RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 7
ARRÊT DU 26 Juin 2014
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/10711
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 14 Janvier 2011 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS section Commerce RG n° 09/16102
APPELANTE
SA LA POSTE
[Adresse 2]
[Localité 1]
représentée par Me Laurent MARQUET DE VASSELOT, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, toque : NAN701
INTIMEE
Madame [L] [N] épouse [W]
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Me Dominique RIERA, avocat au barreau de PARIS, toque : D1291 substitué par Me Zahra AMRI-TOUCHENT, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 15 Mai 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Patrice LABEY, Président de chambre
Monsieur Bruno BLANC, Conseiller
Monsieur Rémy LE DONGE L'HENORET, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier : Madame Laëtitia CAPARROS, lors des débats
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Patrice LABEY, Président, et par Melle Laëtitia CAPARROS, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Jusqu'à la réforme mise en place par la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990, c'est-à-dire jusqu'au 1er janvier 1991, le service public de La Poste était assuré par la direction générale du Ministère de la poste et des télécommunications, laquelle employait des fonctionnaires soumis aux dispositions du statut général de la fonction publique.
Constituée en établissement public par la loi, La Poste s'est vue affecter les fonctionnaires de l'ancienne direction ministérielle, lesquels ont pu conserver leur statut.
La loi a par ailleurs autorisé La Poste à recruter des salariés dont les contrats de travail seraient régis par les dispositions du code du travail et les accords collectifs applicables.
À partir de 1990, divers statuts ont cohabité au sein de La Poste et concernant : des fonctionnaires et des agents contractuels de droit public ;
ainsi que des salariés de droit privé, dits agents contractuels (ACC) sous le régime des conventions collectives (article 31 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990).
Dans le prolongement du changement de statut de La Poste, son conseil d'administration a décidé de rénover et de simplifier le système de rémunération.
Ce processus s'est pour l'essentiel déroulé en trois phases, concernant tant les fonctionnaires et agents contractuels de droit public que les salariés de droit privé.
Par une délibération du 27 avril 1993, le conseil d'administration de LA POSTE a approuvé le principe de la création d'un complément indemnitaire, dit « complément poste », ayant vocation à regrouper les primes et les indemnités qui constituaient un complément de rémunération, dont bénéficieraient tous les agents, qu'ils soient, ou non, fonctionnaires.
Par décision n°1802 du 9 décembre 1994, prise en vertu de l'article 5 du décret du 12 décembre 1990 portant statut de LA POSTE, le Directeur Général a précisé, en complétant les dispositions antérieures, les modalités de calcul de ce complément indemnitaire applicable aux personnels contractuels de droit public et de droit privé de LA POSTE, ainsi qu'aux fonctionnaires affectés dans cet établissement.
Par délibération du 25 janvier 1995, le conseil d'administration a approuvé le principe de la suppression des primes et des indemnités initialement regroupées dans le complément indemnitaire et a décidé que ce complément:
-serait dénommé complément poste,
-constituerait désormais l'un des sous-ensembles de la rémunération de base de chaque catégorie de personnel, au même titre que le traitement indiciaire ou que certaines primes liées à la qualité d'agent de droit public,
-serait une entité indissociable, et non plus un agrégat de primes et d'indemnités.
Par décision n°717 du 4 mai 1995, le Président du conseil d'administration a défini les règles d'évolution transitoires et permanentes de ce complément poste appelé à rétribuer un niveau de fonction en tenant compte des conditions d'exercice des fonctions.
Entrée au service de La Poste à compter du 23 mars 1998 sous statut salarié,
Madame [L] [N] a été recrutée en qualité Conseiller financier (niveau 2.3), puis promue le 11 septembre 2001 sur une fonction de Conseiller financier (niveau 3.1), puis placée sur une fonction de Gestionnaire de clientèle SF (niveau 2.3), fonction qu'elle exerçait en dernier lieu tout en gardant son niveau de contrat 3.1.
Madame [L] [N] a saisi le Conseil de Prud'hommes de Paris le 10 décembre 2009 des chefs de demandes suivants:
- rappel de salaires au titre du " complément poste" pour la période 2004 à 2009 soit 7 156.84 euros,
- congés payés afférents soit 715.68 euros,
- article 700 du code de procédure civile : 1.000 euros,
- intérêts au taux légal;
La cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par la Société Anonyme La POSTE du jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Paris le 14 janvier 2011qui l'a condamnée à payer à Madame [L] [N] les sommes suivantes :
*7 156.84 euros au titre de rappel de salaire appelé " complément poste",
*715.68 euros au titre de congés payés afférents, outre les dépens de l'instance.
Ce jugement a rejeté la demande de condamnation présentée par la salariée en application de l'article 700 du code de procédure civile .
Le dossier, a été appelé à l'audience de la cour du 19 septembre 2013.
A cette audience, la cour, aux termes de la note d'audience, a décidé de renvoyer l'examen de l'affaire à l'audience collégiale du 15 mai 2014 à 13H30 et, en application du décret du 1er octobre 2010 et avec l'accord des parties, a fixé le calendrier de procédure suivant étant précisé que la société appelante avait déjà conclu:
- communication des écritures et pièces du salarié à la société appelante au plus tard le 15 décembre 2013,
- écritures éventuelles en réponse de la Poste au plus tard le 15 février 2014.
A l'audience du 15 mai 2014, le conseil de l'intimée a sollicité le renvoi de l'affaire au motif qu'il venait d'être saisi par le délégué Syndical Force Ouvrière qui suivait jusqu'alors le dossier et qu'il n'était pas en possession de toutes les pièces utiles à la défense de sa cliente.
Le conseil de la SA La POSTE a exposé que, par déontologie, il n'était pas pas en mesure de plaider l'affaire mais que ses écritures d'appel et ses pièces avaient été communiquées au conseil originaire du salarié en septembre 2013.
Après en avoir délibéré, la cour s'est opposée à la demande de renvoi et a décidé de retenir l'affaire en l'état, par application du décret du 1er octobre 2010,étant observé que lors de la première évocation du dossier le 19 septembre 2013, la cour a accédé à la demande de renvoi du représentant FO du salarié et qu'un calendrier de procédure avait été fixé selon les modalités précédemment exposées.
La cour a fait également observer que le président de la chambre, chargé du suivi de l'affaire, a rappelé les parties à leurs obligations par lettre du 30 avril 2014.
Dans ses observations orales devant la cour, le conseil de l'intimée se réfère aux moyens développés en première instance aux termes desquels Madame [L] [N] considère qu'elle devait bénéficier d'un "complément poste" du même montant que celui versé à un collaborateur fonctionnaire auquel elle se comparait, en l'espèce Madame [P], entrée pour sa part au service de La Poste le 23 septembre 1982 et ayant exercé les fonctions de Facteur niveau 1.3;
Vu les conclusions en date du 15 mai 2014, au soutien de ses observations orales, par lesquelles la SA La POSTE demande à la cour :
- d'infirmer le jugement déféré,
- de rejeter l'intégralité des demandes présentées par Madame [L] [N],
- de condamner Madame [L] [N] au paiement d'une indemnité de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Considérant que le principe " à travail égal, salaire égal", notamment repris par les articles L.3221-2 et suivants du code du travail, impose à tout employeur d'assurer, pour un même travail ou pour un travail de valeur égale, une égalité de rémunération entre les salariés ;
Que, cependant, ce principe ne prohibe pas toute différence, dès lors que l'employeur peut justifier une différence apparente de traitement au regard d'une identité de situation, notamment pour tenir compte de l'ancienneté, de l'expérience acquise ou de la réalisation de travaux supplémentaires ;
Qu'il appartient, en conséquence, à l'employeur de démontrer que les différences de traitement sont justifiées par des raisons objectives et pertinentes ;
Considérant qu'il ressort des pièces produites que l'institution du complément poste a fait partie d'un processus général d'harmonisation de la gestion des agents relevant de statuts juridiques différents et percevant, de ce fait, des primes et des indemnités différentes ;
Que ces pièces révèlent, par ailleurs, que l'objet du complément poste a toujours été exclusivement défini, non par référence aux catégories juridiques, mais comme venant rétribuer le niveau de la fonction et la maîtrise du poste ;
Que, notamment, aux termes de l'accord salarial de 2001 il était « convenu que fin 2003 les compléments poste des agents contractuels des niveaux 1-2,1-3 et II-1 [seraient] égaux aux montants des compléments poste des fonctionnaires de même niveau » ;
Considérant que la SA LA POSTE ne conteste pas que, malgré cet accord salarial, le complément poste perçu par des salariés de droit privé peut être inférieur à celui qui est perçu par des fonctionnaires de même niveau effectuant le même travail, mais affirme que la différence est toujours justifiée par le processus de restructuration du système de rémunération visant à le simplifier et à l'unifier par la suppression des primes et indemnités;
Qu'elle explique que le montant supérieur du complément poste de certains fonctionnaires ne résulte que de la cristallisation de leurs primes individuelles auxquelles ils ont renoncé en 1994, cette cristallisation visant à sauvegarder leur situation dans la mesure où, les primes disparaissant, ils perdaient leurs avantages individuels et la rémunération qu'ils avaient acquis dans leurs fonctions antérieures ;
Considérant que l'intimée, en dépit des protestations de principe énoncées oralement par son conseil lors de l'audience du 15 mai 2014, ne verse aux débats aucune pièce et ne fait valoir aucun moyen de droit;
Qu'en première instance, il était simplement soutenu que , salariée de droit privé sa rémunération, au titre du " complément poste", était inférieure à celle perçue par les agents fonctionnaires se trouvant au même niveau de fonctions qu'elle et que dès lors, le principe " à travail égal, salaire égal" se trouvait enfreint;
Considérant que Madame [L] [N] réclame qu'il lui soit attribué le paiement d'un "complément poste" se situant à la borne supérieure du secteur haut des champs de normalité applicables aux fonctionnaires de niveau 3.1;
Que les fonctionnaires bénéficiant de la borne supérieure du secteur haut sont ceux qui:
- dans le cadre des restructurations opérées en 1993, 1994, 1995, ont renoncé aux primes dont ils étaient antérieurement bénéficiaires,
- ont une grande ancienneté favorisant la maîtrise du poste,
- ont un parcours de carrière exemplaire, notamment sans appréciations défavorables de nature à bloquer ou à réduire leur "complément poste".
Que Madame [L] [N] n'est pas dans une situation identique à la leur dans la mesure où elle n'était pas présente en 1993, 1994 et 1995, de sorte qu'elle n'a pas eu à renoncer à un système de primes et indemnités;
Qu'en outre, son ancienneté plus faible et son parcours professionnel ne sont pas davantage comparables à ceux des fonctionnaires relevant du secteur haut des champs de normalité;
Qu'il convient également de préciser que de très nombreux fonctionnaires bénéficient d'un "complément poste" situé à la borne supérieure du secteur haut du champ de normalité;
Qu'au cas particulier, le montant annuel du "complément poste" perçu par Madame [L] [N] (2 032 euros en 2012 et 2 089 euros en 2013) conduit à la placer dans le secteur médian au regard du champ de normalité applicable aux fonctionnaires de niveau 2.3.
Qu'il est manifestement établi que le "complément poste" dont a bénéficié Madame [L] [N] est identique à celui d'un fonctionnaire occupant les mêmes fonctions et le même niveau de classification;
Si des divergences de montant de "complément poste" peuvent exister entre fonctionnaires et salariés, mais également entre fonctionnaires eux-mêmes, ceci s'explique notamment à raison des primes et indemnités dont pouvaient bénéficier individuellement certains fonctionnaires présent, à raison de leur ancienneté, au moment de la création du " complément poste", lesquels ont alors vu leurs primes et indemnités être cristallisées pour être supprimées et remplacées par ce complément indemnitaire, permettant ainsi un maintien de leur rémunération pour compenser la perte des primes et indemnités. Cette occurrence est conforme aux principes définis par la Cour de cassation pour caractériser la raison objective et pertinente requise.
Considérant en conséquence, que la société appelante justifie individuellement de la différence constatée entre le montant du "complément poste" de l'intimée et celui des fonctionnaires auxquels elle entendait se comparer;
Que la SA La Poste produit les référents utiles permettant le contrôle par le juge de la bonne application du principe " à travail égal, salaire égal";
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les différences de montant du complément poste relevées par le salarié sont fondées sur des critères objectifs et pertinents (différences de fonction ou d'ancienneté) et que, dès lors, rien ne démontre que la SA LA POSTE ne respecte pas le principe « à travail égal, salaire égal » ;
Qu'il y a lieu, en conséquence, d'infirmer le jugement déféré et de débouter la salariée de l'ensemble de ses demandes ;
Considérant qu'il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais non compris dans les dépens qu'elles ont dû exposer pour la procédure de première instance et d'appel ; que les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile doivent, en conséquence, être rejetées ;
Considérant qu'il y a également lieu de condamner la salariée aux dépens de première instance et d'appel ;
PAR CES MOTIFS :
DÉCLARE recevable l'appel interjeté par la SA La POSTE,
INFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
DÉBOUTE Madame [L] [N] de l'ensemble de ses demandes,
DÉBOUTE la SA La POSTE de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ,
CONDAMNE Madame [L] [N] aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
L. CAPARROS P. LABEY