Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 1
ARRET DU 26 NOVEMBRE 2014
(n° 375 , 1 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 13/18838
Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Septembre 2012 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 11/08028
APPELANTE
SARL ART COIFF représentée par son Gérant domicilié audit siège en cette qualité.
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Ayant pour avocat plaidant Me Véronique DE LA TAILLE de la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : K0148
INTIMES
Monsieur [B] [L] Notaire
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représenté par Me Gérard SALLABGRRY de la SCP KUHN, avocat au barreau de PARIS, toque :E379
Compagnie d'assurances SA MMA IARD
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par M Gérard SALLABGRRY de la SCP KUHN, avocat au barreau de PARIS, toque :E379
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Septembre 2014, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant M. Jacques BICHARD, Président de chambre, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Jacques BICHARD, Président de chambre
Madame Sylvie MAUNAND, Conseillère
Monsieur Marie-Claude HERVE, Conseillère
Greffier, lors des débats : Madame Hanifa DEFFAR
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par Monsieur Jacques BICHARD, Président de chambre
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Jacques BICHARD, président et par Madame Fatiha MATTE greffier à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
A la suite d'un compromis de vente du 19 mars 2002, [K] [I] a vendu à la société Art'coiff un fonds de commerce de coiffure et parfumerie situé à [Localité 1], pour le prix de 117 400 € par un acte du 31 mai 2002 établi par Maître [L], notaire à l'[Localité 2]. La société Art'coiff a été constituée notamment avec une ancienne salariée du salon de coiffure qui en est devenue gérante.
Les résultats d'exploitation ayant été inférieurs à ce qui avait été escompté au vu notamment du document prévisionnel fourni au moment de la vente, la société Art'coiff a saisi le tribunal de commerce de Nevers d'une action en nullité de la vente pour dol contre son vendeur puis a fait assigner en intervention forcée le cabinet d'expertise comptable ETC. Les demandes ont été rejetées par un jugement du 24 mai 2006 confirmé par un arrêt de la cour d'appel de Bourges du 7 juin 2007. Le pourvoi formé contre cette décision a été rejeté par un arrêt de la Cour de cassation du 12 octobre 2010.
Le14 mars 2008, la société Art'coiff a fait assigner Maître [B] [L] et son assureur, la MMA iard Assurances Mutuelles, devant le tribunal de grande instance de Paris pour avoir manqué à son devoir de conseil en omettant de faire remettre la comptabilité du fonds de commerce portant sur les 10 mois précédent la vente. Le tribunal de grande instance a sursis à statuer dans l'attente d'une décision définitive concernant l'annulation de la vente.
Par un jugement du 26 septembre 2012, le tribunal de grande instance de Paris a rejeté les demandes de la société Art'coiff et l'a condamnée à payer une indemnité de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La société Art'coiff a formé appel le 30 septembre 2013. Dans ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 15 septembre 2014, elle reproche au notaire de ne pas avoir attiré son attention sur le manque d'informations comptables concernant les 10 derniers mois précédant la vente, qui si elles avaient été communiquées, auraient fait apparaître une baisse significative de 30 % du chiffre d'affaires en 2001. Elle soutient que si l'acte de vente énonce que la comptabilité a été visée par l'acheteur, celle relative à la période litigieuse ne l'a pas été.
La société Art'coiff explique, en outre, que le budget prévisionnel qui prévoyait un chiffre d'affaires de 15 000 € par mois alors que le chiffre d'affaires réel a été de 12 104 €, a été établi à partir de chiffres fictifs, alors même que les chiffres réels étaient connus au moment de sa réalisation. Elle conclut à un manquement du notaire à son obligation de conseil.
La société Art'coiff fait valoir que le chiffre d'affaires du salon de coiffure était, certes, en baisse constante depuis plusieurs années mais que c'est une baisse brutale de 30% qui s'est produite en 2001. Elle considère qu'elle a perdu une chance de ne pas acquérir le fonds de commerce mais qu'il est néanmoins certain qu'elle n'aurait pas conclu la vente si les chiffres réels avaient été connus car le fonds de commerce ne présentait pas une rentabilité suffisante pour faire vivre les exploitants. Elle réclame la somme de 110 000 €, outre 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans leurs dernières conclusions communiquées par voie électronique le 29 août 2014, les intimés concluent à la confirmation du jugement. Ils font valoir que l'appelante a eu connaissance des chiffres relatifs aux trois derniers exercices clos qui ont été reportés dans l'acte notarié et que pour les 10 mois précédent la vente, il n'existait pas de synthèse comptable faisant apparaître un chiffre d'affaires et un résultat de sorte qu'il ne pouvait en faire état. Ils ajoutent que le notaire a pris soin de demander la production avant la vente, d'un budget prévisionnel établi par le comptable de l'entreprise, afin que la société Art'coiff soit en mesure d'apprécier la valeur du fonds de commerce. Ils concluent que le notaire n'a commis aucune faute en recevant l'acte en l'état et qu'il ne peut être tenu pour responsable des imperfections éventuelles du budget provisionnel dont il ne pouvait déceler les prétendues inexactitudes. Ils considèrent ainsi que l'information de l'appelante a été correctement assurée alors que les chiffes des trois derniers exercices clos ont été mentionnés à l'acte, qu'un budget prévisionnel lui a été remis et que tous les livres de compte ont été mis à sa disposition.
Les intimés contestent en outre l'existence d'un lien de causalité avec le dommage allégué puisque la vente a été réalisée alors que la dégradation du chiffre d'affaires était connue de l'acheteur et que le bilan prévisionnel en tenait compte.
Les intimés relèvent enfin le caractère excessif de l'évaluation du préjudice alors que celui-ci ne peut être constitué que d' une perte de chance. Ils rappellent que les éléments incorporels du fonds de commerce avaient été estimés à 80 000 €.
Les intimés concluent ainsi au rejet des demandes formées à leur encontre et ils réclament 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
L'acte de vente établi par Maître [B] [L] le 31 mai 2002 comporte sous le titre 'résultats d'exploitation' les chiffres d'affaires et les bénéfices commerciaux pour les trois derniers exercices clos soit jusqu'au 31 juillet 2001.
L'acte mentionne en outre que 'le vendeur et l'acquéreur ont visé l'ensemble des livres de comptabilité. Ces livres seront tenus à sa disposition pendant les 3 années suivant l'acquisition. Ils consistent en un livre journal, un livre d'inventaire, les 3 derniers bilans et les 3 derniers comptes de résultat. Ces livres ont fait l'objet d'un inventaire signé par les parties et dont un exemplaire a été remis à chacune d'elles.'
S'agissant des livres de comptabilité, la société Art'coiff fait valoir qu'elle n'a eu connaissance que de ceux concernant les exercices clos. Elle n'a pas versé aux débats l'inventaire des livres de comptabilité qui lui ont été présentés mais elle invoque une lettre du cabinet comptable ETC du 22 décembre 2003 qui déclare qu'aucun document comptable n'avait été transmis au vendeur concernant l'exercice clos le 31 mai 2002 à la date de signature, ainsi qu'une lettre du notaire du 13 avril 2006 qui indique 'je peux vous confirmer que je ne vous ai pas remis moi-même les documents comptables afférents à la période courant d'août 2001 à mai 2002 puisque le comptable de votre cédant ne m'a lui-même jamais remis de document en ce sens'. Il ajoute que l'avant contrat et le contrat définitif ont été dressés au vu des éléments comptables des exercices 1999, 2000 et 2001.
A u vu de ces éléments, il y a lieu d'admettre que la société Ar'coiff a reçu des documents comptables se rapportant aux trois derniers exercices clos qui ne lui permettaient pas de se rendre compte d'une diminution importante du chiffre d'affaires qui serait survenue dans les 10 mois précédant la vente du fonds de commerce.
Néanmoins, il convient de constater que le vendeur du fonds de commerce a également remis à la société Art'coiff une étude prévisionnelle établie par son comptable qui se rapportait à la période concernée.
Il y a donc lieu de retenir que le vendeur du fonds de commerce sur lequel pèse l'obligation d'information, a remis à l'acquéreur un document qui était de nature à l'informer de la situation comptable récente de l'entreprise artisanale. Le notaire n'était donc pas en présence d'une situation qui devait le conduire à attirer spécialement l'attention de l'acquéreur sur le manque d'informations comptables actuelles.
Il s'est avéré que ces informations n'étaient pas fiables et que le compte de résultat prévisionnel n'a pas fourni une vision exacte de l'évolution du chiffre d'affaires et du résultat d'exploitation. En effet, il prévoyait un chiffre d'affaires de 255 710 € et un bénéfice avant impôt de 23 830 € sur 17 mois, ce qui ramené à une année, donnait un chiffre d'affaires de 180 501, 16 € et un bénéfice de 16 821,17 € tandis que les comptes de l'exercice du1er juin 2002 au 30 septembre 2013 soit pendant 16 mois ont constaté un chiffre d'affaires de 193 664, 94 € et un résultat net comptable de 17 766, 39 €.
La société Art'coiff fait ainsi valoir que le comptable n'aurait pas fondé son étude sur les chiffres de l'activité déjà connus mais sur des prévisions fantaisistes.
Cependant, il n'appartient pas au notaire de vérifier la fiabilité d'un document comptable et de rechercher la pertinence des informations sur lesquelles il se fonde afin d'établir des prévisions alors qu'au surplus, le document en cause retenait un chiffre d'affaires en baisse par rapport à celui du dernier exercice clos fixé à 187 079,03 et que son caractère erroné n'était donc pas flagrant.
Il ressort ainsi de l'ensemble de ces éléments que la société Art'coiff a reçu, outre les informations comptables prévues par le code du commerce, un document prévisionnel portant notamment sur les 10 mois ayant précédé la vente, qu'ainsi le notaire n' a pas manqué à son obligation de conseil en n'attirant pas l'attention de la société Art'coiff sur l'insuffisance des éléments comptables à sa disposition pour évaluer le fonds de commerce.
Il y a donc lieu de confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris le 26 septembre 2012.
Il sera alloué aux intimés une indemnité de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,
Confirme le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris le 26 septembre 2012,
Condamne la société Art'coiff à payer à Maître [B] [L] et la MMA iard Assurances Mutuelles une indemnité de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société Art'coiff aux dépens de l'instance avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP Kuhn, selon l'article 699 du code de procédure civile.
Le GREFFE LE PRESIDENT