Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 5
ARRÊT DU 16 SEPTEMBRE 2014
(n°2014/ , 11 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 12/14618
Décision déférée à la Cour :Jugement du 06 Juillet 2012 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 12/07646
APPELANTES
Société CARDIF LUX VIE Société anonyme de droit luxembourgeois, immatriculée au R.C.S. de Luxembourg sous le numéro B 47 240, agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège et venant aux droits de la société FORTIS LUXEMBOURG-VIE
[Adresse 2]
[Localité 2]
Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477
Assistée par Me Florent BOUDERBALA, avocat au barreau de PARIS, toque : R144
Société civile COMPAGNIE DE CAUMARTIN 2
[Adresse 1]
[Localité 1]
Représentée par Me Jean-loup PEYTAVI, avocat au barreau de PARIS, toque : B1106
Assistée par Me Nicolas LECOQ VALLON de la SCP LECOQ VALLON & FERON-POLONI, avocat au barreau de PARIS, toque : L0187
INTIMES
Monsieur [D] [X]
[Adresse 1]
[Localité 1]
Représentée par Me Jean-loup PEYTAVI, avocat au barreau de PARIS, toque : B1106
Assistée par Me Nicolas LECOQ VALLON de la SCP LECOQ VALLON & FERON-POLONI, avocat au barreau de PARIS, toque : L0187
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 Juin 2014, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Catherine LE FRANCOIS, Présidente de chambre, entendue en son rapport, et de Monsieur Michel CHALACHIN, Conseiller.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Catherine LE FRANCOIS, Présidente
Monsieur Michel CHALACHIN, Conseiller
Madame Françoise MARTINI, Conseillère
Greffier, lors des débats : Madame Aouali BENNABI
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Catherine LE FRANCOIS, président et par Madame Aouali BENNABI, greffier présente lors du prononcé.
Le 29 novembre 2007, Monsieur. [D] [X] a conclu un contrat d'assurance-vie dénommé Liberty 2 Invest auprès de la société de droit luxembourgeois Fortis Luxembourg Vie, devenue CARDIF LUX VIE (CARDIF), sur lequel il a versé un capital de 6.750.000 euros.
Le 16 octobre 2007 la société COMPAGNIE DE CAUMARTIN 2, gérée par Monsieur [X], a souscrit un contrat de capitalisation intitulé Cap Secure auprès de la société Fortis Luxembourg Vie, devenue CARDIF LUX VIE, sur lequel a été investi un capital total de 7.413.517,21 euros.
Monsieur [X] et cette société ont effectué des rachats partiels à hauteur, respectivement, de 1.837.283,50 euros et 4.839.489,02 euros.
Estimant ne pas avoir reçu une information précontractuelle conforme aux exigences légales, Monsieur [X] a exercé la faculté de renonciation au contrat Liberty 2 Invest, par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 27 septembre 2010, réceptionné le 29 septembre suivant par la société Fortis Luxembourg Vie.
Cette dernière n'ayant pas accédé à sa demande, Monsieur [X] et sa société ont, par acte du 1er décembre 2010, fait assigner la société Fortis Luxembourg Vie devant le Tribunal de grande instance de PARIS.
Par jugement du 25 mai 2012, cette juridiction a dit M. [D] [X] recevable et bien fondé dans l'exercice de son droit de renonciation et de restitution des sommes versées au titre du contrat d'assurance-vie litigieux, condamné la société Luxembourg Vie à lui restituer la somme de 4.912.716,50 euros, les sommes portant intérêts au taux légal majoré de moitié du 29 octobre 2010 au 29 décembre 2010, puis, au delà de cette dernière date, au double du taux légal, débouté la société COMPAGNIE DE CAUMARTIN 2 de l'ensemble de ses prétentions, condamné la société Fortis Luxembourg Vie à payer à Monsieur [X] la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et condamné la société COMPAGNIE DE CAUMARTIN 2 à payer à la société Fortis Luxembourg Vie la somme de 3.000 euros sur le même fondement.
Par jugement du 6 juillet 2012, ce même Tribunal a ordonné la rectification de ce premier jugement, entaché d'une omission matérielle, en y ajoutant le prononcé de la capitalisation des intérêts, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil.
Par déclaration du 31 juillet 2012, la société COMPAGNIE DE CAUMARTIN 2 a interjeté appel de ces deux décisions.
Par déclaration du 18 octobre 2012, la société CARDIF, venant aux droits de la société Fortis Luxembourg Vie a également interjeté appel de ces deux décisions.
Dans ses dernières conclusions du 31 octobre 2012, la société COMPAGNIE DE CAUMARTIN 2 poursuit l'infirmation du jugement et demande à la Cour à titre principal, de condamner l'assureur à lui restituer la somme totale de 2.574.018,20 euros correspondant aux montants investis dans ce contrat moins les rachats partiels effectués après prononcé de la nullité du contrat CAP SECURE conclu entre elle et l'intimée pour violation des dispositions d'ordre public du code des assurances, à titre subsidiaire, pour erreur, à titre très subsidiaire, pour réticence dolosive, à titre encore plus subsidiaire, à titre de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation précontractuelle d'information incombant à l'intimée lors de la souscription de ce contrat, en tout état de cause, ordonner la capitalisation des intérêts et condamner l'intimée au versement de la somme de 30.000 euros au titre des frais irrépétibles.
Aux termes de ses dernières conclusions du 30 mai 2014, dirigées à l'encontre de la société COMPAGNIE CAUMARTIN 2, la société CARDIF LUX VIE, venant aux droits de la société FORTIS LUXEMBOURG VIE, demande à la Cour de dire que l'appelante est irrecevable à invoquer la nullité du contrat auquel elle a définitivement mis fin en procédant à son rachat total, qu'elle ne peut invoquer le bénéfice des dispositions de l'article L. 132-5-2 du code des assurances et les dispositions réglementaires prises pour son application, qu'elle n'est pas fondée à invoquer l'erreur ou le dol, en conséquence, confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté l'appelante, subsidiairement, dire qu'elle a parfaitement respecté l'obligation d'information précontractuelle mise à sa charge, en conséquence, débouter l'appelante, très subsidiairement, dire et juger qu'elle est bien fondée à exécuter son obligation de restitution en transférant à l'appelante les titres qu'elle a apportées et qui figurent dans le fonds dédié, en tout état de cause, condamner l'appelante à lui verser la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
***
Aux termes de ses dernières écritures, dirigées à l'encontre de Monsieur [D] [X], du15 mars 2013, la société CARDIF la société CARDIF LUX VIE, venant aux droits de la société FORTIS LUXEMBOURG VIE demande à la cour de :
- juger qu'elle a respecté l'obligation d'information précontractuelle mise à sa charge,
- en conséquence, infirmer le jugement entrepris et ordonner la restitution par Monsieur [D] [X] de l'intégralité des sommes qu'il a perçues au titre de l'exécution provisoire de ce jugement avec intérêt au taux légal à compter du versement de ces sommes à la Carpa,
A titre subsidiaire :
-solliciter l'interprétation de la CJUE à titre préjudiciel et poser les questions suivantes:
*Le droit de l'Union, et en particulier l'article 56 TFUE ainsi que la directive 2002/83/CE, s'oppose-t-il à ce qu'une réglementation nationale exige des entreprises d'assurance exerçant en libre prestation de services la communication au preneur d'informations dans le strict respect d'exigences de forme, de façon limitative et dans un ordre précis '
*Est-il proportionné et nécessaire à la protection du preneur, objectif d'intérêt général pris en compte par la directive 2002/83/CE, d'exiger des entreprises d'assurance exerçant en libre prestation de services la communication au preneur d'informations de façon limitative et dans un ordre précis, strictement défini et dont l'entreprise d'assurance ne pourrait en aucun cas déroger, fut-ce en apportant une information complémentaire ou supplémentaire '
*La directive 2002/83/CE doit-elle s'interpréter comme permettant aux Etats membres d'introduire dans leur législation toute exigence d'information supplémentaire à celle prévue par l'annexe III de ladite directive, pour autant qu'ils l'estiment simplement nécessaire à la protection du consommateur '
*La directive 2002/83/CE, s'oppose-t-elle à une réglementation nationale qui exige des entreprises d'assurance, lorsqu'une part ou la totalité des prélèvements effectués sur les unités de compte ne peut être déterminée lors de la remise de la proposition d'assurance en un nombre générique d'unités de compte, d'indiquer, à titre d'exemple, des simulations de valeurs de rachat ou de transfert pour les huit premières années au moins, intégrant les frais prélevés, et devant être pratiquées à partir de trois hypothèses explicites, dont le cas de la stabilité de la valeur des unités de compte, et ceux d'une hausse, et symétriquement d'une baisse de même amplitude de la valeur des unités de compte '
L'exigence d'une telle information est-elle claire, précise et nécessaire à la compréhension effective par le preneur des éléments essentiels de l'engagement au sens de l'article 36 de la directive 2002/83/CE '
*L'article 36 de la directive 2002/83/CE et son annexe III doivent-ils s'interpréter comme permettant à une réglementation nationale d'exiger des entreprises d'assurance la communication d'informations énumérées limitativement, et d'interdire aux entreprises d'assurance la communication au preneur de toute information complémentaire'
A titre très subsidiaire :
- juger que la sanction prononcée par le tribunal est disproportionnée ;
- infirmer le jugement entrepris avec les mêmes conséquences que ci-dessus,
A titre plus subsidiaire :
-poser à la CJUE la question préjudicielle suivante:
'Les dispositions de la directive 2002/83/CE, doivent-elle s'interpréter en ce sens qu'elles s'opposent à ce qu'une réglementation nationale sanctionne le non-respect de la forme dans laquelle l'information doit être communiquée au preneur de la même façon qu'est sanctionné le défaut de remise des documents et informations requis, par la prorogation du délai de renonciation jusqu'au trentième jour calendaire révolu suivant la date de remise effective de l'information dans la forme exigée, dans la limite de huit ans à compter de la date où le souscripteur est informé que le contrat est conclu ''
A titre encore plus subsidiaire :
- juger que Monsieur [D] [X] a abusé de sa faculté de renonciation;
- infirmer le jugement entrepris avec les mêmes conséquences que ci-dessus,
En tout état de cause :
- condamner Monsieur [D] [X] à lui verser la somme de 50.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens.
Aux termes de ses dernières écritures du 30 avril 2013, Monsieur [D] [X] demande à la Cour de débouter l'appelante de sa demande de renvoi préjudiciel, de confirmer le jugement rendu le 25 mai 2012, rectifié par jugement du 6 juillet 2012 et, en tout état de cause, de condamner l'assureur à lui verser la somme de 20.000 euros au titre des frais irrépétibles.
Les deux instances ont été jointes par décision du magistrat chargé de la mise en état du 2 juin 2014.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 2 juin 2014.
MOTIFS DE LA DECISION
I- Sur les demandes de la société COMPAGNIE DE CAUMARTIN 2
Considérant que la société COMPAGNIE DE CAUMARTIN 2 expose que l'intimée a manqué aux dispositions des articles L. 132-5-1 et -2 du code des assurances, ainsi que les dispositions réglementaires les complétant, en ne lui remettant pas lors de la conclusion du contrat une note d'information conforme à ces dispositions ou un projet de contrat comportant un encadré les respectant et en fournissant une information incomplète à l'égard des valeurs de rachats, sans que cette intimée puisse se prévaloir de l'assistance apportée par le courtier à son client, l'information due au titre de ces dispositions étant à la seule charge de l'assureur ; qu' elle ajoute que, dans la mesure où la prorogation de la faculté de renonciation est réservée aux personnes physiques, la sanction de ce manquement réside dans la nullité du contrat litigieux, les dispositions de l'article L. 132-5-2 du code des assurances étant d'ordre public ; qu'elle soutient à titre subsidiaire que la nullité du contrat est encore justifiée sur le fondement de l'erreur, l'information retenue par l'intimée, déterminante de son consentement, s'analysant en une qualité substantielle du contrat et, à titre très subsidiaire, sur celui de la réticence dolosive, l'assureur ayant omis sciemment d'attirer son attention sur les risques inhérents à la souscription du contrat ; qu'à titre encore plus subsidiaire, elle précise que l'intimée est tenue au versement de dommages-intérêts, compte tenu de ses fautes précontractuelles d'information ;
Considérant que la société CARDIF LUX VIE répond que la demande d'annulation du contrat est irrecevable, dans la mesure où elle est privée d'objet par le rachat total du contrat exercé par l'appelante et infondée, dès lors que le bénéfice des dispositions de l'article L. 132-5-2 du code des assurances est réservé aux consommateurs, cette qualité étant attribuée par la directive qu'elles transposent aux seules personnes physiques, et non aux sociétés dont l'objet social porte sur la réalisation d'opérations financières dans le cadre de la gestion d'un portefeuille d'actifs ; qu'elle ajoute que l'action de l'appelante ne saurait être davantage fondée sur l'erreur, dès lors qu'elle ne saurait porter sur la valeur et qu'elle est inexcusable compte tenu de la connaissance des contrats de capitalisation dont disposait l'appelante, en sa qualité de professionnel averti, et des conseils prodigués par son courtier ; qu'elle expose que cette action n'est pas plus justifiée par le dol, faute pour l'appelante de rapporter la preuve d'une quelconque réticence dolosive, aucun défaut d'information ne pouvant lui être reproché et que la demande de dommages-intérêts n'est pas fondée, faute de preuve d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité ;
Considérant que si la société COMPAGNIE DE CAUMARTIN 2 a demandé le rachat total de son contrat Cap Secure n° 100024134 le 12 février 2009, cette demande n'a pas totalement été exécutée par l'assureur, qui, le 26 octobre 2011, a adressé à l'adhérente un avenant à ce contrat en date du 30 septembre 2011, ce dont il résulte que le contrat Cap Secure a toujours une existence juridique et que dès lors l'action en nullité de celui-ci n'est pas irrecevable ;
Considérant que le tribunal a, à juste titre, rappelé, d'une part, que les dispositions des articles L.132-5-1 et 2 du code des assurances et de leurs arrêtés d'application étaient expressément réservées aux personnes physiques, et, d'autre part, qu'une personne morale ne pouvait prétendre avoir la qualité de 'consommateur' au sens de la Directive Vie ;
Considérant que les manquements au devoir d'information qui sont reprochés à l'assureur par la société COMPAGNIE DE CAUMARTIN 2 doivent donc être examinés au regard du droit commun des contrats ;
Considérant que, lors de la souscription de son contrat Cap Sécure, l'appelante a reçu un bulletin de souscription, un document intitulé 'conditions générales, fiches fiscales et dispositions spécifiques' et les conditions particulières du contrat ;
Considérant qu'à la lecture de ces documents, la société COMPAGNIE DE CAUMARTIN 2 a été clairement informée des caractéristiques essentielles de son contrat, notamment quant à la nature de celui-ci, le montant des frais, l'absence de garantie de rendement des supports en unités de compte, l'absence de participation aux bénéfices, la durée du contrat et la faculté de rachat ;
Considérant que contrairement à ce que prétend la société COMPAGNIE DE CAUMARTIN 2 ,les conditions générales qu'elle a reconnu avoir reçues lors de la signature du contrat et qui forment le projet de contrat contiennent, en leur article 12, une rubrique expliquant le mécanisme de calcul de la valeur de rachat, illustré par un exemple de calcul sur huit années ;
Considérant, dès lors, que le consentement de l'appelante n'a été vicié ni par l'erreur, ni par le dol, puisqu'elle a reçu toutes les informations nécessaires à sa compréhension du fonctionnement du contrat et des risques liés au placement en unités de compte ;
Qu'en outre, sa demande de dommages-intérêts ne saurait prospérer, puisqu'elle a été suffisamment avertie de ce que son investissement était soumis aux aléas des marchés financiers ;
Considérant que le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes ;
II- Sur les demandes de Monsieur [D] [X]
A-Sur la conformité de la réglementation française avec le droit de l'Union européenne.
Considérant que la société CARDIF rappelle que l'article 36 de la Directive 2002/83/CE du 5 novembre 2002 concernant l'assurance directe sur la vie, dite Directive Vie, impose aux assureurs de communiquer au preneur, a minima, les informations énumérées à l'annexe III de ladite Directive, et leur permet de communiquer d'autres informations, à condition qu'elles soient nécessaires à la compréhension effective par le preneur des éléments essentiels de son engagement ;qu'elle soutient que les exigences de forme et d'informations supplémentaires contenues dans la réglementation française constituent une entrave à la libre prestation de services, qui lui permet de commercialiser ses produits dans toute la Communauté européenne, que ces exigences ne sont ni nécessaires à l'information du preneur, ni proportionnées à sa protection, et qu'elles ne sont pas justifiées par la comparabilité entre les produits ; qu'elle ajoute qu'aucune raison impérieuse d'intérêt général ne peut justifier l'entrave à la libre prestation de service ; qu'elle affirme que l'information relative aux valeurs de rachat constitue une information supplémentaire au sens de la Directive Vie, qui n'est pas nécessaire à la compréhension effective par le preneur des éléments essentiels de l'engagement ; qu'à titre subsidiaire, si la cour devait s'interroger sur la contrariété entre, d'une part, le principe de libre prestation de services, les objectifs et le texte de la Directive 2002/83/CE et, d'autre part, les termes de la loi française, elle l'invite à solliciter l'interprétation de la CJUE à titre préjudiciel dans les termes précisés au dispositif de ses écritures ;
Considérant que Monsieur [D] [X] répond que les dispositions du code des assurances ne font que préciser le contenu des informations devant être communiquées au preneur avant la conclusion du contrat et figurant dans l'annexe III de la Directive Vie, et répondent à l'intérêt général de protection du consommateur ; qu'il ajoute que les informations supplémentaires exigées par le droit français sont nécessaires à la compréhension effective par le preneur des éléments essentiels de l'engagement ;qu'il conclut que les dispositions nationales sont conformes à la Directives 2002/83/CE, comme l'a affirmé à plusieurs reprises la Cour de Cassation, et que le renvoi préjudiciel sollicité est injustifié ;
Considérant que les dispositions de l'article 36 de la Directive Vie laissent le soin aux Etats membres de définir et fixer tant la forme dans laquelle l'information précontractuelle doit être communiquée au preneur d'assurance que son contenu, et ce dans le cadre et les limites fixées aux paragraphes 1 et 3 dudit article ;
Considérant que contrairement à ce que soutient la société CARDIF, la législation française ne lui interdit pas de communiquer au preneur d'autres informations que celles visées à l'annexe III, qu'en effet, si le contenu de l'encadré est limitativement fixé par l'article A 132-8 du code des assurances, l'assureur conserve le droit d'ajouter toute information complémentaire qu'il estime utile dans une autre partie de la proposition d'assurance ou du projet de contrat ou encore dans les conditions générales ;
Considérant que la seule information prétendument supplémentaire invoquée par la société CARDIF est celle concernant les valeurs de rachat prévue par l'article L.132-5-2 du code des assurances, dont le contenu est défini à l'article A.132-4-1 du même code, et qui relève des modalités d'application de l'article a.9 de l'annexe III de la Directive ;
Considérant que l'article A.132-4-1 prévoit notamment, lorsque les valeurs de rachat ou de transfert ne peuvent être établies en euros ou devises lors de la remise du projet de contrat, l'indication au travers d'un tableau des valeurs de rachat à partir d'un nombre générique initial de cent unités de compte et, au cas particulier des contrats comprenant des garanties en unités de compte, à titre d'exemple, trois simulations intégrant les frais prélevés pratiqués à partir de trois hypothèses explicites, dont le cas de la stabilité de la valeur des unités de compte, ceux d'une hausse, et symétriquement d'une baisse de même amplitude ;
Considérant qu'à supposer même qu'il puisse être considéré que l'information requise excède ce qu'exige a minima la Directive, cette information apparaît néanmoins nécessaire à la compréhension effective par le preneur d'assurance d'un élément essentiel de son engagement, eu égard à la complexité du mode de calcul des valeurs de rachat lorsqu'elles ne peuvent être établies en euros ou devises au stade précontractuel, les simulations des hypothèses de stabilité, de hausse et de baisse étant de nature à attirer concrètement son attention sur l'aléa de l'investissement et les risques de perte encourus;
Considérant, par ailleurs, que les exigences relatives à la forme et aux informations supplémentaires imposés par le code des assurances ne présentent aucun caractère discriminatoire, puisqu'en vertu de l'article L.363-3 du code des assurances, toutes les entreprises d'assurance communautaires opérant en France, que ce soit en régime d'établissement ou en libre prestation de services, doivent respecter les obligations qui s'imposent à elles en application du code des assurances ;
Que ces exigences ne font pas davantage obstacle à la commercialisation en France des produits d'assurance-vie proposés par la société CARDIF, celle-ci devant simplement adapter l'information précontractuelle due au preneur à la réglementation française ;
Que leur finalité étant de faciliter la compréhension par le preneur des caractéristiques essentielles du contrat proposé, mais également la comparaison avec les contrats proposés par les assureurs concurrents, l'objectif rappelé au considérant n° 52 du préambule de la Directive, à savoir de faire profiter le consommateur de la diversité des contrats et d'une concurrence accrue, est pleinement atteint par la législation française ;
Considérant que le droit national étant conforme au droit communautaire, il n'y a pas lieu à renvoi préjudiciel aux fins d'interprétation devant la Cour de Justice de l'Union européenne ;
B-Sur la régularité des documents et informations remis à l'assuré
Considérant que la société CARDIF soutient que la proposition d'assurance, qui contenait l'encadré exigé par l'article L.132-5-2 du code des assurances, était conforme aux prescriptions de la réglementation française, qu'elle contenait l'information sur le point de départ du droit à renonciation, et qu'elle a remis à l'intimé, au cours de la phase précontractuelle, un document intitulé 'conditions générales, fiches fiscales et dispositions spécifiques', qui peut être assimilé à la note d'information décrite par l'article A.132-4 du code des assurances ;
Considérant que l'intimé répond que l'encadré figurant au début des propositions d'assurance n'indiquait pas, en termes très apparents, la nature du contrat, que les frais du contrat n'étaient pas mentionnés conformément aux exigences de l'article A.132-8 du code des assurances, que l'encadré ne respectait pas les exigences de ce texte relatives aux garanties offertes, à la participation aux bénéfices, à la durée du contrat, ni aux modalités de désignation des bénéficiaires ;qu'il en déduit que l'assureur devait lui remettre une note d'information distincte des conditions générales, ce qui n'a pas été le cas, et excipe de plus de manquements concernant la proposition d'assurance ou le projet de contrat quant aux mentions relatives à la faculté de renonciation et aux valeurs de rachat ;
Considérant que, selon l'article L. 132-5-1 du code des assurances, 'Toute personne physique qui a signé une proposition ou un contrat d'assurance sur la vie.....a la faculté d'y renoncer par lettre recommandée avec demande d'avis de réception pendant le délai de trente jours calendaires révolus à compter du moment où elle est informée que le contrat est conclu.....La renonciation entraîne la restitution par l'entreprise d'assurance.....de l'intégralité des sommes versées par le contractant, dans le délai maximal de trente jours calendaires à compter de la réception de la lettre recommandée. Au-delà de ce délai, les sommes non restituées produisent de plein droit intérêt au taux légal majoré de moitié durant deux mois, puis, à l'expiration de ce délai de deux mois, au double du taux légal.....' ;
Considérant que l'article L. 132-5-2 du même code prévoit notamment que 'Avant la conclusion d'un contrat d'assurance sur la vie.....par une personne physique, l'assureur remet à celle-ci, contre récépissé, une note d'information sur les conditions d'exercice de la faculté de renonciation et sur les dispositions essentielles du contrat. Un arrêté fixe les informations qui doivent figurer dans cette note, notamment en ce qui concerne les garanties exprimées en unités de compte. Toutefois, la proposition d'assurance ou le projet de contrat vaut note d'information, pour les contrats d'assurance comportant une valeur de rachat ou de transfert, lorsqu'un encadré, inséré en début de proposition d'assurance ou de projet de contrat, indique en caractères très apparents la nature du contrat. L'encadré comporte en particulier le regroupement des frais dans une même rubrique, les garanties offertes et la disponibilité des sommes en cas de rachat, la participation aux bénéfices, ainsi que les modalités de désignation des bénéficiaires. Un arrêté......fixe le format de cet encadré ainsi que, de façon limitative, son contenu......La proposition ou le contrat d'assurance......comprend.....un modèle de lettre destiné à faciliter l'exercice de la faculté de renonciation' et 'une mention dont les termes sont fixés par arrêté du ministre chargé de l'économie, précisant les modalités de renonciation.....Le défaut de remise des documents et informations prévus au présent article entraîne de plein droit la prorogation du délai de renonciation prévu à l'article L. 132-5-1 jusqu'au trentième jour calendaire révolu suivant la date de remise effective de ces documents, dans la limite de huit ans à compter de la date où le souscripteur est informé que le contrat est conclu......' ;
Considérant que l'article A.132-8 du même code fixe le format de cet encadré et son contenu, en énumérant de façon limitative les informations à fournir, dans l'ordre précisé ;
Considérant que c'est par des motifs exacts et pertinents, que la cour adopte, que les premiers juges ont retenu que l'encadré figurant en tête des propositions d'assurance remises à Monsieur [X] ne respectait pas, tant en la forme que dans leur contenu, les dispositions légales et réglementaires susvisées sur les différents points invoqués par l'intimé ;
Considérant que l'assureur n'était dès lors pas dispensé de remettre à ce dernier la note d'information prévue à l'article L.132-5-2, laquelle est destinée à l'information précontractuelle du preneur d'assurance et ne doit contenir que les dispositions essentielles du contrat, sur lesquelles il convient d'attirer particulièrement son attention ;
Considérant que cette note d'information ne peut donc pas être confondue avec 'les conditions générales, fiches fiscales et dispositions spécifiques' remises à Monsieur [X], lesquelles contiennent, sur vingt quatre pages, l'ensemble des éléments d'information contractuelle, qu'il s'en suit que la société CARDIF n'a pas non plus remis de note d'information conforme à l'intimé ;
Considérant, en outre, que les propositions d'assurance ne satisfaisaient pas aux prescriptions de l'article L.132-5-2 en ce que la mention précisant les modalités de renonciation n'étaient pas rédigées dans les termes précis exigés par l'article A.132-4-2, laissant planer une incertitude sur le point de départ exact du délai de renonciation au contrat ;
Considérant, enfin, que la société CARDIF a violé les dispositions des articles L.132-5-2 et A.132-4-1 du code des assurances en ne donnant pas, dans la proposition d'assurance ou les conditions générales valant projet de contrat, les informations relatives à la valeur de rachat du contrat, exprimée en unités de compte, au motif inopérant que cette information ne serait pas claire, précise et nécessaire à la compréhension effective par le preneur des éléments essentiels de l'engagement, ce qu'il ne lui appartient pas d'apprécier;
C-Sur le caractère proportionné de la sanction prévue par la réglementation française
Considérant que la société CARDIF soutient que la prorogation du délai de renonciation prévue à l'article L.132-5-2 alinéa 4 du code des assurances est disproportionnée par rapport aux quelques manquements purement formels qui lui sont reprochés alors qu'elle s'adresse le plus souvent à des investisseurs très avertis, comme c'est le cas de Monsieur [X], qui au demeurant ne se plaint d'aucun manque effectif d'information ; qu'elle invite la cour à poser une question préjudicielle sur ce point à la CJUE ;
Considérant que l'intimé répond que la sanction prévue est proportionnée à l'absence de communication au preneur des informations nécessaires pour choisir le contrat convenant le mieux à ses besoins ;
Considérant que l'article 35 de la Directive Vie relatif au délai de renonciation énonce au 1 que 'Chaque Etat membre prescrit que le preneur d'un contrat d'assurance-vie individuelle dispose d'un délai compris entre quatorze et trente jours'pour y renoncer, que la notification par le preneur de sa renonciation au contrat a pour effet de le libérer pour l'avenir de toute obligation découlant de ce contrat et que 'les autres effets juridiques et les conditions de la renonciation sont réglés conformément à la loi applicable au contrat' ;
Considérant que l'article 36.4 relatif à l'information des preneurs prévoit en son point 4 que 'les modalités d'application du présent article et de l'annexe III sont arrêtés par l'Etat membre de l'engagement' ;
Considérant que, lorsqu'une réglementation communautaire ne comporte aucune disposition spécifique prévoyant une sanction en cas de violation, ou renvoie sur ce point aux réglementations nationales, ce qui est le cas de l'article 36 de la Directive Vie et de son annexe III, il incombe aux Etats membres de prendre toutes mesures propres à garantir la portée et l'efficacité du droit communautaire dans les conditions de fond et de procédure conférant à la sanction un caractère effectif, proportionné et dissuasif ;
Considérant que la sanction prévue par l'article L.132-5-2 du code des assurances est proportionnée à l'objectif de la Directive Vie telle qu'il résulte du considérant n° 52 de son préambule rappelé ci-dessus, sans qu'il y ait lieu de distinguer selon que le manquement est purement formel ou tient au contenu de l'information qui doit être fournie, ni de subordonner la sanction à la démonstration préalable d'un préjudice subi par le preneur d'assurance ;
Considérant que, là encore, en l'absence de contrariété entre les termes de la loi française et la Directive Vie concernant la sanction applicable au défaut de remise des documents et informations légalement requis, il n'y a pas lieu à renvoi préjudiciel devant la Cour de Justice de l'Union européenne ;
D-Sur le caractère abusif de l'exercice de la faculté de renonciation.
Considérant que la société CARDIF reproche aux intimés d'avoir abusé de leur droit à renonciation, car ils ne l'ont fait que dans un but financier et spéculatif ;
Considérant que l'intimé répond que l'exercice de la faculté de renoncer au contrat est un droit discrétionnaire, ce qui exclut la notion d'abus de droit ;
Considérant que la faculté de renonciation prévue à l'article L.132-5-1 du code des assurances est un droit discrétionnaire pour l'assuré dont la bonne foi n'est pas requise, qu'il soit averti ou profane, et ne peut donc dégénérer en abus ;
Considérant qu'en tout état de cause, l'appelante ne démontre pas que l'usage par l'intimé de la faculté de renonciation qui lui est ouverte du fait même des manquements de l'assureur, qui ne lui a pas remis les documents et informations prévus par les dispositions d'ordre public, constitue un détournement de la finalité de la règle de droit issue du code des assurances, même s'il peut ainsi échapper aux conséquences des fluctuations du marché financier ;
Considérant que le jugement entrepris doit, dès lors être confirmé en ce qu'il a condamné l'appelante à payer à Monsieur [D] [X] la somme de 4 912 716,50 euros avec intérêts au taux majoré prévus à l'article L132-5-1 du code des assurances ;
Sur l'article 700 du code de procédure civile
Considérant que l'équité commande d'allouer à Monsieur [X] la somme complémentaire de 4000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de condamner la société COMPAGNIE DE CAUMARTIN 2 à payer à la société CARDIF la somme de 2000 euros sur le même fondement ;
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Confirme le jugement du 25 mai 2012, rectifié par jugement du 6 juillet 2012, du tribunal de grande instance de Paris, en toutes leurs dispositions,
Et y ajoutant, dit n'y avoir lieu à poser une question préjudicielle à la Cour de Justice de l'Union européenne ;
Condamne la société CARDIF LUX VIE à payer à Monsieur [X] la somme complémentaire de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;
Condamne la société COMPAGNIE DE CAUMARTIN 2 à payer à la société CARDIF LUX VIE la somme complémentaire de 2.000 euros sur le fondement du même texte ;
Rejette toutes autres demandes ;
Condamne la société CARDIF LUX VIE aux dépens de la procédure d'appel, pour ce qui concerne les demandes de Monsieur [X], et la société COMPAGNIE DE CAUMARTIN 2 pour ce qui concerne ses propres prétentions, et dit qu'ils pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE