Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 3
ARRÊT DU 04 DÉCEMBRE 2014
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 13/04201
Décision déférée à la Cour : Jugement du 31 Décembre 2012 -Tribunal d'Instance de LONGJUMEAU - RG n° 11-11-002083
APPELANTE
Madame [J] [G]
[Adresse 2]
[Localité 2]
Représentée par Me Caroline HATET-SAUVAL de la SCP SCP NABOUDET - HATET, avocat au barreau de PARIS, toque : L0046
Ayant pour avocat plaidant : Me Maxime TONDI, avocat au barreau du VAL DE MARNE, toque: L0046
INTIMES
Monsieur [H] [F]
[Adresse 1]
[Localité 1]
Représenté par Me Clothilde CHALUT-NATAL, avocat au barreau de FONTAINEBLEAU, toque : R295
Monsieur [M] [H] [F]
[Adresse 1]
[Localité 1]
Représenté par Me Clothilde CHALUT-NATAL, avocat au barreau de FONTAINEBLEAU, toque : R295
Mademoiselle [N] [K] [R] [F]
[Adresse 1]
[Localité 1]
Représentée par Me Clothilde CHALUT-NATAL, avocat au barreau de FONTAINEBLEAU, toque : R295
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 Octobre 2014, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Isabelle BROGLY, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Isabelle VERDEAUX, Présidente de chambre
Monsieur Christian HOURS, Président de chambre, assesseur
Madame Isabelle BROGLY , Conseillère
Greffier, lors des débats : Mme Hélène PLACET
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Isabelle BROGLY, présidente et par Mme Hélène PLACET, greffier présent lors du prononcé.
*
* *
EXPOSE DU LITIGE
Par acte sous-seing privé en date du 31 juillet 1996, Monsieur [H] [F] a donné en location à Madame [J] [G], des locaux à usage d'habitation sis à [Adresse 2], pour une durée de trois mois renouvelable par tacite reconduction.
Par arrêté du 28 juin 2004, les locaux donnés à bail situés en sous-sol, ont été définitivement interdits à l'habitation dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêté.
Par ordonnance de référé en date du 18 novembre 2004, le juge du Tribunal d'Instance de Long jumeau a fixé à la somme de 192,12 € à compter de septembre 2003 le montant mensuel du loyer, a déclaré irrecevables les demandes en suspension des effets de la clause résolutoire et en délai de paiement des arriérés des loyers et charges, s'est déclaré incompétent pour connaître de la demande d'indemnisation du préjudice de jouissance formée par Madame [J] [G], condamné Monsieur [H] [F] à verser la somme de 900 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux dépens.
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 27 juin 2011, Monsieur [F] a adressé à Madame [G] un congé afin de reprise pour son fils à effet au 30 septembre 2011.
Par acte d'huissier de justice en date du 23 novembre 2011, Madame [G] a fait délivrer assignation à Monsieur [F] devant le Tribunal d'Instance de Longjumeau aux fins de nullité de congé et en paiement de la somme de 18 443€ en indemnisation de son trouble de jouissance et de la somme de 10 000 € à titre d'indemnisation de son préjudice moral.
Monsieur [M] [F] et Madame [N] [F], enfants de Monsieur [H] [F], sont intervenus volontairement à la procédure en leur qualité de nu-propriétaires.
Monsieur [H] [F] a fait délivrer, par acte du 15 mai 2012, à Madame [G] commandement de payer la somme de 12 877,33 € à titre d'arriéré de loyers.
Par jugement rendu le 31 décembre 2012, le Tribunal d'Instance de LONGJUMEAU a :
- constaté la validité du congé pour reprise délivré à la locataire et l'intervention volontaire de Monsieur [M] et Madame [N] [F].
- constaté la résiliation du bail à compter du 30 septembre 2011, liant Monsieur [H] [F] à Madame [G].
- débouté Madame [G] de toutes ses demandes.
- condamné Madame [G] à verser à Monsieur [H] [F] la somme de 13 261,57 € au titre de l'arriéré de loyers depuis septembre 2003, compte arrêté à juillet 2012, avec intérêts de droit à compter du jugement.
- ordonné l'expulsion de Madame [G], ainsi que celle de tous occupants de son fait, des lieux sis à [Adresse 2], et en tout état de cause à l'expiration d'un délai de deux mois à compter du commandement d'avoir à libérer les lieux, avec l'assistance de la force publique et d'un serrurier, si besoin.
- autorisé le bailleur à faire transporter et séquestrer les meubles trouvés dans les lieux dans tous endroits de son choix, aux risques et périls de Madame [G].
- ordonné la transmission du jugement par le Greffe au Représentant de l'Etat dans le département en vue de la prise en compte de la demande de relogement de l'occupante dans le cadre du plan départemental d'action pour le logement des personnes défavorisées.
- condamné Madame [G] à payer une indemnité mensuelle d'occupation égale au montant du loyer et des charges qui auraient été payés si le bail s'était poursuivi, jusqu'à la libération effective des lieux se matérialisant soit par la remise des clés, soit par l'expulsion.
- condamné Madame [G] à payer aux défendeurs, la somme de 300 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux dépens.
Madame [J] [G] a interjeté appel de la décision.
Dans ses dernières conclusions du 30 mai 2013, elle poursuit l'infirmation du jugement en toutes ses dispositions et demande en conséquence à la Cour, statuant à nouveau, de :
- déclarer nul et de nul effet pour défaut de cause ou cause illicite, le congé pour reprise délivré par Monsieur [F] en date du 27 juin 2011 à effet au 30 septembre 2011.
- déclarer irrecevable et non fondée, comme prescrite et contraire aux dispositions de l'article L 521-2 du Code de la Construction et de l'Habitation, la demande d'arriérés de loyers formée par Monsieur [F].
- dire et juger qu'elle ne peut être expulsée comme étant de bonne foi au sens des dispositions de l'article L 521-2 du Code de la Construction et de l'Habitation.
- débouter Monsieur [H] [F] ainsi que Monsieur [M] [F] et Madame [N] [F] de l'ensemble de leurs demandes.
- condamner Monsieur [H] [F] à verser à Madame [J] [G] la somme de 10 000 € à titre d'indemnisation de son préjudice de jouissance, ainsi que la somme de 5 000 € à titre d'indemnisation de son préjudice moral.
- condamner solidairement les consorts [F] à lui verser la somme de 8 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Les consorts [F], intimés, par dernières conclusions du 22 juillet 2013, demandent à la Cour de :
- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions.
subsidiairement :
- condamner Madame [G] à leur verser la somme de 13 261,57 € à titre de dommages-intérêts correspondant au montant des loyers dus arrêtés au 11 juillet 2012, terme de juillet 2012 inclus, en réparation du préjudice du bailleur du fait de la carence et de la mauvaise foi de la locataire.
en tout état de cause :
- condamner Madame [G] à leur verser la somme de 4 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux dépens dont recouvrement pour ceux d'appel, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
' Sur les demandes de Madame [J] [G].
Madame [J] [G] invoque la nullité du congé pour reprise qui lui a été délivré le 27 juin 2011 par Monsieur [H] [F], à effet au 30 septembre 2011. Elle fait valoir que les lieux ont été définitivement interdits à l'habitation par arrêté du 28 juin 2004, que s'agissant d'une décision d'ordre public, Monsieur [F] n'est pas recevable à invoquer un quelconque droit de reprise, fut-ce pour son fils, dès lors que le local concerné ne peut plus être affecté à l'habitation.
L'argumentation de Madame [J] [G] est dénuée de toute pertinence dès lors qu'elle revient finalement à priver le propriétaire bailleur de toute possibilité de pouvoir récupérer un jour son bien, alors même que, s'il ne peut effectivement être utilisé à des fins d'habitation, il peut toujours servir de remise ou de resserre.
Indépendamment de la question de la validité du congé, Monsieur [H] [F] justifie suffisamment avoir, postérieurement à la notification de l'arrêté du 28 juin 2004, adressé à Madame [J] [G] des offres de relogement auxquelles celle-ci n'a pas cru devoir donner la moindre suite.
C'est ainsi que par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 28 juillet 2004, l'Agence de Juvisy, mandataire de gestion de Monsieur [F] a écrit à Madame [G] en ces termes : 'pour faire suite à l'arrêté interdisant l'habitation de votre logement, nous vous informons de notre intention de vous reloger dans un appartement disponible dans la résidence au 1er étage studio avec terrasse aux mêmes conditions de loyers et de charges. Nous vous remercions donc de bien vouloir préparer vos affaires et vous mettre en relation avec l'agence pour fixer une date pour le déménagement et la remise des clés de votre nouveau logement.
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 28 octobre 2005, l'agence a de nouveau écrit à Madame [J] [G] en ces termes : 'nous faisons suite à notre courrier du 28 juillet 2004 vous informant de la mise à disposition d'un logement dans la résidence aux mêmes conditions de loyers, courrier auquel vous n'avez jamais donné suite. Nous réitérons notre demande et nous vous demandons de bien vouloir changer d'appartement et ce, à partir du 1er décembre 2005. Nous vous demandons de nous contacter afin de pouvoir fixer ensemble un rendez-vous pour la visite de votre nouveau logement et les conditions d'emménagement (jour et heure de la remise des clés)
Par nouvelle lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 19 janvier 2010, Monsieur [F] a écrit en ces termes à Madame [G] : 'Suite aux différents passages des services techniques de [Localité 1], votre appartement a été considéré inhabitable. L'Agence de [Localité 3] vous a fait parvenir un courrier, resté sans réponse de votre part, concernant le changement d'appartement pour vous reloger dans les mêmes conditions que votre appartement actuel. Le courrier a été envoyé il y a six ans. A ce jour, vous n'avez donné aucune réponse. Par conséquent, nous vous proposons un appartement de même surface et au même loyer pour vous reloger. Si nous n'obtenons pas de vos nouvelles avant la fin du mois de janvier 2010, nous transmettrons aux services technique de [Localité 3] le présent avis et nous ferons les démarches nécessaires auprès de notre avocat qui fera valoir nos droits. Cela fait 10 ans que vous ne payez plus de loyer, ni aucune charge ni de taxes diverses'.
Cette dernière lettre recommandée avec demande d'avis de réception a été également signifiée à Madame [G] par acte d'huissier de justice en date du 8 mars 2010
En refusant de quitter les lieux dans lesquels elle se maintient malgré les offres de relogement qui lui ont été notifiées, Madame [J] [G] met le bailleur dans une situation délicate, au regard notamment de l'arrêté d'insalubrité faisant interdiction d'habiter les lieux loués.
Bien plus, il est constant que Madame [J] [G] ne paie plus aucune contrepartie à l'utilisation des lieux, ni la moindre charge.
Dans ces conditions, Monsieur [H] [F] justifiant avoir fait face à ses obligations contractuelles par les différentes offres de relogement vainement adressées à Madame [J] [G], il y a lieu de faire droit à ses demandes en prononçant notamment la résiliation du bail aux torts et griefs exclusifs de la locataire et d'ordonner son expulsion selon les modalités précisées au dispositif de la présente décision. Le jugement déféré sera confirmé sur ce point et également dans ses dispositions relatives à l'expulsion, la séquestration et le transport des meubles, la fixation de l'indemnité d'occupation.
Sur la demande de dommages-intérêts pour préjudice de jouissance.
Madame [J] [G] doit être déboutée comme particulièrement mal fondée en sa demande d'indemnisation de son trouble de jouissance, alors même qu'elle est à l'origine du préjudice qu'elle invoque pour être restée dans les lieux en dépit des nombreuses offres sérieuses de relogement qui lui ont été adressées, contrairement à ce qu'elle soutient. Le jugement doit également être confirmé sur ce point.
' Sur les demandes des consorts [F].
Sur la demande d'arriéré locatif.
Les consorts [F] sollicitent la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a condamné la locataire à verser la somme de 13 261,57 € au titre des loyers impayés, terme de juillet 2012 inclus et dans le cas où il ne serait fait pas droit à cette demande, des dommages-intérêts équivalents au montant des loyers qui auraient pu être réclamés, à savoir la somme mensuelle de 192,12 € sur cinq années à compter du commandement de payer du 15 mai 2012, Madame [G] ayant engagé sa responsabilité en se refusant à quitter les lieux.
Madame [J] [G] invoque en réplique les dispositions de l'article L 521-2-III du Code de la Construction et de l'Habitation dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 15 décembre 2005 aux termes desquelles, 'lorsque les locaux sont frappés d'une interdiction définitive d'habiter et d'utiliser, les baux et contrats d'occupation ou d'hébergement poursuivent de plein droit leurs effets, exception faite de l'obligation de paiement du loyer ou de toutes sommes versées en contrepartie de l'occupation'.
La locataire fait valoir que cette disposition d'ordre public s'appliquant aux contrats en cours à la date du 15 décembre 2005, aucune somme ne peut lui être réclamée à titre de loyer ou d'indemnité d'occupation. Elle ajoute que le commandement de payer datant du 15 mai 2012, toute demande en paiement pour la période antérieure au 15 mai 2007 se trouve prescrite en application des dispositions de l'article 2224 du Code Civil.
En l'espèce, ainsi que l'a très exactement relevé le premier juge, Madame [J] [G] a agi de mauvaise foi : en dépit des problèmes d'insalubrité du logement, le juge avait fixé dans sa décision du 18 novembre 2004, le montant du loyer à la somme réduite de 192,12 € tout en rejetant la demande de travaux après avoir considéré que la locataire devait quitter les lieux au plus vite : or, Madame [J] [G] s'est maintenue dans les lieux durant tout ce temps sans payer le moindre loyer depuis 2003, en dépit des offres sérieuses de relogement de la part su bailleur.
Faute de pouvoir prononcer une condamnation au paiement de loyers en raison de l'interdiction d'habiter prévue à l'arrêté préfectoral du 28 juin 2004, les consorts [F] sont recevables et fondés en leur demande en paiement de dommages-intérêts dont la Cour a les éléments suffisants pour en fixer le montant à la somme de 12 000 €.
' Sur les dépens et l'application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Succombant en son recours, Madame [J] [G] sera condamnée aux dépens d'appel et gardera à sa charge les frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés, les dispositions prises sur les dépens et les frais irrépétibles de première instance étant confirmées.
La somme qui doit être mise à la charge de Madame [J] [G] au titre des frais non compris dans les dépens exposés par les consorts [F] peut être équitablement fixée à 1 500'€.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a condamné Madame [J] [G] au paiement de l'arriéré de loyers.
Statuant à nouveau, condamne Madame [J] [G] à verser aux consorts [F], ([H], [M] et [N] [F]) la somme de 12 000 € à titre de dommages-intérêts.
Déboute Madame [J] [G] de toutes ses demandes.
La condamne à verser aux consorts [F], la somme de 1 500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
La condamne aux dépens pouvant être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE