Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 5
ARRÊT DU 23 SEPTEMBRE 2014
(n°2014/ , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 12/02157
Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Décembre 2011 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 10/10231
APPELANTE
SA EQUITE agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111
Assistée par Me Constance FROGER, avocat au barreau de PARIS, substituant Me MAUDIN Eric de la SCP COHOLET-MAUDIN, avocat au barreau de PARIS, toque : P435
INTIMÉE
Société civile FONCIÈRE SAINT LOUIS
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Jean-claude RADIER, avocat au barreau de PARIS, toque : B0213
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Juin 2014, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Catherine LE FRANCOIS, Présidente de chambre, entendue en son rapport, et de Monsieur Michel CHALACHIN, Conseiller.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Catherine LE FRANCOIS, Présidente
Monsieur Michel CHALACHIN, Conseiller
Madame Françoise MARTINI, Conseillère
Greffier, lors des débats : Madame Aouali BENNABI
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Catherine LE FRANCOIS, présidente et par Madame Aouali BENNABI, greffier présente lors du prononcé.
Par acte du 1er décembre 2007, la société FONCIÈRE SAINT LOUIS, propriétaire d'un immeuble sis [Adresse 3], a consenti un bail à Mademoiselle [N] [O]. Celle-ci a assuré le logement auprès de la société L'EQUITE.
Le 17 décembre 2008, un incendie, ayant pris naissance dans l'appartement loué à cette locataire, a détruit l'intégralité du bâtiment, sans que la cause du sinistre n'ait pu être déterminée ultérieurement.
À la suite de l'expertise amiable diligentée par l'assureur de la locataire, la société L'ÉQUITÉ, la société GENERALI, assureur de la société FONCIERE SAINT LOUIS, appliquant la règle proportionnelle en raison d'une déclaration inexacte de la surface de l'immeuble, a indemnisé son assurée à hauteur de 512.483 euros.
Ayant vainement sollicité de la société L'ÉQUITÉ le paiement de la somme de 533 614 euros, par courriers des 7 octobre et 8 décembre 2009, la société FONCIÈRE SAINT LOUIS a, par acte du 19 janvier 2010, assigné en référé cet assureur, lequel a été condamné, par ordonnance du 26 mars 2010, au versement de la somme de 453.000 euros à titre provisionnel.
Par acte du 29 juin 2010, la société FONCIÈRE SAINT LOUIS a assigné ce même assureur au fond, devant le Tribunal de grande instance de PARIS.
Par jugement du 8 décembre 2011, cette juridiction, ordonnant l'exécution provisoire à concurrence de la somme de 72.243 euros, a condamné la société l'ÉQUITÉ à payer à la société FONCIÈRE SAINT LOUIS les sommes suivantes :
72.243 euros au titre du solde de son préjudice, avec intérêts au taux légal à compter du jugement,
68.853 euros au titre des frais de relogement des tiers occupants d'un immeuble voisin payés par la mairie de [Localité 1], sur justification par la société FONCIÈRE SAINT LOUIS du remboursement effectué par elle de cette somme, à due concurrence, avec intérêts au taux légal à compter de la justification de paiement,
3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration du 3 février 2012, la société L'ÉQUITÉ a interjeté appel de cette décision.
Aux termes de ses dernières conclusions du 14 août 2012, elle poursuit l'infirmation du jugement et demande à la Cour de juger l'intimée irrecevable en ses demandes au titre des frais de relogements des différents locataires, faute d'avoir la qualité de tiers lésé ou de justifier de sa subrogation dans les droits des tiers lésés, dire que l'article 1384 alinéa 2 est seul applicable au titre des dommages subis par les tiers, que l'intimée ne rapporte la preuve d'aucune faute imputable à Mademoiselle [O], que la demande relative aux honoraires d'expert est indépendante de la question de l'imputabilité du sinistre, en conséquence, dire que l'intimée est irrecevable et mal fondée en l'ensemble de ses demandes à son encontre, à titre subsidiaire, dire que toute condamnation pouvant être prononcée à son encontre devra intervenir dans les limites de la police souscrite et notamment sous déduction d'une franchise contractuelle de 4.000 euros, condamner l'intimée à lui verser une somme de 5.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
Dans ses dernières conclusions du 28 août 2013, la société FONCIÈRE SAINT LOUIS sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a condamné l'appelante à lui verser la somme de 72.243 euros au titre du solde de son préjudice direct, outre celle de 68.583 euros au titre des avis de taxation émis par la mairie de [Localité 1] et, y ajoutant, condamner l'appelante à lui verser les sommes de 2.652 euros au titre des pénalités de recouvrement du Trésor public, 3.001,81 euros au titre des frais de commandement de payer, le tout assorti des intérêts au taux légal à compter de l'assignation, ainsi que la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 26 mai 2014.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la recevabilité
Considérant que la société L'ÉQUITÉ fait valoir que l'intimée est irrecevable en ses demandes dès lors qu'elle ne peut se prévaloir d'une action directe, faute de revêtir la qualité de tiers lésé, ni même d'un recours subrogatoire, dans la mesure où elle ne justifie pas du paiement des sommes dues à la mairie de [Localité 1] ;
Considérant que l'intimée prétend disposer de l'action directe prévue à l'article L. 124-3 du code des assurances, à l'encontre de l'assureur de sa locataire en paiement des dommages non indemnisés par son propre assureur ;
Considérant que la société FONCIERE SAINT LOUIS justifie, par la production de l'arrêté de compte de la trésorerie de [Localité 1] du 11 octobre 2012 qu'elle a réglé à celle-ci les frais de relogement des locataires des [Adresse 3], qu'elle est en conséquence recevable à agir sur le fondement de l'article L124-3 du code des assurances ;
Sur le fond
Considérant que l'appelante fait valoir que les demandes de remboursement des frais de relogement ne sauraient être fondées sur les dispositions de l'article 1733 du code civil, l'article 1384 alinéa 2 étant seul applicable dans ce cas d'espèce et soutient que, sur ce second fondement, ces demandes ne sont pas fondées, l'intimée ne rapportant pas la preuve d'une faute imputable à son assurée, laquelle n'a pas reconnu sa responsabilité dans le sinistre ; qu'elle avance que le poste lié aux honoraires d'expert ne saurait être indemnisé, dans la mesure où il aurait été supporté par l'intimé indépendamment de toute question d'imputabilité et ajoute, subsidiairement, que la franchise contractuelle doit s'appliquer ;
Considérant que l'intimée répond que l'article 1384 alinéa 2 n'est pas applicable aux rapports entre propriétaires et locataires, ainsi qu'il en ressort de l'alinéa 3 de ce même article et que l'appelante est tenue de l'indemniser dans la mesure où l'incendie a pris naissance dans l'appartement de son assurée, Mademoiselle [O], peu important que la cause de l'incendie ne soit pas déterminée, la responsabilité de cette locataire étant présumée sur le fondement de l'article 1733 du code civil ; qu'elle expose avoir subi deux préjudices, le premier lié aux frais exposés au titre du relogement de ses locataires et de voisins, dont elle justifie du paiement, et le second résidant dans les honoraires d'expert auquel elle a dû recourir pour déterminer le montant des dommages subis ;
Considérant qu'il n'est pas contesté que l'incendie a pris naissance dans l'appartement loué par la société FONCIERE SAINT LOUIS à Mademoiselle [O] qui est dès lors débitrice de la présomption de responsabilité prévue par l'article 1733 du code civil à l'égard de son bailleur ;
Considérant que le locataire responsable doit réparation non seulement des dommages survenus dans les locaux qui lui ont été donnés à bail, mais également dans ceux, voisins, donnés à bail par le même propriétaire à un autre locataire, ce dont il résulte que l'EQUITE doit être condamnée à prendre en charge les frais de relogement des locataires du [Adresse 3], dont le bailleur est également la société FONCIERE SAINT LOUIS, que ces frais sont justifiés pour une somme de 20 147 euros comprise dans le préjudice total de 1037 726 euros ;
Considérant par contre que la somme de 68 853 euros représente les frais de relogement des locataires du [Adresse 3], dont il n'est pas contesté que la société FONCIERE SAINT LOUIS n'est pas le bailleur, celui-ci étant, au vu des pièces produites, la SCI MACHU PICHU ;
Considérant que ce dommage concerne des tiers au contrat de location, pour lesquels les dispositions de l'article 1733 du code civil, présumant le locataire responsable, ne sont pas applicables ;
Considérant qu'alors qu'elle ne démontre pas, en application de l'article 1384 alinéa 2 du code civil, l'existence d'une faute imputable à Mademoiselle [O], la société FONCIERE SAINT LOUIS ne peut qu'être déboutée de sa demande en paiement de la somme de 68 853 euros représentant le coût de relogement des locataires du [Adresse 3] ainsi que de sa demande additionnelle en paiement de la somme de 2652 euros au titre des pénalités de retard ;
Considérant que c'est par contre à juste titre que les premiers juges ont retenu que, compte tenu de l'importance des dommages, le fait par la société FONCIERE SAINT LOUIS de s'être fait assister par un expert était justifié et que le montant des honoraires de celui-ci, qui fait partie du préjudice, doit être remboursé par l'assureur de la locataire tenue à réparation sur le fondement de l'article 1733 du code civil ;
Considérant que c'est à juste titre que les premiers juges ont retenu que la somme de 72243 euros porterait intérêts au taux légal à compter du jugement ;
Considérant qu'il y a lieu, au vu de la facture produite de faire droit à la demande de la société FONCIERE SAINT LOUIS à hauteur de 3001,81 euros au titre des frais de commandement de payer délivré pour obtenir le paiement des sommes assorties de l'exécution provisoire ;
Considérant que la société L'EQUITE est bien fondée à opposer à l'intimée le montant de la franchise qui s'élève, au vu du contrat à la somme de 4000 euros ;
Considérant qu'alors qu'elle succombe partiellement en son appel, il convient de condamner la société l'EQUITE au paiement d'une somme de 1000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel et de la débouter de sa demande à ce titre, qu'il a lieu également de la condamner aux dépens de la procédure d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a condamné la société L'EQUITE à payer à la SCI FONCIERE SAINT LOUIS la somme de 68 853 euros,
Statuant à nouveau du chef infirmé,
Déboute la SCI FONCIERE SAINT LOUIS de sa demande en paiement des frais de relogement des locataires du [Adresse 3],
Y ajoutant,
Déboute la SCI FONCIERE SAINT LOUIS de sa demande en paiement des pénalités de retard,
Condamne la société L'EQUITE à payer à la SCI FONCIERE SAINT LOUIS la somme de 3001,81 euros,
Dit que les condamnations prononcées à l'encontre de la société l'EQUITE seront exécutées sous déduction de la franchise contractuelle de 4000 euros,
Condamne la société l'EQUITE à payer à la SCI FONCIERE SAINT LOUIS la somme de 1000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel,
Déboute la société L'EQUITE de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne la société L'EQUITE aux dépens de la procédure d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE