Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 2
ARRÊT DU 04 JUILLET 2014
(n° 2014- , 10 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 12/21888
Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Novembre 2012 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 11/08481
APPELANTE
FÉDÉRATION FRANÇAISE DE LA MONTAGNE ET DE L'ESCALADE
Agissant en la personne de son représentant légal
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représentée par Me Samuel CHEVRET de la SELARL MEZERAC - CHEVRET & Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : A0729
Assistée par Maître Franck LAGARDE, avocat au barreau de LIMOGES
INTIMÉE
CONFÉDÉRATION NATIONALE DES EDUCATEURS SPORTIFS DES SALARIES DU SPORT ET DE L ANIMATION
Prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Marc CHARTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : C0184
COMPOSITION DE LA COUR :
Madame Anne VIDAL, présidente de chambre, ayant été entendue préalablement en son rapport dans les conditions de l'article 785 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 mai 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Anne VIDAL, présidente de chambre
Madame Françoise MARTINI, conseillère
Madame Marie-Sophie RICHARD, conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Madame Malika ARBOUCHE
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Anne VIDAL, présidente de chambre et par Monsieur Guillaume LE FORESTIER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :
Suivant acte d'huissier en date du 25 mai 2011, la Confédération nationale des éducateurs sportifs (CNES) qui fédère les syndicats d'enseignement sportifs professionnels qui regroupent les enseignants exerçants diverses disciplines sportives et sous différents statuts, a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Paris la Fédération française de montagne et escalade (FFME), fédération agréée délégataire d'une mission de service public, pour voir faire injonction à la défenderesse de ne plus utiliser ni laisser utiliser les titres protégés par les articles L 212-1 et L 212-8 du code du sport, d'entraîneur et d'animateur, pour la mise en place de diplômes fédéraux d'enseignement, de rappeler cette interdiction dans tous les formulaires, brochures, tarifs, correspondances, mailings, publicités ou autres documents et de justifier par la production d'un constat d'huissier de la mise en conformité de son site et de la modification de l'intitulé des diplômes, avec publication du jugement et diffusion sur le site internet de la défenderesse, outre sa condamnation à lui verser une somme de 50.000 € euros à titre de dommages et intérêts.
Le tribunal de grande instance de Paris a, par jugement en date du 6 novembre 2012, rejeté la fin de non-recevoir opposée par la FFME à raison de la prescription de l'action et fait injonction à celle-ci de ne plus faire usage dans l'intitulé de ses diplômes fédéraux d'un des titres protégés au sens des articles L 212-1 et L 212-8 du code du sport et de ne plus en faire usage sur son site internet ainsi que sur tous documents utilisés, sous astreinte de 150 € par infraction constatée. Il a ordonné la publication du jugement par extraits, à la charge de la défenderesse, dans le périodique Direct Cîmes de la FFME, sans que le coût de chaque publication excède la somme de 1.500 €, ainsi que son affichage, pendant deux mois, dans son local d'accueil et son site internet. Il l'a condamnée à verser à la CNES une somme de un euro à titre de dommages et intérêts et celle de 1.500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Il a retenu que le texte de l'article L 212-8 du code du sport interdit à toute personne d'exercer contre rémunération l'une des fonctions de professeur, moniteur, éducateur, entraîneur ou animateur d'une activité physique ou sportive ou de faire usage de ces titres ou de tout autre similaire sans posséder la qualification requise au I de l'article L 212-1, ce qui inclut l'interdiction d'user de ces titres protégés, même sans rémunération. Il a écarté l'objection formulée par la FFME selon laquelle l'interdiction sollicitée l'empêcherait d'exercer son action de formation en retenant qu'elle pouvait employer le terme d'enseignant fédéral bénévole.
La FFME a interjeté appel de cette décision suivant déclaration en date du 4 décembre 2012.
Par arrêt en date du 7 juin 2013, la cour, saisie d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par la FFME, a ordonné la transmission à la Cour de cassation de la question suivante : « Les dispositions de l'article L 212-8 du code du sport sont-elles contraires au principe de légalité des délits et des peines tel qu'il résulte de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, ainsi que de l'objectif à valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi ' ». Par décision en date du 7 août 2013, la Cour de cassation a déclaré la question prioritaire irrecevable, l'ordonnance du 23 mai 2006 créant le code du sport n'ayant fait l'objet d'aucune ratification législative, de sorte que les dispositions en cause ont un caractère réglementaire et ne sont pas au nombre des dispositions législatives visées par l'article 6-1 de la Constitution et de l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958.
----------------------
La FFME, aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 23 avril 2014, demande à la cour de :
A titre liminaire,
Dire que l'appréciation de la légalité de l'article L 212-8 du code du sport soulève une difficulté sérieuse qui échappe à la compétence du juge judiciaire et inviter en conséquence les parties à saisir le Conseil d'Etat de la question préjudicielle portant sur la légalité de cette disposition,
A titre principal,
Dire l'appel de la FFME recevable et bien fondé,
Infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, dire que l'incrimination d'usage de titres protégés prévue à l'article L 212-8 du code du sport ne s'applique qu'à l'enseignement du sport contre rémunération, que la FFME est dès lors fondée à faire usage des titres visés par ce texte pour dénommer ses diplômes d'enseignement bénévole et qu'il ne peut lui être fait reproche de ne pas respecter les dispositions du code de la consommation,
Débouter en conséquence la CNES de toutes ses demandes,
A titre subsidiaire,
Vu l'article 1382 du code civil,
Dire que le préjudice dont se prévaut la CNES, en particulier le préjudice matériel, n'est pas établi et confirmer en conséquence le jugement en ce qu'il a fixé les dommages et intérêts à la somme de un euro,
Dire n'y avoir lieu à publication de la décision,
En tout état de cause,
Condamner la CNES à lui payer la somme de 5.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle fait valoir les moyens suivants :
Tant que l'article L 212-8 du code du sport n'a pas été ratifié par le législateur, le délit d'usage d'un titre protégé en matière d'enseignement sportif doit être regardé comme édicté par une autorité incompétente, et la cour peut, soit estimer que la légalité de ce texte échappe à sa compétence et inviter les parties à saisir le Conseil d'Etat d'une question préjudicielle, soit s'estimer compétente pour constater elle-même cette illégalité en se fondant la nouvelle jurisprudence du Tribunal des conflits du 17 octobre 2011, SCEA du Chéneau ;
La FFME est une fédération agréée à laquelle la loi donne compétence pour assurer la formation et le perfectionnement de ses cadres ;
Les titulaires des diplômes délivrés par la FFME en vue d'un enseignement bénévole n'entrent pas dans le champ d'application de l'article L 212-8, ainsi que cela ressort d'un courrier du Ministère du sport du 14 avril 2011 confirmé par un nouveau courrier du 22 novembre 2012, postérieur au jugement du tribunal de grande instance de Paris, cet article ne s'appliquant qu'aux personnes exerçant moyennant rémunération ; le ministère indique à cet égard qu'à supposer, comme l'a retenu le tribunal, que l'article 212-8 prévoit deux cas distincts, dont celui du simple usage sans rémunération, cette proposition, en ce qu'elle énonce, « sans posséder la qualification requise au I de l'article 212-1 » démontre que cette situation entre dans le champ de l'encadrement contre rémunération ; d'ailleurs, l'article L 212-8 est inséré dans le chapitre II du Titre I du livre II du code du sport intitulé « enseignement du sport contre rémunération. » et, depuis la loi du 6 août 1963 modifiée, seule la profession d'éducateur physique ou sportif contre rémunération est réglementée, à l'inverse de l'enseignement à titre bénévole ;
certains diplômes existent sous leurs intitulés actuels depuis plusieurs dizaines d'années, sans que personne n'y ait trouvé à redire ;
les textes pénaux étant d'interprétation stricte, le juge ne peut sanctionner lorsque le texte est imprécis, ce qui est le cas en l'espèce puisque l'incrimination ne vise pas expressément les enseignants bénévoles et l'intention manifeste du législateur a été de sanctionner l'incursion illégitime dans la sphère de l'enseignement rémunéré, ce qui serait le cas si le titulaire d'un diplôme fédéral entretenait la confusion sur les prérogatives attachées à ce diplôme ; et c'est la spécificité des enseignants bénévoles dans le domaine du sport qui a amené le législateur à prévoir l'incrimination spécifique de l'article L 212-8, alors qu'il existe dans le code pénal un article 433-17 qui sanctionne l'usage sans droit d'un titre attaché à une profession réglementée ;
à défaut, les diplômes délivrés par les fédérations ne pourraient recevoir aucune dénomination, d'autant que l'article L 212-8 vise « tout autre titre similaire ».
Elle ajoute que les agissements de la fédération ne tomberaient sous le coup des articles L 111-2 et L 121-1 du code de la consommation que si l'usage du titre était fondé sur une volonté délibérée de tromper le public, alors qu'en l'espèce, tant la fédération que les titulaires des diplômes qu'elle délivre sont fondés à penser, compte tenu de la position du ministère, qu'ils sont dans leur bon droit, que les titulaires des diplômes fédéraux ne sont pas des professionnels de sorte que ces dispositions ne sont pas applicables et que les seuls cas d'application de ces dispositions dans le domaine du sport l'ont été pour sanctionner des enseignements contre rémunération et une présentation trompeuse des titres de l'enseignant.
Elle termine en rappelant que le préjudice ne peut être évalué forfaitairement et doit correspondre au préjudice matériel démontré.
La CNES, en l'état de ses dernières écritures signifiées le 6 mai 2014, demande à la cour de :
confirmer partiellement le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris et y ajoutant,
juger que la FFME est fautive dans le fait de mettre en place des diplômes fédéraux bénévoles comportant l'utilisation abusive des titres d'enseignement légalement protégés (moniteur, entraineur et instructeur) et d'en assurer publiquement la promotion au moyen de son site Internet ou de tout autre support,
dire que les diplômes fédéraux créés par la défenderesse ne doivent pas comporter l'utilisation d'un titre d'enseignement protégé au sens des articles L 212-1 et L 212-8 du code du sport, dispositions qui protègent ces titres indépendamment de toute notion de rémunération de l'enseignement (enseignement professionnel ou bénévole), et qu'ils doivent être exempts de tout risque de confusion au sens du code de la consommation, qu'il s'agisse des prestations d'enseignement et/ou d'encadrement, ou de la formation des bénévoles dont la fédération assure la promotion,
dire la fédération entièrement responsable et tenue de réparer l'entier dommage,
lui faire injonction de ne plus utiliser ou laisser utiliser les titres protégés pour la mise en place de diplômes fédéraux d'enseignement et rappeler que l'interdiction s'applique pour tous les formulaires, brochures, tarifs, correspondances, mailings publicités ou autres documents, le tout sous astreinte de 500 € par infraction constatée,
lui enjoindre de justifier, par la production d'un constat d'huissier communiqué au demandeur, de la mise en conformité de son site internet fédéral, avec une modification de l'intitulé des diplômes, sous 15 jours à compter de la signification de la décision, à défaut sous astreinte de 500 € par jour de retard,
ordonner la publication de la décision, sans commentaires, dans le périodique Direct Cîmes de la FFME et son affichage dans le local d'accueil de la défenderesse, pendant 6 mois, ainsi que sur son site internet, à la page d'accueil, le tout constaté par huissier aux frais de la défenderesse,
la condamner à lui payer les sommes respectives de 50.000 € et de un euro symbolique de dommages et intérêts en réparation du préjudice matériel et du préjudice moral causés à l'intérêt collectif de la profession d'enseignant, outre une somme de 5.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle soutient, pour l'essentiel de ses explications :
la FFME avait déjà invoqué par voie d'incident un renvoi préjudiciel mais cette demande a été rejetée par ordonnance en date du 16 janvier 2014 qui, à défaut d'avoir été déférée à la cour, ne peut donner lieu à discussion ; au demeurant, la question préjudicielle constitue une exception de procédure pour laquelle s'appliquent les dispositions de l'article 74 du code de procédure civile ;
c'est sur le fondement, tant des articles L 212-1 et L 212-8 du code du sport (qui reprennent à droit constant les dispositions législatives figurant au code de l'éducation nationale) que des articles L 111-2 et L 121-1 du code de la consommation (destinés à protéger les élèves en prévoyant que le respect des titres est un élément essentiel de la prestation fournie) qu'elle agit contre la FFME ; que les décisions rendues au pénal sur ces fondements ne se posent pas la question de la rémunération de l'enseignant ;
l'article L 212-8 du code du sport sanctionne l'usage des titres, indépendamment de toute rémunération : le fait qu'il se situe dans un chapitre dénommé « enseignement du sport contre rémunération » n'est pas un argument pertinent car ce chapitre comporte nombre de dispositions applicables à l'enseignement bénévole ; l'argument selon lequel une norme pénale s'interprète strictement est sans effet car le texte est précis et la juridiction saisie est une juridiction civile ; la position du ministère contrevient aux textes et a pour finalité de faire pression sur le cours de la justice, outre le fait qu'elle est en contradiction avec une instruction du 7 mars 1994 prohibant l'utilisation des titres protégés, indépendamment de toute rémunération ;
en tout état de cause, derrière le bénévolat, se cachent des rémunérations déguisées pour les enseignants et le club perçoit une contrepartie de l'élève (cotisations, droits de jeu, abonnements, etc') ;
même si la notion de « titre similaire » était jugée imprécise, il n'en demeure pas moins que les titres de moniteur, entraineur et instructeur sont précis et que c'est leur usage qui est l'objet du litige ; la FFME pourrait utiliser le titre d'enseignant qui est un terme générique non protégé et ajouter les mots « fédéral bénévole », comme cela est pratiqué par d'autres fédérations ou clubs ;
quand bien même l'article L 212-8 du code du sport serait discuté dans son application, il conviendrait d'appliquer l'article 433-17 du code pénal qui condamne toute utilisation d'un titre protégé, indépendamment de la notion de rémunération comme l'a souligné le ministère public dans ses conclusions sur la QPC ;
enfin, les dispositions du code de la consommation ont vocation à s'appliquer, même à l'égard d'un particulier ou d'une association, dès lors que la publicité crée un risque de confusion ;
sur les préjudices, l'usage illicite des titres induit une concurrence déloyale au préjudice des enseignants brevetés dont la CNES constitue une organisation professionnelle représentative.
La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 15 mai 2014.
MOTIFS DE LA DECISION :
Sur la question de l'illégalité de l'article L 212-8 du code du sport :
Considérant que c'est en vain que la Fédération Française de montage et escalade soulève une question préjudicielle et demande à la cour d'inviter les parties à saisir le Conseil d'Etat de la question de la légalité de l'article L 212-8 du code du sport, dès lors que cette demande a d'ores et déjà été rejetée par une ordonnance du conseiller de la mise en état du 16 janvier 2014 qui n'a pas été déférée à la cour en application de l'article 916 du code de procédure civile et qu'au demeurant, s'agissant d'une exception de procédure, cette demande aurait dû être formulée devant les premiers juges avant toute défense au fond ;
Qu'il n'y a pas lieu pour la cour de se considérer comme compétente pour apprécier la légalité de ces dispositions, la possibilité pour le juge civil d'opérer un contrôle de légalité de l'acte administratif ne pouvant être retenue que pour autant qu'il apparaît manifestement, au regard d'une jurisprudence établir, que la contestation peut être accueillie par le juge saisi au principal ; que la fédération met en question la légalité de l'article L 212-8 au motif qu'en dépit du caractère réglementaire qui lui a été reconnu par la Cour de cassation à défaut de ratification du projet de loi portant codification du code du sport, il pose une incrimination pénale qui ressortit au domaine de la loi ; mais que force est de constater que cet article, comme l'article L 212-1 auquel il fait référence, constituent la reprise, à droit constant, dans le cadre de la codification des textes en matière de sport, des dispositions des articles 43 et 49 de la loi du 16 juillet 1984 modifiée notamment par la loi du 6 juillet 2000, elles-mêmes intégrées dans le code de l'éducation aux articles L 363-1 et L 463-7 en suite de la loi de ratification du 14 avril 2003 ;
Sur le fond :
Considérant que la CNES fait grief à la Fédération Française de montagne et escalade de présenter, sur son site internet, des formations d'enseignant bénévole en usurpant les titres de moniteur, entraineur et instructeur et demande qu'il lui soit fait interdiction de faire une utilisation qu'elle juge abusive de ces titres protégés ;
Qu'elle fonde sa demande à titre principal sur les dispositions de l'article L 212-8 du code du sport, soutenant que ces titres sont légalement protégés et qu'ils ne peuvent être utilisés, indépendamment de toute condition de rémunération de l'enseignement, par une personne qui ne remplit pas les conditions de diplôme énoncées par l'article L 212-1 ;
Que l'article L 212-1 du code du sport (ancien article L 363-1 du code de l'éducation) prévoit dans son I :
'Seuls peuvent, contre rémunération, enseigner, animer ou encadrer une activité physique ou sportive ou entraîner ses pratiquants, à titre d'occupation principale ou secondaire, de façon habituelle, saisonnière ou occasionnelle, sous réserve des dispositions du quatrième alinéa du présent article et de l'article L 212-2 du présent code, les titulaires d'un diplôme, titre à finalité professionnelle ou certificat de qualification :
1°) garantissant la compétence de son titulaire en matière de sécurité des pratiquants et des tiers dans l'activité considérée,
2°) et enregistré au répertoire national des certifications professionnelles dans les conditions prévues au II de l'article L 335-6 du code de l'éducation.';
Que l'article L 212-8 (ancien article L 463-7 du code de l'éducation) dispose :
'Est puni d'un an d'emprisonnement et de 15.000 euros d'amende, le fait pour toute personne :
1°) d'exercer contre rémunération l'une des fonctions de professeur, moniteur, éducateur, entraîneur ou animateur d'une activité physique ou sportive ou de faire usage de ces titres ou de tout autre titre similaire sans posséder la qualification requise au I de l'article L 212-1 ou d'exercer son activité en violation de l'article L 212-7 sans avoir satisfait aux tests auxquels l'autorité administrative l'a soumise ;
2°)(...);'
Considérant que les parties font une lecture différente des dispositions de l'article L 212-8 ; que s'agissant d'un texte de nature pénale, il convient de rappeler qu'i doit être interprété de manière stricte ;
Que le tribunal a, dans son analyse de la rédaction du texte de l'article L 212-8, retenu qu'il envisageait deux hypothèses distinctes et séparées par la conjonction 'ou' dans lesquelles les sanctions pénales devaient s'appliquer, la première tenant en l'exercice contre rémunération des fonctions de professeur, moniteur, éducateur, entraîneur ou animateur d'une activité physique ou sportive, la seconde tenant en l'usage de ces titres ou de tout titre similaire, sans condition de rémunération ;
Mais que cette analyse est contredite par l'emplacement de la mention ' sans posséder la qualification requise au I de l'article L 212-1 ' dont il n'est pas discutable qu'elle se rapporte bien aux deux termes précédents, à savoir l'exercice contre rémunération et l'usage des titres, faisant donc de l'incrimination un tout indivisible en lien avec l'article L 212-1 I qui réglemente l'enseignement contre rémunération ;
Qu'il convient par ailleurs de constater que l'article L 212-8 se trouve inséré dans le chapitre II du code du sport intitulé 'Enseignement du sport contre rémunération' qui édicte, dans quatre sections, l'ensemble des règles qui, sauf dispositions contraires, ne sont applicables qu'à l'exercice rémunéré de l'enseignement du sport ; que dans ce chapitre, seul l'article L 212-9, placé en section II dénommée 'Obligation d'honorabilité', énonce des règles applicables à l'exercice des fonctions à titre rémunéré ou bénévole, mais que cette extension à l'exercice bénévole est expressément prévue par le texte, ce qui n'est pas le cas dans l'article L 212-8 ; qu'aucun des autres articles figurant dans les quatre sections du chapitre II ne s'applique à un exercice bénévole ; que l'article L 212-8, qui conclut la section I intitulée 'Obligation de qualification', constitue le volet pénal des dispositions relatives à l'obligation de qualification qui n'est imposée que pour l'enseignement d'une activité physique ou sportive rémunérée, l'enseignement dispensé de façon bénévole n'impliquant pas la possession d'un diplôme ou titre particulier ; qu'il doit être déduit de l'ensemble de ces éléments que le champ d'application de cet article est limité aux seules activités nécessitant une qualification et donc aux seules activités d'enseignement exercées contre rémunération, à l'exclusion de celles exercées à titre bénévole ;
Que c'est la lecture qui en a été faite par le Conseil d'Etat qui, dans son arrêt du 16 novembre 2007, a rejeté la requête en annulation de l'arrêté du 15 décembre 2006 portant création de la mention 'rugby à XV' du diplôme d'Etat de la jeunesse, de l'éducation populaire et du sport spécialité 'perfectionnement sportif' présentée par la CNES en retenant, au regard de la combinaison des articles L 212-1 et L 212-8 du code du sport, que les dispositions de cet arrêté prises au bénéfice, notamment, des titulaires du brevet fédéral d'entraîneur ou du brevet fédéral d'éducateur délivré par la Fédération française de rugby, n'avaient pas 'pour effet de permettre aux titulaires de ces diplômes de faire un usage usurpé des titres mentionnés à l'article L 212-8 du code du sport' ;
Qu'il convient à cet égard de rappeler que les fédérations sportives agréées sont chargées, aux termes de l'article L 211-2 du code du sport, d'assurer la formation et le perfectionnement de leurs cadres et qu'elles délivrent, soit des diplômes correspondant aux conditions de l'article L 212-1 I lorsque les fonctions sont exercées à titre rémunéré, soit des diplômes obtenus à l'issue d'une formation ou par validation des expériences acquises lorsqu'il s'agit de l'exercice d'une activité à titre bénévole, dans le cadre de structures ne poursuivant pas de but lucratif ; qu'interdire aux fédérations d'utiliser les termes de 'professeur', 'moniteur', 'éducateur', 'entraîneur' ou 'animateur', ou de tout autre titre similaire, pour les diplômes délivrés à ses enseignants bénévoles serait de nature à leur interdire d'assurer leur mission de formation dans le cadre du bénévolat, l'utilisation du terme générique d'enseignant proposé par la CNES ne permettant pas de qualifier le niveau de formation et les conditions d'exercice du diplôme décerné ;
Considérant que la CNES invoque subsidiairement, si la cour ne retenait pas la lecture qu'elle fait de l'article L 212-8 du code du sport et considérait qu'il ne sanctionne l'usage des titres protégés que dans le cadre d'un exercice rémunéré des fonctions d'enseignement, les dispositions de l'article 433-17 du code pénal qui sanctionne l'usage, sans droit, d'un titre attaché à une profession réglementée par l'autorité publique ;
Mais qu'il a été vu plus haut que le code du sport prévoit expressément, dans son article L 211-2, la possibilité pour les fédérations de délivrer des diplômes d'enseignement différents selon que l'activité d'enseignement est exercée de manière rémunérée ou de manière bénévole, de sorte qu'il ne peut être considéré que l'usage de l'un des titres qualifiant l'enseignement sportif par des enseignants bénévoles, titulaires du diplôme fédéral délivré par les fédérations en application de l'alinéa 3 de cet article, serait un usage 'sans droit' ;
Considérant que la CNES fait enfin référence aux articles L 111-2 (ancien article L 111-1) et L 121-1 du code de la consommation en soutenant qu'il appartient aux fédérations de mettre les consommateurs en mesure de connaître la qualification de l'intervenant dont elles proposent les services aux élèves et que l'appellation retenue dans la publicité faite par les fédérations occasionne une confusion sur les qualités de l'enseignant ;
Que l'article L 111-2 du code de la consommation dans sa rédaction issue de la loi du 23 juillet 2010 dispose : ' Tout professionnel prestataire de services doit avant la conclusion du contrat et, en tout état de cause, lorsqu'il n'y pas de contrat écrit, avant l'exécution de la prestation de services, mettre le consommateur en mesure de connaître les caractéristiques essentielles du service' ; mais que ces dispositions, invoquées par la CNES au titre de la protection des élèves, ne sont pas applicables en l'espèce dans les relations pouvant exister entre le pratiquant d'un sport adhérent à la fédération et l'enseignant titulaire d'un diplôme fédéral, ce dernier ne pouvant être considéré, en raison du caractère bénévole de son intervention et de l'absence de toute relation à caractère commercial avec son élève, comme un professionnel prestataire de service au sens de ces dispositions ;
Que l'article L 121-1 du code de la consommation considère comme trompeuse toute pratique commerciale créant une confusion avec un autre bien ou service, une marque, un nom commercial, ou un autre signe distinctif d'un concurrent ou reposant sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur sur les caractéristiques essentielles du bien ou du service ; que c'est à tort que la fédération soutient que ces dispositions ne seraient pas applicables en l'espèce au motif qu'elles ne concerneraient que des professionnels et non des bénévoles ou des particuliers intervenant dans le cadre d'une activité à but non lucratif, dès lors qu'il est admis que le texte ne fait aucune distinction entre le caractère lucratif ou non lucratif du service proposé et qu'il s'applique à l'annonceur, même s'il s'agit d'un particulier ; mais qu'il ressort des extraits du site internet de la Fédération française de montagne et escalade produits par la CNES et constituant selon elle les supports de la publicité trompeuse faite par celle-ci, que sont présentés au lecteur les différents diplômes fédéraux dispensés par la fédération, les compétences requises, les modalités d'obtention du diplôme et les conditions de la formation offerte aux éventuels candidats, sans qu'il en ressorte, tant à l'égard des futurs diplômés qu'à l'égard des pratiquants susceptibles d'être encadrés ou entraînés par les entraîneurs, animateurs ou initiateurs fédéraux, une présentation erronée ou trompeuse de nature à faire naître une quelconque confusion sur les prestations offertes ;
Considérant qu'il convient en conséquence d'infirmer le jugement déféré et de débouter la CNES de toutes ses demandes ;
Vu les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Vu les dispositions de l'article 696 du code de procédure civile,
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement, contradictoirement,
Dit n'y avoir lieu à question préjudicielle sur la question de la légalité de l'article L212-8 du code du sport ;
Infirme le jugement déféré et déboute la Confédération nationale des éducateurs sportifs (CNES) de toutes ses demandes ;
Condamne la Confédération nationale des éducateurs sportifs (CNES) à verser à la Fédération française de montagne et escalade une somme de 1.500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
La condamne aux dépens d'appel lesquels seront recouvrés dans les formes et conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT