RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6- Chambre 4
ARRÊT DU 13 Mai 2014
(no, 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/ 00339
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 12 Octobre 2011 par le Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de PARIS RG no 09/ 16384
APPELANTE
SARL ARI
Prise en la personne de ses représentants légaux
Sise 47 rue Lucien Sampaix-75010 PARIS
Représentée par Me Emilie ADJOVI, avocat au barreau de PARIS, toque : E1920
INTIMÉS
Monsieur Boubou X...
Demeurant ...
Représenté par Me François-xavier BADJANG, avocat au barreau de PARIS, toque : G0292, bénéficiant d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2013/ 2495 du 15/ 02/ 2013 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS.
SARL SAND LE SPORTING
Prise en la personne de ses représentants légaux
Sise 47 rue Lucien Sampaix-75010 PARIS
non comparante
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 19 Mars 2014, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Jean-Louis CLEVA, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Charlotte DINTILHAC, Présidente
Monsieur Jean-Louis CLEVA, Président
Madame Anne-Marie DEKINDER, Conseillère
Greffier : Madame Chantal HUTEAU, lors des débats
ARRET : RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE
-rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
- signé par Madame Charlotte DINTILHAC, Présidente et par Madame Mélanie RAMON, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire
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* *
La cour est saisie de l'appel interjeté par la SARL ARI du jugement du conseil de prud'hommes de Paris, section commerce chambre 7, rendu le 12 octobre 2011 qui a mis hors de cause la SARL SAND LE SPORTING et qui a condamné la SARL ARI à payer à Boubou X... les sommes suivantes :
-3 691, 35 ¿ au titre du solde de préavis,
-369, 13 ¿ au titre des congés payés afférents,
-672, 45 ¿ au titre du complément de l'indemnité de licenciement,
-10 000 ¿ à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive,
-700 ¿ au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
FAITS ET DEMANDES DES PARTIES
Monsieur Boubou X... a été engagé à compter du 1er mai 2006 par contrat à durée indéterminée par la SARL SAND LE SPORTING en qualité de commis de cuisine.
Le 12 mai 2009, la SARL ARI a repris le fonds de commerce de la SARL SAND LE SPORTING. Le contrat travail de Monsieur Boubou X... a été transféré à la SARL ARI qui emploie plus de 11 salariés.
La convention collective applicable est celle des hôtels, cafés, restaurants.
La moyenne des trois derniers mois de salaire de Monsieur Boubou X... s'élevait à 2 232, 31 ¿.
Le jour même de la reprise du fonds de commerce, la SARL ARI a convoqué Boubou X... à un entretien préalable qui s'est tenu le 20 mai 2009.
Le 16 juin 2009, la SARL ARI a notifié à Boubou X... son licenciement économique.
La SARL ARI demande à la Cour d'infirmer le jugement, de dire que le licenciement économique de Boubou X... est bien fondé, de débouter celui-ci de l'ensemble de ses demandes et de le condamner à lui payer la somme de 2 000 ¿ au titre de l'article 700 Code de Procédure Civile.
Monsieur Boubou X... demande de confirmer le jugement et d'y ajouter les sommes suivantes à la charge de la SARL ARI :
-20 000 ¿ au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
-10 000 ¿ pour recours abusif et dilatoire,
-3 000 ¿ au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
La SARL SAND LE SPORTING ne comparait pas ; Oralement, les conseils de Monsieur Boubou X... et de la SARL ARI ne s'opposent pas à la mise hors de cause de la SARL SAND LE SPORTING.
SUR CE
Il est expressément fait référence aux explications et conclusions des parties visées à l'audience.
Sur le licenciement
La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige énonce les éléments suivants :
«... Nous sommes contraints de vous notifier votre licenciement pour motif économique. Celui-ci est justifié par les faits suivants :
- transformation d'emploi
-changement de type de cuisine
-changement de l'organisation interne
-réorganisation de l'entreprise afin de sauvegarder la compétitivité de celle-ci ».
La SARL ARI a décidé de proposer à la clientèle une cuisine différente : la cuisine thaïlandaise.
Au cours de l'entretien préalable ainsi qu'il résulte du compte rendu, le gérant de la SARL ARI a expliqué la nécessité de procéder à une réorganisation et à une réorientation totale et radicale du restaurant en termes de spécialités culinaires par le passage de la cuisine traditionnelle française à la cuisine thaïlandaise et que la nouvelle équipe qui allait être mise en place serait d'origine asiatique pour une cuisine asiatique, équipe dans laquelle Monsieur Boubou X... ne saurait s'intégrer faute pour lui d'avoir un bagage professionnel suffisant et des difficultés de compréhension qui étaient les siennes, ne sachant ni lire ni écrire.
En l'absence de difficultés économiques ou de mutations technologiques invoquées dans la lettre de licenciement, la réorganisation qui y est mentionnée ne constitue pas l'énoncé d'une cause économique dès lors que l'employeur ne démontre pas que le changement des spécialités culinaires du restaurant aurait pour effet de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise ni que le manque d'expérience du salarié relativement à la nouvelle activité serait incompatible avec cette réorganisation.
L'employeur est astreint à une obligation de reclassement dans l'entreprise et il doit réaliser tous les efforts de formation et d'adaptation des salariés à l'évolution de leur emploi.
S'il est vrai que l'employeur n'est pas tenu d'assurer la formation initiale à des salariés qui leur fait défaut ni de délivrer aux salariés une qualification nouvelle, il n'est pas démontré que Monsieur Boubou X... en sa qualité de commis de cuisine ne soit pas à même après une courte formation d'exécuter les directives d'un chef asiatique.
Dès lors que l'employeur ne justifie pas de l'impossibilité d'affecter Monsieur Boubou X... à un poste dans l'entreprise moyennant une formation permettant son adaptation à un nouvel emploi le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Sur les demandes de Monsieur Boubou X...
L'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :
À la date du licenciement, Monsieur Boubou X... percevait une rémunération mensuelle brute moyenne de 2 232, 31 ¿, avait 30 ans et bénéficiait d'une ancienneté de 3 ans au sein de l'entreprise.
Compte tenu des circonstances de la rupture, de la capacité du salarié à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, telles qu'elles résultent des pièces et des explications fournies, il y a lieu de lui allouer en application de l'article L. 1235-3 du Code du Travail, une somme de 15 000 ¿ à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
L'indemnité de préavis et les congés payés afférents :
Monsieur Boubou X... ne saurait réclamer le paiement du préavis non effectué alors qu'il a expressément demandé à être dispensé de son exécution et que l'employeur a accepté de le dispenser. L'employeur ne doit pas d'indemnité compensatrice de préavis lorsque l'inexécution du préavis résulte du commun accord des parties.
Il sera débouté de sa demande à ce titre.
L'indemnité de licenciement :
Monsieur Boubou X... aurait dû percevoir une indemnité de licenciement d'un montant de 1 339, 20 ¿. Il affirme qu'il n'a reçu qu'une partie de cette somme. L'employeur ne démontre pas qu'il a intégralement payé l'indemnité de licenciement. Il reste dû au salarié la somme de 672, 45 ¿. Le jugement sera confirmé sur ce point.
Le recours abusif et dilatoire :
Monsieur Boubou X... sollicite une somme de 10 000 ¿ pour recours abusif et dilatoire.
La demande en paiement de dommages et intérêts pour recours abusif et dilatoire n'est pas fondée dès lors qu'il est seulement soutenu que l'appel est abusif et dilatoire sans que soit caractérisée à l'encontre de la SARL ARI une faute constituée par l'abus du droit d'ester en justice.
Monsieur Boubou X... sera débouté de sa demande de dommages et intérêts.
Les frais irrépétibles :
En application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relatif à l'aide juridictionnelle, il sera alloué à l'avocat de Monsieur Boubou X... qui bénéficie de l'aide juridictionnelle, la somme de 2 000 ¿ au titre des frais et honoraires non compris dans les dépens que le bénéficiaire aurait exposés en l'absence de cette aide, à charge pour l'avocat, s'il recouvre tout ou partie de cette somme, de renoncer à percevoir tout ou partie de la part contributive de l'Etat dans les conditions de ce texte.
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement en ce qu'il a mis hors de cause la SARL SAND LE SPORTING,
Infirme pour le surplus le jugement entrepris,
et statuant à nouveau
Dit que le licenciement de Boubou X... est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
Condamne la SARL ARI à payer à Monsieur Boubou X... les sommes suivantes :
-15 000 ¿ à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
-672, 45 ¿ à titre de complément de l'indemnité de licenciement,
Déboute Monsieur Boubou X... de sa demande de préavis et de congés payés afférents et de sa demande de dommages et intérêts pour recours abusif et dilatoire,
Condamne la SARL ARI à payer à Me Xavier BADJANG la somme de 2 000 ¿ en application et dans les conditions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle,
Condamne la SARL ARI aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions sur l'aide juridictionnelle.
Le Greffier, La Présidente,