COUR D'APPEL DE PARIS Pôle 6- Chambre 4
ARRÊT DU 08 Avril 2014
(no, 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/ 11928 et 11/ 12321
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 28 Octobre 2011 par le Conseil de prud'hommes-Formation de départage de PARIS RG no 09/ 02600
APPELANTE ET INTIMÉE
SA RAILREST Prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège 116 rue de Maubeuge-75010 PARIS
Représentée par Maître Nathalie DREUX, avocat au barreau de PARIS, toque : C1644
APPELANTE ET INTIMÉE
Madame Corinne X...
demeurant ...
comparante en personne
Assistée sur l'audience de Maître Edith YONTCHOUHA-WAMEN, avocat au barreau de PARIS, toque : A0134
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 25 Février 2014, en audience publique, devant la Cour composée de : Madame Charlotte DINTILHAC, Présidente Monsieur Jean-Louis CLEVA, Président Madame Anne-Marie DEKINDER, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier : Madame Laetitia LE COQ, lors des débats
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
-rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
- signé par Madame Charlotte DINTILHAC, Présidente et par Madame Mélanie RAMON, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. La Cour est saisie de l'appel interjeté par Madame Corine X... et la SA RAILREST du jugement du Conseil des Prud'hommes de PARIS, section Commerce-chambre 6 statuant en départage, rendu le 28 Octobre 2011 qui a dit que la qualification de Madame Corine X... est Instructrice/ chef de groupe coefficient 145 depuis le 1er Novembre 2002, a constaté qu'elle percevait depuis janvier 2003 la rémunération correspondant au coefficient 145 et l'a déboutée de sa demande de rappel de salaire fondée sur la modification de qualification, a constaté que le salaire de base mensuel correspondant au coefficient 145 est de 2 022. 81 ¿ depuis le 1er Juillet 2011 et a condamné la SA RAILREST à payer à Madame Corine X... les sommes de : 4 300, 26 ¿ à titre de rappel de salaire relatif aux heures de pauses non payées plus congés payés afférents, 227, 49 ¿ à titre de rappel de prime de repas, les intérêts légaux à compter du 13 Mars 2009, 1 000 ¿ en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
FAITS ET DEMANDES DES PARTIES
La SA RAILREST est spécialisée dans la restauration ferroviaire notamment à bord du THALYS, Madame Corine X... a été engagée le 17 juin 2002 par la SA RAILREST en contrat à durée indéterminée, en qualité d'hôtesse, coefficient 110 pour assurer la restauration à bord des trains au départ ou vers Paris, son salaire brut mensuel de base était de 1269. 54 ¿ pour un temps plein ;
A compter du 1er novembre 2002, elle a été nommée chef de bord, échelon 120 de la convention collective, son salaire mensuel de base brut a été porté à 1 531, 59 ¿ plus une prime d'ancienneté et un intéressement ;
Madame Corine X... a saisi le Conseil des Prud'hommes le 26 Février 2009 ;
En application de l'accord d'entreprise du 11 juillet 2011, Madame Corine X... a bénéficié d'une révalorisation de sa qualification professionnelle et elle est désormais Instructeur/ chef de groupe, sa rémunération mensuelle de base est de 2 022, 81 ¿ + une prime d'intéressement et une prime d'ancienneté de 141, 60 ¿ ;
L'entreprise est soumise à la convention collective nationale de la restauration ferroviaire (IDCC 1211), elle emploie plus de 11 salariés ;
Madame Corine X... a démissionné le 20 juin 2012 ;
La SA RAILREST demande d'ordonner la jonction des procédures d'appel, de lui donner acte de ce que la requalification conventionnelle au poste d'instructeur/ chef de groupe indice 145 a été mise en place par l'accord d'entreprise du 11 juillet 2011, de confirmer le jugement de départage en ce qu'il a débouté la salariée de sa demande de rappel de salaire fondée sur la modification de sa qualification et de l'infirmer pour le surplus ;
Madame Corine X... demande également la jonction des appels, de confirmer le jugement en ce qu'il a retenu qu'elle avait la qualification d'Instructrice/ chef de groupe coefficient 145 depuis le 1er novembre 2002 et lui a alloué des rappels de salaire pour heures de coupure et prime de repas et 1000 ¿ au titre des frais irrépétibles et de l'infirmer pour le surplus en condamnant la SA RAILREST à lui payer la somme de 2 3540, 12 ¿ bruts à titre de rappel de salaire suite à la modification de qualification et d'indice conventionnel, outre les congés payés afférents ; Subsidiairement, elle demande le paiement de la somme de 2 3540, 12 ¿ à titre de dommages intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et en tout état de cause la somme de 1 000 ¿ en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
SUR CE
Il est expressément fait référence aux explications et conclusions des parties visées à l'audience et soutenues oralement à la barre.
Dans le souci d'une bonne administration de la justice, en application de l'article 367 du Code de Procédure civile, il convient d'ordonner la jonction des deux procédures d'appel, de joindre la procédure no 11/ 11928 avec la procédure 11/ 12321 et de statuer par un seul et même arrêt ;
Sur la demande de requalificaion et de rappel de salaire
Madame Corine X... a initialement saisi le Conseil des Prud'hommes pour se voir reconnaître la qualification conventionnelle d'instructeur/ chef de groupe correspondant aux fonctions qu'elle considérait exercer dans la réalité et au coefficient afférent (145) et non celles de chef de bord, coefficient 120 comme mentionné sur ses bulletins de salaire ;
Sans qu'une modification de fonction et des tâches de Madame Corine X... soit intervenue, en application de l'accord d'entreprise du 11 juillet 2011 prenant effet à compter du 1er juillet 2011, cette qualification et cet indice ont été accordés à Madame Corine X... de sorte que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a jugé que la qualification de la salariée est celle d'instructeur/ chef de groupe coefficient 145, sauf à dire eu égard à la date de la saisine du Conseil des Prud'hommes que cette qualification et cet indice sont reconnus à compter du 1er novembre 2002 ;
En effet, l'objet de l'accord d'entreprise sus-visé avait pour objet de fixer la valeur du point de référence au sens où il est défini à l'article 8 de la convention collective nationale de la restauration ferroviaire et d'autre part d'harmoniser la classification des emplois ;
Aux termes de cet accord, la valeur du point de référence est fixé à 13, 9504 ¿, il rappelle que la revalorisation du poste de superviseur (appellation RAILREST) correspondant à instructeur/ chef de groupe (dénomination de la convention collective nationale) a donné lieu en 2003 à un relèvement salarial de (+ 9, 8 %) sans être accompagné de changement d'indice et que ce poste prend donc l'appellation d'Instructeur/ chef de groupe avec un indice 145 à la place de chef de bord avec indice 120 ;
En conséquence de cet accord le salaire de base brut mensuel de l'indice 120 est de 1 674, 05 ¿ et celui de l'indice 145 de 2 022, 81 ¿ ;
La convention collective applicable indique en son article 8 « classification et salaire » que le montant des salaires est déterminé par l'application au nombre de points indiqués en regard des désignations de postes visés par les tableaux annexes, de la valeur du point déterminée lors des négociations salariales annuelles menées dans chaque entreprise ; en 1984, la valeur du point qui n'a pas été révisée était fixée à 37 FRF soit 5, 64 ¿ ;
Cependant, il ressort de l'examen des bulletins de salaire de Madame Corine X... que son salaire mensuel de base a connu une évolution annuelle régulière, tout en demeurant au coefficient 120 ; il était en 2004 de 1 766, 67 ¿ pour atteindre 1 996, 85 ¿ en 2009 et a connu une évolution moyenne de 2, 24 % par an après être passé de 1 531, 59 ¿ en novembre 2002 et à 1 766, 67 ¿ en janvier 2004 ;
La valeur du point négociée dans le cadre de l'accord d'entreprise signé par les organisations syndicales applicable à compter du 1er juillet 2011 établit qu'à cette date un salarié rémunéré au coefficient 120 devait percevoir un salaire mensuel de base de 1 674, 05 ¿ c'est à dire un salaire inférieur de 322, 80 ¿ à celui perçu par Madame Corine X... en janvier 2009 étant rappelé que dès 2004 Madame Corine X... percevait déjà un salaire de base de 1 766, 67 ¿ par mois ;
La valeur du point au cours des années antérieures à l'accord de juillet 2011 ne peut pas comme le soutient la salariée être déterminée à partir du salaire qu'elle percevait et du coefficient 120 figurant sur ses bulletins de salaire dans la mesure où cela conduit à une valeur qui atteindrait par exemple en 2008 un taux de 16, 20 ¿ alors qu'en 2011, il a été fixé dans le cadre de négociations salariales avec les organisations syndicales à 13, 9504 ¿ ;
Les parties versent aux débats des bulletins de salaire d'un salarié de la société MOMENTUM SERVICES au sein de laquelle s'applique la convention collective de la restauration ferroviaire qui en juillet 2007 pour un coefficient 145 percevait un salaire de base de 1922, 18 ¿ soit 13, 26 ¿ du point alors qu'à la même époque le salaire de base de Madame Corine X... était de 1 895, 08 ¿ et sera de 1 944, 35 ¿ en janvier 2008, soit des salaires très voisins ;
Il s'ensuit qu'il doit être retenu que l'absence de détermination de la valeur du point lors de négociations salariales annuelles qui devaient être menées dans chaque entreprise comme le prévoit la convention collective applicable, ce qui n'a pas été fait avant juillet 2011 par la SA RAILREST et sur la période non prescrite, s'est seulement traduite pour Madame Corine X... par une perte de chance de voir évaluer le point d'indice à un taux plus élevé que celui auquel elle a été rémunérée dans les faits eu égard à l'ensemble des éléments ci-dessus retenus ; Il s'ensuit que la Cour considère comme approprié de réparer le préjudice en résultant en lui allouant la somme de 3 500 ¿ à titre de dommages intérêts ;
Sur la demande de rappel de salaire relative aux heures de pause et primes de repas
Madame Corine X... revendique le bénéfice de l'article 6- II du décret 2003-849 du 4 Septembre 2003 relatif aux « coupures » et à leur prise en compte dans le temps de travail effectif alors que la SA RAILREST soutient que les dispositions de cet article ne sont pas applicables en se fondant sur l'article 5 du titre Ier du décret qui dispose que le personnel d'encadrement est soumis aux dispositions des articles 18 et 19 du décret tout en arguant de ce que le 17 Mars 2004 le comité d'entreprise a validé l'application de l'article 19 du décret aux superviseurs/ chef de bord et qu'elle était dès lors en droit de décompter pour une journée de travail, 45 minutes de coupure non rémunérées à Madame Corine X... ;
Le jugement doit être confirmé en ce qu'il a jugé à bon droit que les prétentions de Madame Corine X... sont bien fondées tant dans le principe que dans le quantum ;
En effet, aux termes de l'article 3 du titre Ier du Décret du 4 Septembre 2003 relatif aux modalités d'application du Code du Travail concernant la durée du travail du personnel des entreprises assurant la restauration ou l'exploitation des places couchée dans les trains, les dispositions du titre Ier concernant le personnel commercial des entreprises assurant la restauration dans les trains, sont applicables « aux agents exerçant un métier commercial de prescription, vente et promotion de produits de services, à bord des trains ou à quai, au sein d'un établissement, notamment : vendeur ambulant, commercial, chef de bord, encadrement opérationnel » ;
L'article 6 dispose que la durée du travail effectif est calculée depuis l'heure de la prise de service à la résidence jusqu'à la fin de service à la résidence, compte tenu des temps de réserve et de haut le pied et déduction faite des temps de coupures non pris en compte et que les coupures de jour hors découché inférieures ou égales à quatre heures sont prises en compte à 100 % dans le temps travail effectif, celles supérieures à 4 heures pour 4 heures dans le temps de travail effectif et dans le cas d'un repiquage, la coupure à la résidence inférieure ou égale à 4 heures entre les deux voyages à 100 % dans le temps de travail effectif sans pouvoir être utilisée par l'employeur ;
Madame Corine X... a toujours été qualifiée de chef de bord sur ses bulletins de salaire et seulement d'agent de maîtrise, sans être cadre et par conséquent considérée comme personnel d'encadrement au sens de l'article 5 invoqué par l'employeur, de sorte que la salariée ne peut se voir opposer le document d'application du décret présenté au comité d'entreprise le 17 Mars 2004 puisqu'il se réfère à l'article 19 du décret qui ne lui est pas applicable ainsi que justement retenu par le premier juge ;
Les sommes allouées par le premier juge sont justifiées au regard des pièces produites par la salariée, de sorte qu'il y a lieu de les confirmer ;
Il y a lieu d'accorder le bénéfice de l'article 700 du Code de procédure civile à Madame Corine X... et de lui allouer la somme de 1000 ¿.
PAR CES MOTIFS
Ordonne la jonction des procédures inscrites au répertoire général sous les numéros de répertoire général 11/ 928 et 11/ 12321.
Confirme le jugement en ce qu'il a dit que Madame Corine X... a la qualification d'instructrice/ chef de groupe coefficient 145 à compter du 1er novembre 2002 et a condamné la SA RAILREST à lui payer les sommes de : 4300, 26 ¿ à titre de rappel de salaire relatif aux heures de pauses non payées plus 430, 03 ¿ congés payés afférents, 227, 49 ¿ à titre de rappel de prime de repas, les intérêts légaux à compter du 13 Mars 2009, 1 000 ¿ en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile
L'infirme pour le surplus
et, statuant à nouveau
Condamne la SA RAILREST à payer à Madame Corine X... la somme de 3500 ¿ à titre de dommages intérêts pour perte de chance de réévaluation du point d'indice à défaut de négociation annuelle antérieure à juillet 2011
Rejette les autres demandes.
Condamne la SA RAILREST aux entiers dépens et à payer à Madame Corine X... la somme de 1000 ¿ au titre des frais irrépétibles d'appel.
Le Greffier, La Présidente,