Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 5
ARRÊT DU 11 SEPTEMBRE 2014
(n° , 11 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 12/05684
Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 mars 2012 -Tribunal de Commerce de PARIS - 3ème chambre - RG n° 2009039973
APPELANTE
Société THE SHIPOWNERS MUTUAL PROTECTION AND INDEMNITY ASSOCIATION représentée par ses gérants 'THE SHIPOWNERS PROTECTION LTD'
ayant son siège social [Adresse 9]
& élisant domicile chez Me TEYTAUD [Adresse 5]
Représentée par Me François TEYTAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : J125
Représentée par Me Henri DE RICHEMONT, avocat au barreau de PARIS, toque : J 054
INTIMÉES
SOCIÉTÉ ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALITY SE
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège
venant aux droits de la société ALLIANZ GLOBAL CORPORATE'SPECIALITY FRANCE (SA) par suite de fusion absorption
ayant son siège social [Adresse 10]
[Localité 1]
Société SIAT - SOCIETA ITALIANA ASSICURAZIONI ET RIASSICURAZIONI prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
ayant son siège social [Adresse 11] - ITALIE
SA COVEA RISKS
agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
ayant son siège social [Adresse 3]
SA GENERALI FRANCE ASSURANCES
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
ayant son siège social [Adresse 6]
Société GROUPAMA TRANSPORTS
ayant son siège social [Adresse 1]
Société GROUPAMA TRANSPORTS RÉGION MIDI MÉDITERRANÉE
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
ayant son siège social [Adresse 2]
SA AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCES
agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
ayant son siège social [Adresse 4]
Société SAMAP - SOCIETE D'ASSURANCES MUTUELLE DES ARMATEURS ET PROF. DE LA MER
agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
ayant son siège [Adresse 8]
Représentées par Me Edmond FROMANTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J151
Représentées par Me Gilles GAUTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : P0132
PARTIE INTERVENANTE
SA GAN EUROCOURTAGE venant aux droits des sociétés GROUPAMA TRANSPORTS ET GROUPAMA TRANSPORTS REGION MIDI MEDITERRANEE
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
ayant son siège [Adresse 7]
Représentée par Me Edmond FROMANTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J151
Représentée par Me Gilles GAUTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : P0132
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 20 mars 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Colette PERRIN, Présidente chargée d'instruire l'affaire
Madame Valérie MICHEL-AMSELLEM, Conseillère
Monsieur Olivier DOUVRELEUR, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Madame Emmanuelle DAMAREY
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Colette PERRIN, Présidente et par Monsieur Bruno REITZER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
****
FAITS ET PROCEDURE
La société Bourbon Offshore Surf, ayant son siège social à [Localité 2], est propriétaire d'une flotte de navires dont le navire « Athena », ayant pour mission de fournir assistance aux plateformes de forage situées en pleine mer.
Elle a souscrit deux polices d'assurance, d'une part, une police auprès d'une mutuelle d'armateurs, "The Shipowners Mutual Protection and Indemnity Association" (ci-après la société The Shipowners), couvrant les risques liés à l'exploitation du navire, les dommages de pollution et les frais de retirement de l'épave, d'autre part, une « police française d'assurance maritime sur corps de tous navires », souscrite auprès des sociétés Allianz Global Corporate and Speciality France, Covea Risks, Generali France Assurances, Groupama Transports, AXA Corporate Solution Assurances, Groupama Transports Région Midi Méditerranée, et Société d'Assurance Mutuelle des Armateurs et Professionnels de la mer (les assureurs corps et machines), couvrant le bien que constitue le navire.
Le navire Athena ayant subi une avarie à 15 miles nautiques de la côte du Congo, il a d'abord été remorqué par un autre navire de la flotte jusqu'en rade de Pointe à Pitre où il a chaviré.
Des mesures d'urgence ont alors été prises afin d'éviter un accident écologique et de sauver le navire ; les opérations d'assistance ont été confiées à la société Smit Salvage BV de Rotterdam qui les a acceptées dans le cadre d'un contrat dit Lloyd Open Form (LOF), sur une base "no cure no pay"c'est à dire pas de succès, pas de rémunération, assorti d'une clause « Scopic » qui permettait néanmoins au sauveteur de bénéficier d'une rémunération.
Les sauveteurs ont invoqué la clause Scopic et exigé de la société The Shipowners une garantie de paiement de 3 000 000 USD, que celle-ci a fourni le 3 juillet 2007, en désignant M. [E] comme expert chargé de suivre les opérations d'assistance.
Les opérations de pompage du gazoil contenu dans les soutes se sont terminées le 6 août 2007 ; le 4 septembre 2007, l'armateur a avisé la société Smit Salvage BV qu'il mettait fin à la clause Scopic et le 5 septembre 2007, cette dernière a fait part de son intention de cesser son assistance compte tenu de la perspective de l'absence de résultat utile.
Le 28 décembre 2007, la société The Shipowners a donné une garantie supplémentaire de 6 000 000 USD à la société Smit Salvage BV.
À la suite de ces événements, la société The Shipowners a effectué plusieurs paiements au profit de la société Bourbon qui l'a subrogée dans ses droits.
La société The Shipowners, estimant que, si tous les frais engagés pour éviter une catastrophe naturelle étaient à sa charge, les frais engagés pour sauver le navire étaient à la charge des assureurs corps et machines et leur en a demandé le remboursement.
Le 12 juin 2009, la société The Shipowners a assigné les assureurs corps et machines en paiement de ceux-ci devant le tribunal de commerce de Paris.
Par jugement en date du 8 mars 2012, le tribunal de commerce de Paris a :
- dit les demandes de la société The Shipowners recevables mais non justifiées,
- en conséquence débouté la société The Shipowners de l'ensemble de ses demandes aussi bien pécuniaires que celles relatives à la nomination d'un expert,
- débouté les assureurs corps et machines de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
Vu l'appel interjeté le 27 mars 2012 par la société The Shipowners contre cette décision.
Vu l'appel interjeté le 27 juin 2012 par les assureurs corps et machines contre cette décision.
Par ordonnance en date du 4 avril 2013, la cour d'appel de Paris a ordonné la jonction des deux procédures.
Vu les dernières conclusions, signifiées le 6 mars 2014, par lesquelles la société The Shipowners demande à la cour de :
- recevoir la société The Shipowners dans son appel,
- dire et juger en vertu de l'article 1.3 de la police d'assurance corps, que les assureurs corps et machines couvrent aussi bien les indemnités d'assistance que les dépenses raisonnablement exposées en vue de préserver le navire,
- dire et juger que les assureurs corps et machines ont donné leur accord pour que la clause dite Scopic soit intégrée au contrat d'assistance,
- dire et juger que la clause Scopic, intégrée au contrat d'assistance avec l'accord des assureurs corps et machines, permet à l'assistant de transformer le contrat conclu sur la base « no cure no pay » (« pas de résultat, pas de rémunération ») en contrat d'assistance à forfait,
- dire et juger qu'un contrat d'assistance à forfait ne sort pas du cadre de l'assistance et est couvert par l'article 1.3 de la police corps,
- dire et juger que les assureurs corps et machines reconnaissent que les dépenses engagées pour préserver le navire sont assimilables à un contrat d'assistance à forfait,
- dire et juger que les dépenses engagées pour préserver le navire, et calculées par les sauveteurs sur la base de la clause Scopic incorporée au contrat d'assistance, restent couvertes par l'article 1.3 de la police corps.
- dire et juger qu'en couvrant la clause Scopic, qui peut être invoquée par les sauveteurs même en l'absence de menace à l'environnement, la société The Shipowners n'a pas renoncé à demander aux assureurs corps et machines le remboursement des dépenses engagées pour préserver le navire, couvertes par l'article 1.3 de la police corps et exclues de la couverture du Shipowners P&I Club par la règle 27 du Club,
- dire et juger que « l'indemnité spéciale » de l'article 14 n'est due aux sauveteurs qu'en cas de menace à l'environnement,
- dire et juger que quand les sauveteurs se sont prévalus de la clause Scopic, ils ont droit à une rémunération calculée sur la base de la clause Scopic, même en l'absence de menace à l'environnement,
- dire et juger que l'article 3.3 de la police corps n'exclut aucunement de sa garantie la clause Scopic, cette clause n'étant pas mentionnée à cet article,
- dire et juger que l'article 3.3 de la police corps exclut seulement de sa garantie l'indemnité spéciale de l'article 14 de la Convention de 1989 due aux sauveteurs en cas de dépenses engagées pour préserver l'environnement de toute pollution ainsi que « toute autre disposition de portée semblable »,
- dire et juger que la clause Scopic pouvant être invoquée par les sauveteurs, même en l'absence de menace à l'environnement, n'est pas une disposition « de portée semblable à l'indemnité spéciale » de l'article 14,
- dire et juger en conséquence que la clause Scopic ne tombe pas sous le coup de l'exclusion de l'article 3.3 de la police corps, cette exclusion étant limitée à ce qui relève de la protection de l'environnement et de la lutte contre la pollution,
- dire et juger que seules les dépenses engagées par les sauveteurs sur la base de la clause Scopic pour préserver l'environnement de toute pollution sont d'une disposition de portée semblable à l'indemnité de l'article 14 de la Convention de 1989 et tombent donc sous le coup de l'exclusion de la couverture prévue par l'article 3.3 de la police corps,
- dire et juger que par contre, les dépenses engagées par les sauveteurs sur la base de la clause Scopic et qui ont pour objet de préserver le navire, qui sont couvertes par l'article 1.3 de la police corps, ne tombent pas sous le coup de l'exclusion prévue par l'article 3.3 de la police corps,
- dire et juger que la société The Shipowners, qui couvre les dépenses liées à la protection de l'environnement mais qui ne couvre pas les dépenses liées au sauvetage ou à la préservation du navire, est en droit de se retourner contre les assureurs corps et machines, sur la base de l'article 1134 du code civil, en tant que subrogée dans les droits de son assurée la société Bourbon, pour obtenir le remboursement des sommes payées sur la base de la clause Scopic pour assurer la préservation du navire,
- en conséquence, confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que les dépenses engagées par la société Smit Salvage BV pour préserver le navire sont à la charge des assureurs corps et machines du navire,
- débouter les assureurs corps et machines de leur appel incident demandant à la cour d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que les dépenses liées à la préservation du navire sont à la charge des assureurs corps,
En ce qui concerne le quantum,
- dire et juger que la société The Shipowners, subrogée dans les droits de la société Bourbon, justifie du quantum de sa demande puisque celui-ci correspond au montant des sommes remboursées par la société The Shipowners à son assurée la société Bourbon qui avait réglé les sauveteurs,
- dire et juger que la société The Shipowners a versé aux débats l'intégralité des factures des sauveteurs, la société Smit Salvage BV, ainsi que les rapports de sauvetage de cette société,
dire et juger que Monsieur [N], consulté par la société The Shipowners, a travaillé sur la base des rapports établis par Monsieur [E] en tant que SCR, lesdits rapports étant étayés par des rapports et des factures de la société Smit Salvage BV versés aux débats,
- dire et juger que la répartition proposée par Monsieur [N] entre dépenses engagées pour lutter contre la pollution et les dépenses engagées pour préserver le navire est basée sur le rapport et les documents émanant des sauveteurs, en possession des assureurs corps et machines et non contestés par ces derniers,
- dire et juger que Monsieur [N] propose à juste titre de retenir la somme de 6.391.757,36 USD comme représentant le montant des sommes engagées pour préserver le navire,
- en conséquence, infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société The Shipowners de sa demande pour n'avoir pas justifié du quantum de sa demande,
- condamner les assureurs corps et machines à payer à la société The Shipowners la somme de 6 391 757,36 USD ainsi que les intérêts de droit de cette somme et la somme de 128.624,92 euros représentant les coûts et frais du SCR, ainsi que les intérêts de droit de cette somme,
Subsidiairement, au cas où par impossible la cour considérait qu'il puisse y avoir un doute sur la répartition proposée par Monsieur [N],
- surseoir à statuer et désigner tel expert qu'il plaira à la cour afin qu'il propose, sur la base des rapports tant de Monsieur [E] SCR que de Monsieur [N], ainsi que des factures de la société Smit Salvage BV versées aux débats, une répartition entre dépenses engagées pour préserver le navire et dépenses engagées pour lutter contre la pollution,
- condamner les assureurs corps et machines à 200 000 euros sur la base de l'article 700 du code de procédure civile
La société The Shipowners considère que la présence d'une clause Scopic dans un contrat d'assistance LOF « no cure no pay » fait de ce contrat un contrat d'assistance à forfait, couvert par l'article 1.3 de la police corps des assureurs.
Elle estime que dans le cadre des frais d'assistance dus au regard de la clause Scopic, qui peut jouer même en l'absence de péril pour l'environnement, seuls ceux relatifs à la préservation de l'environnement doivent être à sa charge, et que ceux relatifs à la préservation du navire pèsent sur les assureurs corps et machines.
Elle estime justifier du quantum de sa demande par les lettres de subrogation adressées par la société Bourbon après le règlement à son assuré de l'intégralité des sommes dues à l'assistant sauveteur au titre de la clause Scopic et par le rapport du commissaire répartiteur qui a distingué les frais engagés pour lutter contre une pollution et ceux engagés pour préserver le navire.
Elle demande enfin, pour le cas où la cour ne s'estimerait pas suffisamment informée sur la répartition des sommes par le commissaire répartiteur, la désignation d'un expert afin que celui-ci se prononce sur la répartition entre les dépenses engagées pour lutter contre la pollution et celles engagées pour préserver le navire.
Vu les dernières conclusions, signifiées le 5 mars 2014, par lesquelles les assureurs corps et machines demandent à la cour de :
À titre principal, réformant le jugement entrepris,
- donner acte à la société The Shipowners de l'accord des assureurs corps et machines sur le fait que la clause Scopic remplace l'indemnité spéciale de l'article 14 de la Convention de 1989 sur l'assistance,
- dire et juger que les assureurs corps et machines du navire Athena n'assurent à aucun titre, même partiellement, l'obligation pour la société Bourbon de payer l'indemnité spéciale Scopic dans le cadre du contrat d'assistance LOF avec option Scopic conclu avec la société Smit Salvage BV,
- dire et juger l'action de la société The Shipowners en sa qualité prétendue de cessionnaire et subrogée dans le droit de la société Bourbon irrecevable et mal fondée,
À titre subsidiaire,
- constater que le quantum des sommes réclamées n'est pas justifié,
Par conséquent,
- débouter la société The Shipowners de toutes ses fins, moyens et prétentions,
- la condamner à régler aux sociétés défenderesses la somme de 100 000 euros sur le fondement de l'article 70 du code de procédure civile
Les assureurs corps et machines considèrent que la présence d'une clause Scopic ne change pas le contrat LOF en un contrat d'assistance forfaitisé, régi par l'article 1.3 de la police corps.
Ils soutiennent que, dans les hypothèses où un contrat d'assistance est conclu, en dehors des cas où il existe un résultat utile de l'assistant, les assureurs corps et machines ne peuvent être tenus de supporter les frais d'assistance, qu'il s'agisse des frais de l'expert chargé de surveiller la mission d'assistance ou de ceux issus de la clause Scopic, qui ne sert en l'absence de résultat utile qu'à motiver les sociétés d'assistance à préserver l'environnement.
Ils estiment qu'ils ne peuvent en aucun cas être tenus de payer la rémunération due au titre de la clause Scopic, soit sur le fondement de la police corps qui stipule que les assureurs corps et machines n'indemnisent pas les préjudices relatifs aux engagements de l'assuré résultant uniquement d'une disposition contractuelle, soit sur le fondement de l'effet relatif des contrats, l'engagement de payer la rémunération ayant été pris par la société Bourbon, et non par eux.
Ils estiment que la société The Shipowners ne justifie pas du quantum des dépenses d'assistance, car elle s'appuie sur le rapport d'un expert mandaté par elle.
Ils affirment qu'ils ne sont pas tenus des frais de l'expert SCR, car le code de pratique souscrit par la société The Shipowners prévoit qu'il ne peut y avoir de répartition de ces frais s'il n'y a pas eu de résultat utile de la mission d'assistance, et ils n'ont pas à payer les frais de redressement du navire, car, d'une part, la société The Shipowners ne démontre pas la réalité des frais qu'elle invoque, d'autre part, car les assureurs corps et machines n'en sont pas redevables.
La Cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS
Sur le donné acte
Considérant que la société The Shipowners Mutual demande à la Cour de dire et juger que les assureurs corps et machines ont donné leur accord pour que la clause dite Scopic soit intégrée au contrat d'assistance.
Considérant que les assureurs corps et machines demandent à la cour de donner acte à la société The Shipowners de leur accord sur le fait que la clause Scopic remplace l'indemnité spéciale de l'article 14 de la Convention de 1989 sur l'assistance.
Considérant que la Cour constate leur accord sur ce point et en donne acte aux parties.
Sur la portée de la clause Scopic
Considérant que la société The Shipowners Mutual soutient qu'en donnant leur accord à l'incorporation de la clause Scopic dans le contrat d'assistance, au lieu et place de l'article 14 de la Convention Internationale de Montréal régissant l'assistance, les assureurs corps ont accepté que ce contrat conclu sur une base "no cure no pay" (pas de résultat , pas d'indemnisation) se transforme en un contrat d'assistance à forfait et qu'il s'ensuit que les frais d'assistance doivent alors être répartis entre les assureurs selon la nature des dépenses.
Considérant que les assureurs corps font valoir que la répartition entre les assureurs corps et machines de navire et assureurs de cargaison d'une part, et les assureurs de responsabilité à savoir la société The Shipowners Mutual, d'autre part, de la rémunération des services d'assistance maritime est fixée par la Convention de Montréal de 1989 et par les accords ultérieurs qui ont dégagé la clause Scopic destinée à se substituer à l'indemnité spéciale de l'article 14 de la Convention ; qu'ils soutiennent que la garantie offerte par la société The Shipowners Mutual couvre intégralement, expressément et sans aucune restriction la rémunération Scopic sans distinguer telle ou telle composante et l'exclure et que la police corps et machines exclut au contraire la Scopic lorsqu'un contrat d'assistance a été conclu, l'engagement des assureurs corps portant sur la seule indemnité d'assistance de l'article 13 de la Convention de 1989 ;
Considérant que l'article 12 de la Convention Internationale de Montréal de 1989 a énoncé le principe que :
1°) Les opérations d'assistance qui ont eu un résultat utile donnent droit à une rémunération
2°) Sauf disposition contraire, aucun paiement n'est dû en vertu de la présente Convention si les opérations d'assistance n'ont pas eu de résultat utile".
Que l'article 13 précise dix critères d'évaluation de la rémunération et retient notamment :
"a) La valeur du navire et des autres biens sauvés;
b) L'habileté et les efforts des assistants pour prévenir ou limiter les dommages à l'environnement;
c) L'étendue du succès obtenu par l'assistant;
d) L'habileté et les efforts des assistants pour sauver le navire, les autres biens et les vies humaines
....
Le paiement d'une rémunération fixée conformément au paragraphe 1 doit être effectué par toutes les parties intéressées au navire et aux autres biens sauvés en proportion de leur valeur respective".
Considérant, qu'en l'espèce, la pollution de l'environnement a été évitée, les soutes c'est à dire des réserves d'hydrocarbures ayant été relevées, ce qui permettait à ce titre une rémunération de l'assistant sur la base de l'article 13.
Considérant que l'article 14 a prévu une "indemnité spéciale" au cas où "l'assistant a effectué des opérations d'assistance à l'égard d'un navire qui par lui-même ou par sa cargaison menaçait de causer des dommages à l'environnement et n'a pu obtenir en vertu de l'article 13 une rémunération équivalant au moins à l'indemnité spéciale calculée conformément au présent article, il a droit de la part du propriétaire du navire à une indemnité spéciale équivalant à ses dépenses telles qu'ici définies", rémunération pouvant être augmentée de 30 à 100% si l'assistant a prévenu ou limité de tels dommages.
Considérant que les parties ont convenu que les dispositions de l'article 14 étaient remplacées par une clause spécifique dite clause Scopic.
Considérant que la clause Scopic a été définie en son article 1 comme une clause qui "s'ajoute aux Lloyd's Form Salvage Agreement "no cure no pay" qui incorpore les provisions de l'article 14 de la Convention Internationale de 1989......En fonction des dispositions de la sous clause 4, les méthodes de calcul de l'indemnité spéciale sous l'article 14.1 sont remplacées par la méthode de calcul ci après".
Que son article 2 précise que "Pour invoquer la clause Scopic, le contractant (sauveteur) aura l'option d'invoquer par notice écrite aux armateurs du navire la clause Scopic au moment de son choix, quelles que soient les circonstances et même en l'absence de menace à l'environnement "; qu'il en résulte que cette clause à la différence de l'article 14 de la Convention Internationale ne vise pas exclusivement le cas "des opérations d'assistance à l'égard d'un navire qui par lui-même ou par sa cargaison menaçait de causer des dommages à l'environnement" mais qu'elle prend en compte toutes les autres opérations d'assistance prévues à l'article 13 dont celles destinées à sauver le navire, sa cargaison et ses passagers, l'article 13 de la Scopic précisant que "Les services d'assistance (rendus), sous l'accord principal continueront à être déterminés conformément aux prescriptions de l'article 13, même si l'assistant a invoqué la Scopic".
Considérant en conséquence que la clause Scopic a pour objet, d'une part, d'améliorer les conditions de calcul de l'indemnité spéciale, d'autre part, de l'étendre à toutes circonstances ; que, si la clause Scopic assure une indemnisation du sauveteur, elle n'exclut pas pour autant une indemnisation sur le fondement de l'article 13 c'est à dire en cas de résultat utile et, en toutes circonstances, selon les critères de cet article ; que cette clause a en effet pour objet d'étendre les conditions de garantie de l'assistant en lui assurant une rémunération, s'il remplit les critères de l'article 13 et si la rémunération découlant de cet article s'avère inférieure à l'indemnité de la Scopic ; qu'ainsi la clause Scopic ne prive pas d'effet la disposition " no cure, no pay", dès lors que ne sont pas remplis les critères de rémunération de l'article 13 ; qu'en conséquence, la clause Scopic ne transforme pas le contrat d'assistance conclu sur la base de la Convention Internationale de1989 en un contrat d'assistance à forfait, un aléa subsistant en tout état de cause quant à la rémunération de l'assistant.
Considérant que la société The Shipowners Mutual affirme que la garantie stipulée par l'article 1.3 du contrat d'assurance corps a vocation à s'appliquer car s'il exclut l'article 14 de la Convention Internationale de 1989, cette exclusion ne peut jouer dans la mesure où la clause Scopic n'a pas la même portée.
Considérant que si l'article 1 de l'assurance maritime sur corps de tous navires stipule qu'elle couvre "1°) dans la limite de la valeur agréée, les dommages et pertes subies par le navire, même s'ils résultent de la décision d'une autorité publique visant à prévenir ou à réduire un risque de pollution trouvant son origine dans un événement garanti;
3°)dans la limite d'un capital égal à la valeur agréée, la contribution du navire aux avaries communes.... ainsi que les dépenses raisonnablement exposées en vue de préserver le navire d'un événement garanti ou d'en limiter les conséquence".
Considérant que l'article 3 de cette police exclut de la garantie :
3°) Les recours exercés contre le navire pour les dommages et préjudices :
....
relatifs aux engagements de l'assuré lorsque la responsabilité de celui-ci résulte uniquement d'une disposition contractuelle;
à l'environnement ou consécutifs à la pollution.....
est ainsi exclue de la garantie "l'indemnité spéciale" payable à l'assistant sous l'empire de l'article 14 de la Convention Internationale sur l'assistance, dans les conditions indiquées au paragraphe 4 de cet article ou de toute autre disposition de portée semblable".
Considérant en conséquence que la clause Scopic a pour objet, d'une part, d'améliorer les conditions de calcul de l'indemnité spéciale, d'autre part, d'étendre ses conditions d'application à toutes circonstances et non plus seulement en cas de dommage environnemental ; qu'elle rémunère "L'habileté et les efforts des assistants pour sauver le navire, les autres biens et les vies humaines", visé par l'article 13, non pas à l'once des résultats mais à celui des efforts et de l'investissement déployés ; que, dès lors, sa portée, puisqu'elle tend au sauvetage des biens, des personnes et non plus seulement à préserver l'environnement, ne saurait être assimilée à celle de l'article 14 limitée à l'environnement ; que peu importe que l'armateur ait dénoncé la clause Scopic comme n'ayant plus lieu d'être car les risques de pollution semblaient écartés, dès lors qu'il avait accepté cette clause qui a servi de base à l'intervention de l'assistant et à l'ensemble des opérations d'assistance menées par celui-ci.
Considérant que les assureurs corps font état de ce que l'article 3 exclut également "les dommages et préjudices :
....
relatifs aux engagements de l'assuré lorsque la responsabilité de celui-ci résulte uniquement d'une disposition contractuelle;
Considérant que cette exclusion porte sur la responsabilité de l'armateur dans le cadre d'un contrat de transport, la police corps ne garantissant pas la responsabilité de l'assuré, transporteur de marchandises, car elle couvre le bien que constitue le navire et les dommages causés par un contact physique entre le navire et d'autres objets ; qu'en l'espèce, la société The Shipowners n'a pas engagé à l'encontre des assureurs et de leur assuré une action en responsabilité mais une action en paiement sur le fondement de l'article 1.3 de la police ; que celle-ci ne relève donc pas de l'exclusion de garantie.
Considérant que les assureurs font valoir que la clause Scopic est exclue par application des dispositions de l'article 1165 du code civil dans la mesure où ils n'ont pas souscrit à l'engagement de payer une rémunération Scopic.
Considérant qu'ils ne contestent pas que la clause Scopic a été incorporée dans le contrat d'assistance avec leur accord express et alors qu'elle avait pour but de permettre la mise en oeuvre d'opérations de sauvetage concernant tant l'environnement que la conservation du navire dont ils sont les assureurs, de sorte qu'ils ne sauraient se dégager des garanties de la police souscrite par leur assuré et qui n'exclut pas leur garantie sur le fondement de cette clause.
Considérant, en conséquence, que la clause Scopic et la demande de remboursement des frais concernant la préservation du navire ne relèvent pas des exclusions de la police d'assurance corps du navire.
Sur le montant de la demande formulée par la société The Shipowners Mutual
Considérant que la société The Shipowners Mutual fait valoir qu'elle a intégralement remboursé la société Bourbon Offshore Surf des sommes réglées aux sauveteurs, soit un montant total de 9 534 319USD, et que selon la répartition faite à sa demande par M.[N], "General Average Adjuster" c'est à dire commissaire répartiteur, dans son rapport du 16 avril 2009, le montant des dépenses engagées pour lutter contre la pollution a été de 3 116 782USD et celui des dépenses engagées pour préserver le navire de 6.391.757,36USD, auxquelles s'ajoute la somme de 128 624,92€ correspondant aux frais de M.[E], en tant qu'expert désigné par elle.
Considérant que la société The Shipowners Mutual affirme que les assureurs corps sont en possession des factures de la société Smit Salvage et sont donc en mesure d'apprécier la pertinence de cette répartition ; qu'il s'agit d'une affirmation qui n'est étayée par aucun élément ; que d'ailleurs M.[N] s'appuie sur l'analyse des factures de la société Smit Salvage faite par M.[E] sans avoir procédé à leur examen.
Considérant que les rapports établis par la société Smit Salvage portent sur son intervention et ne saurait démontrer ni ses investissements, ni ses efforts au titre du sauvetage du navire de nature à ouvrir droit à rémunération.
Considérant que les factures produites comme l'état récapitulatif des dépenses établi par la société Smit Salvage portent sur la période allant jusqu'au 5 octobre 2007 alors que la clause Scopic a été dénoncée le 4 septembre 2007 ainsi que sur des transports qui se sont encore déroulés en janvier 2008 et des déplacements de personnels qui ne figurent pas sur ceux listés par la société Smit Salvage ; que ces pièces ne sauraient davantage caractériser des dépenses et des efforts pour le sauvetage du navire.
Considérant que M.[N] a opéré une répartition des dépenses selon un critère chronologique en retenant les frais exposés à partir du 7 août comme étant relatifs à la préservation du navire, tout en indiquant que les coûts exposés pour la prévention de la pollution dont le transfert des soutes polluées a été effectué plusieurs jours après la dénonciation de la Scopic ; que son rapport ne permet pas davantage de distinguer les dépenses liées aux opérations de dépollution et de sauvegarde de l'environnement de celles ayant eu pour objet de préserver le navire et démontre au contraire que les dépenses ne peuvent être distinguées, les efforts de l'assistant et les moyens qu'il a mis en oeuvre ayant poursuivi de façon simultanée les mêmes buts, qui étaient de préserver l'environnement ce qui passait par des tentatives de sauver le bateau.
Considérant que la désignation d'un expert, au demeurant 5 ans après les faits, ne saurait pallier l'incapacité du demandeur à rapporter la preuve des dépenses alléguées comme se rapportant à la sauvegarde du navire ; qu'il y a lieu de rejeter la demande d'expertise de la société The Shipowners Mutual.
Considérant que s'agissant de la somme de 128 624,92 euros représentant les coûts et frais du SCR, ainsi que les intérêts de droit de cette somme, la société The Shipowners Mutual ne justifie pas davantage que ces frais engagés à sa seule initiative seraient imputables aux assureurs.
Considérant en conséquence qu'il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société The Shipowners Mutual de ses demandes.
Sur l'article 700 du code de procédure civile
Considérant que les sociétés Allianz Global Corporate and Speciality France, Covea Risks, Generali France Assurances, Groupama Transports, AXA Corporate Solution Assurances, Groupama Transports Région Midi Méditerranée, et Société d'Assurance Mutuelle des Armateurs et Professionnels de la mer ont dû engager des frais non compris dans les dépens qu'il serait inéquitable de laisser en totalité à leur charge, qu'il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile dans la mesure qui sera précisée au dispositif.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
DONNE acte à la société The Shipowners Mutual de l'accord des assureurs corps et machines sur le fait que la clause Scopic a remplacé l'indemnité spéciale de l'article 14 de la Convention de 1989 sur l'assistance.
CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions.
CONDAMNE la société The Shipowners Mutual à payer aux sociétés Allianz Global Corporate and Speciality France, Covea Risks, Generali France Assurances, Groupama Transports, AXA Corporate Solution Assurances, Groupama Transports Région Midi Méditerranée, et Société d'Assurance Mutuelle des Armateurs et Professionnels de la mer la somme de 50 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile
CONDAMNE la société The Shipowners Mutual aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le GreffierLa Présidente
B.REITZERC.PERRIN