Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 5
ARRÊT DU 16 SEPTEMBRE 2014
(n°2014/ , 2 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 11/19307
Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 Septembre 2011 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 09/054213
APPELANTE
SA COVEA RISKS SA à Directoire, immatriculée au RCS de Nanterre sous le numéro 378 716 419, agissant poursuites et diligences de son Président du Conseil de Surveillance domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034
Assistée par Me Philippe BALON de la SCP BALON ET RIVERA, avocat au barreau de PARIS, toque : P0186
INTIME
Monsieur [Y] [J] exploitant sous l'enseigne ' PHARMACIE DE LA MICHODIERE'
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représenté par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111
Assisté par Me Magali LEROY, avocat au barreau de PARIS, toque : R126
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 Juin 2014, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Catherine LE FRANCOIS, Présidente de chambre, entendue en son rapport, et de Monsieur Michel CHALACHIN, Conseiller.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Catherine LE FRANCOIS, Présidente
Monsieur Michel CHALACHIN, Conseiller
Madame Françoise MARTINI, Conseillère
Greffier, lors des débats : Madame Aouali BENNABI
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Catherine LE FRANCOIS, président et par Madame Aouali BENNABI, greffier présente lors du prononcé.
Monsieur [Y] [J] a, dans le cadre de son activité de pharmacien, conclu avec la Compagnie COVEA RISKS un contrat d'assurance Multirisques Pharmacie garantissant notamment la perte de la valeur vénale.
Le 5 juillet 2007, Monsieur [Y] [J] a été mis en examen des chefs de : complicité d'infraction à la législation sur les substances vénéneuses, en l'espèce du SUBUTEX, complicité d'escroquerie à la CPAM et mise en danger d'autrui. Il a été placé sous contrôle judiciaire et astreint à ne pas se rendre dans sa pharmacie, ne pas exercer son activité de pharmacien. Il a été contraint de fermer son officine jusqu'à ce qu'il retrouve un remplaçant, soit durant six semaines, jusqu'au 13 août 2007.
Monsieur [Y] [J] a fait une déclaration de sinistre auprès de son assureur et a sollicité le bénéfice des garanties contractuelles. Par courrier en date du 27 juillet 2007 la société COVEA RISKS l'a informé qu'elle n'entendait pas donner suite à la déclaration de sinistre en invoquant l'exclusion de garantie concernant les infractions à la législation sur les stupéfiants.
Par courrier du 21 septembre 2007, Monsieur [Y] [J] a réitéré sa demande de mise en oeuvre de la garantie, au motif qu'il n'était pas mis en examen pour infraction à la législation sur les stupéfiants mais sur les substances vénéneuses et le 26 novembre 2007 l'assureur a confirmé son refus en raison du fait que le SUBUTEX est considéré en l'espèce comme un stupéfiant médical de substitution.
A la suite de la réponse de l'Inspection Régionale de la Pharmacie qui affirme que le SUBUTEX n'est pas classé comme stupéfiants, et de la confirmation du refus de prise en charge par l'assureur, Monsieur [Y] [J] a, par acte d'huissier du 16 juillet 2009, assigné la société COVEA RISKS devant le Tribunal de Commerce de Paris.
Par jugement en date 30 septembre 2011, cette juridiction a, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, condamné la société COVEA RISKS à payer à Monsieur [Y] [J] les sommes suivantes :
- 126 895, 00 euros au titre de l'indemnité pour dépréciation temporaire de la valeur de son officine,
- 22 286, 00 euros au titre de l'indemnité de remplacement suite à la suspension,
- 3 000, 00 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure civile, outre les dépens.
Par acte du 27 octobre 2011, la société COVEA RISKS a interjeté appel de cette décision.
Aux termes de ses dernières écritures signifiées le 16 mai 2014, la société COVEA RISKS sollicite l'infirmation du jugement et conclut au débouté de Monsieur [J] de l'ensemble de ses demandes. Elle demande sa condamnation à lui rembourser la totalité des sommes versées au titre de l'exécution provisoire attachée au jugement dont appel, avec intérêts à compter de leur versement, au besoin à titre de dommages et intérêts et au paiement d'une somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
Aux termes de ses dernières écritures signifiées le 21 mars 2012, Monsieur [Y] [J] sollicite la confirmation du jugement entrepris et la condamnation de la société COVEA RISKS au paiement de la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la garantie
Considérant que la société COVEA RISKS soutient que les agissements de Monsieur [J] , qui ne peuvent qu'entraîner un dommage, font perdre au contrat son caractère aléatoire et que l'assuré ne peut soutenir que ses agissements volontaires constituent une exécution de bonne foi du contrat d'assurance, qu'elle oppose également l'exclusion générale visée au contrat concernant la faute intentionnelle ou dolosive de l'assuré et fait enfin valoir que la prise en charge par l'assureur des conséquences dommageables d'actes délictueux contrevient à l'ordre public de direction ;
Considérant que Monsieur [J], fonde sa demande de garantie sur les dispositions de l'article 1 du chapitre 8 du contrat et expose que la garantie de l'assureur lui est due dans la mesure où il a été mis en examen dans le cadre de l'exercice de sa profession et où l'exclusion concernant les infractions à la législation sur les stupéfiants n'est pas applicable en l'espèce, le SUBUTEX n'étant pas un produit stupéfiant, qu'il ajoute qu'il conteste avoir commis toute faute intentionnelle ou non, ainsi qu'il l'a fait dans le cadre de l'instruction pénale ;
Considérant que la société COVEA RISKS ne conteste plus en cause d'appel que l'exclusion de garantie concernant les infractions à la législation sur les stupéfiants n'est pas applicable en l'espèce, s'agissant de Subutex ;
Considérant que Monsieur [J] a demandé la mise en oeuvre notamment de la garantie perte vénale du contrat pour avoir été contraint de fermer son officine à la suite de son placement sous contrôle judiciaire avec notamment pour obligations de ne pas se rendre à la pharmacie pendant les heures d'ouverture de la pharmacie et de ne pas se livrer à son activité de pharmacien, du fait de sa mise en examen pour complicité d'infraction à la législation sur les substances vénéneuses, en l'espèce du Subutex, complicité d'escroquerie à la CPAM et mise en danger d'autrui ;
Considérant qu'il fonde sa demande sur les dispositions de l'article 1er du chapitre 8 du contrat ainsi libellées: ' L'assureur garantit à l'assuré le paiement d'une indemnité pour la dépréciation de la valeur vénale de l'officine assurée au lieu d'assurance lorsque celle-ci est la conséquence d'un fait ayant causé un dommage à autrui suivi d'un scandale notoire ou pour lequel la responsabilité de l'assuré ou de ses préposés est recherchée par la voie d'une instance civile ou pénale ou même d'une information ouverte contre l'un d'eux pour erreur ou faute professionnelle dans la préparation, le conditionnement, la vente de médicaments et aussi d'un accident de laboratoire, garantis au titre du présent contrat' ;
Considérant toutefois que cette clause de garantie, qui prévoit l'hypothèse de l'ouverture d'une information pour erreur ou faute professionnelle ne déroge pas à l'exclusion générale clairement prévue aux dispositions communes du contrat selon laquelle ' ne sont pas couverts les pertes et dommages qui résultent directement ou indirectement : de la faute intentionnelle ou dolosive de l'assuré...'
Considérant qu'alors que le fait générateur du dommage est la mise sous contrôle judiciaire de l'intéressé du fait de sa mise en examen pour les infractions intentionnelles de complicité d'infraction à la législation sur les substances vénéneuses, en l'espèce du Subutex, complicité d'escroquerie à la CPAM et mise en danger d'autrui, l'assureur est bien fondé, même si ces infractions sont contestées, à opposer l'exclusion résultant de la faute intentionnelle de l'assuré et la garantie n'est pas due ;
Considérant qu'il y a lieu de d'infirmer le jugement entrepris et de débouter Monsieur [Y] [J] de l'ensemble de ses demandes ;
Sur la demande de remboursement et les intérêts
Considérant que la société COVEA RISKS demande que soit ordonnée la restitution des sommes qu'elle a versées en vertu du jugement assorti de l'exécution provisoire, avec les intérêts au taux légal à compter de leur versement ;
Considérant cependant que le présent arrêt, infirmatif sur ce point, constitue le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées en exécution du jugement, et que les sommes devant être restituées portent intérêts au taux légal à compter de la signification, valant mise en demeure, de la décision ouvrant droit à restitution, qu'il s'ensuit qu'il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de la société COVEA RISKS ;
Sur les frais irrépétibles
Considérant qu'il y a lieu d'allouer à l'appelante la somme de 3000 euros au titre de ses frais irrépétibles ;
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Infirme le jugement entrepris,
Statuant à nouveau,
Déboute Monsieur [Y] [J] de l'ensemble de ses demandes,
Dit n'y avoir lieu de statuer sur la demande de restitution des sommes versées en vertu de l'exécution provisoire attachée au jugement déféré à la cour,
Condamne Monsieur [Y] [J] à payer à la société COVEA RISKS la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne Monsieur [Y] [J] aux dépens de première instance et d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE