RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 2
ARRÊT DU 09 OCTOBRE 2014
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/09340
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 11 Juin 2013 par le Conseil de Prud'hommes de PARIS - section encadrement - RG n° F13/1157
DEMANDEUR AU CONTREDIT
Monsieur [D] [V]
[Adresse 2]
[Localité 2]
comparant en personne, assisté de Me Arnaud CLERC, avocat au barreau de PARIS, toque : T10
DEFENDEURS AU CONTREDIT
FONDATION NATIONALE DES SCIENCES POLITIQUES
[Adresse 1]
[Localité 1]
représentée par Me Isabelle DAVEZIES, avocat au barreau de PARIS, toque : C0267
INSTITUT D'ETUDES POLITIQUES DE PARIS
[Adresse 1]
[Localité 1]
représentée par Me Stéphanie GUEDES DA COSTA, avocat au barreau de PARIS, toque : P0461
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 15 mai 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Nicolas BONNAL, Président
Madame Martine CANTAT, Conseiller
Monsieur Christophe ESTEVE, Conseiller
qui en ont délibéré
GREFFIER : Madame FOULON, lors des débats
MINISTERE PUBLIC :
Représenté lors des débats par Madame Annabel ESCLAPEZ, avocat général, qui a fait connaître son avis
ARRET :
- contradictoire
- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Nicolas BONNAL, Président et par Madame FOULON, Greffier .
Statuant sur le contredit formé par M. [D] [V] à l'encontre du jugement rendu le 11 juin 2013 par le conseil de prud'hommes de Paris qui, saisi par l'intéressé de demandes tendant essentiellement à la requalification de ses engagements successifs à durée déterminée en un unique contrat à durée indéterminée à temps partiel, à l'annulation sur le fondement de l'article L 1331-2 du code du travail de la sanction pécuniaire ayant consisté à réduire son horaire de cours et sa rémunération à compter du 21 janvier 2013, à la mensualisation et à la fixation de son salaire et au paiement de diverses sommes à titre d'éléments de salaire et d'indemnités, et statuant sur l'exception d'incompétence soulevée au profit du tribunal administratif de Paris par la Fondation Nationale des Sciences Politiques (FNSP), défenderesse, et par l'Institut d'Etudes Politiques de Paris (IEP), intervenant volontaire, s'est déclaré incompétent et a renvoyé les parties à mieux se pourvoir, en réservant les dépens,
Vu la déclaration de contredit ainsi que les conclusions transmises et soutenues à l'audience du 15 mai 2014 pour le compte de M. [D] [V], qui demande à la cour de':
- le déclarer recevable en son contredit,
- infirmer le jugement déféré,
- dire et juger que la FNSP est son employeur,
- en conséquence, dire et juger le conseil de prud'hommes de Paris compétent pour connaître de l'ensemble des demandes qu'il a formulées à l'encontre de la FNSP,
A titre subsidiaire,
- dire et juger que l'IEP et la FNSP ont la qualité de co-employeurs à son égard,
- en conséquence, dire et juger le conseil de prud'hommes de Paris compétent pour connaître de l'ensemble des demandes qu'il a formulées à l'encontre de la seule FNSP,
- condamner la FNSP au paiement de la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Vu les conclusions transmises et soutenues à l'audience du 15 mai 2014 pour le compte de la FNSP, défenderesse au contredit, qui demande à la cour de':
A titre principal':
- déclarer irrecevable le contredit formé par M. [Z] [Y] pour le compte de M. [D] [V] en l'absence de pouvoir régulier l'habilitant à exercer une voie de recours,
A titre subsidiaire, in limine litis':
- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a rejeté sa demande de mise hors de cause,
- statuant à nouveau, ordonner sa mise hors de cause,
A titre très subsidiaire, in limine litis':
- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Paris en ce qu'il s'est déclaré incompétent et à renvoyé les parties à mieux se pourvoir,
- débouter M. [D] [V] de l'ensemble de ses demandes,
A titre infiniment subsidiaire, sur le fond':
- lui adjuger le bénéfice de ses écritures de première instance,
- débouter M. [D] [V] de l'ensemble de ses demandes,
En toute hypothèse':
- condamner M. [D] [V] au paiement de la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Vu les conclusions transmises et soutenues à l'audience du 15 mai 2014 pour le compte de l'IEP, défendeur au contredit, qui demande à la cour de':
A titre principal, in limine litis':
- confirmer la recevabilité de son intervention volontaire,
- déclarer irrecevable le contredit formé par M. [Z] [Y] pour le compte de M. [D] [V] en l'absence de pouvoir régulier l'habilitant à exercer une voie de recours,
A titre subsidiaire, in limine litis':
- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Paris en ce qu'il s'est déclaré incompétent et à renvoyé les parties à mieux se pourvoir,
- débouter M. [D] [V] de l'ensemble de ses demandes,
A titre infiniment subsidiaire, sur le fond':
- lui adjuger le bénéfice de ses écritures de première instance,
- débouter M. [D] [V] de l'ensemble de ses demandes,
En toute hypothèse':
- condamner M. [D] [V] au paiement de la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
La cour faisant expressément référence aux écrits susvisés pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties,
Vu le déclinatoire de compétence formalisé par le Préfet de Paris et communiqué le 15 mai 2014 par le procureur général près la cour d'appel de Paris, dont la teneur a été portée à la connaissance des parties à l'audience,
Vu les observations du ministère public transmises à la cour et soutenues à l'audience, auxquelles on se référera pour un plus ample exposé de la position du parquet, qui demande à la cour de':
- écarter le moyen tiré de l'irrecevabilité du contredit pour défaut de pouvoir spécial de M. [Z] [Y], dans la mesure où il n'existe aucune ambiguïté sur la volonté de M. [D] [V] de déposer ce contredit,
- rejeter le contredit de compétence formé par ce dernier,
- confirmer le jugement déféré,
- dire que le conseil de prud'hommes de PARIS n'est pas compétent pour se prononcer sur les demandes formées par M. [D] [V],
Vu la possibilité offerte aux parties de reprendre la parole après le ministère public,
SUR CE, LA COUR
EXPOSE DU LITIGE
Par décision d'engagement du 18 mars 2008, l'IEP a engagé M. [D] [V] pour le semestre de printemps 2007/2008 en qualité de chargé d'enseignement vacataire pour assurer des conférences de langue en anglais.
Son engagement a été systématiquement reconduit dans les mêmes formes les années suivantes, semestre par semestre, à raison de six heures d'enseignement par semaine.
Le 25 octobre 2012, M. [D] [V] a appris qu'il ne dispenserait que quatre heures d'enseignement hebdomadaire au cours du second semestre de l'année 2012/2013.
Il a sollicité en vain à plusieurs reprises la ré-attribution dès le 21 janvier 2013 de six heures hebdomadaires d'enseignement.
C'est dans ces conditions que s'estimant salarié de fait de la FNSP depuis le 03 mars 2008, M. [D] [V] a saisi le 30 janvier 2013 le conseil de prud'hommes de Paris en vue d'une requalification de ses contrats de travail successifs en un contrat à durée indéterminée et que le jugement déféré est intervenu le 11 juin 2013.
MOTIFS
Sur la recevabilité du contredit':
Les défendeurs soulèvent à titre principal'l'irrecevabilité du contredit formé par M. [Z] [Y] pour le compte de M. [D] [V], en l'absence de pouvoir régulier l'habilitant à exercer une voie de recours.
M. [D] [V] estime tout d'abord que le conseil de prud'hommes de Paris n'a pas relevé que l'affaire ressortirait à la compétence d'une juridiction administrative et que dès lors, seule la voie du contredit était «'possible'». Il en tire la conséquence que les défendeurs ne peuvent invoquer les dispositions relatives à l'exigence d'un mandat spécial «'au titre de l'appel'» et fait valoir ensuite que l'acte de contredit est un acte de procédure au sens des dispositions de l'article 411 du code procédure civile, que M. [Z] [Y] avait le pouvoir d'accomplir.
Toutefois, c'est en considération du fait que l'IEP «'relève du droit public'» que le conseil de prud'hommes de Paris s'est déclaré incompétent, motif qui retient implicitement mais nécessairement la compétence des juridictions administratives pour connaître du litige.
A suivre l'argumentation de M. [D] [V], les dispositions de l'article 99 du code de procédure civile, qui prévoient que la cour ne peut être saisie que par la voie de l'appel lorsque l'incompétence est invoquée ou relevée d'office au motif que l'affaire relève de la compétence d'une juridiction administrative, seraient privées de tout effet dès lors qu'en application de l'article 96 du même code, la juridiction qui fait droit à une exception d'incompétence au profit d'une juridiction administrative ne peut en faire état dans le dispositif de sa décision et doit seulement renvoyer les parties à mieux se pourvoir.
En tout état de cause, il importe peu que la cour ait été saisie par la voie du contredit alors qu'elle aurait due l'être par celle de l'appel, dès lors qu'en vertu des dispositions de l'article 91 du code de procédure civile, «'lorsque la cour estime que la décision qui lui est déférée par la voie du contredit devait l'être par celle de l'appel, elle n'en demeure pas moins saisie'».
En revanche, il appartient à la cour, comme elle y est invitée par les défendeurs, de vérifier la régularité de sa saisine.
L'article 931 du code de procédure civile, applicable à la procédure sans représentation obligatoire, dispose':
«'Les parties se défendent elles-mêmes.
Elles ont la faculté de se faire assister ou représenter selon les règles applicables devant la juridiction dont émane le jugement.
Le représentant doit, s'il n'est avocat, justifier d'un pouvoir spécial.'»
En application des dispositions de l'article 117 du même code, «'constituent des irrégularités de fond affectant la validité de l'acte':
(')
Le défaut de capacité ou de pouvoir d'une personne assurant la représentation d'une partie en justice.'»
Au cas présent, M. [Z] [Y] a formé contredit le 18 juin 2013 pour le compte de M. [D] [V] en annexant à sa déclaration de contredit le pouvoir signé suivant':
«'Je soussigné M. [D] [V], professeur d'anglais, domicilié [Adresse 2], donne pouvoir à M. [Z] [Y], directeur des ressources humaines, domicilié [Adresse 2], en sa qualité de mon partenaire de pacte civil de solidarité, de se présenter en mon nom devant le Conseil de Prud'hommes de Paris dans le litige qui m'oppose à la FONDATION NATIONALE DES SCIENCES POLITIQUES, [Adresse 1], et de se présenter en conséquence à toutes audiences, enquêtes, expertises, comparution devant les conseillers-rapporteurs, avec mission de défendre mes intérêts et éventuellement de se concilier, de transiger, de présenter des demandes additionnelles ou de répondre à des demandes reconventionnelles, de recevoir toutes sommes et d'en donner quittance. Fait à [Localité 2] le 29/01/2013'».
Il ressort clairement de la teneur de ce pouvoir que M. [Z] [Y] n'était pas mandaté pour exercer une voie de recours, quelle qu'elle fût.
Il n'est justifié de l'existence d'aucun autre pouvoir, que ce soit un mandat de représentation devant la cour, qui emporterait pouvoir de former un recours contre la décision de première instance, ou encore un mandat spécial d'exercer une voie de recours, donné dans le délai prévu par la loi pour former contredit, ou même dans le délai d'appel puisque la cour aurait dû être saisie par cette voie.
Le défaut de pouvoir spécial exigé par l'article 931 précité dans les procédures sans représentation obligatoire constitue une irrégularité de fond affectant la validité même des actes de procédure.
Il s'ensuit que le contredit formé sans pouvoir spécial par M. [Z] [Y] pour le compte de M. [D] [V] ne peut qu'être déclaré irrecevable.
Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile, les dépens de première instance et les frais de contredit':
Il apparaît équitable d'allouer à chacun des défendeurs au contredit la somme de 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles qu'ils ont été contraints d'engager devant la cour.
M. [D] [V] qui succombe supportera les frais de contredit, ainsi que les dépens de première instance qui avaient été réservés par le conseil de prud'hommes de Paris.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Déclare irrecevable le contredit formé par M. [Z] [Y] pour le compte de M. [D] [V] à l'encontre du jugement rendu le 11 juin 2013 par le conseil de prud'hommes de Paris';
Condamne M. [D] [V] à payer à la Fondation Nationale des Sciences Politiques et à l'Institut d'Etudes Politiques de Paris chacun la somme de 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles qu'ils ont été contraints d'engager devant la cour';
Condamne M. [D] [V] aux dépens de première instance et aux frais de contredit.
LE GREFFIER LE PRESIDENT