RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 10
ARRÊT DU 09 Septembre 2014
(n° , 04 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/06503
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 28 Janvier 2010 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS section activités diverses RG n° 08/12029
APPELANTE
Madame [C] [V] épouse [W]
[Adresse 2]
[Localité 1]
comparante en personne
assistée de Me Mohamed EL ACCAD, avocat au barreau de PARIS, toque : G0213
INTIMEE
ECOLE IRAKIENNE DE [Localité 3]
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Me Hussein MAKKI, avocat au barreau de PARIS, toque : D1930
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 13 Mai 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Claudine PORCHER, présidente
Madame Marie-Aleth TRAPET, conseiller
Madame Aline BATOZ, vice présidente placée faisant fonction de conseiller par ordonnance du Premier Président en date du 17 mars 2014
qui en ont délibéré
Greffier : Mme Caroline CHAKELIAN, lors des débats
ARRET :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Claudine PORCHER, présidente et par Madame Caroline CHAKELIAN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
Madame [C] [V] épouse [W], a formé appel d'un jugement prononcé le 28 janvier 2010 par le conseil de prud'hommes de Paris, en sa section Activités diverses, lequel a jugé « irrecevables comme ayant déjà fait l'objet de condamnation dans une audience précédente par jugement du 3 octobre 2006, les demandes ayant trait aux indemnités de préavis, de licenciement, de licenciement sans cause réelle et sérieuse et à la remise des certificat de travail, bulletins de paye, attestation Pôle Emploi et attestation prévoyance » et condamné l'ECOLE IRAKIENNE DE [Localité 3] à payer à son ancienne salariée - professeur de langue arabe - une somme de 3 000 € au titre de la liquidation de l'astreinte visée par le précédent jugement, débouté Madame [W] du surplus de sa demande et condamné l'ECOLE IRAKIENNE DE [Localité 3] aux dépens.
Madame [W] conclut à l'infirmation du jugement du 28 janvier 2010. Elle sollicite la condamnation de l'ECOLE IRAKIENNE DE [Localité 3] au paiement d'une somme de 55 120 € (soit 689 jours x 80 €) au titre de la liquidation d'astreinte pour la période du 10 janvier 2007 au 28 février 2008, date de la saisine du conseil de prud'hommes pour obtenir la liquidation de cette astreinte. Elle réclame également 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
L'ECOLE IRAKIENNE DE [Localité 3] conclut, pour sa part, à la confirmation partielle du jugement en ce qu'il a déclaré irrecevables les demandes des indemnités, comme ayant déjà fait l'objet de condamnations par un jugement antérieur, et, statuant sur l'astreinte, de constater que l'obligation a été exécutée avant le point de départ de l'astreinte et, subsidiairement, de constater que l'inexécution de l'obligation est due à une cause étrangère, dans tous les cas, de confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a liquidé l'astreinte à la somme de 3 000 €. Enfin, l'intimée réclame une somme de 1 500 € au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour.
Pour plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier, reprises et complétées lors de l'audience des débats.
SUR QUOI, LA COUR,
Sur la demande de liquidation de l'astreinte
Considérant qu'en vertu de l'article L. 131-3 du code des procédures civiles d'exécution, l'astreinte, même définitive, est liquidée par le juge de l'exécution, sauf si le juge qui l'a ordonnée reste saisi de l'affaire ou s'en est expressément réservé le pouvoir ; que selon l'article L. 131-4 du même code, le montant de l'astreinte provisoire est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l'injonction a été adressée et des difficultés qu'il a rencontrées pour l'exécuter, le taux de l'astreinte définitive ne pouvant jamais être modifié lors de sa liquidation ; que l'astreinte provisoire ou définitive est supprimée en tout ou partie s'il est établi que l'inexécution ou le retard dans l'exécution de l'injonction du juge provient, en tout ou partie, d'une cause étrangère ;
Considérant qu'il résulte des termes du dispositif du jugement du 3 octobre 2006 que le conseil de prud'hommes de Paris s'était expressément réservé le droit de liquider l'astreinte de 20 € par jour et par document assortissant sa condamnation à la remise à Madame [W] d'un certificat de travail, d'une attestation ASSEDIC, des bulletins de paie et d'une attestation de prévoyance ;
Considérant que le conseil de prud'hommes s'étant réservé la liquidation de l'astreinte, il appartient à la chambre sociale de la cour d'appel de statuer sur l'appel formé par Madame [W] à l'encontre du jugement ayant liquidé cette astreinte à la somme de 3 000 €, la notification du jugement étant intervenue le 26 décembre 2006, comme mention en est faite sur la décision ;
Considérant que lorsqu'une astreinte assortit une décision de condamnation à une obligation de faire, il incombe au débiteur condamné de rapporter la preuve de l'exécution conforme, dans le délai imparti, de cette obligation ;
Considérant que l'ECOLE IRAKIENNE DE [Localité 3] n'établit pas avoir remis à Madame [W] les documents sociaux, en exécution du jugement ordonnant cette remise ; qu'elle indique avoir tenu les documents à la disposition de la salariée ; que dans ces conditions, elle sollicite la suppression de l'astreinte pour exécution de l'obligation dans le délai, et, dans le même temps, pour « inexécution de l'astreinte pour cause étrangère » ;
Considérant que l'intimée soutient qu'elle apporte « la preuve des circonstances pouvant caractériser la cause étrangère », cette cause étrangère consistant à ses yeux dans le fait que, durant cinq années, Madame [W] n'a fait aucune démarche ni action pour obtenir les documents en question, se contentant de multiplier les procédures devant le conseil de prud'hommes qui avait au demeurant dû prononcer la radiation de l'affaire le 16 septembre 2008 en raison de l'absence de la salariée à l'audience de plaidoirie ;
Considérant que le conseil de prud'hommes ayant ordonné la remise à la salariée des documents sociaux, il appartenait à l'ECOLE IRAKIENNE DE [Localité 3] de les faire parvenir à Madame [W], et non de l'inviter ' fût-ce par lettres recommandées avec accusé de réception - à venir chercher les documents dans les locaux de l'Ecole ;
Considérant que le montant de l'astreinte provisoire est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l'injonction a été adressée et des difficultés qu'il a rencontrées pour l'exécuter ;
Considérant que les circonstances invoquées par l'ECOLE IRAKIENNE DE [Localité 3] visent le règlement des condamnations prononcées par le conseil de prud'hommes, un règlement échelonné ayant été proposé à Madame [W] en raison de difficultés financières ;
Considérant que la remise à Madame [W] d'un certificat de travail, d'une attestation ASSEDIC, des bulletins de paie et d'une attestation de prévoyance n'a pas d'incidence financière pour le débiteur de l'obligation de délivrance, de sorte que l'ECOLE IRAKIENNE DE [Localité 3] ne justifie pas des difficultés rencontrées pour exécuter l'obligation ainsi mise à sa charge ;
Considérant que les premiers juges ont inversé la charge de la preuve en limitant l'astreinte à la somme de 3 000 € au motif que la demanderesse n'avait pas été en mesure de justifier des actions qu'elle aurait dû entreprendre pour obtenir la remise des documents prévus par le jugement ;
Considérant qu'aucun élément n'est utilement invoqué par l'ECOLE IRAKIENNE DE [Localité 3] pour justifier le retard apporté à l'exécution du jugement du 3 octobre 2006 en ce qui concerne l'obligation de remise des documents sociaux ; qu'aucune difficulté n'est davantage établie qui justifierait l'inexécution de l'obligation mise à sa charge ; qu'aucune minoration du montant de l'astreinte n'est susceptible, dans ces conditions, d'intervenir ;
Considérant que le point de départ de l'astreinte doit être fixé au 17 janvier 2007, soit quinze jours après la notification du jugement l'ordonnant ;
Considérant qu'il est fait droit, dans ces conditions, à la demande présentée par Madame [W] et de liquider l'astreinte à la somme de 55 120 €, soit 689 jours (du 10 janvier 2007 au 28 février 2008), selon les termes de la demande, le calcul opéré n'étant au demeurant pas subsidiairement contesté.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
CONDAMNE l'ECOLE IRAKIENNE DE [Localité 3] à payer à [C] [V], épouse [W], une somme de 55 120 € (cinquante-cinq mille cent vingt euros) ;
DEBOUTE les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE l'ECOLE IRAKIENNE DE [Localité 3] aux dépens.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT