RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 7
ARRÊT DU 20 Mars 2014
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/04127
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 15 Février 2012 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS section Encadrement RG n° F10/15968
APPELANTE
Mademoiselle [S] [H]
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Me Salim BOUREBOUNE, avocat au barreau de PARIS, toque : E1515
INTIMEE
SAS ROBERT HALF INTERNATIONAL FRANCE
[Adresse 2]
[Localité 1]
représentée par Me Anne VINCENT-IBARRONDO, avocat au barreau de PARIS, toque : A 270
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 06 Février 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Patrice LABEY, Président de chambre
Monsieur Bruno BLANC, Conseiller
Monsieur Rémy LE DONGE L'HENORET, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier : Madame Laëtitia CAPARROS, lors des débats
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Patrice LABEY, Président, et par Melle Laëtitia CAPARROS, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La SAS ROBERT HALF INTERNATIONAL FRANCE est une société spécialisée dans le recrutement temporaire et permanent des métiers de la finance, comptabilité, banque, assurance, du juridique, fiscal, de l'assistanat et du secrétariat.
Par contrat à durée indéterminée, à temps plein, en date du 21 décembre 2007, Madame [S] [H] a été engagée en qualité de consultant, statut cadre, niveau 5, coefficient 300 de la convention collective nationale de travail temporaire, moyennant une rémunération mensuelle de 2.200 euros bruts, portée à 2.300 euros bruts à l'expiration de la période d'essai.
La rupture du contrat de travail de Madame [S] [H] est intervenue le 30 septembre 2010, à la suite de l'homologation de la convention de rupture par la direction du travail.
Madame [S] [H] a saisi le Conseil de Prud'hommes de PARIS le 10 décembre 2010 des chefs de demandes suivants:
- A titre principal :
- Nullité de la rupture conventionnelle du 24/08/2010 pour vice du consentement,
- Réintégration dans l'entreprise ,
-Rappel de salaires du 30/09/10 au 15/02/12 59 992,00 euros,
- Indemnité compensatrice de congés payés 5 999,20 euros,
- A titre subsidiaire :
- Indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse 70 000,00 euros,
- Indemnité compensatrice de préavis 8 400,00 euros,
- Indemnité compensatrice de congés payés sur préavis 840,00 euros,
- Indemnité de licenciement conventionnelle 1 120,00 euros,
- En tout état de cause :
- Dommages et intérêts pour harcèlement moral 20 000,00 euros,
- Rappel de salaires principe "travail égal, salaire égal" 1 855,98 euros,
- Indemnité compensatrice de congés payés 185,59 euros,
- Remise d'un certificat de travail ,
- Remise de l'attestation d'employeur destinée au Pôle Emploi ,
- Remise de bulletin(s) de paie ,
- Remise sous astreinte de 50 euros par jour de retard, le tout rectifié,
- Exécution provisoire article 515 du code de procédure civile ,
- Article 700 du Code de Procédure Civile 3 000,00 euros.
La cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par Madame [S] [H] du jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de PARIS le 15 février 2012 qui l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes.
Vu les conclusions en date du 06 février 2014, au soutien de ses observations orales, par lesquelles Madame [S] [H] demande à la cour de :
- Constater que le Conseil de prud'hommes a statué en violation de l'article 16 du Code de procédure civile,
En conséquence, prononcer la nullité du jugement dont appel ;
A défaut,
- Infirmer le jugement dont appel ;
En tout état de cause,
Vu les articles L. 1152-2 et L. 1152-3 du Code du travail et l'article 1112 du Code civil,
A titre principal,
- Constater la nullité de la rupture conventionnelle conclue le 24 août 2010 entre la société ROBERT HALF INTERNATIONAL FRANCE et madame [S] [H], et requalifier la rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- Condamner la société ROBERT HALF INTERNATIONAL FRANCE à verser à madame [H] :
* 8.400 euros au titre de l'indemnité de préavis ;
* 840 euros au titre des congés payés afférents ;
* 33.600 euros au titre tant de la nullité du licenciement, ou à tout le moins du caractère abusif de la rupture, que du harcèlement moral ; avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du Conseil de Prud'hommes,
- Ordonner la remise des bulletins de salaire, du certificat de travail et de l'attestation Pôle Emploi rectifiés sous astreinte de 30 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt ;
A titre subsidiaire,
- Condamner la société ROBERT HALF INTERNATIONAL à verser à Madame [H] la somme de 33.600 euros au titre du harcèlement moral dont elle a fait l'objet ;
En tout état de cause,
- Condamner la société ROBERT HALF INTERNATIONAL à verser à Madame [H] la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les dépens éventuels.
