RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 5
ARRÊT DU 03 Avril 2014
(n° 3 , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/11738
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 17 Février 2010 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - Section encadrement - RG n° 07/04691
APPELANT
Monsieur [E] [T]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
comparant en personne, assisté de Me Yacine DJELLAL, avocat au barreau de PARIS, toque : E1440
INTIMEE
SA SOCIETE AIR FRANCE
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Me Baudouin DE MOUCHERON, avocat au barreau de PARIS, toque : T03 substitué par Me Carole MAUCCI
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 6 février 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Renaud BLANQUART, Président
Madame Anne-Marie GRIVEL, Conseillère
Madame Anne MÉNARD, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier : M. Franck TASSET, lors des débats
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
- signé par Monsieur Renaud BLANQUART, Président et par M. Franck TASSET, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Monsieur [T], à sa sortie de l'école nationale de l'aviation civile, en 1990, s'est présenté à la sélection du personnel naviguant technique de la compagnie AIR FRANCE, devenue SA AIR FRANCE ( plus loin 'AIR FRANCE' ). Il a été ajourné et a été inscrit sur une liste d'attente, dite lite SEFA. Il a exercé une activité de pilote de ligne, au sein d'autres compagnies.
Le 17 décembre 1997, a été conclu un protocole d'accord en vertu duquel les candidats ajournés figurant sur la liste SEFA, qui repasseraient avec succès les sélections AIR FRANCE, bénéficieraient d'un classement privilégié sur la Liste de classement professionnel ( LCP ).
En 2000, Monsieur [T] s'est à nouveau présenté à la sélection offerte par AIR FRANCE et a été admis. Le 21 février 2000, il a signé une convention de stage d'officier pilote de ligne stagiaire extérieur, puis un contrat de travail à durée indéterminée, le 11 septembre 2000.
Il a été inscrit sur la LCP des pilotes de lignes, au rang 3180 au mois d'avril 2002, puis inscrit sur la LCP du mois de novembre suivant, au rang 3394.
Le 21 décembre 2007, faisant valoir qu'il avait fait l'objet d'un déclassement injustifié, Monsieur [T] a saisi le Conseil de Prud'hommes de Bobigny, pour demander à ce dernier de le rétablir à un niveau différent, sur la LCP et d'indemniser son préjudice moral et son préjudice de carrière.
Par jugement en date du 17 février 2010, le Conseil de Prud'hommes de Bobigny a :
- débouté Monsieur [T] de ses demandes,
- condamné Monsieur [T] à verser à AIR FRANCE la somme de 100 €, au titre de l'article 700 du CPC,
- condamné Monsieur [T] aux dépens.
Le 15 mars 2010, Monsieur [T] a interjeté appel de cette décision.
Le 10 novembre 2011, l'affaire a été radiée du rôle de la Cour. Elle y a été rétablie, pour être plaidée le 29 novembre 2012.
A cette date, l'affaire a été renvoyée à l'audience du 10 octobre 2013 à la demande de Monsieur [T], à raison de la production tardive d'une pièce, par AIR FRANCE.
Présent et assisté par son Conseil, Monsieur [T] a, à l'audience du 10 octobre 2013, développé oralement ses écritures, visées le jour même par le Greffier, aux termes desquelles il a demandé à la Cour :
- d'infirmer le jugement entrepris,
- de dire qu'il devrait figurer au rang 2092 sur la liste LCP du 1er avril 2013, sous astreinte de
100 € par jour de retard à compter du prononcé de la décision,
- de condamner AIR FRANCE à lui verser la somme de 181.000 €, en réparation du préjudice financier et de carrière subi,
En toute hypothèse,
- de condamner AIR FRANCE à lui verser la somme de 3.000 €, sur le fondement de l'article 700 du CPC.
Représentée par son Conseil, AIR FRANCE a, à cette audience du 10 octobre 2013, développé oralement ses écritures, visées le jour même par le Greffier, aux termes desquelles
elle a demandé à la Cour :
A titre principal,
- de dire Monsieur [T] irrecevable en ses demandes,
Subsidiairement,
- de confirmer le jugement entrepris,
Plus subsidiairement,
- de dire irrecevable la demande de reclassement formée par Monsieur [T],
En tout état de cause,
- de condamner Monsieur [T] à lui payer la somme de 1.000 €, au titre de l'article 700 du CPC,
- de condamner Monsieur [T] aux dépens.
Par arrêt en date du 5 décembre 2013, la Cour, aux motifs, en substance, qu'alors que la procédure devant cette Cour était orale, que l'une des parties avaient porté à sa connaissance, pendant le cours de son délibéré, l'existence d'un arrêt de la Cour de cassation rendu après les débats tenus devant cette Cour, qu'elle commentait, comme l'autre partie, après elle, par écrit et après ces débats, la portée de cette décision sur le présent litige et qu'elles devaient s'expliquent, sur ce point, à l'audience ;
a :
- ordonné la réouverture des débats à l'audience du 6 février 2013, à 9h,
Afin que les parties s'expliquent sur la portée de l'arrêt rendu le 16 octobre 2013, par la Cour de cassation, dans des litiges opposant des salariés d'AIR FRANCE à cette entreprise, sur la seule question de la recevabilité des demandes de Monsieur [T],
- réservé les dépens.
Présent et assisté par son Conseil, Monsieur [T] a, à l'audience du 6 février 2014, développé oralement ses écritures, visées le jour même par le Greffier, aux termes desquelles il demande à la Cour
- d'infirmer le jugement entrepris,
- de dire qu'il devrait figurer au rang 2092 sur la liste LCP du 1er avril 2013, sous astreinte de
100 € par jour de retard à compter du prononcé de la décision,
- de condamner AIR FRANCE à lui verser la somme de 181.000 €, en réparation du préjudice financier et de carrière subi,
En toute hypothèse,
- de condamner AIR FRANCE à lui verser la somme de 3.000 €, sur le fondement de l'article 700 du CPC.
Représentée par son Conseil, AIR FRANCE a, à l'audience du 6 février 2014, développé oralement ses écritures, visées le jour même par le Greffier, aux termes desquelles elle demande à la Cour :
- de juger Monsieur [T] irrecevable en ses demandes.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère aux écritures, visées les 10 octobre 2013 et le 6 février 2014, et réitérées oralement aux audiences.
SUR QUOI, LA COUR,
Sur la recevabilité des demandes de Monsieur [T]
Considérant qu'AIR FRANCE fait valoir que, comme 15 de ses collègues, Monsieur [T] a demandé à obtenir un nouveau positionnement sur la liste de reclassement professionnel ( LCP ), demande rejetée par jugement du Conseil de Prud'hommes, dont il a interjeté appel ; que par voie de conclusions, elle a, pour sa part, demandé à la présente Cour, à titre principal, de déclarer irrecevables les demandes de Monsieur [T] ; qu'elle invoquait l'article 2.2 de la procédure de mise à jour et publication des listes de classement professionnel du Règlement du personnel navigant technique N°1 première partie, stipulant que tout officier navigant disposait de 45 jours pour éventuellement contester par écrit son rang de classement s'il s'agissait d'un nouvel inscrit ou les modifications apportées à son classement pour tous les officiers navigants et que tout officier n'ayant pas contesté son classement ou les modifications apportées à celui-ci dans un délai de 45 jours serait forclos et perdrait tout droit à contestation ; que par des arrêts du 5 janvier 2012, la Cour a fait droit à ses demandes d'irrecevabilité, au motif que le salarié qui contestait son rang sur la LCP du mois d'avril 2011, en ce qu'il aurait dû être déterminé en fonction de la date de sa sortie de l'ENAC et non de son entrée dans les effectifs D'AIR FRANCE, remettait nécessairement en cause, en réalité, son classement issu de sa première inscription sur la LCP et non pas celui issu d'une modification affectant la liste LCP du 1er avril 2011, que le classement litigieux, intervenu à la date de publication de la LCP du 1er novembre 2011, devait être contesté dans les 45 jours, délai de forclusion, que le salarié n'établissait pas avoir respecté, que la contestation et la demande étaient irrecevables ; que les collègues de Monsieur [T] ayant formé un pourvoi en cassation contre ces arrêts, la Cour de cassation a déclaré leur pourvoi non admis ; que la Cour doit adopter le même raisonnement que celui qu'elle a précédemment adopté et qui a été approuvé par la Cour de cassation ; que Monsieur [T] conteste son rang de classement sur la LCP, au motif qu'il aurait fait l'objet d'un déclassement entre le rang de classement figurant sur la LCP du 1er avril 2002 et celui figurant sur la LCP du 1er novembre 2002 ; qu'il remet, donc, nécessairement en cause, la modification de son rang de classement issu de son inscription sur la LCP du 1er novembre 2002 et non celui issu des LCP ultérieures, lesquelles reprennent ce dernier rang de classement ; qu'à la date de publication de la LCP du 1er novembre 2002, Monsieur [T] devait contester son classement dans les 45 jours, ce qu'il n'a pas fait ; que le fait que l'arrêt de la Cour de cassation qu'elle invoque ait été rendu en formation restreinte et concerne des salariés éliminés et non ajournés, comme Monsieur [T], ne permet pas de lui dénier toute portée ; que le fait que Monsieur [T] ait été ajourné ou éliminé importe peu ;
Que Monsieur [T] fait valoir que AIR FRANCE estime que sa demande serait irrecevable, au motif qu'il n'aurait pas agi dans le délai de 45 jours ; que AIR FRANCE ayant agi de façon occulte, il n'a pas été informé de son déclassement, n'avait aucune raison de surveiller son positionnement, aucun pilote n'ayant subi de déclassement ; qu'il n'avait, alors, pas de possibilité de changement de poste avant 3 ans ; que lorsqu'il a pris conscience de son déclassement, il était trop tard ; qu'AIR FRANCE a agi de mauvaise foi en ne l'informant pas ; que rien ne justifie que les délais de contestation soient réduits à 45 jours, alors que tout salarié doit, selon le droit commun, pouvoir contester une décision de l'employeur ayant des conséquences sur son salaire ou son évolution dans l'entreprise ;
Qu'il ajoute que l'arrêt rendu par la Cour de cassation n'est pas transposable à l'affaire le concernant ; qu'il porte la mention 'F', mention affectée aux arrêts dont la portée est la plus faible ; que cet arrêt n'a pas été publié, n'a pas fait l'objet d'une analyse, n'est pas consultable sur le site de l'internet de la Cour de cassation, qu'il a été rendu en formation restreinte, qu'AIR FRANCE voudrait lui attribuer la valeur d'un arrêt de principe, ce que lui a refusé la Cour de cassation elle-même, qu'il n'a donc vocation à s'appliquer qu'aux faits soumis à ladite cour ; que les faits le concernant sont bien différents ; que les pilotes concernés par cet arrêt ont tous été éliminés aux épreuves de recrutement, alors qu'en ce qui le concerne, il a été ajourné ; qu'il a fait, contrairement aux pilotes concernés par cet arrêt, l'objet d'un classement privilégié et est le seul à avoir conclu un protocole d'accord dans lequel AIR FRANCE reconnaissait qu'il avait connu un traitement qui lui avait été préjudiciable ; qu'enfin, il est le seul à avoir subi un déclassement ; qu'il cherche à obtenir un classement en relation avec son classement d'origine, alors que les pilotes concernés par l'arrêt de la Cour de cassation cherchaient à obtenir un classement qu'ils n'ont jamais eu et auquel ils considéraient avoir droit; qu'il a subi une modification de sa situation professionnelle qu'il juge injustifiée, alors que les salariés concernés par l'arrêt de cassation n'ont subi aucune modification, mais en espéraient une;
Considérant que l'arrêt de la Cour de cassation en date du 16 octobre 2013, ayant déclaré non admis les pourvois formés par 11 collègues de Monsieur [T], contre des arrêts déclarant irrecevables leurs demandes, du fait qu'ils n'avaient pas contesté leur rang de classement dans les 45 jours, n'impose pas à la Cour la solution du présent litige, alors qu'il n'est pas d'arrêts de règlement ; que le fait que cet arrêt n'ait pas été publié, n'ait pas fait l'objet d'une analyse, ne soit pas consultable sur le site de l'internet de la Cour de cassation accessible au public et ait été rendu en formation restreinte, est sans portée sur ce litige ;
Considérant que, selon les termes de l'article 2.2 du règlement du personnel navigant technique N°1 :
'La liste de classement professionnel se constitue au fur et à mesure des entrées et sorties de liste.
Au 1er avril et au 1er novembre de chaque année, les projets de listes, mis à jour par la Compagnie sont publiés afin de pouvoir être consultés par chaque officier navigant et transmis aux délégués du personnel navigant technique, aux organismes d'affectation ainsi qu'aux organisations syndicales représentatives du PNT.
A compte de ces mêmes dates, tout officier navigant dispose de 45 jours pour éventuellement contester par écrit son rang de classement s'il s'agit d'un nouvel inscrit ou les modifications apportées à son classement pour tous les autres officiers navigants.
Tout officier navigant n'ayant pas contesté son classement ou les modifications apportées à celui-ci dans un délai de 45 jours sera forclos et perdra, sauf éléments nouveaux, tous droits à contestation.
Toutefois, les officiers navigants nouvellement inscrits disposent d'un délai supplémentaire d'une année.' ;
Considérant que Monsieur [T] fonde expressément ses demandes sur le fait qu'ajourné, il a bénéficié du privilège de classement, que, lors de l'établissement de la liste de classement d'avril 2002, il a été affecté au rang 3180, que, pour des raisons qui ne lui ont pas été communiquées, alors qu'il aurait dû accéder à la position 3127, il a été déclassé à la position 3394 sur la liste LCP de novembre 2002, seul à avoir subi un déclassement parmi les 19 pilotes ajournés figurant sur la liste SEFA et seul pilote d'AIR FRANCE a avoir subi ce déclassement ;
Que l'appelant, s'il justifie avoir contesté son classement issu des LCP de 2008 et 2011, remet en cause, en fait, la modification de son rang de classement, telle qu'elle résulte de son inscription sur la LCP du 1er novembre 2002 ; qu'il ne justifie, ni ne prétend avoir contesté son classement sur cette liste dans les 45 jours suivant sa publication ;
Que Monsieur [T] ne peut valablement soutenir qu'AIR FRANCE aurait agi de façon occulte ou aurait été de mauvaise foi en ne l'informant pas, alors que les listes de classement sont publiées, afin d'être consultées par tous, selon les termes précités de l'article 2.2 du règlement du personnel navigant technique et qu'il ne prétend pas que la LCP du 1er novembre 2002 n'aurait pas été publié ; que l'appelant ne peut légitimement se prévaloir du fait qu'il a tardivement pris connaissance de cette publication ; que faisant valoir que rien ne justifie que les délais de contestation soient réduits à 45 jours, il ne remet pas en cause, par des moyens de droit, la régularité du règlement du personnel navigant technique qui lui est applicable, comme à tous les membres de ce personnel, ni la licéité de son article 2.2 ;
Que Monsieur [T] ne démontre, ni n'explique en quoi le fait qu'il ait été ajourné et non éliminé, qu'il ait fait l'objet d'un classement privilégié fondé sur un protocole d'accord, qu'il ait fait l'objet d'un précédent classement avant d'être, à nouveau, classé à un rang qu'il estime injustifiée, le placerait dans une situation particulière, alors que ses demandes trouvent leur origine dans son classement, qu'il estime injustifié, sur une LCP et qu'il n'a pas contesté ce classement dans les conditions prévues par le règlement du personnel navigant technique, qui s'imposait à lui ;
Que Monsieur [T] étant forclos, en application du règlement du personnel navigant technique, pour ne pas avoir contesté le rang de classement qui fonde, désormais, ses demandes, devant la Cour, lesdites demandes sont irrecevables ; qu'il y a lieu d'infirmer le jugement entrepris, sur ce point ;
Considérant qu'il était inéquitable de laisser à la charge de AIR FRANCE les frais irrépétibles qu'elle avait exposés en première instance ; qu'il y a lieu de confirmer le jugement entrepris, sur ce point ;
Qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de AIR FRANCE les frais irrépétibles qu'elle a exposés en appel ; qu'il lui sera alloué la somme de 500 €, de ce chef ;
Que Monsieur [T] devra supporter la charge des dépens de première instance et d'appel ;
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement entrepris, en ce qu'il a :
- condamné Monsieur [T] à verser à la SA AIR FRANCE la somme de 100 €, au titre de l'article 700 du CPC,
- condamné Monsieur [T] aux dépens,
L'infirme, pour le surplus,
Statuant à nouveau,
Déclare irrecevables les demandes de Monsieur [T],
Condamne Monsieur [T] à verser à la SA AIR FRANCE la somme de 500 €, sur le fondement de l'article 700 du CPC,
Condamne Monsieur [T] aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT