Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 5
ARRÊT DU 10 JUIN 2014
(n°2014/ , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 12/12011
Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 Mai 2012 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 08/13634
APPELANTE
SA ALBINGIA
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Jean-louis ROINÉ de la SELARL ROINÉ ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : A0002
INTIMÉES
Mademoiselle [Q] [L]
[Adresse 4]
[Localité 3]
Assignée suivant procès-verbal de recherche infructueuse et n'ayant pas constitué avocat
SARL CABINET FLEURUS
[Adresse 2]
[Localité 2]
Assignée suivant procès-verbal de recherche infructueuse et n'ayant pas constitué avocat
SA SERENIS ASSURANCES
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représentée par Me Pascale NABOUDET-VOGEL de la SCP SCP NABOUDET - HATET, avocat au barreau de PARIS, toque : L0046
Assistée par Me Isabelle SCHEIDECKER, avocat au barreau de PARIS, toque : P0156
Substituée par Me Elisabeth FLEURY-REBERT, avocat au barreau de STRASBOURG
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Mai 2014, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Catherine LE FRANCOIS, Présidente de chambre, et de Monsieur Michel CHALACHIN, Conseiller, entendu en son rapport.
Ces magistrats a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Catherine LE FRANCOIS, Présidente
Monsieur Michel CHALACHIN, Conseiller
Madame Marie-Sophie RICHARD, Conseillère
Greffier, lors des débats : Madame Hanifa DEFFAR
ARRÊT :
- par défaut
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Catherine LE FRANCOIS, président et par Madame Aouali BENNABI, greffier présente lors du prononcé.
Le 12 juillet 2003, Mme [Y], propriétaire d'un appartement situé [Adresse 5], a donné un mandat exclusif de location au cabinet FLEURUS, par l'intermédiaire duquel a été consenti un bail d'habitation meublée à Mlle [Q] [L] à effet du 1er septembre 2003.
Le 12 novembre 2005, un incendie s'est déclaré dans l'appartement loué à cette dernière, provoquant des dommages aux parties privatives et communes de l'immeuble.
À la suite d'une assignation en référé-expertise délivrée par la locataire, à laquelle la société ALBINGIA, assureur de l'immeuble, et le syndicat des copropriétaires sont intervenus volontairement, M. [I] a été désigné en qualité d'expert judiciaire, selon ordonnance du 10 janvier 2006.
À la suite du dépôt du rapport d'expertise, la société ALBINGIA, par exploit du 14 janvier 2008, a fait assigner le cabinet FLEURUS et ses assureurs de responsabilité civile, les sociétés SERENIS ASSURANCES et AXA IARD, devant le tribunal de grande instance de Paris afin d'obtenir le remboursement des indemnités versées à Mme [Y] et au syndicat des copropriétaires ; le cabinet FLEURUS a appelé Mlle [L] en garantie par exploit du 11 avril 2008.
Par jugement du 3 mai 2012, cette juridiction a débouté la société ALBINGIA de ses demandes, a condamné cette dernière au versement aux sociétés SERENIS et AXA FRANCE IARD de la somme de 2.000 euros chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile et a condamné le cabinet FLEURUS à payer à Mlle [L] celle de 2.000 euros sur le fondement du même texte.
Par déclaration du 28 juin 2012, la société ALBINGIA a interjeté appel de cette décision.
Aux termes de ses dernières conclusions du 13 août 2013, elle poursuit l'infirmation du jugement et demande à la cour de condamner le cabinet FLEURUS et la société SERENIS in solidum à lui payer la somme de 210.837,81 euros avec intérêts à compter de l'assignation, subsidiairement, de l'indemniser de la perte de chance qu'elle a subie sur la base de l'indemnité versée au titre des dommages sur les parties privatives, soit 165.937,29 euros, assortie des intérêts à compter de l'assignation, et de condamner les intimés à lui verser la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions signifiées le 30 octobre 2013, la société SERENIS ASSURANCES sollicite, sous divers constats, à titre principal, la confirmation du jugement en ce qu'il a rejeté les demandes de l'appelante à son encontre, à titre subsidiaire, la limitation des demandes de l'appelante à de plus justes proportions, la perte de chance devant être fixée à un taux inférieur à 50 %, à titre infiniment subsidiaire, l'application du plafond de garantie et de la franchise contractuelle, à titre encore plus subsidiaire, la condamnation de Mlle [L] à la relever et garantir de toute condamnation prononcée à son encontre, en tout état de cause, la condamnation de la société ALBINGIA ou de tout succombant à lui verser une indemnité complémentaire de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Mlle [L] et le cabinet FLEURUS, assignés selon les modalités prévues à l'article 659 du code de procédure civile, n'ont pas constitué avocat.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur le fondement de l'action.
Considérant que la société ALBINGIA soutient que son recours subrogatoire est justifié, la notion de tiers responsable au sens de l'article L. 121-12 du code des assurances s'étendant, comme en l'espèce, à l'agence immobilière ayant, par sa faute, privé l'assureur de la possibilité d'exercer un recours subrogatoire ; elle ajoute que son action est encore fondée sur l'article 1382 du code civil ou, subsidiairement, sur les dispositions de l'article 1251-3° du même code ;
Considérant que la société SERENIS répond que ce recours n'est pas recevable dès lors que le cabinet FLEURUS n'est pas l'auteur du dommage, que le fondement de son action est nécessairement contractuel, et que les dispositions de l'article 1251-3° ne sont pas applicables en l'espèce ;
Considérant que le recours subrogatoire institué par l'article L.121-12 du code des assurances au profit de l'assureur qui a payé l'indemnité peut être exercé contre toute personne responsable, quel que soit le fondement de cette responsabilité ;
Qu'ainsi, le mandataire du bailleur qui commet une faute dans l'exercice de son mandat en ne réclamant pas au locataire la production d'une attestation d'assurance contre les risques locatifs peut être assimilé à un tiers responsable au sens du texte susvisé ;
Que l'appelante est donc en droit d'agir, sur ce fondement, contre le cabinet FLEURUS et son assureur de responsabilité civile professionnelle ;
Sur la responsabilité du cabinet FLEURUS.
Considérant que la société ALBINGIA fait valoir que la responsabilité du cabinet FLEURUS est engagée, dès lors qu'il a commis une faute en ne vérifiant pas la souscription d'une police d'assurance par Mlle [L], lui causant un préjudice consistant en la perte de chance d'exercer un recours subrogatoire contre l'assureur des risques locatifs, compte tenu de la présomption de responsabilité pesant sur la locataire ; elle ajoute que ce préjudice est directement imputable à la faute de l'agence, dans la mesure où la locataire avait intérêt à souscrire un contrat d'assurance afin de protéger ses propres biens, et était en mesure de payer les primes y afférentes ; elle expose que cette perte de chance doit être évaluée à 100 % des sommes qu'elle aurait dû percevoir au titre de son recours, soit la somme de 210.873,81 euros, ou, à titre subsidiaire, celle de 165.937,29 euros au titre des seules parties privatives, qui sont couvertes par la présomption de l'article 1733 du code civil ;
Considérant que la société SERENIS répond que la responsabilité de son assuré n'est pas engagée, dès lors que l'incendie a pour origine un vice de construction, ainsi qu'il ressort de l'expertise judiciaire, qu'aucune faute ne peut être reprochée au cabinet FLEURUS, la propriétaire du logement ayant confié à ce dernier un mandat de location, sans exiger, en connaissance de cause, la production par la locataire d'une attestation d'assurance locative, qui ne constitue pas une exigence légale d'ordre public ; elle ajoute qu'aucun préjudice n'est démontré, l'appelante, qui n'a fait qu'appliquer les termes du contrat en réglant l'indemnité prévue par celui-ci, ayant contractuellement renoncé à tout recours contre les locataires non assurés ; en outre, elle soutient que l'appelante ne saurait solliciter le remboursement des travaux exposés pour les parties communes, qui ne relèvent pas de la présomption de responsabilité de l'article 1733 du code civil, à défaut de rapporter la preuve d'une faute imputable à la locataire, que le montant des sommes réclamées ne saurait excéder la somme de 130.529,54 euros, par application de la convention renonciation à recours, et que la perte de chance ne saurait dépasser les 50 %;
Considérant que le cabinet FLEURUS avait reçu de Mme [Y] un mandat exclusif de location, qui l'obligeait à trouver un locataire et à conclure le bail avec celui-ci ;
Que ce mandat l'obligeait notamment à réclamer et faire établir, si nécessaire, toutes pièces utiles auprès de toutes personnes privées ou publiques, à établir le contrat de location aux prix, charges et conditions convenus, ainsi que les documents annexes, à recueillir la signature du locataire, et à entreprendre, d'une façon générale, toutes les démarches nécessaires pour mener à bien la mission qui lui était confiée ;
Considérant que le contrat de location meublée consenti à Mlle [L] le 25 août 2003 obligeait notamment la locataire à s'assurer contre les risques locatifs et à en justifier au bailleur à la remise des clefs, en lui transmettant l'attestation émise par son assureur ou son représentant ; la locataire devait également en justifier chaque année, à la demande du bailleur ;
Considérant que, dans la mesure où le cabinet FLEURUS avait été chargé de conclure le bail et d'entreprendre toutes les démarches nécessaires pour mener à bien cette mission, il lui appartenait d'exiger de Mlle [L] la remise d'une attestation d'assurance à son entrée dans les lieux ;
Mais considérant que sa mission était limitée à la conclusion du bail, qui avait été consenti pour une durée d'un an, s'agissant d'une location meublée ;
Que la seule faute pouvant être reprochée au cabinet FLEURUS est donc de n'avoir pas exigé la remise d'une attestation d'assurance valable pour la période du 1er septembre 2003 au 1er septembre 2004 ;
Or, considérant que l'incendie s'est produit le 12 novembre 2005, soit postérieurement au deuxième renouvellement du bail ;
Qu'il ne peut donc pas être reproché au cabinet FLEURUS de n'avoir pas exigé la production d'une attestation d'assurance pour la période durant laquelle le sinistre s'est produit, puisqu'il n'était plus investi du moindre mandat par la bailleresse ;
Qu'ainsi, il n'existe aucun lien de causalité entre la faute commise par le cabinet FLEURUS lors de l'entrée dans les lieux de la locataire et le sinistre ;
Que le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a débouté la société ALBINGIA de ses demandes et l'a condamnée au paiement des frais irrépétibles des sociétés SERENIS et AXA ;
Considérant que l'équité commande d'allouer à la société SERENIS la somme complémentaire de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de débouter l'appelante de sa demande fondée sur ce texte ;
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement par défaut et en dernier ressort,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Et y ajoutant, condamne la société ALBINGIA à payer à la société SERENIS ASSURANCES la somme complémentaire de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute la société ALBINGIA de sa demande fondée sur ce texte ;
Condamne la société ALBINGIA aux dépens de la procédure d'appel et dit qu'ils pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE