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01/10/2014 | FRANCE | N°12/11035

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 4, 01 octobre 2014, 12/11035


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 4



ARRÊT DU 01 OCTOBRE 2014



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 12/11035



Décision déférée à la Cour : Jugement rendu le 31 Mai 2012 par le Tribunal de Grande Instance de PARIS - 4ème chambre 2ème section - RG n° 10/03507





APPELANT ET INTIME :



Monsieur [L] [X]

né le [Date naissance

1] 1956 à [Localité 4] (38)

de nationalité française

demeurant [Adresse 4]

[Localité 3]



représenté par : Me Frédéric INGOLD de la SELARL INGOLD & THOMAS - AVOCATS, avocat au barreau de ...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 4

ARRÊT DU 01 OCTOBRE 2014

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 12/11035

Décision déférée à la Cour : Jugement rendu le 31 Mai 2012 par le Tribunal de Grande Instance de PARIS - 4ème chambre 2ème section - RG n° 10/03507

APPELANT ET INTIME :

Monsieur [L] [X]

né le [Date naissance 1] 1956 à [Localité 4] (38)

de nationalité française

demeurant [Adresse 4]

[Localité 3]

représenté par : Me Frédéric INGOLD de la SELARL INGOLD & THOMAS - AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B1055

ayant pour avocat plaidant : Me Laurent BAMBANASTE, avocat au barreau de LYON

APPELANT ET INTIME :

Monsieur [Y] [N]

né le [Date naissance 2] 1957 à [Localité 6] (44)

de nationalité française

demeurant [Adresse 3]

[Localité 2]

représenté par : Me Frédéric INGOLD de la SELARL INGOLD & THOMAS - AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B1055

ayant pour avocat plaidant : Me Laurent BAMBANASTE, avocat au barreau de LYON

APPELANTE ET INTIMEE :

La société INTERNATIONAL SOFTWARE SOLUTIONS limited partnersh ip

ayant son siège [Adresse 2], suite # 97

[Localité 5] - [Adresse 1] - USA

domiciliée [Adresse 1]

PO BOX 750

prise en la personne de ses représentants légaux en exercice domiciliés en cette qualité audit siège

représentée par : Me Frédéric INGOLD de la SELARL INGOLD & THOMAS - AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B1055

ayant pour avocat plaidant : Me Laurent BAMBANASTE, avocat au barreau de LYON

INTIMÉ ET APPELANT :

Monsieur [U] [A]

né le [Date naissance 3] 1954 à [Localité 7]

de nationalité française

demeurant [Adresse 5]

[Localité 1]

représenté par : Me Jean-Philippe AUTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0053

ayant pour avocat plaidant : Me David GORDON-KRIEF, plaidant pour AARPI SBKG, avocat au barreau de PARIS, toque : P 317

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 18 Juin 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Françoise COCCHIELLO, Présidente, rédacteur

Madame Irène LUC, Conseillère

Madame Claudette NICOLETIS, Conseillère

qui en ont délibéré,

Un rapport a été présenté à l'audience par Madame [V] [B] dans les conditions prévues par l'article 785 du Code de procédure civile,

Greffier, lors des débats : Madame Denise FINSAC

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Irène LUC, Conseillère, faisant fonction de Présidente et par Madame Violaine PERRET, Greffier auquel la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

******

Rappel des faits et de la procédure

Dans les années 1980, [U] [A] a fondé le groupe International Software Solutions (le groupe ISS) spécialisé dans la conception, l'édition, le développement et la distribution de logiciels informatiques.

A la fin de l'année 1990, M. [A] s'est associé avec Messieurs [N] et [X], propriétaires d'une société informatique dénommée « Plateforme Informatique », spécialisée dans la conception et le développement de nouveaux logiciels. Ils ont alors mis en place de nouvelles sociétés dans différents pays pour en assurer la distribution.

Ainsi, le groupe ISS fondé par monsieur [A] s'est agrandi avec en 1991 la constitution de la SARL de droit français International Software Solutions France Diffusion (la société IS2 France Diffusion) dont l'objet était de distribuer les nouveaux logiciels sur le territoire français. En 1993 et 1995 trois nouvelles sociétés étaient créées aux États-Unis, en Angleterre et en Allemagne.

A la fin de l'année 1996 de graves dissensions sont apparues entre les trois associés. Par une décision du 17 avril 1997, M. [A] a été démis de toutes ses fonctions du groupe ISS et licencié par la société IS2 France Diffusion. M. [A] a alors contesté ces décisions et initié diverses procédures.

Par protocole transactionnel en date du 12 mars 1998, M. [X] et M. [N] ont versé à M. [A] la somme de 695 000 dollars américains. En contrepartie il était convenu que les parties renoncent expressément à toute poursuite des procédures en cours et visées dans le protocole d'accord, relatives à un contentieux entre associés (procédure devant le conseil de Prud'hommes de Grenoble, procédure devant le tribunal de commerce de Grenoble, procédure devant le tribunal civil de Floride).

Quelques semaines après cette transaction messieurs [X] et [N] ont cédé le groupe ISS à la société de droit américain Peregrine Systems Inc pour un prix d'environ 17 millions d'euros.

Le 28 juillet 2000, un second protocole transactionnel a été conclu entre M. [X], M. [N], la société International Software Solutions Limited Partnership, la société International Software Solutions Inc et M. [A] qui a perçu la somme de 1 100 000 dollars américains.

Concommitament à la conclusion de ce protocole transactionnel du 28 juillet 2000, a été signé le même jour un engagement de passif fiscal par M. [X] et M. [N], agissant tant en leur nom personnel qu'en leur qualité de président de la société PFGP LLP, de garantir M. [A] des conséquences fiscales de l'exécution dudit protocole.

En outre, au terme de ce protocole, les parties s'engageaient à renoncer à agir l'une à l'encontre de l'autre et à conserver la confidentialité de la transaction conclue en s'interdisant «d'en faire état directement ou indirectement pour quelque cause que ce soit à des tiers, à la seule exception des services judiciaires et des sociétés du groupe Peregrine qui en ont copie».

Lors de sa déclaration de revenus au titre de l'année 2000, M. [A] a informé l'administration fiscale du versement de l'indemnité transactionnelle de 1 100 000 $ qui n'était selon lui pas soumise à imposition et a sollicité une confirmation de cette analyse par l'administration.

Par courrier en date du 16 août 2001, l'administration fiscale a rappelé d'une part, qu'elle avait demandé à M. [A] de lui transmettre le protocole et d'autre part, qu'elle envisageait de lui réclamer un complément d'impôts au motif que les sommes versées au titre de la transaction ne représenteraient pas des dommages et intérêts « mais bien un complément de prix de rachat des participations, assimilable à une plus-value taxable ».

Par courrier recommandé du 19 septembre 2001, M. [A] a contesté le redressement envisagé auprès du contrôleur principal des impôts de [Localité 4]. Par ce courrier, il l'a informé du contenu des protocoles d'accord transactionnels des 12 mars 1998 et 28 juillet 2000 et des modalités de versement de l'indemnité transactionnelle de 1 1000 000 dollars américains.

L'administration fiscale a confirmé sa position et notifié à M. [A] un redressement fiscal qu'il a contesté devant les juridictions administratives.

Par acte du 29 juin 2005, M [X], M. [N], la société International Software Solutions Limited Partnership et la société International Software Solutions Inc ont assigné M. [A] devant le tribunal de grande instance de Paris pour violation des protocoles transactionnels des 12 mars 1998 et 28 juillet 2000.

Par ordonnance du 6 mars 2008, le juge de la mise en état a ordonné le sursis à statuer jusqu'à ce que la Cour administrative d'appel de Lyon ait statué sur le recours formé par le Ministre de l'économie, des finances et de l'industrie à l'encontre du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 31 janvier 2006 qui déchargeait M. [A] des cotisations d'impôts sur le revenu auxquelles il avait été assujetti au titre des années 2000 et 2001.

La Cour administrative d'appel de Lyon a, par arrêt du 12 février 2009, réformé le jugement du tribunal administratif de Grenoble et remis à la charge de M. [A] les cotisations d'impôts sur le revenu auxquelles il avait été assujetti au titre des années 2000 et 2001.

Par jugement assorti de l'exécution provisoire en date du 31 mai 2012, le tribunal de grande instance de Paris a :

- débouté [L] [X], [Y] [N], la société International Software Solutions Limited Partnership de l'ensemble de leurs demandes,

- condamné in solidum [L] [X], [Y] [N], la société International Software Solutions Limted Partnership à payer à [U] [A] la somme de 40 000 euros à titre de dommages et intérêts,

- condamné in solidum [L] [X], [Y] [N], la société International Software Solutions Limted Partnership à payer à [U] [A] la somme de 10 000 euros de dommages et intérêts au titre de la procédure abusive,

- condamné in solidum [L] [X], [Y] [N], la société International Software Solutions Limted Partnership à payer à [U] [A] la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- rejeté toute autre demande,

- condamné in solidum [L] [X], [Y] [N], la société International Software Solutions Limited Partnership aux dépens.

Par déclaration en date du 15 juin 2012, M. [X], M. [N] et la société International Software Solutions Limited Partnership ont interjeté appel de ce jugement. De même, par déclaration du 17 juillet 2012, M. [A] a interjeté appel.

Par ordonnance du 14 mai 2013 ces deux procédures d'appel ont été jointes sous le numéro de RG 12/11035.

Par conclusions signifiées le 17 décembre 2012 et auxquelles il conviendra de se référer pour un exposé plus ample des moyens, M. [X], M. [N] et la société International Software Solutions Limited Partnership demandent à la Cour de :

- déclarer la demande de [L] [X], [Y] [N] et la société International Software Solutions recevable et bien fondée et en conséquence :

- infirmer le jugement rendu le 31 mai 2012 par le tribunal de grande instance de Paris,

- dire et juger que [U] [A] qui a reçu la somme de 1 100 000 dollars américains à titre de transaction a violé les dispositions de l'article 4 du protocole du 20 juillet 2000 en révélant par déclaration à l'administration fiscale l'existence et le contenu de l'accord transactionnel dans une note annexée à sa déclaration de revenus au titre de l'année 2000,

- dire et juger que [U] [A] qui a reçu la somme de 1 100 000 dollars américains à titre de transaction a violé les dispositions de l'article 3 du protocole du 28 juillet 2000 en engageant avec l'assistance de son conseil co-rédacteur du protocole une action le 2 février 2004 par assignation à jour fixe devant le tribunal de grande instance de Grenoble tendant à obtenir le paiement des sommes supplémentaires de 488 273, 00 € et 500 000 €,

- dire et juger que ces deux obligations contractuelles étaient une contrepartie déterminante au versement de l'indemnité transactionnelle et que leur violation par M. [A] constitue une faute,

- dire et juger que [U] [A] qui ne bénéficiait pas d'un engagement de caution, ne pouvait avec l'assistance de son conseil exiger l'exécution de l'engagement de passif fiscal avant l'arrêt rendu le 12 février 2009 par la Cour administrative d'appel de Lyon et devenu définitif faute de recours de l'intéressé,

- dire et juger que la preuve de la faute et la mauvaise foi de M. [A] sont rapportées en raison de l'envoi par celui-ci d'une mise en demeure aux fins de paiement de la somme de 268 208 €, connaissance prise de l'arrêt rendu le 12 février 2009 par la Cour administrative d'appel de Lyon qualifiant l'indemnité versée de traitements et salaires,

- dire et juger que la violation de ses obligations par [U] [A] rend la transaction dépourvue de cause au sens des dispositions de l'article 1108 du code civil et que l'indemnité de 1 100 000 dollars américains a été versée en pure perte,

- condamner [U] [A] à leur payer la somme de deux millions d'euros (2 000 000 d'euros) à titre de dommages et intérêts, assorti des intérêts au taux légal à compter du 29 juin 2005,

- débouter [U] [A] de l'ensemble de ses demandes,

- condamner M. [U] [A] à payer la somme de 20 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [U] [A] aux entiers dépens,

- dire que conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, la SELARL Ingold & Thomas pourra recouvrer directement les frais dont elle a fait l'avance sans en avoir reçu provision.

Par conclusions signifiées le 19 mai 2014 et auxquelles il conviendra de se référer pour un exposé plus ample des moyens, [U] [A] demande à la Cour de :

- confirmer le jugement rendu le 31 mai 2012 par le tribunal de Grande Instance de Paris en ce qu'il a :

° débouté [L] [X], [Y] [N] et la société International Software Limited Partnership de l'ensemble de leurs demandes,

° jugé que l'intention des parties au moment de la signature du protocole et de l'engagement du 28 juillet 2000 était d'accorder à M. [A] une indemnité nette d'impôts,

° jugé que les manquements de [L] [X], [Y] [N] et la société International Software Solutions Limited Partnership aux obligations résultant du protocole et de l'engagement du 28 juillet 2000 sont caractérisés,

° jugé que la procédure intentée par [L] [X], [Y] [N] et la société International Software Solutions Limited Partnership devant le tribunal de grande instance de Paris, dont appel, est abusive et génératrice d'un préjudice moral distinct,

- infirmer cette même décision en ce qu'elle a :

° limité à 40 000 euros le quantum des dommages et intérêts auxquels [L] [X], [Y] [N] et la société International Software Solutions Limited Partnership ont été condamnés au titre de la violation des obligations résultant du protocole et de l'engagement du 28 juillet 2000;

° limité à 10 000 euros le quantum des dommages et intérêts auxquels [L] [X], [Y] [N] et la société International Software Solutions Limited Partnership ont été condamnés au titre de la procédure abusive qu'ils ont initié,

° rejeté les demandes formulées par M. [A] aux fins d'obtenir la condamnation de messieurs [X] et [N] à lui payer 90 000 euros correspondant au montant recouvré par le Trésor sur les biens et comptes de Mme [A], ainsi qu'à régler des impositions mises à la charge de M. [A] par le Trésor,

Et statuant à nouveau,

- condamner [L] [X], [Y] [N] et la société International Software Solutions Limited Partnership in solidum à payer à [U] [A] la somme de 303 880 euros au titre des impositions mises à la charge de M. [A] à parfaire majorée de nouveaux intérêts et pénalités de retard éventuels, condamnation assujettie d'un intérêt de retard de 3 000 euros par jour à compter de la signification de l'arrêt à venir,

- condamner [L] [X], [Y] [N] et la société International Software Solutions Limited Partnership in solidum à payer à [U] [A] la somme de 4 000 000 d'euros en réparation de la perte de chance d'avoir été embauché comme président de la filiale américaine de la société Synchronix, des autres pertes de chance d'avoir pu postuler à des postes importants chez IBM et chez Microsoft et des autres multiples préjudices financiers subis,

- condamner [L] [X], [Y] [N] et la société International Software Solutions Limited Partnership in solidum à payer à [U] [A] la somme de 500 000 euros en réparation du préjudice moral subi du fait de la procédure abusive,

- faire application de l'article 32-1 du code de procédure civile,

En toute hypothèse :

- condamner [L] [X], [Y] [N] et la société International Software Solutions Limited Partnership in solidum à payer à M. [U] [A] la somme de 50 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner [L] [X], [Y] [N] et la société International Software Solutions Limited Partnership in solidum aux entiers dépens de première instance et d'appel et dire que ceux-ci seront directement recouvrés par Maître Jean-Philippe Autier, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

- condamner [L] [X], [Y] [N] et la société International Software Solutions Limited Partnership in solidum aux frais de recouvrement proportionnels conformément à l'article L. 141-6 du code de la consommation.

SUR CE,

I / sur les demandes de MM [X] et [N] :

considérant que le protocole signé par les parties le 28 juillet 2000 précisait en son article 1 que l' accord avait pour objet de mettre un terme immédiat et définitif à tous les litiges passés, présents et à venir et trouvant leur origine dans les relations ayant existé entre elles ; en son article 2 que MM [X] et [N] acceptaient de verser à M. [A] à titre indemnitaire, forfaitaire et définitif une somme de 1 100 000 dollars américains et que M.[A] se reconnaissait expressément rempli de ses droits par le versement de cette somme ; en son article 4 paragraphe 3 que les parties s'obligeaient à «réserver à la présente convention un caractère confidentiel» et s'interdisaient en conséquence «d'en faire état directement ou indirectement ou de la communiquer pour quelque cause que ce soit à des tiers à la seule exception des services judiciaires et des sociétés du groupe Peregrine qui en ont copie» ; qu'un acte intitulé «engagement de caution» du même jour précisait que MM [N] et [X] s'engageaient à prendre à leur charge individuellement ou solidairement tout redressement d'impôt devenu définitif, fondé sur une requalification en complément de prix de rachat des participations de monsieur [U] [A] dans les sociétés du groupe International Software Solutions, de l'indemnité de un million cent mille dollars américains versée ce jour à titre de transaction... ,

A. sur la violation de l' obligation de confidentialité du protocole du 28 juillet 2000 :

considérant que par courrier du 27 mars 2001, M.[A] déclarait à la Direction générale des Impôts avoir perçu une indemnité globale de 1 100 000 dollars, exposait qu'il semblait que cette indemnité n'était pas imposable, mais que «compte tenu des implications plus que substantielles que représente cette interprétation y compris en ce qui concerne l'exécution de la garantie fiscale accordée par mes anciens partenaires et partie intégrante de ce protocole transactionnel», M.[A] demandait à l'Administration de bien vouloir donner sa position sur ce point, qu'à la suite de ce courrier, l'administration lui demandait de fournir les protocoles,

considérant que les appelants reprochent ainsi à M. [A] d'avoir «délibérément» révélé l'existence de ce protocole sans avoir demandé au préalable la levée de la confidentialité, en contravention des termes du protocole transactionnel, alors qu'il n'en avait pas manifestement l'obligation,

mais considérant toutefois que pour éviter toute poursuite pour fraude fiscale et ne pas être soumis à des sanctions fiscales, M.[A] devait prouver que les sommes perçues à titre d'indemnité ne constituaient pas un revenu imposable, ce qui supposait qu'il justifie l'origine des fonds par la transmission des protocoles transactionnels signés avec les appelants ; que d'ailleurs, selon les termes de la garantie donnée par MM [X] et [N], les parties n'ayant pas exclu que la possibilité que l'administration fiscale donne une qualification différente de celle qu'elles avaient retenue, avaient nécessairement envisagé que monsieur [A] se trouve dans l'obligation de justifier l'origine des fonds ainsi perçus et des conséquences que cela impliquerait,

considérant que les appelants ne peuvent reprocher à M.[A] d'avoir justifié auprès de l'Administration fiscale l'origine des fonds, comme la loi l' y obligeait, et d'avoir violé l'obligation de confidentialité,

B. sur la violation de l'article 3 du protocole :

considérant que selon les appelants, M.[A] a violé cette disposition en les assignant le 2 février 2004, alors qu'ils n'avaient contesté qu'une prétendue caution et alors que la qualification de l'indemnité par l'administration fiscale n'était pas définitive,

considérant que M.[A] avait demandé à l'administration fiscale quelle était sa position sur l'indemnité perçue ; que différents courriers ont été échangés ; que le 4 octobre 2002, l 'Administration lui faisait savoir que la somme de 1 100 000 Dollars US «représentait nécessairement le complément du prix d'acquisition prévu à l'origine», réitérait sa position par courrier du 17 décembre 2002 : «les sommes versées dans le cadre du protocole ont donc nécessairement et pour objet de révaluer le montant du rachat des participations de monsieur [A] par monsieur [X] et [N] » ; qu' à la suite du redressement qui lui était notifié, monsieur [A] saisissait, par requête du 17 novembre 2003, le tribunal administratif ; que peu après, l'administration fiscale le mettait en demeure de régler les sommes déterminées ; que monsieur [A] faisait pratiquer des mesures conservatoires sur les biens de MM [X] et [N] et engageait le 2 février 2004 une procédure au fond, les assignant devant le tribunal de grande instance de Grenoble : 1) pour que soit reconnu valable l'engagement souscrit par ceux-ci le 28 juillet 2000 de prendre à leur charge tout redressement d'impôt devenu définitif fondé sur la requalification de l'indemnité de 1 100 000 dollars US en complément de prix de rachat des participations de monsieur [A], 2) pour qu'ils soient condamnés à lui payer la somme de 488 273 Euros ou subsidiairement à fournir à l'administration fiscale les garanties nécessaires à l'obtention du sursis des redressements notifiés jusqu'au jour de la décision définitive sur lesdits redressements, 3) pour qu'ils soient condamnés à lui payer la somme de 500 000 Euros à titre de dommages-intérêts,

considérant que dans le même temps, dans un courrier du 13 novembre 2002 adressé à monsieur [A], MM [X] et [N] avaient contesté les termes des réponses faites par monsieur [A] à l'administration, estimant que ses allégations «avaient semé le doute dans l'esprit du contrôleur principal », qu'ils avaient adressé le 23 mai 2003 un courrier au Trésorier Principal pour contester, justement d'ailleurs, s'être portés cautions, auprès de l'Administration fiscale, des dettes de monsieur [A], tout en indiquant que l' attitude de M.[A] auprès de l'administration fiscale leur avait causé un préjudice certain et avait justifié qu'ils lui notifient leur «dégagement au titre de la garantie du passif fiscal» ; que le 26 septembre 2003, le conseil de MM [X] et [N] faisait savoir à monsieur [A] que ses clients lui avaient signifié plusieurs fois qu'ils se considéraient dégagés de leur engagement «fiscal», que compte tenu de «la façon peu raisonnable» par laquelle il avait répondu à l'administration fiscale, il leur avait fait perdre toute chance que l'administration «se range à leur point de vue»,

considérant enfin qu' il résulte des termes de l'arrêt de la cour de Grenoble du 17 juin 2008 que c'est lors de l'audience tenue devant cette cour que les appelants ont reconnu la validité de leur engagement de garantie,

considérant certes que l'action de M.[A] en ce qu'elle tendait à obtenir leur condamnation au titre de la garantie due en cas de requalification de l'indemnité en complément de prix par l'administration fiscale était prématurée, ce qui a été reconnu par le tribunal de grande instance de Grenoble par un jugement du 27 mai 2004 ; que toutefois, monsieur [A] pouvait au regard des éléments ci-dessus rappelés vouloir préserver ses intérêts ; qu'en effet, tout d'abord, les appelants évoquaient en termes vagues et non explicites la «faute» que monsieur [A] aurait commise dans la présentation des faits à l'administration fiscale et qui leur serait préjudiciable ; qu'ensuite, et contrairement à ce qu'ils soutiennent, ils contestaient la validité de leur engagement de garantie fiscale, manifestaient leur intention de se soustraire à leurs obligations, peu important d'ailleurs que la qualification de l'indemnité n'ait pas été alors définitive ; que M.[A] a ainsi pu engager une procédure contre les appelants pour que soient préservés ses droits,

considérant que monsieur [A] ne peut être critiqué dans la procédure engagée le 2 février 2004 qui n'est que la conséquence de la remise en cause de leurs engagements par les appelants,

considérant qu'il ne peut, pour ces motifs, être soutenu que l'indemnité versée à monsieur [A] a été versée sans contrepartie,

considérant que la demande de dommages-intérêts des appelants doit être rejetée,

II/ sur les demandes de monsieur [A] :

considérant que M.[A] fait état des violations de leurs engagements au titre du protocole des deux appelants, de l'abus commis par la procédure engagée par les appelants devant le tribunal de grande instance de Paris, qu'il demande dans le dispositif de ses conclusions leur condamnation à lui payer les sommes qu'il a du verser au Trésor Public ( 303 880 euros), à lui payer des dommages-intérêts pour avoir perdu la chance d'avoir été embauché comme président d'une filiale américaine de la société Synchronix (4 000 000 Euros), pour lui avoir causé un préjudice moral important (500 000 Euros),

A. sur la somme de 303 880 Euros demandée au titre des impositions mises à sa charge, outre les intérêts et pénalités :

considérant que, reprenant la déclaration de monsieur [N] aux services de police du 21 septembre 2004, monsieur [A] soutient que l'intention des parties était, au moment de la signature du protocole du 28 juillet 2000, de lui accorder une indemnité nette d'impôt, s'agissant d'une «indemnité non fiscalisable» ; que dans leurs écritures, les appelants font valoir que l'engagement ne peut s'appliquer puisque la cour administrative d'appel n'a pas requalifié l'indemnité en complément de prix,

considérant que la cour d'administrative d'appel de Lyon rappelait que les sommes litigieuses ont été versées à M.[A] à l'occasion de la cessation de ses fonctions à la suite de son éviction comme dirigeant du groupe ISS et que l'administration soutenait à bon droit que ces sommes entraient dans les prévisions de l'article 80 duodecies du code général des impôts, selon lequel «Constitue également une rémunération imposable toute indemnité versée à l'occasion de la cessation de leurs fonctions, aux mandataires sociaux, dirigeants... » ; que la qualification retenue par la cour n'ôte aucunement son sens à la volonté des parties d'allouer une indemnité nette, qu'elle soit reconnue comme indemnité ou requalifiée en complément de prix ; que toutefois, faute par monsieur [A] de justifier que les parties ont voulu que, quelle que soit la qualification donnée par l'administration fiscale, la garantie de MM [X] et [N] permette à monsieur [A] de bénéficier du montant effectif de l'indemnité, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de monsieur [A] de prononcer la condamnation des appelants à lui payer cette somme au titre de l' «engagement de caution»,

B. sur la somme de 4 000 000 Euros demandée à titre de dommages-intérêts pour perte de chance :

considérant que monsieur [A] expose que par leur démarches «nuisibles», les rumeurs et mensonges qu'ils ont propagés, les appelants lui ont fait perdre la chance d'être embauché chez Synchronix ; que ceux-ci ne répliquent pas sur ce point,

considérant que monsieur [A] verse aux débats les attestations de monsieur [E], de monsieur [M], de monsieur [R] et madame [Q] ; que toutefois ces témoins rapportent des rumeurs, font état de ce qu'ils ont appris mais n' ont pas eux-même recueilli les propos qui auraient été tenus par MM [X] et [N] et selon lesquels monsieur [A] aurait quitté la société ISS à la suite de malversations et qu'il aurait établi de fausses pièces ; que ces attestations n'établissent pas de manière probante les propos imputés à MM [X] et [N] ; que M.[A] sera débouté de sa demande,

C. sur le préjudice moral subi en raison de la procédure abusive :

considérant que monsieur [A] soutient que l'introduction de cette instance avait pour objet de faire pression sur lui afin qu'il renonce à leur réclamer la garantie donnée ; que M. [X] et M. [N] n'ont jamais invoqué de violation par lui du protocole du 28 juillet 2000 devant les juridictions grenobloises et qu'ils ne justifient d'aucun préjudice ; qu'il fait valoir que cette procédure a été initiée dans un dessein purement dilatoire et de nuisance ; que MM [X] et [N] expliquent que cette procédure était justifiée par le fait que l'objet du protocole qui devait leur assurer «pour seule contrepartie la tranquillité (aucune action judiciaire) et la confidentialité», n'a pas été respecté par M.[A] qui est de mauvaise foi,

considérant que MM [X] et [N] ont engagé en 2005 cette procédure devant le tribunal de grande instance de Paris, qu'ils n'ont pas conclu, conduisant à la radiation de l'affaire et que ce n'est que neuf mois plus tard qu'ils en ont demandé la réinscription au rôle du tribunal ; qu'ils n'avaient jamais fait état devant les juridictions grenobloises saisies antérieurement et à plusieurs reprises, de la violation des obligations contenues dans les protocoles par monsieur [A] ; qu'ils savaient parfaitement que monsieur [A] devrait justifier l'origine des fonds qu'il avait perçus et qu'ils pourraient avoir à répondre au titre de leur garantie fiscale ; qu'ils ont contesté cette garantie pour des motifs dénués de sérieux, manifestement dictés par la préservation de leur intérêt propre, opposé à celui de M.[A], comme l'a exposé le directeur des services fiscaux dans son mémoire présenté devant le tribunal administratif, selon lequel MM [X] et [N] cherchaient à ce que «l'administration fiscale ne soit pas informée ... de l'existence des sommes versées à monsieur [A] en application du protocole» espérant ainsi que «la prescription du droit de reprise de l 'administration le 31 décembre 2004 leur permettrait de s'affranchir de leur engagement de supporter la charge finale de l'impôt» ; que pour ces mêmes motifs, ils ne sont pas en mesure de justifier l'existence d'un préjudice ; qu'il apparaît que cette procédure est abusive ; qu' il sera alloué à M.[A] au titre du préjudice moral qui a résulté pour lui de l'exercice d'une telle procédure, la somme de 100 000 Euros,

considérant que les appelant seront condamnés chacun à une amende civile de 3000 Euros, en application de l'article 32-1 du code de procédure civile,

considérant qu'il n' y a pas lieu à application des dispositions de l'article L 141-6 du code de la consommation,

PAR CES MOTIFS,

La cour,

infirme le jugement sur le préjudice,

déboute monsieur [A] de sa demande de dommages-intérêts pour mise à sa charge des impositions et pour perte de chance,

condamne in solidum MM [X] et [N] à verser à monsieur [A] la somme de 100 000 Euros à titre de dommages-intérêts pour réparation du préjudice moral,

condamne in solidum MM [X] et [N] à verser à monsieur [A] la somme de 30 000 Euros pour frais irrépétibles en cause d'appel,

condamne M [X] et M [N], chacun, au versement de la somme de 3.000€ à titre d'amende civile en application de l'article 32-1 du code de procédure civile,

dit que pour permettre le recouvrement de l'amende civile par le Trésor Public, le Greffier enverra une copie conforme du présent arrêt à la Trésorerie des domiciles de M [X] et de M [N],

dit n' y avoir lieu à application de l'article L 141-6 du Code de la consommation,

Condamne in solidum MM [X] et [N] aux entiers dépens qui seront recouvrés avec le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE, POUR LA PRÉSIDENTE EMPÊCHEE,

V.PERRET I.LUC


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 12/11035
Date de la décision : 01/10/2014

Références :

Cour d'appel de Paris I4, arrêt n°12/11035 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-10-01;12.11035 ?
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