RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 6
ARRÊT DU 03 Décembre 2014
(n° 3 , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/06511 EMJ
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 15 Mai 2012 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VILLENEUVE SAINT GEORGES RG n° 11/00018
APPELANTE
SAS ASPIDE MEDICAL
[Adresse 1]
[Localité 1]
représentée par Me Pascal GARCIA, avocat au barreau de SAINT ETIENNE, substitué par Me SAPT Amandine, avocat au barreau de SAINT ETIENNE,
INTIMEE
Madame [I] [A]
[Adresse 2]
[Localité 2]
non comparante
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Octobre 2014, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Marie-Pierre DE LIEGE, Présidente
Madame Catherine BRUNET, Conseillère
Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, Conseillère
Qui en ont délibéré
Greffier : Mme Lynda BENBELKACEM, lors des débats
ARRET :
- RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE
- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
- signé par Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, Conseillère, Madame Marie-Pierre DE LIÈGE, présidente étant empêchée et par Madame Lynda BENBELKACEM, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
RAPPEL DES FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES
Mme [A] [I] a été engagée par la SAS ASPIDE MEDICAL par contrat de travail à durée indéterminée à temps complet en date du 16 août 2010 en qualité de commerciale.
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective de la métallurgie de la région Loire et départements d'[Localité 3].
Mme [A] [I] a été convoquée à un entretien préalable fixé au 30 novembre 2010.
Par lettre en date du 6 décembre 2010, elle a été licenciée pour faute grave.
Mme [A] [I] percevait en dernier lieu une rémunération mensuelle de 2615,75 euros.
La SAS ASPIDE MEDICAL occupait à titre habituel au moins onze salariés lors de la rupture des relations contractuelles.
Contestant notamment le bien-fondé son licenciement, Mme [A] [I] a saisi le conseil des prud'hommes de Villeneuve-Saint-Georges qui, par jugement en date du 15 mai 2012 auquel la Cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a :
-requalifié les faits ayant justifié le licenciement et dit qu'ils ne constituent pas une cause réelle et sérieuse de licenciement
-condamné la SAS ASPIDE MEDICAL à verser à Mme [A] [I] les sommes suivantes :
*2600 € euros à titre de dommages intérêts pour rupture abusive de contrat
*7845 € à titre d'indemnité de préavis,
*784,50 euros au titre des congés payés afférents,
*500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
-débouté Mme [A] [I] du surplus des demandes,
-débouté la SAS ASPIDE MEDICAL de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
-condamné la SAS ASPIDE MEDICAL aux dépens.
La SAS ASPIDE MEDICAL a relevé appel de ce jugement par déclaration parvenue au greffe de la cour le 26 juin 2012.
L'affaire a été appelée à l'audience du 19 mai 2014.
Pour cette audience, l'avocat de la société observant que le courrier recommandé du 2 février 2014 puis celui du 9 avril 2014, par lesquels il entendait notifier ses pièces et conclusions à Madame [A] lui avaient été retournées avec la mention 'non réclamée' informait la cour qu'il les avait faites signifier par Huisisier de justice.
À l'audience du 19 mai 2014 l'affaire évoquée a été mise en délibéré en l'absence de Madame [A].
La Cour réceptionnait le 21 mai 2014 un courrier de Mme [A] daté du 20 mai 2014 par lequel elle exposait qu'elle avait sollicité de la Cour le report de l'audience afin de lui permettre de répondre aux conclusions de la société mises à sa disposition par voie du huissier en date du 7 mai 2014.
Considérant l'absence de la salariée à l'audience du 19 mai, et afin de lui permettre de faire valoir ses moyens en défense, la Cour a, par décision du 3 septembre 2014 ordonné la réouverture des débats et renvoyé l'affaire à l'audience du 15 octobre 2014.
Bien que régulièrement convoquée à cette audience par courrier recommandé réceptionné à personne, Mme [A] n'a pas pas comparu.
L'affaire évoquée a été mise en délibéré à la demande de la SAS ASPIDE MEDICAL.
La SAS ASPIDE MEDICAL estime qu'elle justifie par les pièces produites du bien-fondé du licenciement pour faute grave de Madame [A] et conclut en conséquence à l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il condamne la société à lui verser diverses sommes à titre de dommages et intérêts, indemnité de préavis, congés payés et indemnité de procédure.
Elle demande en outre que la salariée soit déboutée de ses entières demandes, et soit condamnée à lui payer la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS
Vu le jugement du conseil de prud'hommes, les pièces régulièrement communiquées et les conclusions des parties, soutenues oralement à l'audience, auxquels il convient de se référer pour plus ample information sur les faits, les positions et prétentions des parties.
Sur le licenciement
La société a pour activité principale la conception, la fabrication et la distribution d'implants textile, utilisés en chirurgie.
Elle emploie 35 salariés.
Au moment de son licenciement Madame [A] comptait moins de 4 mois d'ancienneté.
Mme [A] a été licenciée pour faute grave le 6 décembre 2010 pour deux griefs résultant :
-de l'absence de respect des règles disciplinaires et professionnelles en vigueur au sein de l'entreprise, indispensables à son bon fonctionnement, attestée notamment par la production de rapports d'activité incomplets, inexploitables ou erronés malgré plusieurs rappels à l'ordre. À titre d'exemples non limitatifs sont données les anomalies constatées le 2 novembre matin et après-midi, le 3 novembre matin et après-midi, l'après-midi du 4 novembre, le matin du 6 novembre, le 9 novembre, le 11 novembre, le 12 novembre, 18 novembre, les 22 et 23 novembre 2010 où l'employeur relève l'absence de rendez-vous sur le planning, l'absence de rapports d'activité pour des rendez-vous pris, des rendez-vous inscrits et non effectués.
-du défaut de respect à son supérieur hiérarchique M.[H] dont elle refuse l'autorité et dont attestent tant son comportement lors de rendez-vous le 15 novembre 2010 auquel elle avait été convoquée pour faire le point sur son travail et sur les améliorations à apporter et au cours duquel elle s'est emportée, est partie en claquant la porte, sans même attendre la fin de l'entretien, clamant qu'elle n'avait rien à se reprocher, qu'en atteste son refus d'appeler quotidiennement son supérieur malgré les instructions données et son comportement visant à mettre tout en 'uvre pour le court-circuiter en s'adressant à un autre directeur commercial du secteur duquel elle ne dépend pas Monsieur [V] [M].
La charge de la preuve de la réalité et de la gravité de la faute pèse sur l'employeur.
Mme [A] non comparante malgré une réouverture des débats ordonnée à sa demande et une convocation réceptionnée à personne n'a pas comparu et n'a donc fourni aucun élément
En l'absence de la salariée, la Cour ne fait droit à la demande que si elle l'estime régulière, recevable, et bien fondée.
Pour écarter le premier grief, le conseil de prudhommes, sans toutefois exposer les éléments ayant servi à ses conclusions, a relevé que le contrat de travail de Mme [A] lui faisait obligation d'organiser ses rendez vous de la manière la plus optimale et économique qu'il soit ; qu'en l'espèce il était rapporté que Mme [A] avait organisé son emploi du temps en fonction de ses impératifs professionnels et avait reporté à sa hierarchie les informations profesionnelles selon les possibilités contextuelles mises à diposition.
Mais les règles professionnelles résultant de l'application de l'article 2 de son contrat de travail imposaient à Mme [A] de rendre compte de ses horaires et activités sous forme de comptes rendus hebdommadaires.Or aucun élément au dossier ne justifie de la délivrance de comptes rendus hebdomadaires qui est contestée par l'employeur tout au moins pour tout le mois de novembre malgré recadrage de son directeur M.[H] qu'il évoque dans un mail du 17 novembre 2010. Cette absence des documents contractuellement attendus d'une salariée qui n'était pas soumise à un forfait jour, n'est pas palliée par les quelques mails envoyés, qui parfois, sont sans rapport avec son activité, sont adressés à un tiers, et n'offrent aucune visibilité de l'activité déployée.
Par ailleurs son directeur commercial M.[H] atteste qu'il avait mis en place un fichier de communication sur Acrobat à partir du 1er octobre 2010, outil de communication supplémentaire et de suivi de rendez vous, qui ne remplaçait pas les rapports et les plannings hebdomadaires, mais qui lui permettaient de répondre de façon plus interactive au quotidien.
Or le tableau de synthèse Acrobat produit qui comporte quelques informations transmises par Mme [A] fait apparaitre, du 2 au 23 novembre 2010 une dizaine de demi journées, voir des journées sans aucun rendez vous ou avec un seul rendez-vous dont des exemples non limitatifs sont cités dans la lettre de licenciement. Ainsi par exemple aucun rendez-vous n'apparaît le 2 novembre au matin, le 3 novembre l'après-midi ou la journée complète du 23 novembre.
Madame [A] absente, ne justifie pas d'une activité exercée à ces périodes pour le compte de son employeur.
Par ailleurs sont relevées des anomalies constituées par des rendez-vous notés alors que les médecins ont confirmé qu'ils étaient seuls pour opérer ce jour-là et qu'elle n'était donc pas présente et qu'elle n'a pas transmis de rapport.
Ainsi elle note sur le tableau, une visite qu'elle aurait effectuée dans un centre hospitalier le 2 novembre au matin au docteur [R] alors que de son propre mail du 2 novembre adressé à son supérieur hiérarchique cette visite a été réalisée à 18 heures.
De même elle note un rendez-vous avec le docteur [X] le 6 novembre 2010 au matin qui est contesté par celui-ci qui déclare qu'il était seul ce matin-là pour opérer. À supposer que le 6 novembre soit un matin et que s'agissant de son jour de repos elle n'avait pas à se déplacer, elle n'avait pas plus à noter ce rendez-vous sur son agenda pour tromper la société et lui faire croire qu'elle avait assisté à l'opération du docteur [X], comportement pouvant s'apparenter à une volonté de travestir la réalité au détriment de la société aux fins de s'octroyer le bénéfice d'un travail qui n'a pas été accompli.
De même un rendez-vous est noté avec le docteur [N] le matin du 11 novembre 2010 alors que celui-ci n'opère que les lundis après-midi.
En outre des rendez-vous effectués n'ont pas été suivis de rapports d'activité comme le 2 novembre 2010 avec les docteurs [K] et [R] ou avec les docteurs [B] et [N] le 12 novembre 2010.
Il est ainsi établi que le premier grief lui reprochant l'absence de respect de règles disciplinaires et professionnelles lui imposant la transmission de plannings et rapports hebdommadaires d'activité complets justes et exploitables est fondé, et que sa carence n'a pas permis à l'employeur de connaitre son activité et d'exploiter le fruit du travail pour lequel elle était rémunérée.
La société reproche un second grief fondé sur un manque de respect à l'égard de son directeur régional Monsieur [H] le 15 novembre et des dénigrements de celui ci auprès d'un autre directeur.
M.[H] atteste des faits dont il a été victime et dont il s'est immédiatement plaint à sa direction par mail du 17 novembre 2010 reprochant à Mme [A] de s'être emportée, d'avoir interrompu la discussion professionnelle de recadrage visant à obtenir plus de collaboration et de transmissions d'informations, et d'avoir quitté rapidement les lieux sans salutation d'usage.
M.[M], homologue de M.[H], atteste également avoir été contacté à plusieurs reprises par Madame [A] qui ne relève pas de sa zone, pour lui demander de la conseiller, de la faire changer de zone, pour se plaindre des exigences de M [H], ou se plaindre de la difficulté à le joindre ; qu'il lui avait répondu que les choses ne se passaient pas ainsi et qu'il allait en référer à son homologue ainsi qu'à la direction.
Cette attestation reprend un mail du 17 novembre 2010 envoyé à '[P]' et en copie à Monsieur [C] [H] dans lequel M.[M] explique ' suite à un des recadrage de [I] fait par son responsable direct mon homologue, elle m'a appelé pour me demander si elle ne pourrait pas changer de directeur de zone. Je lui ai rappelé d'une part ce que l'on attendait d'elle;et que nous changeons pas comme cela de manager. Je lui ai fortement conseillé de se calquer sur nos exigences, quelque soit la personne qui l'encadre, sinon cela ne pourrait pas durer. Bref cette conversation téléphonique du vendredi 5 novembre n'était basée que sur des doléances vis-à-vis de [C].
En voici quelques-unes :
-ne supporte pas de faire des reportings journaliers téléphoniques.
-que il est difficilement joignable, qu'il ne rappelait pas..'
Or cette difficulté à joindre M.[H] est contestée par les attestations de 3 autres commerciaux placés sous la subordinnation de celui ci.
Ainsi Mme [S] salariée depuis 1 septembre 2008 atteste que M.[H] est un DR très disponible, très à l'écoute de son travail et ses attentes et surtout très joignable au téléphone quelques soient le jour et l'heure.
De même Mme [W] sous la direction de M.[H] depuis 2 ans déclare que celui ci remplit sa mission de manière forte et professionnelle; qu'il est présent très régulièrement sur son secteur et qu'elle a avec lui quotidiennement plusieurs échanges téléphoniques pour faire la synthèse de son activité ou pour répondre à une demande particuière.
Madame [D] [T] atteste de même qu'elle travaille depuis trois ans avec Monsieur [H] avec lequel la collaboration est parfaite; qu'il est toujours disponible, à l'écoute et de très bon conseil ; qu'il vient régulièrement sur le terrain avec elle pour l'aider dans son travail quotidien.
En conséquence la Cour trouve dans l'ensemble des éléments fournis par l'employeur la preuve de la désinvolture particulière d'une salariée nouvellement embauchée, qui ne respecte pas les consignes données par sa direction en termes de transmission de rapports et comptes rendus privant son employeur du contrôle et du bénéfice de ses activités pendant les heures de travail, et qui remet en cause la compétence et l' autorité de son directeur commercial en interrompant brutalement une réunion de recadrage de son activité et en le court-circuitant pour le critiquer à plusieurs reprises en s'adressant à un autre directeur commercial du secteur duquel elle ne dépend pas.
L'ensemble et la répétition de ces éléments qui en l'absence d'une salariée absente malgré une réouverture des débats et une convocation à sa personne n'a fourni aucun élément pour justifier de sa carence, suffisent à caractériser l'insubordinnation de Mme [A] et l'impossibilité pour son employeur de la maintenir dans l'entreprise et établissent en conséquence l'existence de la faute grave rendant impossible son maintien dans l'entreprise.
En conséquence il y a lieu d'infirmer la décision du Conseil de Prudhommes en toutes ses dispositions et de débouter Mme [A] de l'ensemble de ses demandes.
Partie succombante, Mme [A] sera condamnée aux dépens.
En revanche au regard de la disparité économique importante entre les parties, il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la société la charge de ses frais irrépétibles et de la débouter de ses prétentions au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant publiquement et par arrêt réputé contradictoire,
INFIRME le jugement en toutes ses dispositions :
DIT que le licenciement de Mme [A] repose sur une faute grave.
La DEBOUTE de toutes ses demandes subséquentes.
DEBOUTE la société Aspide de sa demande en application de l'article 700 du code de procédure civile.
DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples et contraires.
CONDAMNE Mme [A] aux dépens de première instance et d'appel.
LA GREFFIEREPOUR LA PRSIDENTE EMPECHEE