Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 3
ARRÊT DU 26 NOVEMBRE 2014
(n° ,11 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 13/04543
Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Janvier 2013 -Tribunal de Grande Instance de MEAUX - RG n° 12/04485
APPELANTS
Monsieur [I] [U], ès-qualités d'associé gérant de la SNC L'ESPACE.
[Adresse 4]
[Localité 5]
Madame [P] [B], ès-qualités d'associée de la SNC L'ESPACE
[Adresse 2]
[Localité 6]
Madame [L] [Z], ès-qualités de co-gérante de la SARL ACSB
[Adresse 7]
[Localité 9]
Madame [W] [G]
[Adresse 8]
[Localité 7]
Monsieur [D]
[Adresse 3]
[Localité 1]
Monsieur [X] [S]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Monsieur [R] [J]
[Adresse 5]
[Localité 5]
Monsieur [N] [S] ès-qualités de président de la SA AGATE.
[Adresse 10]
[Localité 8]
Madame [F] [S], ès-qualités de gérante de la SA AGATE
[Adresse 10]
[Localité 8]
SELARL GARNIER-GUILLOUET, prise en la personne de ses représentants légaux,
ès-qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la SAS AGATE.
[Adresse 6]
[Localité 3]
SNC L'ESPACE prise en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 11]
[Adresse 11]
[Localité 10]
SARL ACSB OPTIQUE (ATOL) prise en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 11]
[Adresse 11]
[Localité 10]
SARL CINECOM [Localité 10] (BOUYGUES TELECOM) prise en la personne de ses représentants légaux .
[Adresse 11]
[Adresse 11]
[Localité 10]
SARL KEYGAN (SUZIESAC) prise en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 11]
[Adresse 11]
[Localité 10]
SARL LAUCYL (AFFLELOU) prise en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 11]
[Adresse 11]
[Localité 10]
Représentés par Me Frédéric LALLEMENT de la SCP BOLLING - DURAND - LALLEMENT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480, avocat postulant
Assistés de Me David GABRIEL, avocat au barreau de PARIS, toque : C2423, avocat plaidant
INTIMÉES
SCPI [Adresse 12] AVENIR PATRIMOINE, venant aux droits des sociétés LION SCPI et SLIVIMO, prise en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 9]
[Localité 2]
SCPI EDISSIMMO prise en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 9]
[Localité 2]
Représentées par Me Sandra OHANA de l'AARPI OHANA ZERHAT Cabinet d'Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : C1050, avocat postulant
Assistées de Me Dominique COHEN TRUMER de la SELAS COHEN-TRUMER ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : A0009, avocat plaidant
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 Septembre 2014, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Chantal BARTHOLIN, présidente, laquelle a été préalablement entendue en son rapport et Madame Brigitte CHOKRON, conseillère.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Chantal BARTHOLIN, présidente
Madame Brigitte CHOKRON, conseillère
Madame Caroline PARANT, conseillère
Greffier : lors des débats : Madame Orokia OUEDRAOGO
ARRÊT :
- contradictoire,
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
- signé par Madame Chantal BARTHOLIN, présidente, et par Madame Orokia OUEDRAOGO, greffière.
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EXPOSE DU LITIGE
Faits et procédure :
Le centre commercial [Localité 10] 2 a ouvert ses portes en avril 1996 ; d'une superficie de 54 000m² et pouvant accueillir 120 commerces et un hypermarché, il se développe sur trois niveaux, dont deux dont dédiés aux commerces et un à usage de parking.
En 2007, les SCPI Edissimmo, Slivimo et Lion, filiales du Crédit agricole, ont acquis les murs du centre commercial, à l'exception de ceux de l'hypermarché à l'enseigne Carrefour, appartenant à la société Sogebail. La société Espace expansion filiale d'Unibail et précédemment chargée de la gestion du centre commercial a été remplacée par une société Amundi puis par la Société des centres commerciaux ; les différents commerçants se sont regroupés au sein d'une association des commerçants du centre commercial de [Localité 10] 2 ;
Alléguant le manque d'entretien des locaux, l'absence d'animation commerciale et la désertification du centre, certains preneurs à bail du centre commercial ont saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris pour voir désigner un expert afin d'examiner l'évolution des facteurs locaux de commercialité, émettre un avis sur les responsabilités encourues, chiffrer l'évolution des valeurs locatives et des fonds ; M [A] s'est fait assister d'un sapiteur en la personne de M [Y].
L'expert a déposé son rapport le 13 avril 2012 ; les conclusions sont rapportées précisément dans le jugement déféré auquel la cour se réfère expressément sur ce point.
Les sociétés l'Espace, ACBS Optique (Atol), Agate (Or du temps) Cinecom [Localité 10] (Bouygues telecom) Keygan (Suziesac) et Laucyl (Affelelou) ainsi que M et Mme [S] (dirigeants de la société Agathe)M [U] et Mme [B] (associés de la société l'espace) M [D] (gérant de la société Keygan) Mme [Z] et Mme [G] (cogérantes de la société ABSC) M [X] [S] (gérant de la société Cinecom [Localité 10]) et M [J] (gérant de la société Laucyl) ont par acte du 26 juillet 2012 fait assigner à jour fixe les SCPI Edissimmo, Slivimo et Lion en responsabilité et paiement de diverses sommes en réparation de leur préjudice.
Par jugement du 15 janvier 2013, le tribunal de grande instance de Meaux a donné acte à la société [Adresse 12] Avenir Patrimoine de ce qu'elle vient aux droits des SCPI Slivimo et Lion et de son intervention volontaire en première instance,
-déclaré irrecevables les demandes présentées par la société l'Espace, M [U] et Mme [B] ,
-déclaré irrecevables les demandes présentées par la société Agate, représentée par la SELARL Cabooter et la SELARL Garnier Guillouet, en ce qui concerne l'exécution des baux relatifs aux lots 129B et 706 ainsi que celles présentées par M et Mme [S],
-déclaré opposable à la société ABCS Optique la clause de renonciation à recours,
-débouté les sociétés ACBS Optique, Cinecom [Localité 10], Keygan, Laucyl et Agate (relativement aux baux sur les lots n° 238 et 239 ) de toutes leurs demandes,
-débouté Mmes [Z] et [G], M [D], M [J], M [X] [S], M et Mme [S] de toutes leurs demandes,
-fixé la créance des sociétés Edissimmo et [Adresse 12] Avenir Patrimoine aux droits des sociétés Slivimo et Lion SCPI au redressement judiciaire de la société Agate, comme suit :
*à la somme de 272 870,11 € au titre du bail portant sur les lots 238-239, déduction faite du dépôt de garantie,
*à la somme de 108 140, 93 € au titre du bail portant sur le lot 129B déduction faite du dépôt de garantie,
*à la somme de 28 347,65 € au titre du bail portant sur le lot 706 déduction faite du dépôt de garantie,
-débouté la société Agate de sa demande de restitution du dépôt de garantie,
-dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
-débouté les parties de leurs demandes au titre des frais irrépetibles de procédure,
-débouté les parties preneurs de leurs demandes plus amples ou contraires,
-dit sue chaque partie conservera la charge de ses dépens.
Les demandeurs à la procédure de première instance ont interjeté appel du jugement ; la SELARL Garnier Guillouet représente ès-qualités la société Agate qui est en liquidation judiciaire ; par conclusions signifiées le 1er juillet 2014, ils demandent à la cour de :
Dire et juger recevables les actions des sociétés Agate, SNC l'Espace, ACSB en dépit d'une clause de médiation pour les unes ou d'une clause de renonciation à recours pour les autres,
Dire et juger que les intimées ont manqué à leurs obligations essentielles inhérentes au statut de bailleresses,
Dire et juger qu'elles seront condamnées au paiement de l'ensemble des préjudices causés par leurs manquements, tant à l'égard des personnes morales que des personnes physiques bailleresses,
En conséquence,
Les recevoir en leurs demandes,
Infirmer le jugement entrepris,
Condamner solidairement les sociétés Edissimmo Slivimo, Lion et [Adresse 12] Avenir Patrimoine au paiement des loyers réglés en excédent de la valeur locative réelle, depuis la date de prise à bail jusqu'au jour de la signification de la décision à venir, soit :
-pour la SNC l'Espace la somme de 32 642, 28 € à parfaire,
-pour la SARL ACSB Optique un montant de 103 068, 62 € à parfaire,
-pour la SA Agate, la somme de 170 889, 20 € à parfaire,
-pour la SARL Cinecom [Localité 10] un montant de 128 658, 30 € à parfaire,
-pour la SARL Keygan un montant de 279 646 € à parfaire,
-pour la SARL Laucyl un montant de 335 466 € à parfaire,
Condamner solidairement les sociétés Edissimmo Slivimo, Lion et [Adresse 12] Avenir Patrimoine au paiement de sommes compensant depuis la date d'effet du bail jusqu'au jour de la signification de la décision à intervenir la perte d'exploitation subie en raison du défaut de commercialité, soit :
- pour la SNC l'Espace la somme de 1 214 699 € à parfaire,
-pour la SARL ACSB Optique un montant de 639 000 € à parfaire,
-pour la SA Agate, la somme de 441 000 € à parfaire,
-pour la SARL Cinecom [Localité 10] un montant de 97 500 € à parfaire,
-pour la SARL Keygan un montant de 76 500 € à parfaire,
-pour la SARL Laucyl un montant de 405 000 € à parfaire,
Condamner solidairement les sociétés Edissimmo, Slivimo, Lion et [Adresse 12] Avenir Patrimoine au paiement de sommes compensant la dégradation de la valeur des fonds de commerce depuis leur prise à bail jusqu'au jour de la signification de la décision à intervenir, soit :
-pour la SNC l'Espace la somme de 1 930 682, 80 € à parfaire,
-pour la SARL ACSB Optique un montant de 432 138, 72 € à parfaire,
-pour la SA Agate, la somme de 695 119 € à parfaire,
-pour la SARL Cinecom [Localité 10] un montant de 221 296 € à parfaire,
-pour la SARL Keygan un montant de 195 488 € à parfaire,
-pour la SARL Laucyl un montant de 565 820 € à parfair,
Faire les comptes entre les parties et plus particulièrement la SA Agate qui verra les bailleresses condamnées à lui rembourser les dépôts de garantie soit :
-pour les lots 238-239 un montant de 34 356, 74 €
-pour le lot 129B un montant de 14 159, 40 €
-pour le lot 706 un montant de dépôt de garantie de 5 391, 42 €
avec intérêts au taux légal à compter du 11 janvier 2012 jusqu'à complet paiement.
Condamner solidairement les sociétés Edissimmo Slivimo, Lion et [Adresse 12] Avenir Patrimoine au paiement à chacune des personnes physiques gérants desdites sociétés au titre des préjudices matériels, financiers et moraux personnellement subis, soit :
- pour M [S] une somme globale de 1 925 590 €
- pour Mme [S] une somme de 1 774 595 €
- à M [I] [U] les sommes de 1 590 000 € à titre de perte de salaire et celle de 312 850 € au titre de la perte en termes de retraite,
-aux gérants des sociétés ACSB, Cinecom [Localité 10], Laucyl et Keygan une somme forfaitaire de 200 000 € au titre des préjudices financiers subis,
-aux sociétés l'Espace, ACSB, Cinecom [Localité 10], Laucyl et Keygan et Agate la somme de 50 000€ de dommages intérêts au titre des préjudices moraux subis,
-aux sociétés l'Espace, ACSB, Cinecom [Localité 10], Laucyl et Keygan et Agate les frais d'expertise outre les sommes suivantes au titre des frais de procès :
- pour la SNC l'Espace la somme de 43 341, 39 €,
-pour la SARL ACSB Optique un montant de 28 926, 64 €,
-pour la SA Agate, la somme de 100 662 €,
-pour la SARL Cinecom [Localité 10] un montant de 25 000 €,
-pour la SARL Keygan un montant de 26 123 € à parfaire,
-pour la SARL Laucyl un montant de 45 424 €,
et les condamner solidairement aux dépens de l'instance d'appel.
