RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 4
ARRÊT DU 30 Septembre 2014
(n° , 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/01134
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 12 Décembre 2012 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY RG n° 11/00441
APPELANT
Monsieur [H] [L]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représenté par Me Marjana PRETNAR, avocat au barreau de PARIS, toque : E0922
INTIMEE
SOCIETE AIR FRANCE
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Me Aurélien BOULANGER, avocat au barreau de PARIS, toque : T03
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 24 Juin 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Charlotte DINTILHAC, Présidente
Monsieur Jean-Louis CLEVA, Président
Madame Anne-Marie DEKINDER, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier : Madame Mélanie RAMON, lors des débats
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
- signé par Madame Charlotte DINTILHAC, Présidente et par Mlle Sandrine CAYRE, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La cour est saisie de l'appel interjeté par M. [L] du jugement du Conseil de Prud'hommes de Bobigny section Encadrement du 12 décembre 2012
qui l'a débouté de ses demandes.
FAITS ET DEMANDES DES PARTIES
M. [L], né le [Date naissance 1] 1949, a été engagé le 5 décembre 1974 en qualité d'officier pilote de ligne. En dernier lieu il était pilote commandant de bord instructeur.
Il a été informé le 29 septembre 2008 qu'il serait appelé à cesser son activité de pilote à l'âge de 60 ans au 20 juin 2009 ;
Il a sollicité selon lettre reçue le 23 janvier 2009 un congé sabbatique pour la période du 19 juin 2009 au 2 janvier 2010 accepté en son principe par lettre du 29 janvier 2009 sous réserve de rupture du contrat de travail.
Il a été convoqué le 26 janvier 2009 à un entretien préalable fixé au 4 février 2009 et il lui a été notifié le 27 février 2009 la rupture du contrat de travail en application de l'article L 421-9 du code de l'aviation avec impossibilité de reclassement au sol avec effet au 30 juin 2009 y compris pour le congé sabbatique pris à compter du 19 juin 2009.
Il a saisi le conseil des prud'hommes le 2 février 2011;
M. [L] demande d'infirmer le jugement,
à titre principal, de dire que la rupture constitue un licenciement nul, d'ordonner sa réintégration à un poste au sol et de condamner Air France à payer la somme de 1 440 063 € pour salaires à compter du 1er juillet 2009 jusqu'au 1er juin 2014, avec intérêt légal capitalisé à compter du 1er janvier 2010, outre ceux jusqu'à sa réintégration effective, sur la base d'un salaire brut mensuel de 27 171 € jusqu'au 20 juin 2014, et de 4 245 € après ses 65 ans, avec remise des bulletins de salaire, de lui donner acte de son offre de restitution à Air France des sommes de 251 280€ perçues à son départ et de la restitution des retraites perçues aux organismes payeurs,
subsidiairement de condamner Air France pour licenciement nul ou au moins sans cause réelle et sérieuse, à payer les sommes de :
276 991 € d'indemnité de licenciement avec intérêts capitalisés à compter du 1er juillet 2009,
600 000 € de dommages-intérêts pour le licenciement
21 450 € de dommages-intérêts pour le dif
80 000 € pour rupture fautive et prématurée
et 4 186 € pour frais irrépétibles.
La société Air France demande de confirmer le jugement et de condamner M. [L] à payer la somme de 3000 € pour frais irrépétibles.
SUR CE
Il est expressément fait référence aux explications et conclusions des parties visées à l'audience ;
La loi du 17 décembre 2008, applicable au 1er janvier 2010 relativement à cet article, a modifié l'article L 421-9 du code de l'aviation civile, imposant la cessation d'activité de pilote de ligne de transport public à 60 ans, sans rupture du contrat sauf impossibilité pour l'entreprise de proposer un reclassement dans un emploi au sol ou refus de l'intéressé de l'emploi proposé, en ouvrant aux pilotes la faculté de formaliser des demandes de renouvellements annuelles de prolongation d'activité jusqu'à l'âge de 65 ans à condition de co-pilotage avec un seul pilote de plus de 60 ans ;
M. [L] a exposé dans une lettre du 2 février 2009 toutes les solutions ouvertes pour conserver ses fonctions de navigant jusqu'en 2010 ;
Selon lettre reçue le 23 janvier 2009 par Air France, M. [L] a sollicité un congé sabbatique pour la période du 19 juin 2009 au 2 janvier 2010, dans le dessein pragmatique d'attendre la mise en vigueur de la loi du 17 décembre 2008 au 1er janvier 2010, aux fins de reprendre ses activités de pilote dans les conditions du nouvel article L 421-9 du Cac ;
Postérieurement au licenciement, l'association Pnt 65 avait fait sommation le 2 juillet 2009 à Air France de cesser toute procédure de rupture de contrat de travail de pilotes nés à compter du 18 décembre 1948 et ayant manifesté la volonté de continuer leur activité de navigant à compter du 1er janvier 2010 et de réintégrer tout pilote déjà licencié remplissant les mêmes conditions ;
La même association a communiqué à Air France par exploit du 31 juillet 2009 la lettre du 24 juillet 2009 du Ministre du Travail et du secrétaire d'état aux transports émettant la position que la génération 1949 aura la faculté de reprendre et poursuivre son activité de personnel navigant lorsque l'interruption tient à l'entrée en vigueur différée des nouvelles dispositions (allant ainsi contre l'avis contraire émis par la Dgac dans une lettre du 5 février 2009 produite par Air France) et sommant Air France de cesser toute procédure de rupture de travail et de faire connaître le sort réservé aux pilotes licenciés de façon discriminatoire ;
La demande de mise en congé sabbatique, qui est un droit du salarié, a été exercée dans les conditions des articles L 3142-92 et suivants du code du travail, avant la notification du licenciement et a été admise par Air France dans son principe mais limitée abusivement au 30 juin 2009 ;
La société Air France ne peut opposer utilement ni loyalement que l'article L 421-9 du Cac alors applicable au moment du licenciement et sous peine de sanction administrative et pénale ne prévoit que l'alternative d'un reclassement au sol au-delà de l'âge de 60 ans pour les navigants alors que le contrat de travail n'était pas rompu ni la date de limite d'âge de 60 ans atteinte à la date de la demande de mise en congé sabbatique qui constitue un droit du salarié, et qui en tout état de cause n'enfreignait pas l'interdiction de navigation pour la période postérieure au 60ème anniversaire applicable jusqu'au 1er janvier 2010, et rendait inopportune et prématurée la recherche d'un reclassement au sol d'un salarié en prochaine suspension de contrat de travail ;
Il ne résulte pas non plus de la mise en vigueur au 1er janvier 2010 du nouvel article que la modification n'est applicable qu'aux pilotes ayant 60 ans après cette date comme étant nés après le 1er janvier 1950 ;
Dans ces conditions la rupture du contrat de travail opérée en raison de l'atteinte de l'âge de 60 ans de M. [L] avec effet pendant le cours du préavis pendant un congé sabbatique formulé cinq mois auparavant, excluant la nécessité de rechercher un reclassement au sol, s'analyse en une rupture du contrat de travail discriminatoire qui est donc nulle et qui doit donner lieu à réintégration selon sa demande pour porter atteinte à un droit fondamental ;
M. [L], âgé de plus de 65 ans au jour du présent arrêt, doit être réintégré dans des fonctions au sol ;
Il a droit à la rémunération de pilote commandant de bord pendant la période du 2 janvier 2010 au 20 juin 2014 jusqu'à son 65ème anniversaire pour la période où Air France aurait dû le maintenir dans ses fonctions dans les conditions de l'article L 421-9 du code de l'aviation civile tel que modifié par la loi du 17 décembre 2008 applicable au 1er janvier 2010 sur la base mensuelle de 26 025 € selon la moyenne sur les 3 derniers mois travaillés, soit la somme de 1 407 000 € et ensuite à celle de salarié au sol sur la base mensuelle de 4 245 € ;
Le cours des intérêts est précisé dans le dispositif ;
Il sera donné acte des engagements de remboursement ;
Il n'y a pas lieu à frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement et statuant à nouveau :
Dit que la rupture du contrat de travail constitue un licenciement nul;
Ordonne la réintégration de M. [L] à un poste au sol;
Condamne Air France à payer à M. [L] la somme de 1 407 000 € pour salaires à compter du 1er janvier 2010 jusqu'au 20 juin 2014 et postérieurement les mois courant jusqu'à sa réintégration effective sur la base d'un salaire mensuel de 4 245 € pour poste au sol, avec intérêt légal à compter du 11 février 2011 pour les mois échus à cette date et à compter de leur échéance pour les mois postérieurs, avec remise des bulletins de salaire ;
Donne acte à M. [L] de son offre de restitution à Air France des sommes perçues à son départ pour un total de 251 280 € et de la restitution des retraites perçues aux organismes payeurs ;
Dit que les intérêts seront capitalisés dans les conditions de l'article 1154 du code civil ;
Rejette les autres demandes ;
Condamne Air France aux entiers dépens.
LE GREFFIER LE PRESIDENT