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23/09/2014 | FRANCE | N°12/06349

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 10, 23 septembre 2014, 12/06349


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10



ARRÊT DU 23 Septembre 2014

(n° , 08 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/06349



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 10 Mai 2012 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de PARIS section activités diverses RG n° 10/08565





APPELANTE

[1] INTERNATIONAL prise en la personne de son Administrateur général

[Adresse 2]



[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par Me Christophe DELSART, avocat au barreau de , toque : A766





INTIMEE

Madame [P] [N]

[Adresse 1]

[Localité 2]

comparante en per...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10

ARRÊT DU 23 Septembre 2014

(n° , 08 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/06349

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 10 Mai 2012 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de PARIS section activités diverses RG n° 10/08565

APPELANTE

[1] INTERNATIONAL prise en la personne de son Administrateur général

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par Me Christophe DELSART, avocat au barreau de , toque : A766

INTIMEE

Madame [P] [N]

[Adresse 1]

[Localité 2]

comparante en personne

assistée de Me Nicolas SANFELLE, avocat au barreau de VERSAILLES

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 06 Mai 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Claudine PORCHER, président

Madame Marie-Aleth TRAPET, conseiller

Madame Aline BATOZ, vice-président placé faisant fonction de conseiller par ordonnance du Premier Président en date du 17 mars 2014

qui en ont délibéré

Greffier : Mme Caroline CHAKELIAN, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Aleth TRAPET, conseiller, pour le président empêché, et par Caroline CHAKELIAN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Madame [P] [N] a été engagée par le Commissariat général aux relations internationales de la communauté française [1], par contrat à durée indéterminée ayant pris effet le 3 novembre 2008, pour exercer la fonction de responsable du bâtiment au centre [1] de [Localité 3].

Madame [N] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris, par lettre recommandée avec accusé de réception du 23 juin 2010 reçue le lendemain, d'une demande tendant notamment au prononcé de la résiliation judiciaire de son contrat de travail au 7 septembre 2010 aux torts exclusifs de l'employeur, et au paiement de dommages et intérêts pour violation du statut protecteur et pour harcèlement moral.

Madame [N] a été convoquée par lettre recommandée avec accusé de réception du 16 juin 2010 à un entretien préalable à licenciement fixé au 25 juin 2010. Le 30 juin 2010, le Directeur du centre [1] de [Localité 3] a saisi les services de l'inspection du travail d'une demande d'autorisation de licenciement. Par décision du 31 août 2010, l'inspecteur du travail s'est déclaré incompétent pour statuer sur la rupture du contrat de travail d'un salarié conclu avec une administration publique et a en conséquence rejeté la demande d'autorisation de licenciement.

Le licenciement de Madame [N] lui a été notifié par lettre recommandée avec accusé de réception du 7 septembre 2010.

Par jugement du 10 mai 2012, la section Activités diverses du conseil de prud'hommes de Paris, présidée par le juge départiteur, a dit n'y avoir lieu d'annuler les avertissements notifiés les 21 janvier et 21 mai 2010, mais a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Madame [N] « avec effet au 17 septembre 2010, date du licenciement », condamné en conséquence WBI à lui payer les salaires dus entre la fin du contrat de travail à l'issue du préavis le 17 novembre 2010 et la fin de la période de protection attachée au mandat de déléguée du personnel auquel Madame [N] avait été élue le 19 décembre 2009, soit la somme de 126 454 €, outre 16 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement illicite et 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, les parties étant déboutées de leurs autres demandes et [1] INTERNATIONAL condamnée aux dépens.

Cette décision a été frappée d'appel par [1] INTERNATIONAL qui demande à la cour :

- à titre principal :

- d'examiner en premier lieu le bien fondé du licenciement,

- de déclarer irrecevable la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail,

- d'infirmer le jugement dont appel en jugeant que Madame [N] ne bénéficiait pas de la qualité de salarié protégé, que son licenciement reposait sur un motif réel et sérieux et que la direction du Centre [1] n'avait commis aucun agissement constitutif de harcèlement moral, et en conséquence de débouter Madame [N] de l'ensemble de ses demandes,

- à titre subsidiaire :

- de juger que Madame [P] [N] ne bénéficiait pas de la qualité de salarié protégé, et que sa demande de résiliation judiciaire est mal fondée,

- de juger que le licenciement de Madame [N] repose sur un motif réel et sérieux, que la direction du Centre [1] n'a commis aucun agissement constitutif de harcèlement moral, et en conséquence de débouter Madame [N] de l'ensemble de ses demandes,

- en tout état de cause :

- de condamner Madame [N] à lui verser 2 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Madame [P] [N] a sollicité la confirmation partielle du jugement entrepris et formé un appel incident. Elle conclut à ce qu'il plaise à la cour de fixer sa rémunération moyenne mensuelle brute à 2 925 €, et :

- à titre principal :

- de prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail à la date du 7 septembre 2010, aux torts exclusifs de l'employeur,

- de condamner [1] INTERNATIONAL à lui payer, au titre des indemnités pour licenciement nul :

- à titre de dommages et intérêts pour violation du statut protecteur : 137 475 €

- à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 35 000 €,

- à titre subsidiaire,

- de prononcer la nullité de son licenciement,

- de condamner [1] INTERNATIONAL à lui payer, au titre des indemnités pour licenciement nul :

- à titre de dommages et intérêts pour violation du statut protecteur : 137 475 €

- à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 35 000 €,

- à titre infiniment subsidiaire ;

- de juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- de condamner [1] INTERNATIONAL à lui payer 35 000  € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- en tout état de cause :

- de prononcer l'annulation des avertissements des 21 janvier 2010, 15 février 2010, 26 février 2010, 20 mai 2010, 21 mai 2010 et 7 juin 2010,

- de condamner [1] INTERNATIONAL à lui payer 10 000  € à titre de dommages et intérêts pour sanctions abusives,

- de juger qu'elle a été victime d'un harcèlement moral,

- de condamner [1] INTERNATIONAL à lui payer 30 000  € à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

- de constater la violation de son statut protecteur,

- de condamner [1] INTERNATIONAL à lui payer 15 000  € à titre de dommages et intérêts pour violation du statut protecteur,

- de condamner enfin [1] INTERNATIONAL à une indemnité de 2 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier, reprises et complétées lors de l'audience des débats.

SUR QUOI, LA COUR,

Sur la demande d'annulation des avertissements

Madame [N] demande à la cour d'infirmer le jugement qui a rejeté sa demande d'annulation des « avertissements » des 21 janvier, 15 février, 26 février, 20 mai, 21 mai et 7 juin 2010.

L'employeur conteste la nature de sanction des notes des 5 février, 26 février, 20 mai et 7 juin 2010 et estime que les deux avertissements des 21 janvier et 21 mai 2010 étaient parfaitement justifiés.

Considérant qu'en l'absence d'élément nouveau, la cour confirme, par des motifs adoptés, la décision selon laquelle il n'y a pas lieu d'annuler les deux avertissements prononcés le premier le 21 janvier 2010, le second le 21 mai 2010, étant précisé que les faits reprochés ne sont pas utilement contestés, que les sanctions d'avertissement prononcées ne sont pas disproportionnées à la faute commise, les notes des 15 février, 26 février, 20 mai et 7 juin 2010 ne contenant aucun élément susceptible de permettre de les qualifier de sanction disciplinaire, rendant sans objet la demande d'annulation présentée par la salariée ;

Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail

Madame [N] demande à la cour d'examiner en premier lieu sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail dès lors qu'elle a été formée avant la notification de la rupture de ce contrat par l'employeur et même avant l'entretien préalable au licenciement au cours duquel l'employeur devait recueillir ses observations quant aux motifs envisagés.

Pour justifier la demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur, Madame [N] invoque un harcèlement moral et une modification de son contrat de travail.

L'employeur estime au contraire que la demande de résiliation judiciaire du contrat est devenue sans objet pour avoir été introduite postérieurement à l'engagement de la procédure de licenciement, la date à prendre en considération étant à ses yeux celle de la convocation à l'entretien préalable au licenciement. Il conteste par ailleurs tout agissement de harcèlement moral et toute modification du contrat de travail.

Considérant que lorsqu'un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement pour d'autres faits survenus au cours de la poursuite du contrat, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation du contrat était justifiée ; que c'est seulement dans le cas contraire qu'il doit se prononcer sur le licenciement notifié par l'employeur.

Considérant que lorsque le salarié n'est plus au service de son employeur au jour où il est statué sur la demande de résiliation judiciaire, cette dernière prend effet, si le juge la prononce, au jour du licenciement ;

Considérant que le contrat de travail étant rompu par l'envoi de la lettre recommandée avec demande d'avis de réception notifiant le licenciement, la demande de résiliation judiciaire reçue au greffe du conseil de prud'hommes le 24 juin 2010 est antérieure à la notification du licenciement intervenue le 7 septembre 2010 ;

Considérant qu'il y a lieu, dans ces conditions, de rechercher en premier lieu si la demande présentée par Madame [N] était justifiée ;

Considérant que la salariée invoque une modification de son contrat de travail conduisant à la réduction massive de ses responsabilités et à une mise à l'écart du reste du personnel ;

Considérant qu'il est constant que Madame [N] assumait la fonction de responsable du bâtiment du centre [1] de [Localité 3] ; qu'il lui revenait, à ce titre, de gérer les relations avec les fournisseurs et les commandes ; que Monsieur [I] [D], directeur du centre, avait rappelé à l'ensemble du personnel, par une note du 16 septembre 2009, que tout achat et acquisition du centre, dont le montant dépassait 150 €, relevait de la charge de [P] [N] ;

Considérant que, par une note du 15 février 2010, Madame [N] s'est vu retirer une part importante de ses attributions au profit d'autres collègues ; que son supérieur hiérarchique lui écrivait en effet : « de façon à protéger l'institution et indirectement vous-même, j'ai décidé de vous décharger des relations avec nos fournisseurs et de vous éloigner des dossiers de commandes de biens et services au sein du Centre [1]. Je vous invite dès lors à transmettre vos dossiers mis à jour aux personnes que je désignerais pour reprendre cette tâche, dans l'immédiat, [R] [F] » ;

Considérant que, contrairement à ce que soutient l'employeur qui fait valoir que Madame [N] conservait son entière fonction de responsable du bâtiment, qu'elle n'avait pas été rétrogradée ni privée des moyens de travail, cette diminution importante des responsabilités confiées à Madame [N], qui affectait directement ses fonctions, constitue une modification de son contrat de travail ;

Considérant que Madame [N] a contesté ce retrait de fonction qui lui était ainsi imposé en saisissant le contrôleur du travail le 22 février 2010, lequel lui a au demeurant indiqué, par courrier du 4 mars 2010, qu'en l'absence de procédure disciplinaire en cours, toute modification du contrat de travail du salarié protégé, refusée par le salarié, constituait un trouble manifestement illicite ;

Considérant qu'est nécessairement justifiée la demande de résiliation de son contrat de travail aux torts de l'employeur formée par un salarié auquel l'employeur a, malgré son refus, imposé une modification de son contrat de travail ;

Considérant qu'il y a lieu encore de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Madame [N] du seul fait de cette modification des attributions de la salariée, dès lors qu'elle se trouvait déchargée de la fonction « achat » dans laquelle elle avait été confirmée six mois plus tôt et alors qu'ainsi que l'ont relevé avec pertinence les premiers juges, il appartenait au directeur, s'il éprouvait le besoin de renforcer son contrôle sur les opérations d'achat, de le faire sans modification du rôle de Madame [N], en prévoyant par exemple une double signature des bons de commande ;

Considérant que le jugement est infirmé sur ce point seulement en ce qu'il a fixé la résiliation au 17 septembre 2010, alors que le licenciement est intervenu le 7 septembre et non 17 septembre 2010 ;

Sur le statut de protection des délégués du personnel

[1] INTERNATIONAL fait valoir que c'est par souci d'une représentation du personnel au sein du centre [1] de [Localité 3] que l'administration belge a organisé des élections de délégués du personnel, sans y être légalement tenue, de sorte que l'engagement de l'employeur de faire représenter ses salariés ne serait pas opposable à la République française.

L'employeur souligne qu'en l'état du rejet, par l'inspection du travail, de la demande d'autorisation de licenciement de Madame [N] ' à raison de ce que les salariés d'une administration publique, notamment étrangère, ne bénéficient pas du statut protecteur des élus du personnel ', lequel rejet ne constituerait pas un refus d'autorisation, la décision de licencier appartenait au seul employeur.

Enfin, selon [1] INTERNATIONAL, rien n'interdisait à Madame [P] [N] d'engager un recours contre la décision administrative afin de faire reconnaître son statut protecteur et la compétence de l'inspection du travail pour statuer sur la demande de l'employeur, ce qu'elle s'est pourtant gardée de faire.

Considérant que le fait que Madame [N], qui disposait par application de l'article R. 2422-1 du code du travail de la possibilité de former un recours contre la décision de l'inspecteur du travail, n'ait pas saisi le ministre chargé du travail, ne lui interdit pas de revendiquer devant la juridiction prud'homale le statut de protection qu'elle dit tenir de son contrat de travail et de son élection comme déléguée du personnel titulaire intervenue le 14 décembre 2009 ;

Considérant que [1] INTERNATIONAL se présente comme l'un des services publics relevant de l'administration du Gouvernement de la Fédération [1] ; que, plus précisément, [1] INTERNATIONAL est un « organisme d'intérêt public (de catégorie A) », c'est-à-dire un organisme de droit public indépendant de l'administration mais concourant à l'action du gouvernement dont elle dépend ;

Considérant qu'en vertu de l'article L. 2311-1 du code du travail, les dispositions relatives aux délégués du personnel sont applicables aux employeurs de droit privé ainsi qu'à leurs salariés, mais aussi aux établissements publics à caractère industriel et commercial et aux établissements publics à caractère administratif lorsqu'ils emploient du personnel dans les conditions du droit privé ;

Considérant que le contrat de travail de Madame [N] précisait au demeurant, en son article 7 : « le présent contrat peut être résilié conformément aux dispositions générales de la législation sociale française. Ces mêmes dispositions sont d'application pour régler tous les cas non prévus explicitement par le présent contrat » ; que le « règlement de l'ordre intérieur » du Centre [1] à [Localité 3], constituant l'annexe 4 du contrat de travail, fait lui aussi explicitement référence aux « dispositions de la législation du travail » s'agissant des modalités du licenciement ;

Considérant que, dans ces conditions, Madame [N] est bien fondée à réclamer le statut de protection attachée à son élection de déléguée du personnel titulaire ;

Sur les effets de la résiliation judiciaire du contrat de travail prononcée

Considérant que lorsque la résiliation judiciaire du contrat de travail d'un salarié protégé est prononcée, la rupture produit les effets d'un licenciement nul pour violation du statut protecteur ;

Considérant que le salarié bénéficie alors d'une indemnité égale à la rémunération qu'il aurait dû percevoir jusqu'à l'expiration de la période de protection en cours au jour de la demande de résiliation judiciaire, laquelle inclut la période instituée par le législateur à l'expiration du mandat ;

Considérant que Madame [N] a opéré son calcul sur la base d'une rémunération mensuelle de 2 925 € alors qu'il y a lieu de retenir le calcul de l'employeur vérifié par la cour, soit la somme de 2 873,97 € correspondant au revenu moyen mensuel calculé sur douze mois et prenant en compte la prime de treizième mois ;

Considérant que le jugement entrepris n'est infirmé sur ce point que sur le quantum des sommes allouées au titre de la violation du statut protecteur ; qu'il est alloué à Madame [N] une somme de 132 921,11 € (soit 46,25 mois x 2 873,97 €) pour la période du 7 septembre 2010 au 14 juin 2014 ;

Considérant que la demande de « dommages et intérêts pour violation du statut protecteur » formée supplémentairement « en tout état de cause » à hauteur de 15 000 € n'est pas justifiée et est rejetée ;

Considérant que le montant de l'indemnisation du licenciement illicite est porté à la somme de 18 000 €, par application de l'article 1235-3 du code du travail, en tenant compte du revenu moyen mensuel de Madame [N], de son âge (trente-sept ans), de son ancienneté de deux années dans un établissement qui comptait alors quatorze salariés, et au vu de l'ensemble des éléments soumis à l'appréciation de la cour ;

Sur la demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral

Considérant qu'aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ;

Considérant que, selon l'article L.1152-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral et pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés ;

Considérant que l'article L. 1154-1 du même code prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;

Considérant qu'en l'espèce, Madame [N] invoque la multiplication des notes, avertissement et communications écrites abusives, ainsi que la « déqualification » de son activité et le retrait de ses fonctions principales, sans fondement sérieux ; qu'elle soutient que l'attitude de l'employeur a porté atteinte à sa dignité mentale et à son état physique, provoquant une altération de son état de santé stigmatisée par trois arrêts de travail sur les périodes du 19 février 2010 au 7 mars 2010, du 7 au 16 juin 2010 et du 18 juin au 30 juin 2010 en raison d'un syndrome dépressif lié à son travail ;

Considérant que pour étayer ses affirmations, la salariée produit notamment des documents médicaux ainsi que les messages et correspondances échangés avec son employeur, établissant ainsi l'existence matérielle de faits précis et concordants qui, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral à son encontre ;

Considérant que l'employeur fait valoir que si les différentes notes ou les courriers visés par Madame [N] font état de son comportement colérique, injurieux, ou grossier, la preuve de la réalité de ce comportement résulte des différentes plaintes adressées par les autres salariés du Centre [1] à son directeur, ainsi que par les correspondants au sein de la Communauté française de Belgique propriétaire du bâtiment, lesquelles sont produites aux débats ; que les reproches formulés, en des termes toujours courtois et hors la présence d'autres salariés, étaient justifiés par les manquements graves commis par l'intéressée ;

Considérant qu'en l'absence d'élément nouveau, la cour confirme, par des motifs adoptés, la décision des premiers juges selon laquelle Madame [N] n'a pas subi de harcèlement moral de la part de [1] INTERNATIONAL.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

INFIRME partiellement le jugement entrepris ;

STATUANT À NOUVEAU,

FIXE la date de la résiliation judiciaire du contrat de travail de Madame [P] [N] au 7 septembre 2010 ;

CONDAMNE [1] INTERNATIONAL à payer à Madame [P] [N] :

- 132 921,11 € à titre de dommages et intérêts pour violation du statut protecteur,

- 18 000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

CONFIRME le jugement entrepris pour le surplus ;

AJOUTANT,

CONDAMNE [1] INTERNATIONAL à payer à Madame [P] [N] une somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE [1] INTERNATIONAL de sa demande sur le même fondement ;

CONDAMNE [1] INTERNATIONAL aux dépens.

LE GREFFIER POUR LE PRÉSIDENT EMPÊCHÉ


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 12/06349
Date de la décision : 23/09/2014

Références :

Cour d'appel de Paris L1, arrêt n°12/06349 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-09-23;12.06349 ?
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