annexes ou accessoires, notamment au titre des frais de réinstallation, sauf ce qui sera ci-après précisé, ni les frais de remploi, ni les autres indemnités réclamées n'étant justifiés, la carence de la société Atelier Elio au titre des éléments de preuve étant avérée,

En tout état de cause,

Confirmer la décision déférée au titre de la fixation de l'indemnité pour trouble commercial à hauteur de 1 396 euros,

Confirmer la décision déférée en ce que la société Atelier Elio a été déboutée de ses prétentions tendant à se voir indemnisée d'un prétendu préjudice commercial la société Atelier Elio ne justifiant d'aucune perte de clientèle, à supposer même qu'elle soit en mesure de justifier, ce qui n'est pas davantage le cas, de l'existence d'une clientèle ayant produit un chiffre d'affaires dans les locaux de la [Localité 9], l'expert ayant lui-même constaté l'absence de toute valeur de l'entreprise Atelier Elio constituée principalement de l'entité situé [Adresse 3],

Réformer la décision déférée et fixer comme suit le montant des indemnités d'occupation par an ht et hc :

-15 930 euros en janvier 2003

-16 461 euros en janvier 2004

-16 992 euros en janvier 2005

-17 253 euros en janvier 2006

-17 658 euros en janvier 2007

Et à défaut,

Dire et les montants des indemnités d'éviction et d'occupation seront indexés en fonction de la variation des indices du coût de la construction et ce chaque année et pour la première fois le 1er janvier 2004 par rapport aux indices des 1er semestre 2004 et 1er semestre 2003,

Réformer la décision déférée en ce qu'il a été alloué à la société Atelier Elio la somme de 12 000 euros par application de l'article 700 du Code procédure civile,

Dit n'y avoir lieu au bénéfice de la société Atelier Elio à application de l'article 700 du code de procédure civile, cette prétention n'étant justifiée en son principe, ni en son quantum,

Dire qu'il n'y avoir lieu à fixation d'intérêts de droit à compter de la date de la libération des locaux, aucune man'uvre dilatoire n'étant établie à la charge des appelants,

Débouter en toute hypothèse la société Atelier Elio de son appel incident et écarter toutes ses demandes, fins et prétentions,

Partager par moitié les dépens de 1ere instance, y inclus les frais d'expertise,

Condamner la société Atelier Elio aux entiers dépens de l'appel.

Par ses conclusions en date du 10 septembre 2012, la société Atelier Elio demande à la cour de :

Débouter M [E] [S] et la société Wagramisle de leur appel,

Déclarer la société Atelier Elio recevable et bien fondé en son appel incident,

Y faisant droit,

Fixer l'indemnité d'éviction devant revenir à la société Atelier Elio à la somme de 191 291 euros,

Subsidiairement,

Fixer l'indemnité à la somme de 165 286 euros,

Condamner in solidum M [S] avec la société Wagramisle au paiement de l'indemnité avec intérêts au taux légal à compter du 23 décembre 2008, date de la libération des locaux, lesquels seront capitalisés pour ceux dus depuis plus d'une année entière en application de l'article 1154 du Code civil,

Confirmer le jugement en ce qu'il a fixé l'indemnité d'occupation due par la société Atelier Elio sur la base annuelle de 15 930 euros après abattement de 10 % pour précarité qui sera payée en deniers ou quittances et qui se compensera avec l'indemnité d'éviction majorée des intérêts liquidés à la date de la compensation, et ce qu'il a alloué une indemnité en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

Condamner M [S] et la société Wagramisle au paiement des dépens de 1ère instance que d'appel comprenant les frais d'expertise, qui pourront être recouvrés directement conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ainsi qu'au paiement de la somme de 20 000 euros par application de l'article 700 du même code au titre de la procédure d'appel.

Au cours du délibéré, la cour a demandé aux parties de s'expliquer sur le point relatif à la perte éventuelle de clientèle dans l'hypothèse d'un transfert du fonds. Les parties ont déposé et échangé leurs observations.

SUR CE ,

Sur l'indemnité d'éviction :

Les locaux dont la locataire a été évincée sont situés sur le deuxième tronçon de la [Localité 9] compris entre la [Localité 8] et la [Localité 5] et défini par l'expert comme 'animé commercialement avec présence de galeries d'art, commerces de prêt à porter, librairie, commerces de souvenirs, boulangerie, boucherie', par opposition aux deux autres secteurs, l'un allant du [Localité 4] à la [Localité 8] décrit comme le moins animé commercialement avec la seule présence de quelques galeries d'art, et celui allant de la [Localité 5] à la [Localité 6] présenté comme étant le plus animé commercialement.

La société Atelier Elio fait valoir que sa clientèle était composée tant de touristes que de grandes entreprises, que les locaux [Localité 9] sont de très bonne commercialité et permettaient de traiter la clientèle (prise de commandes, réception et livraison) alors que les locaux du [Adresse 3] ne constituent qu'un atelier.

Elle critique notamment l'expert en ce qu'il a calculé le droit au bail en tenant compte d'un loyer révisé alors qu'il n'y a eu ni révision du loyer, ni demande de révision et en ce qu'il a considéré que la perte des locaux du [Adresse 4] n'entraînerait pas la disparation du fonds compte tenu de la clientèle alors que l'établissement qu'elle exploitait bénéficiait d'une très bonne commercialité qui n'est en rien comparable à celle d'établissements situés [Localité 7].

M [S] et la sci Wagramisle font valoir de leur coté que :

- la locataire leur a dissimulé la prise à bail de nouveaux locaux situés [Adresse 2] en face de ses locaux de fabrication situés [Adresse 3], ce transfert ayant été dissimulé jusqu'à la production en mars 2011 de l'acte de cession du droit au bail du 3 décembre 2009 auquel était joint un descriptif de travaux,

- qu'ayant sollicité l'indemnisation en fonction d'un transfert du fonds, elle ne peut sans se contredire au détriment de son adversaire prétendre aujourd'hui être indemnisée de la perte des locaux situés [Localité 9],

- que la cour pour évaluer le préjudice subi devra seulement tenir compte du taux d'effort consenti par la société Elio pour ces nouveaux locaux qui en l'espèce est inférieur en montant à la valeur des locaux quittés de sorte que le préjudice est inexistant.

S'agissant de la règle de l'estoppel dont M [S] et la sci Wagramisle demandent à titre liminaire à la cour de faire l'application, elle consiste dans l'interdiction faite à un plaideur de se contredire à son bénéfice au cours d'un même procès au détriment de son adversaire.

Or en l'espèce, le fait pour la société Elio d'avoir initialement demandé l'indemnisation du préjudice né de l'éviction en admettant la possibilité de transfert du fonds puis d'avoir fait plaider ensuite que son préjudice est constitué de la perte du droit au bail des locaux situés [Localité 9] dans la mesure où ceux du [Adresse 2] ne peuvent être qualifiés de locaux de transfert à proprement parler ne permet pas de faire application du principe dit de l'estoppel.

En effet, la société Elio a constamment demandé l'indemnisation de son préjudice né de son éviction des locaux situés [Localité 9], n'ayant varié que dans la présentation des moyens invoqués au soutien de sa demande, ce qu'elle est autorisée à faire notamment entre la procédure de première instance et celle d'appel.

Quant à la dissimulation par la société Elio de la prise à bail de nouveaux locaux, notamment au cours de l'expertise, la société Elio a en effet manqué au principe de loyauté en ne communiquant pas spontanément les éléments concernant ce nouveau bail, ce qui aurait éventuellement permis à l'expert de les visiter et de les décrire et en tout cas de donner son avis sur le point de savoir si ces nouveaux locaux situés [Adresse 2] peuvent être considérés ou non comme des locaux de remplacement de ceux quittés. Il importe cependant de souligner que la locataire a produit les éléments demandés à la bailleresse qui n'a pas sollicité à quelque stade que ce soit, de complément d'expertise de sorte qu'en cet état, il ne peut être tiré aucune conséquence de la dissimulation alléguée.

L'expert qui n'avait pas connaissance de l'existence des nouveaux locaux du [Adresse 2] a estimé que les locaux du [Adresse 3] sont à destination de fabrication ou les fournisseurs peuvent être reçus tandis que pour ceux de la [Localité 9] de petite dimension, il s'est interrogé sur leur usage en considérant qu'il pouvaient être regardés comme étant soit à usage de show room soit d'accueil de la clientèle.

La locataire demande pour apprécier son préjudice de considérer l'existence de fonds de commerce distincts en présence d'établissements distincts d'une même entité et qu'il convient de rechercher l'incidence de l'éviction des locaux [Localité 9] sur l'activité de la société, ce que, selon elle, l'expert n'a pas fait.

Or il faut retenir que l'expert n'a précisément pas disposé de tous les éléments lui permettant de donner un avis parfaitement éclairé, n'ayant pas eu connaissance de la prise à bail de nouveaux locaux en face de ceux du 27 destinés à la fabrication, et qu'il n'est pas établi d'une part que la clientèle était traitée exclusivement [Localité 9] et d'autre part qu'elle ne puisse être traitée dans les nouveaux locaux, observation étant faite que les ventes sont réalisées principalement à destination des entreprises à partir de catalogues de sorte que la clientèle d'entreprises peut parfaitement être traitée dans les nouveaux locaux, la proximité du lieu de fabrication étant à cet égard un avantage ; celle de particuliers qui peuvent eux mêmes trouver intérêt à se rendre [Localité 7] plutôt que [Localité 9] peut être traitée également dans les nouveaux locaux, la société Elio n'apportant aux débats aucun élément qui viendrait contredire la faculté de traiter la clientèle dans son ensemble de manière satisfaisante dans les nouveaux locaux qui sont plus spacieux que ceux quittés mais aussi plus accessibles aux véhicules ; l'absence de caractère prestigieux du quartier de la [Localité 7] par rapport au quartier quitté est de faible importance pour ce qui concerne le traitement de la clientèle dès lors que les nouveaux locaux sont en relation de standing par rapport aux produits vendus, étant souligné au surplus que sur le site internet de la locataire seule figurait à la date de l'expertise l'adresse du [Adresse 3] ;

En conséquence, dans la mesure où la société Elio pourra continuer l'exercice de l'activité qu'elle développait [Localité 9] dans les nouveaux locaux du [Adresse 2], le seul préjudice qu'elle peut invoquer résulte éventuellement de la valeur de droit au bail résultant du différentiel de loyers entre les locaux pris à bail et ceux quittés - auquel devrait être appliqué un coefficient de capitalisation - et de la perte de clientèle résiduelle résultant du flux piétonnier dont l'expert relève qu'il concerne un nombre limité de clients ;

Or, la valeur locative de marché des locaux quittés a été évaluée par l'expert à la somme de 27 140 € soit 1 150 € /m² qui n'est pas, au regard des éléments de comparaison produits, sérieusement critiquée ; le coût financier supporté par la locataire pour acquérir de nouveaux locaux, comprenant le loyer et le coût du droit au bail décapitalisé sur la durée du bail auquel peut être ajouté celui des frais de réinstallation de 65 000 € est de (75 000+ 65 000 € / 9) + 12 000 € = 27 555 €/an pour une surface de 116 m² soit 237,54 € /m², valeur locative nettement moins élevée tout à la fois que la valeur locative de marché des locaux objet de l'éviction et que le loyer de renouvellement qui aurait été de 16 085,52 €/an ht et hors charges au 1er janvier 2003 et de 20 902,94 € par le jeu de la clause d'échelle mobile contenue dans le bail à la date du 1er janvier 2009, l'expert ayant justement tenu compte de l'application de la clause pour permettre une comparaison utile compte tenu du temps qui s'est écoulé entre la date de la fin du bail et l'évaluation de l'indemnité d'éviction ; quoiqu'il en soit et quelque soit la date à laquelle il est fait référence pour le calcul du loyer de renouvellement, la valeur locative unitaire de renouvellement des locaux quittés est de 681,58 € dans le premier cas, de 885,71 € dans le second cas, ce qui représente des valeurs bien supérieures à celle des nouveaux locaux pris à bail.

Il s'ensuit que la locataire n'a fourni aucun effort financier en opérant le transfert de son activité par rapport à la situation qui aurait été la sienne en cas de renouvellement du bail.

Sur le second point, la société Elio fait valoir que la chalandise et la commercialité de la [Localité 9] ne sont pas comparables à celles de la [Localité 7].

Toutefois, il doit être observé que si la société Elio a produit ses bilans comptables, elle n'opère aucune distinction entre les ventes réalisées dans chacun de ses établissements, que les éléments comptables produits aux débats font apparaître des chiffres d'affaires de 230 432 € en 2007 et de 210 774 € en 2008 avec des pertes de - 43 244 € en 2007 et de - 34 870 € en 2008, les années précédentes de 2005 à 2007 examinées par l'expert révélant des résultats eux mêmes constamment déficitaires. Or à partir de 2009 et a fortiori en 2010 comme le souligne le bailleur, les chiffres d'affaires ont été comparables soit 231 587 € en 2009 et 240 875 € en 2010 mais avec un résultat positif en 2009 de 1 486 €, le résultat étant encore négatif en 2010 mais dans un moindre mesure que dans les années passées.

Il s'ensuit qu'il n'existe aucun élément permettant de considérer que l'éviction de la société des locaux [Localité 9] a entraîné pour elle une perte effective et quantifiable d'une clientèle attachée à la qualité et à l'emplacement des locaux et qu'elle doit être déboutée de toute demande d'indemnisation au titre de l'éviction des locaux à titre principal.

Sur les indemnités accessoires :

Si la société Elio ne justifie pas précisément des frais de remploi qu'elle a dû exposer pour acquérir le bail des locaux du [Adresse 2], elle justifie en revanche du montant du droit au bail qu'elle a du acquitter à hauteur de 75 000 € de sorte que sa demande tendant à être indemnisée des frais qu'elle a nécessairement exposés pour la prise à bail de nouveaux locaux doit être satisfaite à hauteur de 10 % du montant du droit au bail soit la somme de 7 500 €.

Elle justifie sinon avoir exposé des frais de déménagement dans la mesure où elle affirme que le déménagement a été réalisé en régie de sorte qu'elle a dû mobiliser du personnel pour ce faire et la somme de 650 € qu'elle réclame sur le fondement d'un devis produit au cours de l'expertise pour 15 m3 peut lui être allouée.

S'agissant du trouble commercial occasionné par la nécessité de rechercher des locaux de remplacement et par le déménagement, la société Elio réclame une somme de 1 336 € qui n'est pas sérieusement contestée et peut lui être allouée.

Elle est mal fondée en revanche à se prévaloir à nouveau du préjudice résultant de la disparition d'une adresse de prestige et de l'impossibilité pour elle de se réinstaller à proximité alors qu'il a été retenu précédemment qu'aucun préjudice né à titre principal du transfert de l'établissement n'était établi et financièrement quantifiable.

La société Elio est fondée à demander l'indemnisation des frais d'installation qu'elle a dû exposer pour son installation dans les nouveaux locaux pour un montant de 65 000 € suivant devis d'une société Perrugi annexé à l'acte de cession, abattement pour vétusté en sus de 50 %, soit une somme de 32 500 €, sans qu'il y ait lieu en outre de pratiquer une réfaction supplémentaire à proportion des surfaces respectives compte tenu du très bon état des lieux quittés et du mauvais état des lieux de remplacement.

Une somme de 1 500 € au titre des divers frais administratifs lui sera en outre allouée.

L'indemnité d'éviction s'élève ainsi à la somme de 7 500 € + 650 € + 1 336 € + 32 500 € + 1 500 € = 43 486 €.

Il n'y a pas lieu de faire droit à la demande en intérêts au taux légal sur le montant de l'indemnité au jour de la libération des locaux, compte tenu notamment de la différence entre la somme sollicitée et celle allouée.

Sur l'indemnité d'occupation :

Les parties s'accordent sur le montant de l'indemnité d'occupation appréciée à dire d'expert de 15 930 €, valeur au 1er janvier 2003 qu'il n'y a pas lieu d'indexer pour le temps pendant lequel la société Elio s'est maintenue dans les lieux, étant observé que ce n'est que par arrêt du 6 décembre 2007 que la cour a reconnu à la locataire le bénéfice d'une indemnité d'éviction et du droit au maintien dans les lieux et qu'elle a quitté les lieux le 28 décembre 2008.

Sur les autres demandes :

Il sera alloué à la société Elio une somme de 7 000 € au titre de ses frais irrépetibles exposés tant en première instance qu'en appel, les entiers dépens comprenant les frais d'expertise étant supportés in solidum par la société Wagramisle et M [S].

PAR CES MOTIFS

Réformant le jugement déféré seulement en ce qui concerne le montant de l'indemnité d'éviction, et la somme allouée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau ,

Fixe le montant de l'indemnité d'éviction due par la société Wagramisle et M [S] à la somme de 43 486 € ,

Condamne in solidum la société Wagramisle et M [S] à payer à la société Elio la somme de 7 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile tant en première instance qu'en appel.

Condamne les mêmes in solidum aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 12/08046
Date de la décision : 05/03/2014

Références :

Cour d'appel de Paris I3, arrêt n°12/08046 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-03-05;12.08046 ?
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