Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4- Chambre 1
ARRÊT DU 30 OCTOBRE 2014
(no, 7 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 13/ 09717
Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Avril 2013- Tribunal de Grande Instance de MEAUX-RG no 09/ 02133
APPELANT
Maître Philippe Z...né le 25 septembre 1942 à VERVINS Ancien Notaire, titulaire d'un office notarial sis au 14 place du Marché 02540 VIELS MAISONS
demeurant ...-02540 VIELS MAISONS
Représenté par Me Herve-bernard KUHN de la SCP KUHN, avocat au barreau de PARIS, toque : P0090
Assistée sur l'audience par Me Jean-Baptiste HUGUET de la SCP KHUN, avocat au barreau de PARIS, toque : P0090
INTIMÉS
Monsieur Raymond X...né le 10 mai 1933
demeurant ...-77860 QUINCY VOISINS
Représenté par Me Nathalie LESENECHAL, avocat au barreau de PARIS, toque : D2090
Assisté sur l'audience par Me Grégory LAFAYE, avocat au barreau de MEAUX
Monsieur Claude François Y...
demeurant ...-77290 MITRY MORY
non représenté
Signification de l'assignation par acte délivré le11 juin 2013 en vertu de l'article 659 du Code de Procédure Civile.
Mademoiselle Perle A...
demeurant ...-77290 MITRY MORY
non représenté
SA SAFER IDF prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualityé audit siège no Siret : 642 054 522
ayant son siège 19 rue d'Anjou-75008 PARIS
Représentée par Me Luc COUTURIER de la SELARL HANDS Société d'Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : L0061
Assistée sur l'audience par Me Thierry COURANT, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 233
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 25 Septembre 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Chantal SARDA, Présidente de chambre
Mme Christine BARBEROT, Conseillère
Monsieur Fabrice VERT, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Monsieur Christophe DECAIX
ARRÊT : DÉFAUT
-rendu par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Chantal SARDA, Présidente, et par Monsieur Christophe DECAIX, greffier auquel la minute de la décision à été remise par le magistrat signataire.
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* *
Suivant acte authentique dressé le 25 juillet 2008 par M. Philippe Z..., notaire, M. Raymond X...a vendu à M. Claude Y... et à Mme Perle A... " un terrain non constuctible " sis La Côte aux Chiens à Pommeuse (77), cadastré section B no 143 et 155, au prix de 5 500 ¿. Par acte des 18 et 23 mars 2009, la Société d'aménagement foncier et d'établissement rural de l'Ile de France (SAFER) a assigné le notaire, le vendeur et les acquéreurs en annulation de cette vente qui ne lui avait pas été antérieurement notifiée.
C'est dans ces conditions que, par jugement du 10 novembre 2013, le Tribunal de grande instance de Meaux a :
- déclaré recevable l'action de la SAFER jugée non prescrite,
- dit que la vente aurait dû être précédée d'une déclaration d'intention d'aliéner au profit de la SAFER et constaté qu'il n'y avait pas été procédé,
- annulé la vente et dit que l'annulation impliquait la remise en état antérieur des parties,
- débouté la SAFER de sa demande de dommages-intérêts,
- condamné in solidum M. Z..., M. X..., M. Y... et Mme A... à payer à la SAFER la somme de 1 000 ¿ en vertu de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
- condamné in solidum M. Z..., M. X..., M. Y... et Mme A... aux dépens,
- condamné M. Z...à garantir et relever M. X..., M. Y... et Mme A... de toute condamnation prononcée contre eux,
- débouté M. Z..., M. X..., M. Y... et Mme A... de leurs demandes de dommages-intérêts et sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Par dernières conclusions du 10 janvier 2014, M. Z..., appelant, demande à la Cour de :
- vu les articles R. 143-20, L. 412-10 et L. 412-12 du Code rural, 1382 du Code Civil,
- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a accueilli l'action en nullité de la SAFER, en ce qu'il l'a condamné à garantir les consorts X...-Y...-A... et en ce qu'il a rejeté ses demandes reconventionnelles.
Statuant à nouveau :
- dire la demande de nullité de la SAFER irrecevable comme prescrite,
- dire mal fondée la demande de la SAFER de nullité de l'acte authentique du 25 juillet 2008,
- condamner la SAFER à lui payer la somme de 5 000 ¿ au titre de l'article 1382 du Code Civil,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté les demandes dirigées contre lui.
Y ajoutant :
- dire qu'il n'a commis aucune faute,
- débouter la SAFER de toutes ses demandes,
- débouter les consorts Y...-A... des demandes qu'ils pourraient diriger contre lui,
- débouter M. X...de ses demandes contre lui,
- condamner la SAFER à lui payer la somme de 3 000 ¿ au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile, dépens en sus.
Par dernières conclusions du 11 septembre 2014, la SAFER prie la Cour de :
- vu les articles L. 141-1 et suivants, suivants, L. 143-1 et suivants, R. 143-4, R. 143-20, L. 412-8 et suivants, L. 412-12 du Code rural, 1165 du Code Civil,
- débouter M. Z...de ses demandes,
- confirmer partiellement le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé l'annulation de la vente,
- ordonner la publication de l'arrêt à intervenir,
- vu l'article 1382 du Code Civil :
- réformer partiellement le jugement entrepris,
- condamner M. Z...à lui verser la somme de 15 000 ¿ de dommages-intérêts,
- condamner solidairement M. X..., M. Y... et Mme A... à lui verser la somme de 10 000 ¿ de dommages-intérêts,
- dans tous les cas, condamner M. Z..., M. X..., M. Y... et Mme A... à lui payer la somme de 12 000 ¿ au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile, dépens en sus.
Par dernières conclusions du 18 novembre 2013, M. X...demande à la Cour de :
- lui donner acte de ce qu'il s'en rapporte aux arguments développés par M. Z...et rejeter la demande d'annulation de la vente.
Subsidiairement,
- rejeter les demandes formulées contre lui par la SAFER,
- condamner M. Z...à le relever et garantir de toutes condamnation qui serait prononcées contre lui tant à titre de dommages-intérêts qu'au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
- rejeter toute demande éventuelle de M. Z...contre lui.
Statuant sur sa demande incidente :
- condamner M. Z...à lui payer au titre du préjudice financier la somme de 1 500 ¿ et sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile, la somme globale de 4 000 ¿,
- condamner M. Z...ou la SAFER aux dépens.
M. Y..., assigné en vertu de l'article 659 du code de Procédure Civile, n'a pas constitué avocat.
Mme A... n'a pas été assignée.
SUR CE
LA COUR
Considérant qu'il convient de constater que la Cour n'est pas saisie à l'encontre de Mme A... ;
Considérant que les moyens développés par M. Z...au soutien de son appel principal formé à l'encontre de la SAFER ne font que réitérer sous une forme nouvelle, mais sans justification complémentaire utile, ceux dont les premiers juges ont connu et auxquels ils ont répondu par des motifs exacts que la Cour adopte, sans qu'il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail d'une discussion se situant au niveau d'une simple argumentation ;
Considérant qu'à ces justes motifs, il sera ajouté, sur la prescription invoquée par l'appelant, qu'en vertu de l'article R. 143-20 du Code rural, la SAFER dispose de l'action en nullité prévue par l'article L. 412-12 du même Code qui enferme cette action " dans un délai de six mois à compter du jour où la date de la vente lui est connue " ;
Qu'il se déduit des termes de ce texte que le point de départ du délai n'est pas le jour où la date de la vente est rendue opposable à la SAFER, telle la date de publication au service de la publicité foncière, mais celui où la SAFER a pris connaissance de la vente ;
Qu'au cas d'espèce, la publication de l'acte de vente à la conservation des hypothèques le 7 août 2008 n'a pas porté la vente à la connaissance de la SAFER, mais la lui a seulement rendue opposable ; que ni le questionnaire d'urbanisme adressé par le notaire au maire le 29 avril 2009 ni la demande de certificat d'urbanisme du 29 mai 2008 du notaire au maire ni encore " les résultats de l'expertise " diligentée par la mairie ne prouvent que la SAFER aurait effectivement eu connaissance de la vente " dans les premier jours du mois de septembre 2008 " comme l'affirme le notaire ;
Que, par suite le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a dit que l'action de la SAFER n'était pas prescrite ;
Considérant, sur la vente de droits de propriété démembrée, que, selon l'acte authentique du 25 juillet 2008, M. X...a vendu à M. Y... et Mme A..., acquéreurs, " la pleine propriété des biens " précités ;
Qu'il s'en déduit que, le vendeur n'ayant conservé aucun droit réel sur le bien, la vente ne peut être analysée, sauf à dénaturer l'acte du 25 juillet 2008, en une cession de la nue-propriété, d'une part, et de l'usufruit, d'autre part, étant observé, en outre, que ce sont les acquéreurs, et non le vendeur, qui ont déclaré dans l'acte " faire cette acquisition à concurrence " : de la totalité en usufruit pour M. Y... et de la totalité en nue-propriété pour Mme A..., opérant, ainsi, entre eux, le démembrement ;
Que, dès lors, le démembrement n'étant pas né de la vente, mais d'une stipulation liant les acquéreurs seuls, est erronée l'affirmation dans l'acte authentique litigieux que la vente ne donne pas ouverture au droit de préemption de la SAFER, au motif que les ventes de nue-propriété ou d'usufruit n'y sont pas soumises ;
Considérant, sur la nature du bien vendu, que l'acte de vente du 25 juillet 2008 se borne à énoncer qu'il s'agit d'" un terrain non constuctible " ; qu'il ressort du certificat d'urbanisme dressé le 14 mai 2008, annexé à l'acte précité, que le terrain est situé dans une commune dotée d'un plan local d'urbanisme approuvé le 28 mars 2006, zone NA, et qu'il est soumis au droit de préemption des Zones naturelles et agricoles, par délibération du 28 mars 2006, au bénéfice de la SAFER ; que ni le notaire ni le vendeur n'établissent que le bien serait un terrain " d'agrément " ;
Que c'est donc à bon droit que le Tribunal a dit que ce bien à vocation agricole était soumis au droit de préemption de la SAFER ; que, d'ailleurs, le notaire avait fait la même analyse de la nature du bien, ayant énoncé dans l'acte qu'il rédigeait que le terrain n'était pas soumis au droit de préemption au seul motif que la vente portait sur des droits de propriété démembrée ;
Considérant que ce droit n'ayant pas été purgé, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a annulé la vente ;
Considérant, sur l'appel incident de la SAFER et sa demande de dommages-intérêts contre M. Z..., que le notaire instrumentaire est tenu de prendre toutes les dispositions utiles pour assurer l'efficacité de l'acte qu'il rédige ;
Qu'il vient d'être dit que M. Z..., qui a rédigé l'acte authentique du 25 juillet 2008, avait omis de purger le droit de préemption de la SAFER par suite d'une analyse erronée de la nature des droits transmis par le vendeur ; que cette faute a nécessairement causé à la SAFER un préjudice, ayant été contrainte de s'adresser à justice pour faire reconnaître son droit et de subir les aléas et tracas d'un procès pour un droit qu'elle détenait de la loi ; que ce préjudice est évalué à la somme de 12 000 ¿ au paiement de laquelle M. Z...doit être condamné ;
Qu'en conséquence, le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a débouté la SAFER de sa demande de dommages-intérêts formée à l'encontre du notaire ;
Considérant, sur la demande de dommages-intérêts formée par la SAFER à l'encontre de M. X...et des consorts Y...-A..., que la loi impose au notaire instrumentaire de procéder à la notification à la SAFER de la vente envisagée ; qu'ainsi, le défaut de cette diligence ne peut être imputé à la faute du vendeur et/ ou de l'acquéreur ;
Qu'en ce qui concerne la fraude, il vient d'être dit que le défaut de notification trouvait sa cause dans l'analyse juridique inexacte faite par le notaire, ni le vendeur ni l'acquéreur n'étant des spécialistes de la vente immobilière ; que l'information erronée donnée par le notaire, de laquelle il résultait que la vente n'aurait pas été soumise au droit de préemption au motif que la cession aurait porté sur un droit de propriété démembré, exclut l'intention du vendeur et des acquéreurs de frauder les droits de la SAFER ;
Qu'en conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté la SAFER de cette demande de dommages-intérêts ;
Considérant, sur la demande de dommages-intérêts de M. X...contre le notaire, qu'en dépit de la faute commise par M. Z..., M. X...ne justifie pas de l'existence d'un préjudice financier en l'absence d'évaluation actualisée du terrain litigieux ; qu'en conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté M. X...de ses demandes ;
Considérant, sur la condamnation à garantie prononcée par le Tribunal, contestée par le notaire, que le jugement entrepris n'a pas condamné les acquéreurs à restituer le prix, mais s'est borné à rappeler les conséquences de l'annulation de la vente ; que les seules condamnations prononcées par le Tribunal contre le vendeur et les acquéreurs concerne les dépens et l'indemnité au titre de en vertu de l'article 700 du Code de Procédure Civile ; que le vendeur ayant résisté à la demande d'annulation de la vente, le jugement entrepris doit être confirmé de ces chefs, étant observé que la Cour n'est saisie d'aucune demande d'infirmation de la part des acquéreurs, M. Y... n'ayant pas constitué avocat ;
Qu'en raison de la faute commise par le notaire, le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné ce dernier à garantir le vendeur et les acquéreurs desdites condamnations ;
Considérant que la solution donnée au litige emporte le rejet des demandes de dommages-intérêts et sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile de M. Z...;
Considérant que l'équité ne commande pas qu'il soit fait droit à la demande de M. X...sur le fondement de en vertu de l'article 700 du Code de Procédure Civile en cause d'appel ;
Considérant que l'équité commande qu'il soit fait droit à la demande de la SAFER sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile comme il est dit dans le dispositif du présent arrêt ;
PAR CES MOTIFS
Constate que la Cour n'est pas saisie à l'encontre de Mme Perle A... ;
Statuant dans les limites de l'appel :
Infirme le jugement entrepris, mais seulement en ce qu'il a débouté la Société d'aménagement foncier et d'établissement rural de l'Ile de France de ses demandes de dommages-intérêts ;
Statuant à nouveau de ce seul chef :
Condamne M. Philippe Z...à payer à la Société d'aménagement foncier et d'établissement rural de l'Ile de France la somme de 12 000 ¿ de dommages-intérêts ;
Déboute la Société d'aménagement foncier et d'établissement rural de l'Ile de France de ses autres demandes de dommages-intérêts ;
Confirme le jugement entrepris pour le surplus ;
Rejette les autres demandes ;
Condamne M. Philippe Z...aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du Code de Procédure Civile ;
Condamne M. Philippe Z...à payer à la Société d'aménagement foncier et d'établissement rural de l'Ile de France la somme de 7 000 ¿ sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile en cause d'appel.
Le Greffier, La Présidente,