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23/10/2014 | FRANCE | N°12/07893

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 23 octobre 2014, 12/07893


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5



ARRÊT DU 23 OCTOBRE 2014

(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/07893 et 12/08440



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 22 Juin 2012 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - section encadrement - RG n° 10/17192





APPELANTE (RG 12/07893) et INTIME (RG12/08440)



SA BPCE

[Adresse 2]

[Localité 2]
r>représentée par Me Laurent JAMMET, avocat au barreau de PARIS, toque : K0168, substitué par Me Nelly POURTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : K0168,





INTIME (RG 12/07893) e...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRÊT DU 23 OCTOBRE 2014

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/07893 et 12/08440

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 22 Juin 2012 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - section encadrement - RG n° 10/17192

APPELANTE (RG 12/07893) et INTIME (RG12/08440)

SA BPCE

[Adresse 2]

[Localité 2]

représentée par Me Laurent JAMMET, avocat au barreau de PARIS, toque : K0168, substitué par Me Nelly POURTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : K0168,

INTIME (RG 12/07893) et APPELANT (RG12/08440)

Monsieur [J] [E]

[Adresse 1]

[Localité 1]

comparant en personne, assisté de Me Blandine BOULAY, avocat au barreau de PARIS, toque : C 1527

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 Septembre 2014, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Anne-Marie GRIVEL, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Martine ROY-ZENATI, Présidente

Madame Anne-Marie GRIVEL, Conseillère

Madame Muriel VOLTE, Conseillère

Greffier : Madame Laetitia LE COQ, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- signé par Madame Martine ROY ZENATI, Présidente et par Franck TASSET , Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

M. [J] [E], qui était employé depuis le 1er octobre 1975 par la Caisse d'Epargne, en dernier lieu en qualité d'inspecteur senior au sein de la Caisse nationale des Caisses d'Epargne devenue après fusion la BPCE, a pris acte de la rupture de son contrat de travail le 5 octobre 2010 au motif de la suppression du remboursement de ses frais professionnels. Son dernier salaire mensuel brut s'élevait à 5448,87 €.

Il a saisi la juridiction prud'homale le 20 décembre 2010 d'une demande de paiement de diverses indemnités au titre tant de l'exécution que de la rupture de son contrat de travail.

Par jugement du 22 juin 2012 notifié le 24 juillet suivant, le conseil de prud'hommes de Paris a condamné la SA BPCE à payer à M. [E] les sommes de :

- 15616,80 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis

- 1561,68 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis

- 124920 € au titre de l'indemnité de licenciement conventionnelle

avec intérêts au taux légal à compter du 6 janvier 2011,

- 31233 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

- et 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

en rejetant le surplus des demandes indemnitaires.

La SA BPCE a interjeté appel de cette décision le 27 juillet 2012 et M. [E] le 21 août suivant. Pour une bonne administration de la justice, les deux appels seront joints.

A l'audience du 23 septembre 2014, la SA BPCE demande à la cour d'appel d'infirmer le jugement et de débouter M. [E] de l'intégralité de ses demandes, à titre subsidiaire de réduire l'indemnité sollicitée, et de condamner M. [E] à lui payer la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle expose qu'elle a été créée, le 31 juillet 2009, à la suite de la fusion de la Caisse nationale des Caisses d'Epargne (CNCE) et de la Banque fédérale des Banques populaires (BFBP), et qu'elle a dû alors harmoniser le statut social des salariés en concluant des accords collectifs dont la plupart de substitution. Elle soutient en premier lieu que la simple erreur matérielle de la société ayant consisté à indiquer au salarié que ses frais de déplacement étaient supprimés alors qu'il n'était pas visé, en tant qu'unique et dernier inspecteur itinérant provincial, par la dénonciation des usages et engagements unilatéraux qui lui a été notifiée, ne saurait être constitutive d'un manquement grave justifiant la prise d'acte. Elle considère en effet qu'à la lecture du nouveau dispositif mis en place, le salarié ne pouvait que constater que l'avantage particulier dont il bénéficiait en vertu d'un usage au sein de la CNCE, consistant dans la prise en charge de ses frais de déplacements au siège de la société pendant ses périodes intermissions, n'était pas concerné par la suppression, et ne lui a été de fait pas supprimé, puisque le salarié a pris acte avant l'entrée en vigueur des nouvelles mesures. Elle souligne à cet égard sa parfaite bonne foi puisque l'employeur a immédiatement indiqué au salarié qu'il n'était pas impacté par la mesure et l'a invité à reprendre son activité, ce que l'intéressé a refusé, la question du remboursement des frais de déplacement n'étant qu'un prétexte pour mettre un terme au contrat de travail avant de faire liquider sa retraite à taux plein. En tout état de cause, elle considère que la dénonciation des usages étant intervenue en toute régularité après information collective et individuelle, elle ne saurait davantage justifier la prise d'acte. S'agissant de la part variable de la rémunération, elle indique que le salarié a toujours eu connaissance de ses objectifs qu'il a signés et qu'il a été répondu à toutes ses questions sur les modalités de calcul de cette part.

M. [E] demande pour sa part à la Cour d'infirmer partiellement le jugement attaqué en annulant les conditions potestatives de sa rémunération variable et en condamnant la société BPCE à lui payer les sommes de :

- 10192,33 € à titre de rappel de prime de 2005 à 2009,

- 1019,23 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférente,

- 210000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- et 2500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il fait valoir en premier lieu que la BPCE a mis en place une politique de rémunération variable sur objectifs extrêmement complexe et opaque, la variation des objectifs, des modes de mesure et des pondérations rendant le système illisible pour les salariés. Il précise donc que la faute de l'employeur, si elle ne saurait porter sur le principe de la fixation des objectifs qui lui appartient, réside dans l'absence d'information du salarié qui rend la prime impossible à chiffrer, si bien qu'il doit être considéré comme ayant droit au montant maximum de la prime, et non pas à des dommages-intérêts comme sollicités en première instance. S'agissant de sa prise d'acte, il indique que ses frais de déplacement, que ce soit en mission d'inspection ou lors de ses déplacements en inter-mission au siège à [Localité 3], lui étaient remboursés au sein de la CNCE et que la BPCE a bien repris l'intégralité de ce statut, si bien qu'elle ne pouvait unilatéralement le modifier. Il considère que tant l'information donnée au comité d'entreprise que la notification qui lui a été faite sont parfaitement claires quant à l'impact pour les inspecteurs de la dénonciation du dispositif de frais, et que cela lui a encore été confirmé les 13, 15 et 27 juillet 2010 par ses supérieurs hiérarchiques, si bien qu'il n'a pas eu d'autre choix que de prendre acte de la rupture de son contrat de travail compte tenu de l'amputation importante de son salaire qu'elle entraînait. Il estime dans ces conditions que la tentative de revirement de la BPCE est tardive, de mauvaise foi et de pure opportunité, et qu'il est justifié à solliciter une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse égale à 35 mois de salaire compte tenu de son ancienneté et de l'obligation dans laquelle il a été de faire liquider sa retraite.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs dernières conclusions visées par le greffier et développées lors de l'audience des débats.

MOTIFS

Attendu en premier lieu qu'il résulte de la combinaison des articles L.1231-1, L.1237-2 et L.1235-1 du code du travail que la prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur qui empêche la poursuite du contrat de travail ; que cette rupture produit soit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission ;

Attendu qu'il résulte des pièces produites au dossier que M. [E] s'est vu notifier le 30 juin 2010 par la BPCE, dans le cadre de l'harmonisation de l'ensemble des dispositifs sociaux en vigueur dans l'entreprise et après consultation du comité d'entreprise, 'la dénonciation de l'ensemble des usages et engagements unilatéraux en matière de politique voyage et de remboursement de frais professionnels pour leur substituer un nouveau dispositif. Les usages et engagements unilatéraux dénoncés sont les suivants :

- Règles de prise en charge des frais professionnels fixées par la direction des affaires générales au sein du secrétariat général pour les salariés de l'ex- CNCE,

- Règles de prise en charge des frais professionnels d'entreprise fixés par la DRH de l'exercice BFBP, par note interne, pour les collaborateurs de l'ex-BFBP. Cette note se décompose en deux parties : une note pour le corps de l'inspection générale et une note pour les autres collaborateurs.

Le nouveau dispositif relatif à la politique voyage et au remboursement des frais professionnels entrera en vigueur le 1er octobre 2010. (...)' ;

que M. [E] a demandé par courriel du 9 juillet 2010 si la prise en charge des 'périodes parisiennes' autres que les périodes de mission se voyait également modifiée et s'est vu confirmer que ces frais resteraient désormais à sa charge par courriels des 13 juillet et 27 juillet de la Direction de l'Inspection Générale Groupe et de la responsable emploi carrière ; que c'est dans ces conditions qu'après une lettre de son conseil laissée sans réponse, M. [E] a pris acte de la rupture de son contrat de travail le 5 octobre 2010 aux torts de l'employeur au motif de cette modification unilatérale de son statut et de son contrat de travail ;

Attendu qu'il convient de rappeler préalablement que la remise en cause, même partielle, par l'employeur d'un usage ou d'un engagement unilatéral au sein d'une entreprise est possible à condition de donner lieu à une dénonciation régulière individuelle et collective en respectant un délai de prévenance suffisant pour permettre une renégociation de l'usage ; que tel a bien été le cas en l'espèce, la BPCE ayant régulièrement consulté le comité d'entreprise le 23 juin 2010 sur la dénonciation du dispositif de remboursement des frais professionnels jusqu'alors en vigueur au sein de la CNCE et de la BFBP afin d'instaurer un nouveau dispositif commun et ayant notifié à M. [E] cette dénonciation trois mois à l'avance, en lui confirmant à deux reprises qu'elle s'appliquait bien à lui, ce que la généralité des termes de la dénonciation impliquait ; que si l'employeur pouvait ainsi modifier les modalités de remboursement des frais de déplacement de M. [E] qui n'avaient aucun caractère contractuel et qui résultaient d'un usage au sein de l'entreprise, il ne pouvait pour autant supprimer unilatéralement ce remboursement dans le cas des déplacements du salarié au siège de l'entreprise lorsqu'il se trouvait en intermissions, remboursement qui avait été contractualisé lors de sa nomination en qualité d'inspecteur au sein de l'inspection générale et dont il lui a confirmé à deux reprises la suppression ; qu'il ne peut ainsi être fait grief à M. [E] d'avoir pris acte de la rupture de son contrat de travail avant la mise en oeuvre effective du changement de régime de ses frais dès lors que cette modification était certaine ; que cette modification portait sur un élément de sa rémunération non négligeable, M. [E] demeurant en Bourgogne ce qui ne lui permettait pas, en cas de déplacement au siège à [Localité 3], de rentrer le soir à son domicile, si bien le salarié était fondé à prendre acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l'employeur ;

Que le fait que l'employeur soit par la suite revenu sur sa position en indiquant

le 8 octobre 2010 à M. [E] qu'il s'agissait d'une simple erreur matérielle de ses services ne peut en aucune mesure modifier l'appréciation du bien-fondé de la rupture à la date où elle a été notifiée par le salarié, celui-ci étant libre d'accepter ou non de revenir lui-même sur sa décision ; que le jugement sera en conséquence confirmé qui a retenu que la prise d'acte devait produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Attendu que le salarié est donc en droit de prétendre au paiement des indemnités de rupture allouées par les premiers juges, par application des dispositions de la convention collective nationale de la banque qui est bien applicable à la relation contractuelle au vu des mentions portées sur les bulletins de paie et dont le montant n'est pas autrement discuté ; que par ailleurs, il est fondé à obtenir une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qui ne saurait être inférieure, par application des dispositions de l'article L.1235-3 du code du travail, à ses six derniers mois de salaire ; que le salarié fait valoir que sa perte financière générée par l'obligation de prendre de manière anticipée sa retraite à 62 ans au lieu de 65 ans au taux plein a été évaluée à 65650 € compte tenu de son espérance de vie et de celle de son épouse de 25 ans ; que toutefois, l'indemnité allouée n'a pas pour fonction de réparer un préjudice hypothétique a fortiori subi par un tiers à la relation contractuelle ; que par ailleurs, si le préjudice moral résultant d'une rupture intervenue à l'âge de 62 ans au bout de 35 ans de carrière est réel, il doit toutefois être nuancé par le fait que l'employeur a immédiatement proposé à M. [E] de réintégrer son poste aux conditions antérieures, ce que l'intéressé a refusé, alors qu'il évitait ainsi tout préjudice ; que l'indemnité allouée sera ainsi justement fixée à la somme de 45000 € ;

Attendu en second lieu sur la demande de rappel de prime variable que M. [E] ne précise pas la nature de ce dispositif, aucune disposition à ce sujet ne figurant dans les avenants à son contrat de travail produits ; que de plus, contrairement à ce qu'il soutient, il a eu connaissance du dispositif précis de 2004 de calcul de cette part variable de sa rémunération ainsi qu'il résulte de son propre courrier du 15 novembre 2010, puis s'est vu préciser par note du 20 juin 2008 les nouvelles modalités applicables à partir de quinze indicateurs assortis de coefficient, la somme pondérée des notes obtenues déterminant le positionnement par rapport à l'atteinte d'un objectif ; qu'il n'est donc pas fondé à demander en appel l'annulation de clauses prétendument potestatives ; que les réclamations qu'il a formulées pendant le cours de son contrat concernent en réalité, non sa méconnaissance des modalités de calcul de la prime variable, mais l'application qui était faite par l'employeur des modalités ainsi fixées ; que pour autant, l'employeur, à chaque notification annuelle de la part variable attribuée, précisait que 'le responsable du salarié disposait des éléments ayant contribué au calcul de cette part variable et restait son interlocuteur pour tout renseignement y afférent', sans qu'il apparaisse que M. [E] ait sollicité ce dernier pour avoir à l'époque des éclaircissements sur ces éléments, le contentieux s'étant noué durant les derniers mois de la relation contractuelle ; qu'enfin, M. [E] ne produit aucun document selon lequel le montant maximum des primes pouvant être allouées aurait été fixé en 2009 à 10% de la rémunération brute annuelle ; que la demande nouvelle de rappel de prime et de congés payés afférents n'est donc pas fondée ;

Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de M. [E] la totalité des frais de procédure non compris dans les dépens qu'il a dû engager en appel ; qu'une somme de 1500 € lui sera allouée de ce chef ;

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Ordonne la jonction des affaires n° 12/07893 et 12/08440 sous le numéro le plus ancien ;

Confirme le jugement, sauf en ce qui concerne le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse allouée ;

Statuant de nouveau de ce chef,

Condamne la SA BPCE à payer à M. [J] [E] la somme de 45000 €, avec intérêts au taux légal à compter du 22 juin 2012 sur 31233 € et de ce jour sur le surplus ;

Ajoutant au jugement,

Rejette les demandes nouvelles ;

Condamne la SA BPCE à payer à M. [E] la somme de 1500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

La condamne aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 12/07893
Date de la décision : 23/10/2014

Références :

Cour d'appel de Paris K5, arrêt n°12/07893 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-10-23;12.07893 ?
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