Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 5
ARRÊT DU 16 SEPTEMBRE 2014
(n°2014/ , 9 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 12/17943
Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Juin 2012 -Tribunal de Grande Instance de paris - RG n° 11/04543
APPELANTE
SA CARDIF LUX VIE
[Adresse 2]
2227 LUXEMBOURG
Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477
Assistée par Me Florent BOUDERBALA, avocat au barreau de PARIS, toque : R144
INTIMES
Monsieur [X] [G]
[Adresse 1]
[Localité 1]
et
Madame [L] [G]
[Adresse 1]
[Localité 1]
Représentés par Me Jean-loup PEYTAVI, avocat au barreau de PARIS, toque : B1106
Assistés par Me Nicolas LECOQ VALLON de la SCP LECOQ VALLON & FERON-POLONI, avocat au barreau de PARIS, toque : L0187
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 Juin 2014, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Catherine LE FRANCOIS, Présidente de chambre, entendue en son rapport, et de Monsieur Michel CHALACHIN, Conseiller
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Catherine LE FRANCOIS, Présidente
Monsieur Michel CHALACHIN, Conseiller
Madame Françoise MARTINI, Conseillère
Greffier, lors des débats : Madame Aouali BENNABI
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Catherine LE FRANCOIS, président et par Madame Aouali BENNABI, greffier présente lors du prononcé.
Le 11 juin 2008, Monsieur [X] [G] et Madame [L] [G] ont conclu, chacun, un contrat d'assurance-vie Liberty 2 Invest auprès de la société de droit luxembourgeois Fortis Luxembourg Vie, devenue CARDIF LUX VIE (CARDIF), sur lequel ils ont investi un même capital initial d'un montant de 1.503.057,25 euros.
Le 1er mars 2009, ils ont procédé à un rachat partiel d'un montant de de 344.500 euros chacun.
Par deux courriers recommandés avec accusé de réception du 15 octobre 2010, réceptionnés le 19 octobre 2010, Monsieur et Madame [G] se sont prévalus de la faculté de renonciation au contrat auprès de l'assureur.
Ce dernier ayant refusé d'accéder à leur demande, les consorts [G] ont, par acte du 1er février 2011, fait assigner la société FORTIS LUXEMBOURG VIE devant le Tribunal de grande instance de PARIS.
Par jugement du 21 juin 2012, cette juridiction a condamné, avec exécution provisoire, la société FORTIS LUXEMBOURG VIE à restituer à Monsieur et Madame [G], chacun, la somme principale de 1.158.557 euros avec intérêts au taux légal majoré de moitié du 19 novembre 2010 au 19 janvier 2011 et au double du taux légal à compter du 19 janvier 2011 jusqu'au paiement, avec anatocisme, et à leur verser la somme de 1.500 euros chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration du 8 octobre 2012,l'assureur a interjeté appel de cette décision.
Aux termes de ses dernières conclusions du 30 mai 2014, la société CARDIF LUX VIE, venant aux droits de la société FORTIS LUXEMBOURG VIE demande à la cour de:
- juger qu'elle a respecté l'obligation d'information précontractuelle mise à sa charge,
- en conséquence, infirmer le jugement entrepris et ordonner la restitution par Madame [L] [G] et Monsieur [X] [G] de l'intégralité des sommes qu'ils ont perçues au titre de l'exécution provisoire de ce jugement, soit 2.317.144,50 euros, avec intérêt au taux légal à compter du versement de ces sommes à la Carpa,
A titre subsidiaire :
-solliciter l'interprétation de la CJUE à titre préjudiciel et poser les questions suivantes:
*Le droit de l'Union, et en particulier l'article 56 TFUE ainsi que la directive 2002/83/CE, s'oppose-t-il à ce qu'une réglementation nationale exige des entreprises d'assurance exerçant en libre prestation de services la communication au preneur d'informations dans le strict respect d'exigences de forme, de façon limitative et dans un ordre précis '
*Est-il proportionné et nécessaire à la protection du preneur, objectif d'intérêt général pris en compte par la directive 2002/83/CE, d'exiger des entreprises d'assurance exerçant en libre prestation de services la communication au preneur d'informations de façon limitative et dans un ordre précis, strictement défini et dont l'entreprise d'assurance ne pourrait en aucun cas déroger, fut-ce en apportant une information complémentaire ou supplémentaire '
*La directive 2002/83/CE doit-elle s'interpréter comme permettant aux Etats membres d'introduire dans leur législation toute exigence d'information supplémentaire à celle prévue par l'annexe III de ladite directive, pour autant qu'ils l'estiment simplement nécessaire à la protection du consommateur '
*La directive 2002/83/CE, s'oppose-t-elle à une réglementation nationale qui exige des entreprises d'assurance, lorsqu'une part ou la totalité des prélèvements effectués sur les unités de compte ne peut être déterminée lors de la remise de la proposition d'assurance en un nombre générique d'unités de compte, d'indiquer, à titre d'exemple, des simulations de valeurs de rachat ou de transfert pour les huit premières années au moins, intégrant les frais prélevés, et devant être pratiquées à partir de trois hypothèses explicites, dont le cas de la stabilité de la valeur des unités de compte, et ceux d'une hausse, et symétriquement d'une baisse de même amplitude de la valeur des unités de compte'
L'exigence d'une telle information est-elle claire, précise et nécessaire à la compréhension effective par le preneur des éléments essentiels de l'engagement au sens de l'article 36 de la directive 2002/83/CE '
*L'article 36 de la directive 2002/83/CE et son annexe III doivent-ils s'interpréter
comme permettant à une réglementation nationale d'exiger des entreprises d'assurance la communication d'informations énumérées limitativement, et d'interdire aux entreprises d'assurance la communication au preneur de toute information complémentaire'
A titre très subsidiaire :
- juger que la sanction prononcée par le tribunal est disproportionnée ;
- infirmer le jugement entrepris avec les mêmes conséquences que ci-dessus,
A titre plus subsidiaire :
-poser à la CJUE la question préjudicielle suivante :
'Les dispositions de la directive 2002/83/CE, doivent-elle s'interpréter en ce sens qu'elles s'opposent à ce qu'une réglementation nationale sanctionne le non-respect de la forme dans laquelle l'information doit être communiquée au preneur de la même façon qu'est sanctionné le défaut de remise des documents et informations requis, par la prorogation du délai de renonciation jusqu'au trentième jour calendaire révolu suivant la date de remise effective de l'information dans la forme exigée, dans la limite de huit ans à compter de la date où le souscripteur est informé que le contrat est conclu ''
A titre encore plus subsidiaire :
- juger que Madame [L] [G] et Monsieur [X] [G] ont abusé de leur faculté de renonciation ;
- infirmer le jugement entrepris avec les mêmes conséquences que ci-dessus,
A titre infiniment subsidiaire :
- juger qu'elle est bien fondée à exécuter son obligation de restitution en transférant à Madame [L] [G] et Monsieur [X] [G] les titres figurant dans le fonds dédié au jour de l'exercice de la faculté de renonciation,
- ordonner en conséquence, d'une part, la restitution par Madame [L] [G] et Monsieur [X] [G] à la société Cardif Lux Vie de la somme de 2.317.144,50 euros qu'ils ont perçue au titre de l'exécution provisoire du jugement, et, d'autre part, la restitution par la société Cardif Lux Vie à Madame [L] [G] et Monsieur [X] [G], à leur valeur d'apport, des titres figurant au contrat souscrit par chacun d'entre eux au jour de l'exercice de la faculté de renonciation, outre les liquidités disponibles sur le contrat souscrit par chacun d'entre eux au jour de la décision à intervenir,
En tout état de cause :
- condamner Madame [L] [G] et Monsieur [X] [G] à lui verser la somme de 50.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens.
Dans leurs dernières conclusions du 26 avril 2013, les consorts [G] demandent à la Cour de débouter l'appelante de ses demandes de question préjudicielle, de celle afférente à la restitution sous forme de titre, de confirmer le jugement et, en tout état de cause, condamner l'assureur à leur verser, chacun, la somme de 10.000 euros au titre des frais irrépétibles.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 2 juin 2014.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la conformité de la réglementation française avec le droit de l'Union européenne.
Considérant que la société CARDIF rappelle que l'article 36 de la Directive 2002/83/CE du 5 novembre 2002 concernant l'assurance directe sur la vie, dite Directive Vie, impose aux assureurs de communiquer au preneur, a minima, les informations énumérées à l'annexe III de ladite Directive, et leur permet de communiquer d'autres informations, à condition qu'elles soient nécessaires à la compréhension effective par le preneur des éléments essentiels de son engagement ; qu'elle soutient que les exigences de forme et d'informations supplémentaires contenues dans la réglementation française constituent une entrave à la libre prestation de services, qui lui permet de commercialiser ses produits dans toute la Communauté européenne, que ces exigences ne sont ni nécessaires à l'information du preneur, ni proportionnées à sa protection, et qu'elles ne sont pas justifiées par la comparabilité entre les produits ; qu' elle ajoute qu'aucune raison impérieuse d'intérêt général ne peut justifier l'entrave à la libre prestation de service ; elle affirme que l'information relative aux valeurs de rachat constitue une information supplémentaire au sens de la Directive Vie, qui n'est pas nécessaire à la compréhension effective par le preneur des éléments essentiels de l'engagement ; qu'à titre subsidiaire, si la cour devait s'interroger sur la contrariété entre, d'une part, le principe de libre prestation de services , les objectifs et le texte de la Directive 2002/83/CE et, d'autre part, les termes de la loi française, elle l'invite à solliciter l'interprétation de la CJUE à titre préjudiciel dans les termes précisés au dispositif de ses écritures ;
Considérant que les intimés répondent que les dispositions du code des assurances ne font que préciser le contenu des informations devant être communiquées au preneur avant la conclusion du contrat et figurant dans l'annexe III de la Directive Vie, et répondent à l'intérêt général de protection du consommateur ; qu'ils ajoutent que les informations supplémentaires exigées par le droit français sont nécessaires à la compréhension effective par le preneur des éléments essentiels de l'engagement ; qu'ils concluent que les dispositions nationales sont conformes à la Directives 2002/83/CE, comme l'a affirmé à plusieurs reprises la Cour de Cassation, et que le renvoi préjudiciel sollicité est injustifié;
Considérant que les dispositions de l'article 36 de la Directive Vie laissent le soin aux Etats membres de définir et fixer tant la forme dans laquelle l'information précontractuelle doit être communiquée au preneur d'assurance que son contenu, et ce dans le cadre et les limites fixées aux paragraphes 1 et 3 dudit article ;
Considérant que contrairement à ce que soutient la société CARDIF, la législation française ne lui interdit pas de communiquer au preneur d'autres informations que celles visées à l'annexe III, qu'en effet, si le contenu de l'encadré est limitativement fixé par l'article A 132-8 du code des assurances, l'assureur conserve le droit d'ajouter toute information complémentaire qu'il estime utile dans une autre partie de la proposition d'assurance ou du projet de contrat ou encore dans les conditions générales ;
Considérant que la seule information prétendument supplémentaire invoquée par la société CARDIF est celle concernant les valeurs de rachat prévue par l'article L.132-5-2 du code des assurances, dont le contenu est défini à l'article A.132-4-1 du même code, et qui relève des modalités d'application de l'article a.9 de l'annexe III de la Directive ;
Considérant que l'article A.132-4-1 prévoit notamment, lorsque les valeurs de rachat ou de transfert ne peuvent être établies en euros ou devises lors de la remise du projet de contrat, l'indication au travers d'un tableau des valeurs de rachat à partir d'un nombre générique initial de cent unités de compte et, au cas particulier des contrats comprenant des garanties en unités de compte, à titre d'exemple, trois simulations intégrant les frais prélevés pratiqués à partir de trois hypothèses explicites, dont le cas de la stabilité de la valeur des unités de compte, ceux d'une hausse, et symétriquement d'une baisse de même amplitude ;
Considérant qu'à supposer même qu'il puisse être considéré que l'information requise excède ce qu'exige a minima la Directive, cette information apparaît néanmoins nécessaire à la compréhension effective par le preneur d'assurance d'un élément essentiel de son engagement, eu égard à la complexité du mode de calcul des valeurs de rachat lorsqu'elles ne peuvent être établies en euros ou devises au stade précontractuel, les simulations des hypothèses de stabilité, de hausse et de baisse étant de nature à attirer concrètement son attention sur l'aléa de l'investissement et les risques de perte encourus;
Considérant, par ailleurs, que les exigences relatives à la forme et aux informations supplémentaires imposés par le code des assurances ne présentent aucun caractère discriminatoire, puisqu'en vertu de l'article L.363-3 du code des assurances, toutes les entreprises d'assurance communautaires opérant en France, que ce soit en régime d'établissement ou en libre prestation de services, doivent respecter les obligations qui s'imposent à elles en application du code des assurances ;
Que ces exigences ne font pas davantage obstacle à la commercialisation en France des produits d'assurance-vie proposés par la société CARDIF, celle-ci devant simplement adapter l'information précontractuelle due au preneur à la réglementation française ;
Que leur finalité étant de faciliter la compréhension par le preneur des caractéristiques essentielles du contrat proposé, mais également la comparaison avec les contrats proposés par les assureurs concurrents, l'objectif rappelé au considérant n° 52 du préambule de la Directive, à savoir de faire profiter le consommateur de la diversité des contrats et d'une concurrence accrue, est pleinement atteint par la législation française ;
Considérant que le droit national étant conforme au droit communautaire, il n'y a pas lieu à renvoi préjudiciel aux fins d'interprétation devant la Cour de Justice de l'Union européenne ;
Sur la régularité des documents et informations remis aux assurés
Considérant que la société CARDIF soutient que la proposition d'assurance, qui contenait l'encadré exigé par l'article L.132-5-2 du code des assurances, était conforme aux prescriptions de la réglementation française, qu'elle contenait l'information sur le point de départ du droit à renonciation, et qu'elle a remis aux intimés, au cours de la phase précontractuelle, un document intitulé 'conditions générales, fiches fiscales et dispositions spécifiques', qui peut être assimilé à la note d'information décrite par l'article A.132-4 du code des assurances ;
Considérant que les intimés répondent que l'encadré figurant au début des propositions d'assurance n'indiquait pas, en termes très apparents, la nature du contrat, que les frais du contrat n'étaient pas mentionnés conformément aux exigences de l'article A.132-8 du code des assurances, que l'encadré ne respectait pas les exigences de ce texte relatives aux garanties offertes, à la participation aux bénéfices, à la durée du contrat, ni aux modalités de désignation des bénéficiaires ;qu'ils en déduisent que l'assureur devait leur remettre une note d'information distincte des conditions générales, ce qui n'a pas été le cas, et excipent de plus de manquements concernant la proposition d'assurance ou le projet de contrat quant aux mentions relatives à la faculté de renonciation et aux valeurs de rachat ;
Considérant que, selon l'article L. 132-5-1 du code des assurances, 'Toute personne physique qui a signé une proposition ou un contrat d'assurance sur la vie.....a la faculté d'y renoncer par lettre recommandée avec demande d'avis de réception pendant le délai de trente jours calendaires révolus à compter du moment où elle est informée que le contrat est conclu.....La renonciation entraîne la restitution par l'entreprise d'assurance.....de l'intégralité des sommes versées par le contractant, dans le délai maximal de trente jours calendaires à compter de la réception de la lettre recommandée. Au-delà de ce délai, les sommes non restituées produisent de plein droit intérêt au taux légal majoré de moitié durant deux mois, puis, à l'expiration de ce délai de deux mois, au double du taux légal.....' ;
Considérant que l'article L. 132-5-2 du même code prévoit notamment que 'Avant la conclusion d'un contrat d'assurance sur la vie.....par une personne physique, l'assureur remet à celle-ci, contre récépissé, une note d'information sur les conditions d'exercice de la faculté de renonciation et sur les dispositions essentielles du contrat. Un arrêté fixe les informations qui doivent figurer dans cette note, notamment en ce qui concerne les garanties exprimées en unités de compte. Toutefois, la proposition d'assurance ou le projet de contrat vaut note d'information, pour les contrats d'assurance comportant une valeur de rachat ou de transfert, lorsqu'un encadré, inséré en début de proposition d'assurance ou de projet de contrat, indique en caractères très apparents la nature du contrat. L'encadré comporte en particulier le regroupement des frais dans une même rubrique, les garanties offertes et la disponibilité des sommes en cas de rachat, la participation aux bénéfices, ainsi que les modalités de désignation des bénéficiaires. Un arrêté......fixe le format de cet encadré ainsi que, de façon limitative, son contenu......La proposition ou le contrat d'assurance......comprend.....un modèle de lettre destiné à faciliter l'exercice de la faculté de renonciation' et 'une mention dont les termes sont fixés par arrêté du ministre chargé de l'économie, précisant les modalités de renonciation.....Le défaut de remise des documents et informations prévus au présent article entraîne de plein droit la prorogation du délai de renonciation prévu à l'article L. 132-5-1 jusqu'au trentième jour calendaire révolu suivant la date de remise effective de ces documents, dans la limite de huit ans à compter de la date où le souscripteur est informé que le contrat est conclu......' ;
Considérant que l'article A.132-8 du même code fixe le format de cet encadré et son contenu, en énumérant de façon limitative les informations à fournir, dans l'ordre précisé ;
Considérant que c'est par des motifs exacts et pertinents, que la cour adopte, que les premiers juges ont retenu que l'encadré figurant en tête des propositions d'assurance remises aux consorts [G] ne respectait pas, tant en la forme que dans leur contenu, les dispositions légales et réglementaires susvisées sur les différents points invoqués par les intimés ;
Considérant que l'assureur n'était dès lors pas dispensé de remettre à ces derniers la note d'information prévue à l'article L.132-5-2, laquelle est destinée à l'information précontractuelle du preneur d'assurance et ne doit contenir que les dispositions essentielles du contrat, sur lesquelles il convient d'attirer particulièrement son attention ;
Considérant que cette note d'information ne peut donc pas être confondue avec 'les conditions générales, fiches fiscales et dispositions spécifiques' remises aux consorts [G], lesquelles contiennent, sur vingt quatre pages, l'ensemble des éléments d'information contractuelle, qu'il s'en suit que la société CARDIF n'a pas non plus remis de note d'information conforme aux consorts [G] ;
Considérant, en outre, que les propositions d'assurance ne satisfaisaient pas aux prescriptions de l'article L.132-5-2 en ce que la mention précisant les modalités de renonciation n'étaient pas rédigées dans les termes précis exigés par l'article A.132-4-2, laissant planer une incertitude sur le point de départ exact du délai de renonciation au contrat ;
Considérant, enfin, que la société CARDIF a violé les dispositions des articles L.132-5-2 et A.132-4-1 du code des assurances en ne donnant pas, dans la proposition d'assurance ou les conditions générales valant projet de contrat, les informations relatives à la valeur de rachat du contrat, exprimée en unités de compte, au motif inopérant que cette information ne serait pas claire, précise et nécessaire à la compréhension effective par le preneur des éléments essentiels de l'engagement, ce qu'il ne lui appartient pas d'apprécier;
Sur le caractère proportionné de la sanction prévue par la réglementation française
Considérant que la société CARDIF soutient que la prorogation du délai de renonciation prévue à l'article L.132-5-2 alinéa 4 du code des assurances est disproportionnée par rapport aux quelques manquements purement formels qui lui sont reprochés alors qu'elle s'adresse le plus souvent à des investisseurs très avertis, comme c'est le cas des consorts [G], qui au demeurant ne se plaignent d'aucun manque effectif d'information ; qu'elle invite la cour à poser une question préjudicielle sur ce point à la CJUE ;
Considérant que les intimés répondent que la sanction prévue est proportionnée à l'absence de communication au preneur des informations nécessaires pour choisir le contrat convenant le mieux à ses besoins ;
Considérant que l'article 35 de la Directive Vie relatif au délai de renonciation énonce au 1 que 'Chaque Etat membre prescrit que le preneur d'un contrat d'assurance-vie individuelle dispose d'un délai compris entre quatorze et trente jours'pour y renoncer, que la notification par le preneur de sa renonciation au contrat a pour effet de le libérer pour l'avenir de toute obligation découlant de ce contrat et que 'les autres effets juridiques et les conditions de la renonciation sont réglés conformément à la loi applicable au contrat' ;
Considérant que l'article 36.4 relatif à l'information des preneurs prévoit en son point 4 que 'les modalités d'application du présent article et de l'annexe III sont arrêtés par l'Etat membre de l'engagement' ;
Considérant que, lorsqu'une réglementation communautaire ne comporte aucune disposition spécifique prévoyant une sanction en cas de violation, ou renvoie sur ce point aux réglementations nationales, ce qui est le cas de l'article 36 de la Directive Vie et de son annexe III, il incombe aux Etats membres de prendre toutes mesures propres à garantir la portée et l'efficacité du droit communautaire dans les conditions de fond et de procédure conférant à la sanction un caractère effectif, proportionné et dissuasif ;
Considérant que la sanction prévue par l'article L.132-5-2 du code des assurances est proportionnée à l'objectif de la Directive Vie telle qu'il résulte du considérant n° 52 de son préambule rappelé ci-dessus, sans qu'il y ait lieu de distinguer selon que le manquement est purement formel ou tient au contenu de l'information qui doit être fournie, ni de subordonner la sanction à la démonstration préalable d'un préjudice subi par le preneur d'assurance ;
Considérant que, là encore, en l'absence de contrariété entre les termes de la loi française et la Directive Vie concernant la sanction applicable au défaut de remise des documents et informations légalement requis, il n'y a pas lieu à renvoi préjudiciel devant la Cour de Justice de l'Union européenne ;
Sur le caractère abusif de l'exercice de la faculté de renonciation.
Considérant que la société CARDIF reproche aux intimés d'avoir abusé de leur droit à renonciation, car ils ne l'ont fait que dans un but financier et spéculatif ;
Considérant que les intimés répondent que l'exercice de la faculté de renoncer au contrat est un droit discrétionnaire, ce qui exclut la notion d'abus de droit ;
Considérant que la faculté de renonciation prévue à l'article L.132-5-1 du code des assurances est un droit discrétionnaire pour l'assuré dont la bonne foi n'est pas requise, qu'il soit averti ou profane, et ne peut donc dégénérer en abus ;
Considérant qu'en tout état de cause, l'appelante ne démontre pas que l'usage par les intimés de la faculté de renonciation qui leur est ouverte du fait même des manquements de l'assureur, qui ne leur a pas remis les documents et informations prévus par les dispositions d'ordre public, constitue un détournement de la finalité de la règle de droit issue du code des assurances, même s'ils peuvent ainsi échapper aux conséquences des fluctuations du marché financier ;
Sur les modalités de la restitution.
Considérant que la société CARDIF soutient que la restitution doit être opérée en titres dans la mesure où les intimés ont apporté au contrat des actions de la société ;
Considérant que les intimés répondent que cette demande nouvelle est irrecevable, sur le fondement de l'article 564 du code de procédure civile ; sur le fond, ils soutiennent que l'assureur ne rapporte pas la preuve d'un apport de titres, et que la restitution doit se faire en numéraire ;
Considérant que la demande de l'appelante, certes présentée pour la première fois devant la cour, ne constitue pas une prétention nouvelle au sens de l'article 564 du code de procédure civile, dès lors qu'elle ne vise qu'à faire écarter la prétention adverse tendant à la restitution en numéraire des primes versées sur le contrat et à faire réformer le jugement qui a fait droit à cette demande ;
Considérant que l'article L.132-5-1 du code des assurances, d'ordre public, énonce que la renonciation au contrat entraîne la restitution par l'assureur 'de l'intégralité des sommes versées par le contractant' et que les 'sommes non restituées' dans le délai légal 'produisent de plein droit intérêt...', ce dont il se déduit nécessairement que la restitution ne peut être effectuée qu'en numéraire ;
Considérant que la loi française étant seule applicable aux contrats souscrits par les intimés, nonobstant les dispositions de l'article 5.2 des conditions générales qui stipulent que, si le preneur a versé une prime qui était partiellement ou totalement composée de titres, l'assureur 'remboursera partiellement ou totalement la prime par restitution des titres apportés', la société CARDIF n'est pas en droit d'exécuter son obligation de restitution en nature ;
Considérant que le jugement entrepris doit dès lors être confirmé en ce qu'il a condamné l'appelante à payer à chacun des consorts [G] la somme de 1 158 557,25 euros avec intérêts au taux majoré prévus à l'article L.132-5-1 du code des assurances ;
Sur l'article 700 du code de procédure civile.
Considérant que l'équité commande d'allouer aux intimés la somme complémentaire totale de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et de débouter l'appelante de sa demande fondée sur ce texte ;
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Et y ajoutant, dit n'y avoir lieu à poser une question préjudicielle à la Cour de Justice de l'Union européenne ;
Condamne la société CARDIF LUX VIE à payer à Monsieur et Madame [G] la somme complémentaire totale de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Rejette toutes autres demandes ;
Condamne la société CARDIF LUX VIE aux dépens de la procédure d'appel et dit qu'ils pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE