RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 10
ARRÊT DU 16 Septembre 2014
(n° , 05 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/05786
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 12 Avril 2012 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS section encadrement RG n° 10/16794
APPELANT
Monsieur [I] [O]
[Adresse 1]
[Localité 1]
comparant en personne
assisté de Me Annie MOREAU, avocat au barreau de PARIS, toque : R078
INTIMEE
AREION GROUPE
[Adresse 2]
[Localité 2]
représentée par Me Philippe AXELROUDE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0285
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Mai 2014, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Claudine PORCHER, Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Claudine PORCHER, présidente
Madame Marie-Aleth TRAPET, conseiller
Madame Aline BATOZ, vice présidente placée faisant fonction de conseiller par ordonnance du Premier Président en date du 17 mars 2014
Greffier : Mme Caroline CHAKELIAN, lors des débats
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Marie-Aleth TRAPET, Conseiller pour la Présidente empêchée, et par Madame Caroline CHAKELIAN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Monsieur [I] [O], journaliste professionnel et détenteur d'une carte de presse depuis le 11 janvier 1986, a, à compter de février 2005 collaboré en qualité d'auteur avec la société AREION avant d'être engagé suivant contrat à durée indéterminée à temps plein du 10 octobre 2008 en qualité de rédacteur en chef délégué.
Par avenant au contrat de travail du même jour, 'à la demande du Titulaire et en accord avec la Société, il a été convenu que M. [O] [I] exercerait ses fonctions dans le cadre du télétravail à compter de sa date d'embauche en restant travailler dans son domicile personnel situé au [Adresse 1] et que ce télétravail prendra fin dès l'ouverture de bureaux de la Société sur [Localité 2], date à laquelle le Titulaire exercera son activité dans lesdits bureaux parisiens'.
Le 6 septembre 2010, la SAS AREION GROUP a convoqué Monsieur [I] [O] à un entretien préalable fixé au 20 septembre avant de le licencier pour cause réelle et sérieuse par lettre recommandée avec avis de réception du 18 octobre 2010 motivée par le non-respect des termes du contrat de travail s'agissant de la présence dans les :locaux parisiens, un refus des consignes même les plus élémentaires et une attitude fréquemment agressive vis à vis de la hiérarchie.
Invoquant l'existence d'un contrat de travail à compter du 1er janvier 2005, le non règlement de primes et contestant son licenciement, Monsieur [I] [O] a saisi, le 22 décembre 2010, le conseil de prud'hommes de PARIS qui, par jugement rendu le 12 avril 2012, a condamné la société AREION GROUP à lui payer 6 627,82 € de rappel de prime d'ancienneté et 662,78 € de congés payés afférents, 637,27 € de rappel d'indemnité de licenciement avec intérêts de droit à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation ainsi que 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Le 13 juin 2012, Monsieur [I] [O] a interjeté appel de cette décision.
Il invoque les dispositions de l'article L 7112-1 du code du travail et l'existence d'un contrat de travail de droit commun au sein de la société AREION depuis le 1er janvier 2005, la prescription des faits qui lui sont reprochés et, en tout état de cause, leur caractère infondé et soutient que son licenciement qui, fait suite à la publication de son article sur l'interview du général [T] ayant mécontenté la société DASSAULT, a été initié dans le but d'apaiser les relations entre cette dernière société et son employeur.
Il demande d'infirmer le jugement déféré sauf en ce qu'il a fixé son salaire moyen à 4 115,71 € bruts et de condamner la société AREION GROUP à lui payer :
- 12 026,31 € de prime d'ancienneté et 1 202,63 € de congés payés afférents
- 1 002,19 € au titre du 13ème mois sur rappel de prime d'ancienneté
- 2 263,94 € à titre de congés payés de janvier 2006 à octobre 2008
- 1886,61 € à titre de 13ème mois sur rappel de janvier 2006 à octobre 2008
- 13 462,71 € de complément d'indemnité de licenciement du fait de son ancienneté au 1er janvier 2005
- 74 083 € de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
- 34 694,26 € d'indemnité pour travail dissimulé de janvier 2005 à octobre 2008
- 1500 € de dommages et intérêts pour absence de visite médicale jusqu'au 3 juin 2010
- 1 500 € de rappel de salaires pour réexploitation d'articles non autorisée
- 5 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Il sollicite en outre les intérêts au taux légal sur les sommes allouées, la remise des bulletins de salaire conformes à la décision sous astreinte de 300 € par jour de retard et sous même astreinte, du certificat de travail et de l'attestation pôle emploi portant notamment mention d'une date d'embauche au 1er janvier 2005.
La société AREION GROUP soutient qu'avant octobre 2008, Monsieur [O] a été réglé en droit d'auteur pour les articles qu'il a produits et qu'elle n'était pas une entreprise de presse avant le 10 octobre 2008 de sorte que la présomption de l'article L 7111-3 du code du travail ne peut s'appliquer, que le licenciement de ce dernier est uniquement justifié par son refus de venir travailler dans les locaux parisiens ouverts en janvier 2009, des consignes de travail ainsi que par une attitude négative et qu'elle n'a commis aucun manquement en réutilisant les articles écrits par son salarié sans autorisation préalable de ce dernier.
Elle demande de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions, de débouter Monsieur [O] de l'ensemble de ses prétentions et de le condamner à lui verser 2 500 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour plus ample exposé des faits et de la procédure, des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier, reprises et complétées à l'audience des débats.
SUR CE, LA COUR,
Sur la demande en requalification en contrat de travail
L'article L 7112-1 du code du travail dispose que 'toute convention par laquelle une entreprise de presse s'assure moyennant rémunération, le concours d'un journaliste professionnel est présumée être un contrat de travail. Cette présomption subsiste quels que soit le mode et le montant de la rémunération ainsi que la qualification donnée à la convention par les parties'.
En l'espèce, il résulte des statuts et des certificats d'inscription au répertoire des entreprises et des établissements versés aux débats que, la société AREION, créée en septembre 2003 a eu pour objet premier le conseil, la formation et la recherche/développement dans les domaines liés ou connexes à la géopolitique, à la géoéconomie, à la stratégie, aux questions de sécurité et de défense, à la prévention et à la gestion des crises et des conflits, au développement durable, à l'information et à la communication et un code APE 742C Ingénierie, études techniques jusqu'au dix octobre 2008 date de la mise à jour des statuts et à laquelle son objet premier est devenu la création, l'exploitation l'acquisition, la souscription, l'administration de tous journaux, revues, livres et magazines politiques, scientifiques, littéraires, financiers ou d'information ou encore d'entreprise ou de communication quelconque, directement ou sous forme de participation et son code APE 5814Z Edition de revues et périodiques.
Ces éléments permettent de considérer que la société AREION n'était pas, avant octobre 2008 et l'embauche de Monsieur [O] en contrat à durée indéterminée à temps plein du 10 octobre 2008 une entreprise de presse de sorte que la présomption légale de contrat de travail édictée par l'article L 7112-1 du code du travail invoqué par ce dernier pour voir requalifier la relation liant les parties de janvier 2006 au 9 octobre 2008 n'a pas vocation à s'appliquer.
Il n'est pas contesté que Monsieur [O] a été réglé en droit d'auteur pour les articles qu'il a produit de février 2005 à octobre 2008 et il résulte par ailleurs de la comparaison du relevé de piges couvrant cette période et de l'attestation des sommes déclarées dans la catégorie bénéfice non commercial par ce dernier qu'il ne tirait pas la majorité de ses revenus de sa collaboration avec la société AREION et des échanges électroniques de cette époque qu'il disposait d'une grande liberté d'organisation ainsi que dans le choix des sujets.
La preuve de la soumission à un horaire de travail et au respect de directives, de la fourniture de moyens et d'un contrôle direct de la société AREION sur les prestations de Monsieur [O] de février 2005 à octobre 2008 et par conséquent d'un lien de subordination, caractéristique essentielle du contrat de travail n'est pas rapportée.
Il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté Monsieur [O] de sa demande tendant à voir qualifier sa collaboration avec la société AREION de février 2005 à octobre 2008 en contrat de travail et de celles en découlant.
Sur le licenciement.
Monsieur [O] ne produit aucun élément accréditant sa thèse d'un licenciement ayant pour véritable cause la publication de son article sur l'interview du général [T] ayant mécontenté la société DASSAULT.
Aux termes de l'avenant au contrat de travail, dénués de toute ambiguïté, Monsieur [O] était tenu d'exercer ses fonctions dans les locaux parisiens de la société dès leur ouverture qui a été portée à sa connaissance par mail du 30 janvier et du 24 juin 2009.
Il n'est pas contesté qu'en dépit de demandes réitérées de la part de son employeur - seul habilité dans le cadre de son pouvoir de gestion et de direction à apprécier l'opportunité de mettre en oeuvre cette obligation - dont la dernière du 23 juillet 2010, Monsieur [O] n'a pas intégré les bureaux parisiens.
Ce comportement, dès lors qu'il s'est poursuivi, permet d'écarter la prescription des faits fautifs édictée par l'article L 1332-4 du code du travail.
Il constitue un manquement à une obligation contractuelle librement consentie, la preuve pour le salarié d'une impossibilité physique, matérielle ou morale de la respecter ou d'une discrimination n'étant pas établie, Monsieur [O] qui a fait reproche à son employeur de son isolement, demeurant en proche banlieue parisienne et la société justifiant, par la production de contrats de travail, de la présence d'autres salariés dans les locaux parisiens.
Par ailleurs l'ensemble des courriers électroniques échangés entre les parties et versé aux débats établit, à tout le moins, un défaut d'adhésion de Monsieur [O] aux méthodes et directives de son employeur et une attitude d'indépendance, confortée par sa volonté manifestée de continuer à travailler en télétravail, mettant en cause la bonne marche du service et rendant impossible la poursuite de la relation de travail.
C'est donc à juste titre que le conseil de prud'hommes a considéré le licenciement justifié.
Les sommes allouées par les premiers juges à titre de rappel de prime d'ancienneté, des congés payés afférents et de rappel d'indemnité de licenciement n'étant pas critiquées, il y a lieu de confirmer le jugement déféré sur les condamnations prononcées au profit de Monsieur [O].
Sur l'absence de visite médicale d'embauche
L'absence de visite médicale d'embauche, non contestée en l'espèce, constitue un manquement de l'employeur aux obligations résultant de l'article R 4624-10 du code du travail qui cause nécessairement un préjudice au salarié et justifie l'allocation au profit de ce dernier d'une somme de 1 500 € à titre de dommages et intérêts.
Sur la réexploitation d'articles non autorisée
En application des dispositions combinées des articles L 7111-1 et suivants, L 7113-3 du code du travail et de l'article L 132 du code de la propriété intellectuelle, Monsieur [O] ne peut revendiquer le paiement d'une rémunération ou de dommages et intérêts pour les articles qu'il a écrits dans le cadre de son contrat de travail et qui ont reçu un salaire en contrepartie et réédités sans son autorisation.
Il convient en conséquence de le débouter de sa demande à ce titre.
Il y a lieu d'ordonner la remise des documents de fin de contrat conformes à la décision sans qu'il soit nécessaire de recourir à une astreinte.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Infirme partiellement le jugement déféré
Condamne la société AREION GROUP à payer à Monsieur [I] [O] une somme de 1 500 € à titre de dommages et intérêts pour absence de visite médicale d'embauche.
Ordonne la remise des documents de fin de contrat conformes à la décision.
Confirme le jugement déféré pour le surplus.
Condamne la société AREION GROUP aux dépens et à payer à Monsieur [I] [O] une somme de 800 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Déboute les parties du surplus de leurs demandes.
LE GREFFIER POUR LA PRÉSIDENTE EMPÊCHÉE