Vu les conclusions en date du 06 février 2014, au soutien de ses observations orales, par lesquelles la SAS ROBERT HALF INTERNATIONAL FRANCE demande à la cour de :
- Confirmer le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de PARIS le 15 février 2012, sauf en ce qu'il a débouté la Société de sa demande reconventionnelle,
En conséquence :
- Dire et juger que la rupture conventionnelle du contrat de travail de Madame [H] est valable et exempte de tout vice du consentement,
- Dire et juger que Madame [H] n'a aucunement été victime de harcèlement moral,
- Dire et juger que Madame [H] a perçu dans le cadre de la rupture conventionnelle une indemnité de 1.800 euros bruts,
- Débouter Madame [H] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- Condamner Madame [H] à verser à la société ROBERT HALF
INTERNATIONAL FRANCE la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile, outre les dépens.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la nullité du jugement :
Considérant que la critique du jugement déféré ne saurait emporter sa nullité pour violation de l'article 16 du code de procédure civile ; qu' en effet,seules sont prescrites à peine de nullité les mentions visées par l'article 458 du code de procédure civile ; que la demande de nullité du jugement sera donc rejetée;
Sur la demande de sursis à statuer :
Considérant en premier lieu , contrairement à ce que soutiennent les parties, qu' il n'y a pas lieu de surseoir à statuer dans l'attente de l'issue des plaintes déposées par Madame [S] [H] et la SAS ROBERT HALF INTERNATIONAL FRANCE étant précisé qu'aucun élément n'est fourni à la cour sur l'état de ces procédures; Que si les parties avaient entendues attendre le sort desdites plaintes, elles avaient la faculté de présenter une demande conjointe de retrait du rôle, demande qui n'a pas été présentée en l'espèce;
Sur la rupture du contrat de travail:
Considérant qu'aucune critique n'est portée par Madame [S] [H] sur la régularité formelle de la convention de rupture amiable, l'appelante soutenant uniquement que son consentement a été vicié en raison du harcèlement moral subi;
Considérant que l'article L 1152-1 du code du travail défini le harcèlement moral comme des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits du salarié et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ;
Considérant, en application de l'article L 1154-1 du code du travail, qu'il appartient au salarié soutenant avoir été victime d'un harcèlement d'étayer ses allégations par des éléments de faits précis ;
Considérant qu'il appartient à la cour d'examiner si les faits qui lui sont soumis, pris dans leur ensemble, constituent un harcèlement ;
Que la salariée soutient avoir fait l'objet de la part de sa supérieure, Madame [Z], d'un management oppressant consistant dans l'incessants appels téléphoniques ou SMS en particulier en dehors des heures de travail;
Considérant qu'il résulte des attestations versées aux débats ([C] [Y], [P] [F], [Q] [W], [N] [I] ), salariées de l'entreprise à la même période que l'appelante, que la SAS ROBERT HALF INTERNATIONAL FRANCE a laissé se développer un mode de management appliqué par Madame [Z], supérieur hiérarchique de l'appelante, consistant notamment en de très nombreux appels téléphoniques hors du temps de travail et l'envoi de SMS dans les mêmes conditions ;
Que Madame [S] [H] a fait l'objet d'un arrêt de travail à partie du 22 juillet 2010 et justifie de soins les 22 juillet 2010 et 30 novembre 2010 en relation avec un état dépressif;
Que cet état a perduré après la cessation de la relation de travail ainsi que l'atteste un psychiatre, le docteur [K] lequel indique qu'une partie de la pathologie de l'appelante peut être corrélée avec les difficultés professionnelles rencontrées avec son précédent employeur;
Qu'il n'est pas contesté par l'employeur que le protocole de rupture conventionnelle a été signé le 24 août 2010, soit le jour même de la seconde visite de reprise alors que la salariée venait de bénéficier d'un arrêt de travail pour dépression ;
Que le dossier médical de la médecine du travail, produit par la salariée, mentionne à la date du 12 juillet 2010 : un arrêt maladie de 3 semaines à partir du 20 juillet 2010, une dépression nerveuse déclarée par la salariée et des allégations de harcèlement moral confiées au médecin du travail;
Qu'il est également constant que la salariée avait envisagé une démission dés septembre 2009, élément qui corrobore le caractère ancien des difficultés rencontrées dans l'entreprise;
Qu'ainsi , force est de constater que Madame [S] [H] était, à la période de signature de la convention fragilisée car victime de harcèlement moral et n'a donc pas consenti de façon éclairée à la rupture de son contrat ; que dés lors, la rupture conventionnelle litigieuse est affectée de nullité et devra produire les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse; Que partant, le jugement déféré sera infirmé en toutes ses dispositions ;
Que, dés lors, Madame [S] [H] est bien fondée à solliciter le paiement de son préavis et des congés payés afférents;
Qu'au titre de la réparation de son préjudice tant financier que moral , eu égard à son ancienneté dans l'entreprise ( moins de 3 ans ) , de la taille de l'entreprise ( plus de 11 salariés, il sera alloué à Madame [S] [H] en application de l'article L 1235-3 du code du travail une indemnité de 19.000 euros ;
Considérant qu'en vertu l'article L 1235-4 du code du travail dont les conditions sont réunies en l'espèce, le remboursement des indemnités de chômage par la SAS ROBERT HALF INTERNATIONAL FRANCE, employeur fautif, est de droit ; que ce remboursement sera ordonné ;
Sur les autres demandes :
Considérant que la demande de remise de documents sociaux conformes est fondée ; qu'il y sera fait droit dans les termes du dispositif ci-dessous ;
Considérant que l'équité et la situation économique respective des parties justifient qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile dans la mesure énoncée au dispositif ;
PAR CES MOTIFS,
DECLARE l'appel de Madame [S] [H] recevable,
REJETTE la demande de nullité du jugement déféré présentée par Madame [S] [H],
Dit n'y avoir lieu de surseoir à statuer,
INFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau :
JUGE que Madame [S] [H] a été victime de harcèlement moral imputable à son employeur la SAS ROBERT HALF INTERNATIONAL FRANCE ,
DIT que la rupture conventionnelle du contrat de travail est nulle et produira les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,
CONDAMNE la SAS ROBERT HALF INTERNATIONAL FRANCE à payer à Madame [S] [H] les sommes suivantes :
* 8.400 euros à titre d'indemnité de préavis,
* 840 euros au titre des congés payés afférents,
* 19.000 euros à titre de dommages et intérêts,
* 2.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
ORDONNE, dans les limites de l'article L 1235-4 du code du travail, le remboursement par la SAS ROBERT HALF INTERNATIONAL FRANCE à l'organisme social concerné des indemnités de chômage éventuellement payées à Madame [S] [H] dans la limite de 6 mois d'indemnités.
DIT que les sommes à caractère salarial porteront intérêt au taux légal à compter du jour où l'employeur a eu connaissance de leur demande, et les sommes à caractère indemnitaire, à compter et dans la proportion de la décision qui les a prononcées.
CONDAMNE la SAS ROBERT HALF INTERNATIONAL FRANCE , dans un délai de 30 jours à compter de la signification du présent arrêt, à remettre à Madame [S] [H] un certificat de travail, des bulletins de salaire et une attestation destinée à PÔLE EMPLOI conformes ;
DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes,
CONDAMNE la SAS ROBERT HALF INTERNATIONAL FRANCE aux entiers dépens de première instance et d'appel,
LE GREFFIER LE PRESIDENT
L. CAPARROS P. LABEY