Par conclusions signifiées le 30 juin 2014, les sociétés Edissimmo et [Adresse 12] Avenir Patrimoine demandent de confirmer le jugement en ce qu'il a :
-déclaré irrecevables les demandes présentées par la société l'Espace, M [U] et Mme [B] ,
-déclaré irrecevables les demandes présentées par la société Agate, représentée par la SELARL Cabooter et la SELARL Garnier Guillouet, en ce qui concerne l'exécution des baux relatifs aux lots 129B et 706 ainsi que celles présentées par M et Mme [S],
-déclaré opposable à la société ABCS Optique la clause de renonciation à recours,
-débouté les sociétés ACBS Optique, Cinecom [Localité 10], Keygan, Laucyl et Agate (relativement aux baux sur les lots n° 238 et 239 ) de toutes leurs demandes,
-débouté Mmes [Z] et [G], M [D], M [J], M [X] [S], M et Mme [S] de toutes leurs demandes,
-fixé la créance des sociétés Edissimmo et [Adresse 12] Avenir Patrimoine aux droits des sociétés Slivimo et Lion SCPI au redressement judiciaire de la société Agate, comme suit :
*à la somme de 272 870,11 € au titre du bail portant sur les lots 238-239, déduction faite du dépôt de garantie,
*à la somme de 108 140, 93 € au titre du bail portant sur le lot 129B déduction faite du dépôt de garantie,
*à la somme de 28 347,65 € au titre du bail portant sur le lot 706 déduction faite du dépôt de garantie,
D'infirmer le jugement déféré pour le surplus et statuant à nouveau :
Déclarer la société ACSB Optique et Mme [Z] recevables en leurs demandes et statuant à nouveau, les dire irrecevables en leurs demandes, en raison du caractère opposable de la clause de renonciation à recours,
A titre infiniment subsidiaire,
Dire que les préjudices s'établissent pour la société Laucyl à 10 800 €, pour la société ACSB à 17 000 €, pour la société Cinecom [Localité 10] à 2 600 € et pour la société Keygan à 2000 €.
Dire que ces montants s'imputeront sur les loyers, à due proportion,
En toute hypothèse,
Condamner chacun des appelants à payer, aux sociétés Edissimmo et [Adresse 12] Avenir Patrimoine, la somme de 10 000 € chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile et en tous les dépens.
SUR CE,
1-Sur la recevabilité des demandes :
Sur l'exception de médiation préalable :
Les bailleresses font valoir que l'article 26-4 des baux des sociétés l'Espace et Agate comporte une clause suivant laquelle les parties sont convenues, sauf pour les litiges afférents au recouvrement des loyers et au renouvellement ou refus de renouvellement du bail, de 'recourir préalablement à toute instance judiciaire à la médiation pour toutes les contestations qui viendraient à se produire à propos de la validité, l'interprétation, l'exécution ou l'inexécution, l'interruption ou la résiliation du bail', que la clause contractuelle prévoyant la procédure de médiation préalable qui suspend jusqu'à son issue le cours de la prescription constitue une fin de non recevoir qui s'impose au juge, que les tentatives de rapprochement citées par les appelantes ne s'analysent pas en une médiation au sens des baux, comme l'ont justement indiqué les premiers juges, que le fait enfin d'avoir initié une procédure de médiation en cours d'instance d'appel ne constitue pas davantage le préalable prévu par les parties.
Or les sociétés Edissimmo et [Adresse 12] Avenir Patrimoine ont accepté la proposition de médiation faite par l'avocat des appelantes en cours d'instance d'appel, demandant seulement que celle-ci soit limitée aux deux sociétés Agate et l'Espace concernées, les bailleresses précisant qu'elles n'ont moyen opposant à la médiation contractuellement prévue.
En conséquence, le fait pour les deux sociétés bailleresses d'avoir accepté la proposition de médiation faite en cours d'instance d'appel par les deux sociétés locataires, au visa de la clause contractuelle et pour se conformer à celle-ci et d'avoir participé à la mesure de médiation mise en place auprès du médiateur de leur choix, peu important que celui-ci n'ait pas été désigné en référé, aucune contestation sur ce choix n'ayant été élevée, constitue une renonciation non équivoque des bailleresses à se prévaloir de la fin de non recevoir tirée de la clause du bail.
Sur la renonciation à recours :
L'article 20 des contrats de bail liant les sociétés l'Espace, ACSB Optique et Agate aux bailleresses prévoit également que 'sans préjudice des renonciations à recours prévues à l'article 19, le preneur renonce à tout recours contre le bailleur, toute société de son groupe, le mandataire du bailleur et leurs assureurs pour les cas suivants :
../.. En cas de défaut d'exploitation des autres locaux du centre ou de certains d'entre eux'
Le bail affirme en son article 3 que la nécessité de maintenir la diversité des enseignes et des activités au sein du centre commercial est de l'essence même du bail de sorte que la clause prévue à l'article 20 doit s'interpréter restrictivement au regard de cette exigence qui s'impose aux deux parties ; elle ne saurait valoir renonciation par avance du preneur à l'exercice de tout recours contre le bailleur au titre d'un manquement de celui-ci à une de ses obligations essentielles de faire toutes diligences pour assurer la commercialité du centre ; la clause ne vaut donc que si le défaut d'exploitation des autres locaux ou de certains d'entre eux n'est pas à d'évidence imputable au bailleur.
Il s'ensuit que les sociétés l'Espace, ACSB Optique et Agate sont recevables en leur action formée contre les bailleresses.
2-Sur le fond :
Les sociétés appelantes reprochent aux bailleresses de n'avoir pas satisfait à son obligation d'entretien du centre commercial, de n'avoir pas assuré l'animation commerciale, de n'avoir pas respecté le cahier des charges techniques concernant les voies de livraison, ce qui a conduit à la désertification du centre, les bailleurs ayant manqué à leur obligation de délivrance des locaux comportant l'entretien des parties communes, la garantie d' une jouissance paisible et le maintien d'un environnement commercial favorable.
Elles font valoir en particulier que les bailleresses n'ont pas remédié aux dysfonctionnements graves et récurrents, n'ont pas pris de mesure d'eentretien des canalisations dans le parking, ont omis de vérifier l'éclairage intérieur et extérieur du centre, n'ont pas assuré la sécurité des commerçants et des clients alors que la présence de deux vigiles le jour et d'un seul la nuit n'a pas empêché des attaques à mains armées et des cambriolages, qu'elles n'ont pas maintenu le centre à bonne température en hiver comme en été, n'ont pas assuré l'entretien régulier des ascenseurs et des escalators, ce qui a nui à l'accès de la clientèle ; elles relèvent des traces de salissures, d'infiltrations, de moisissures, des fissures, des graffitis, un mauvais état des matériels communs, une absence de décoration , des carreaux cassés non remplacés , des traces d'écoulement, des vitrines vides visibles de la clientèle , de nombreux points lumineux ne fonctionnant pas.
Sur le manquement allégué à l'obligation d'entretien :
Les sociétés appelantes produisent notamment aux débats pour preuve du manque d'entretien des locaux plusieurs constats d'huissier.
Les constat dressés les 29 décembre 2008 et le 30 juin 2009 ont été diligentés dans le cadre d'un litige opposant la SARL Le Golf aux bailleresses ; cette société n'est pas dans la cause de sorte que les constatations qu'elle a fait effectuer de façon non contradictoire dans le restaurant qu'elle exploite ne peuvent attester d'un défaut d'entretien des parties communes.
Le constat dressé le 22 octobre 2008 procède à la description des cellules commerciales en relevant que plusieurs de celles ci ne sont pas exploitées, et relève essentiellement s'agissant de l'entretien du centre que deux verrières sont salies par les déjections de volatiles, que des points lumineux ne sont plus en état de fonctionnement, l'existence d'une fuite au niveau d'une canalisation d'eaux usées du parking, quelques fissures au sol de la galerie, l'absence de certaines dalles de plafond et le blocage de l'un des ascenseurs menant au parking .
Le constat du 9 janvier 2009 concerne des relevés de température réalisées dans le commerce de la société l'Espace ;
Le constat du14 mai 2009 fait état de l'inondation du parking suite aux intempéries de la veille et de la nuit ;
Un autre constat fait état du gondolage du dallage récemment posé face à la porte d'accès n° 3, d'un disjointement et d' enfoncements de dalles sur la voie d'accès n° 2 entraînant condamnation d'une partie de ces voies, et le soulèvement qualifié par l'huissier de 'dangereux' de certaines dalles de sol de la galerie commerciale.
Les constatations contenues dans les constats des 9 janvier et 14 mai 2009 ne sont corroborées par aucune autre constatation permettant de retenir que le problème de chauffage des locaux a persisté et, les constats ayant été dénoncés aux bailleresses, qu'il n'a pas été procédé aux réparations nécessaires ; l'inondation du parking est en particulier la conséquence d''intempéries ponctuelles et ne saurait valoir preuve d'un défaut d'entretien récurrent en l'absence de toute autre constatation à cet égard.
S'agissant des autres constatations faites dans les constats d'huissier du 22 octobre 2008, elles sont contredites par celles contradictoires auxquelles a procédé l'expert judiciaire désigné en référé qui indique (page 19 de son rapport) que l'entretien du centre semble correct compte tenu du fait que les éclairages, accès parking, escalators et ascenseurs sont en bon état de fonctionnement mais sont vieillissants, le bon fonctionnement des équipements ayant été confirmé par le constat dressé à la diligence des bailleresses le 10 octobre 2011 ;
Concernant les investissements analysés par l'expert à partir du tableau récapitulatif des budgets réalisés de 2006 à 2010, le tableau montre une relative stabilité des dépenses de nettoyage, d'entretien et de réparations courantes, la diminution de 6 % constatée entre 2007 et 2010 n'étant pas significative et ne pouvant constituer au regard du constat d'un entretien correct, valeur de preuve d'une défaillance des bailleresses dans leur obligation d'entretien courant ;
S'agissant des dépenses de grosses réparations, elles ont chuté en 2008 pour être ensuite en augmentation constante et sensible en 2009 et en 2010 notamment ; quant aux dépenses de gros travaux, elles été réduites à néant entre 2007 et 2010 ; or les sociétés bailleresses démontrent à cet égard que les propositions de travaux d'entretien de la climatisation du centre, de réfection des peintures des murs extérieurs du parking, d'étanchéité de la toiture terrasse, de remplacement du 'roof top' du centre, de pompage et de curage de la chambre de rétention des eaux pluviales, de rénovation des sanitaires, de remise en état des portes coupe feu, de remplacement des mains courantes des travelors se sont heurtées à l'opposition systématique en 2007 de l'autre copropriétaire du centre la société SOGEBAIL, qu'un budget complémentaire de 76 131€ a alors été adopté lors de l'assemblée générale du syndicat des copropriétaires du 8 septembre 2009 pour permettre la réalisation en 2010 de travaux de gros entretien et qu'elles ont élaboré au cours de cette année 2010 un projet de restructuration complète du centre, déposé auprès de la Commission Départementale d'Aménagement Commercial en janvier 2011, accepté par celle-ci en mars 2011, et qui est aujourd'hui en grande partie réalisé, projet qui a permis une rénovation totale du centre commercial.
Elles affirment en outre sans être sérieusement contredites sur ce point que l'expert a omis de compter au titre de l'entretien certaines dépenses et notamment le coût des contrats de maintenance, de la dératisation et de l'enlèvement des déchets qui procèdent de son obligation d'entretien.
Les appelants échouent dans ces conditions à faire la preuve tant de la réalité et de l'ampleur des manquements allégués concernant l'entretien des parties communes que du manque de respect des règles de sécurité à propos desquelles elles ne procèdent à aucune démonstration, invoquant des événements dont au demeurant la preuve et le lien de causalité avec les obligations des bailleresses ne sont pas établies (attaques à main armée ou cambriolage).
En conséquence, en ce qu'il a retenu qu'au regard tant des constatations faites par l'expert que de l'examen des budgets de fonctionnement général du centre, les bailleresses n'ont pas failli à leur obligation d'entretien des parties communes, le tribunal doit être approuvé.
Sur le manquement allégué à l'obligation d'animation commerciale :
Les sociétés appelantes font grief aux bailleresses de ne pas avoir participé au fonds de concours mis en place pour permettre le financement des opérations de communication et de publicité; elles soutiennent que l'obligation contractée par le précédent bailleur d'y participer à hauteur de 200 000 € pendant deux ans ne se conçoit que comme une obligation pérenne dans la mesure ou, comme l'a retenu l'expert, les sociétés bailleresses sont les seules à pouvoir relancer la dynamique du centre, ce qu'elles n'ont pas fait en ayant cessé toute participation au fonds de concours alors même qu'elles sont destinataires de l'ensemble des sommes collectées auprès des différents commerçants.
L'expert souligne dans son rapport que la diminution du nombre de commerçants adhérents de l'association, soit en raison de leur départ du centre, soit en raison de leur démission de l'association à laquelle ils ne sont plus tenus d'adhérer, a entraîné une baisse sensible du budget publicitaire auquel les bailleresses ont cessé de contribuer alors qu'elles y ont intérêt.
Or, le tribunal a justement fait observer que c'est l'association des commerçants qui est chargée de la publicité, la promotion et l'animation du centre commercial et que les bailleresses n'ont contracté dans leurs rapports avec leurs locataires, aucune obligation à cet égard, à l'exception d'une participation financière limitée dans le temps, les baux rappelant seulement l'existence et le rôle de l'association et prévoyant que le bailleur qui siège au conseil d'administration reversera les concours versés par les différents commerçants ;
Les bailleresses soulignent toutefois que la mise en place des fonds de concours n'a pu aboutir en raison de l'absence de régularisation des avenants correspondants par les commerçants concernés.
Le tribunal a ainsi par de justes motifs que la cour adopte écarté ce moyen.
Sur le manquement allégué à l'obligation de maintenir un environnement commercial favorable :
Le centre commercial [Localité 10] 2 a été crée en 1996 ; il était prévu d'y accueillir 120 cellules commerciales. Son principal commerce était alors un hypermarché à l'enseigne Continent aujourd'hui Carrefour. L'objectif de la société Unibail qui en était le principal propriétaire était d'en faire un centre commercial de référence, différent des autres par son ouverture au monde extérieur. De 2004 à 2006 à la faveur de travaux d'aménagement, de nouvelles enseignes telles que Maison du Monde et H& M s'y sont implantées .
L'expert a cependant constaté que seuls 80 emplacements étaient occupés en 2010, les sociétés appelantes indiquant que depuis 2007, 40 commerces ont fermé et que les commerces ont été essentiellement regroupés au rez de chaussée au niveau de l'hypermarché.
Les parties s'accordent sur le fait que le centre s'est inscrit dès l'origine dans un contexte concurrentiel marqué par la présence de nombreux pôles commerciaux attractifs tels que [Localité 12] 2, [Localité 6] et [Localité 11] Arcades et l'apparition d'autres centres commerciaux qui se sont créés en périphérie de la ville de [Localité 10] tels que Bay 1 et 2 et Val d'Europe.
L'expert indique que le centre [Localité 10] 2 a vu sa situation se dégrader en raison du départ de nombreuses enseignes non remplacées par de nouvelles enseignes propres à maintenir l'attractivité commerciale du centre, le phénomène de sous-occupation constituant en lui-même un facteur de dégradation de la commercialité.
Il impute principalement cette situation aux bailleresses qui n'ont pas investi suffisamment et en tout cas ont différé les investissements nécessaires pour les concentrer selon lui sur une phase de rénovation complète qui a tardé à être mise en oeuvre ; il admet dans une moindre mesure la responsabilité de l'enseigne Carrefour qui s'est opposée à des investissements nécessaires et à la crise économique, tout en soulignant que le taux de vacance habituelle des surfaces commerciales des principaux bailleurs de centres commerciaux n'excède pas 3 % et que tout au plus 10 % peut être imputable à la crise économique.
Les sociétés appelantes reprochent ainsi aux bailleresses de n'avoir pas maintenu la commercialité par leur inertie, en ne fournissant pas les efforts nécessaires à la commercialisation des cellules existantes ; elles soulignent que le fait de confier la gestion du centre à une société ne les décharge pas de leur obligation, que les bailleresses n'ont pas mis en oeuvre une action nécessaire à la sauvegarde de la commercialité du centre, que la désertification a eu un impact négatif sur la vie du centre se traduisant par une baisse de la fréquentation , de l'attractivité et un préjudice financier pour les sociétés appelantes .
Les bailleresses ont contracté en l'espéce l'obligation de fournir et maintenir aux locataires du centre un environnement commercial favorable.
Les bailleresses sont mal fondées, pour dénier tout engagement de leur part à cet égard, à invoquer qu'elles n'ont pas garanti contractuellement aux sociétés preneuses une immutabilité physique ou commerciale du centre commercial ni l'évolution des commerces; cette clause du bail se distingue en effet de l'obligation de fournir un environnement commercial favorable, peu important la forme suivant laquelle elles choisissent de remplir cette obligation.
La plupart des baux contient en effet l'indication que compte tenu de la spécificité d'un centre commercial et de la nécessité d'y maintenir une diversité d'activités et d'enseignes, les dispositions du bail concernant notamment la destination du bail constituent une obligation essentielle et déterminante de l'engagement des parties ; l'engagement du bailleur est réciproquement de maintenir au preneur un environnement commercial favorable pour lui permettre d'exécuter ses propres obligations.
Cette obligation des bailleresses n'est cependant que de moyens comme l'ont rappelé les premiers juges qui par des motifs auxquels la cour se réfère expressément ont souligné que les bailleresses ont donné mandat exclusif de commercialisation à une société gestionnaire - la société des centres commerciaux -dont la compétence professionnelle est reconnue, et qui avait pour mission de mettre en oeuvre les actions nécessaires à la recherche de nouveaux locataires pour les locaux vacants et rendre compte de ses recherches, ce qu'elle a fait; les bailleresses ont en outre mis en oeuvre un projet de restructuration du centre commercial actuellement dénommé Terre et ciel destiné à offrir aux commerçants un cadre commercial totalement rénové, projet qui a été mis en oeuvre dans un délai raisonnable à partir de son acceptation en 2011 par la Commission Départementale d'Aménagement Commercial ; les premiers juges en ont justement déduit que les bailleresses justifiaient ainsi avoir rempli leur obligation de maintenir un environnement commercial favorable.
Vainement les sociétés appelantes qui jusqu'à une date récente n'avaient pas saisi le juge des loyers commerciaux d'une demande de fixation des loyers des baux renouvelés ou révisés à leur valeur locative alors qu'elles invoquent une modification notable de la commercialité, soutiennent- elles sans en apporter la preuve que ce projet aujourd'hui mis en oeuvre n'est pas de nature à satisfaire l'obligation de maintien d'un environnement commercial favorable alors que celui-ci est attesté notamment par les photographies produites aux débats qui donnent des locaux l' impression d'agrément, de clarté et de confort propre à les rendre attractifs .
Il s'ensuit que le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté les sociétés preneuses de leurs demandes au fond .
3-Sur les autres demandes :
Aucun appel incident des dispositions du jugement ayant fixé la créance des sociétés bailleresses au passif de la liquidation de la société Agate qui a été déboutée de sa demande en restitution du dépôt de garantie dont le montant a été à bon droit déduit de la créance des bailleresses n'est formé de sorte qu'il n'y a pas lieu pour la cour de statuer sur ce point.
Les appelants supporteront les dépens d'appel , ceux de première instance ayant été justement laissés à la charge de chaque partie à concurrence de ceux exposés .
Il n'y a pas lieu en équité à application de l'article 700 du code de procédure civile au profit des sociétés bailleresses.
PAR CES MOTIFS
Reformant le jugement déféré sur le seul point relatif à la recevabilité des demandes des sociétés Agate représentée par la SELARL Cabooter et la SELARL Garnier Guillouet, de M et Mme [S], de la société l'Espace, de M [U] et Mme [B] et de la société ACBS Optique,
Statuant à nouveau,
Dit la société Agate représentée par la SELARL Garnier Guillouet, M et Mme [S], les sociétés l'Espace, M [U] et Mme [B] et la société ACBS Optique, recevables en leurs demandes,
Confirme le jugement déféré en toutes ses autres dispositions,
Déboute les parties de leurs autres demandes,
Condamne les appelants aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE