Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 3 - Chambre 1
ARRÊT DU 05 MARS 2014
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 13/16500
Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 Septembre 2010 -Tribunal de Grande Instance de PARIS
APPELANTE
Madame [S] [W] veuve [H]
[Adresse 6]
[Localité 5] (U.S.A)
Représentée par Me Luca DE MARIA de la SELARL SELARL PELLERIN - DE MARIA - GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018, postulant
assistée de Me Jean-Jacques NEUER, avocat au barreau de PARIS, toque : C0362, plaidant
INTIMÉS
1°) Monsieur LE BÂTONNIER DE L'ORDRE DES AVOCATS DE PARIS
[Adresse 1]
[Localité 4]
non représenté
2°) Madame [V] [I] épouse [A] dit [H]
[Adresse 7]
[Localité 3]
3°) Madame [G] [I] épouse [Y] dit [H]
[Adresse 4]
[Localité 2]
4°) Mademoiselle [F] [L] [I] dit [H]
[Adresse 5]
[Localité 1])
5°) Monsieur [J] [Z] [I] dit [H]
[Adresse 3]
[Localité 5] (U.S.A)
Représentés par Me Bruno REGNIER de la SCP REGNIER - BEQUET - MOISAN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050, postulant
assistés de Me Dominique ATTIAS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0085, plaidant
6°) SELARL 'A.D.A.G.P'
Société DES AUTEURS DANS LES ARTS GRAPHIQUES ET PLASTIQUES
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Nathalie LESENECHAL, avocat au barreau de PARIS, toque : D2090, postulant
assistée de Me Juliette SIMONI-LEROY, avocat au barreau de PARIS, toque : C0966, plaidant
COMPOSITION DE LA COUR :
Après rapport oral et en application des dispositions de l'article 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 janvier 2014, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Dominique REYGNER, président et Madame Nathalie AUROY, conseiller.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Dominique REYGNER, président
Madame Nathalie AUROY, conseiller
Madame Monique MAUMUS, conseiller
Greffier :
lors des débats et du prononcé de l'arrêt : Madame Marie-France MEGNIEN
ARRÊT :
- réputé contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Dominique REYGNER, président et par Madame Marie-France MEGNIEN, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*
* *
Le sculpteur franco-américain [H] [M] [I] dit [H] est décédé le [Date décès 1] 2005 à [Localité 5] où il était domicilié, en laissant pour lui succéder sa seconde épouse, [S] [W], deux enfants issus de leur union, ainsi que trois enfants issus d'une première union, Mme [V] [I] épouse [A], Mme [G] [I] épouse [Y] et Mlle [F] [I] venant aux droits de son père pré-décédé, [J] [I], et un enfant né hors mariage, M. [J] [Z] [I].
La succession est ouverte à [Localité 5] et un litige oppose Mme [W] veuve [I] à Mme [A], Mme [Y], Mlle [F] [I] et M. [J] [Z] [I] (les consorts [A]-[Y]-[I]) sur la validité d'un testament désignant Mme [W] veuve [I] exécutrice testamentaire, d'un trust la désignant cofidéicommissaire et du legs de l'ensemble des biens du de cujus à ce trust, trois actes datés du 18 avril 2005.
Une ordonnance du tribunal des successions et des tutelles du comté de [Localité 5] du 13 janvier 2006 a désigné Mme [W] veuve [I] exécutrice testamentaire à titre préliminaire de la succession [H].
Par ordonnance du 11 décembre 2008, rendue sur requête des consorts [A]-[Y]-[I], le magistrat délégué par le président du tribunal de grande instance de Paris a ordonné le séquestre entre les mains du bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Paris des fonds perçus par la société des auteurs dans les arts graphiques et plastiques (ADAGP), dont tant Mme [X] veuve [I] que les consorts [A]-[Y]-[I] sont adhérents et qui gère pour leur compte, depuis le décès d'[H], les droits de représentation, de reproduction et de suite attachés à ses oeuvres. La demande de rétractation de cette décision a été rejetée par ordonnance de référé du 8 avril 2010.
Par actes des 20, 21 et 27 mai 2010, Mme [W] veuve [I] a fait assigner à jour fixe les consorts [A]-[Y]-[I], ainsi que le bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Paris et l'ADAGP devant le tribunal de grande instance de Paris, pour qu'il soit mis fin à la mesure de séquestre.
Par jugement du 30 septembre 2010, le tribunal a :
- rejeté l'ensemble des demandes de Mme [W] veuve [I],
- l'a condamnée à payer aux consorts [A]-[Y]-[I] la somme de 8 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- a condamné Mme [W] veuve [I] aux dépens.
Mme [W] veuve [I] a interjeté appel de cette décision les 15 octobre 2010 et 11 mars 2011. Les instances ont été jointes le 22 mars 2011. L'affaire a été retirée du rôle à la demande des parties les 13 septembre 2011, puis rétablie le 7 août 2013.
Dans ses dernières conclusions remises le 9 janvier 2014, elle demande à la cour de :
- infirmer le jugement entrepris,
- statuant à nouveau,
- dire et juger qu'elle est seule habilitée à percevoir les produits de l'exploitation des droits de propriété intellectuelle afférents à l'oeuvre d'[H] y compris le droit de suite, - dire que les sommes collectées par l'ADAGP lui seront versées ou seront versées à son mandataire,
- rétracter l'ordonnance du 18 décembre 2008 ordonnant le séquestre entre les mains du bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Paris des sommes collectées par l'ADAGP au titre de l'exploitation des droits de propriété intellectuelle liés aux oeuvres d'[H],
- à défaut, ordonner la mainlevée de la mesure de séquestre prononcée,
- ordonner le versement par le bâtonnier des sommes séquestrées entre ses mains ou entre les mains de son mandataire,
- débouter les intimés de toutes leurs demandes, fins et conclusions à son encontre,
- condamner les consorts [A]-[Y]-[I] à lui payer une indemnité de 20 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner les consorts [A]-[Y]-[I] aux dépens de première instance et d'appel.
Dans leurs dernières conclusions remises le 13 janvier 2014, les consorts [A]-[Y]-[I] demandent à la cour de :
- déclarer Mme [W] veuve [I] mal fondée en ses demandes,
- l'en débouter,
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
- y ajoutant,
- autoriser le bâtonnier de l'ordre des avocats de Paris à déconsigner et prélever sur la part devant le cas échéant revenir à Mme [W] veuve [I] les sommes de :
* 1 500 € au titre de l'ordonnance du 12 février 2007,
* 1 500 € au titre de l'ordonnance du 8 avril 2010,
* 8 000 € au titre du jugement entrepris,
* 15 000 € au titre de l'arrêtà intervenir,
outre les intérêts au taux légal à compter de chacune de ces décisions,
- condamner Mme [W] veuve [I] au paiement de la somme supplémentaire de 15 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel, avec bénéfice des dispositions de l'article 699 du même code.
Dans ses dernières conclusions remises le 12 décembre 2013, l'ADAGP demande à la cour de :
- statuer ce que de droit sur l'appel interjeté, sur les demandes de l'appelante, et celles des intimés,
- débouter toutes parties de toutes demandes, fins et conclusions qui seraient dirigées à son encontre,
- dire que les dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, seront à la charge de la (ou des) partie(s) succombant(s).
Régulièrement assigné à ses bureaux de séquestre judiciaire, le bâtonnier de l'ordre des avocats de Paris a, par lettre du 15 janvier 2014, fait connaître à la cour que, détenant à ce jour la somme de 1 423 286,47 € versé par l'ADAGP, il n'entendait pas se faire représenter.
SUR CE, LA COUR,
Considérant qu'il est admis par toutes les parties que la succession d'[H] est régie par la loi américaine du comté de [Localité 5] ;
Considérant que, devant les premiers juges, Mme [W] veuve [I] se prévalait de l'usufruit légal spécial sur les produits de l'exploitation et sur le droit de suite institué au profit du conjoint survivant par les articles L123-6 et -7 du code de la propriété intellectuelle ; que, devant la cour, elle a abandonné cette argumentation, écartée par le tribunal, et soutient que le bien-fondé de sa demande découle des principes mêmes qui fondent sa qualité pour agir, dès lors qu'en vertu de la décision - devenue définitive - du 13 janvier 2006 l'ayant désignée exécutrice testamentaire à titre préliminaire de la succession [H], elle est seule habilitée au regard du droit américain à recevoir les sommes perçues par l'ADAGP ; qu'elle produit à l'appui de ses prétentions une déclaration sous serment de M. [K], juge de la cour des successions et des tutelles de l'Etat de [Localité 5] à la retraite, qui précise qu'un exécuteur testamentaire à titre préliminaire a tous les pouvoirs et autorité et tous les devoirs et responsabilités d'un administrateur, à l'exception du pouvoir de distribuer les actifs de la succession ;
Considérant que, contrairement aux assertions de l'appelante, les consorts [A]-[Y]-[I] ne soulèvent aucune exception d'irrecevabilité tirée de son défaut de qualité à agir ; qu'ils font valoir que sa qualité d'exécuteur testamentaire, qui résulte du testament actuellement contesté devant les juridictions américaines, n'est pas définitive et que la mesure de séquestre a vocation à garantir les intérêts de tous les héritiers ;
Considérant que l'article 1961 du code civil prévoit que la justice peut ordonner le séquestre d'une chose mobilière dont la propriété est litigieuse entre deux ou plusieurs personnes ;
Considérant que le litige opposant les parties devant les juridictions américaines sur la validité des actes testamentaires du 18 avril 2005 et, partant, sur la dévolution de la succession [H], qui présente un caractère sérieux et dont la cour ne saurait, sur la foi des informations parcellaires fournies par les parties, supputer de l'issue finale, justifie en soi la mesure de séquestre ordonnée, laquelle ne méconnaît pas les pouvoirs provisoires conférés à Mme [W] veuve [H] par la décision du 13 juin 2006, mais en prévient les risques ; qu'il convient donc de confirmer le jugement qui a débouté cette dernière de sa demande de main levée ;
Considérant que pour les mêmes motifs liés à l'incertitude quant à l'issue du litige successoral, il y a lieu de rejeter la demande des consorts [A]-[Y]-[I] tendant à la déconsignation et prélèvement sur la part devant le cas échéant revenir à Mme [W] veuve [I] des sommes qu'elle a été condamnée à leur payer ;
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement déféré et y ajoutant,
Rejette toutes autres demandes,
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Mme [W] veuve [I] et la condamne à payer aux consorts [A]-[Y]-[I] la somme de 5 000 €,
Condamne Mme [W] veuve [I] aux dépens,
Accorde à la SCP Régnier Béquet Moisan et à Maître Nathalie Lesenechal le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,