Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 11
ARRET DU 05 DECEMBRE 2014
(n° , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 13/18556
Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 Juin 2012 -Tribunal de Commerce de Paris - RG n° 2012015315
APPELANTES
SNC KSILOUEST, immatriculée RCS de Saint-Etienne n°519 462 121, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 1]
Représentée par Me Michel GUIZARD de la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0020
Représentée par Me Emmanuel ROSENFELD de l'Association VEIL JOURDE, avocat au barreau de PARIS, toque : T06
SNC KSILEST, immatriculée RCS de Saint-Etienne n°519 460 737, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 1]
Représentée par Me Michel GUIZARD de la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0020
Représentée par Me Emmanuel ROSENFELD de l'Association VEIL JOURDE, avocat au barreau de PARIS, toque : T06
SNC KSILNORDEST, immatriculée RCS de Saint-Etienne n°519 460 034, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 1]
Représentée par Me Michel GUIZARD de la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0020
Représentée par Me Emmanuel ROSENFELD de l'Association VEIL JOURDE, avocat au barreau de PARIS, toque : T06
INTIMEE
SA EDF - ELECTRICITE DE FRANCE, immatriculée RCS de Paris n°552 081 317, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 2]
Représentée par Me Florence GUERRE de la SELARL PELLERIN - DE MARIA - GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018
Représentée par Me Bertrand POTOT de l'AARPI DS AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : T07
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 30 Octobre 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Janick TOUZERY-CHAMPION, Président de chambre, chargé du rapport
Monsieur Paul André RICHARD, Conseiller hors classe
Madame Marie-Annick PRIGENT, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Mme Patricia DARDAS
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Janick TOUZERY-CHAMPION, président et par Mme Patricia DARDAS, greffier présent lors du prononcé.
Le groupe Casino a crée 28 sociétés en nom collectif ( 25 Green Yellow et Ksilouest, Ksilnordest et Ksilest ) pour développer des projets de production d'électricité à partir de l'énergie photovoltaïque , dans les centres commerciaux du groupe.
Le cadre juridique du litige est le suivant: l'article 10 de la loi du 10 février 2000 (codifié à l'article L.314-1 du code de l'énergie) oblige la société Electricité de France (EDF) à acheter l'électricité renouvelable produite sur le territoire national ; les tarifs applicables aux contrats d'achat de la future production d'électricité sont fixés par arrêtés du ministre de l'économie et l'énergie. En cas de surcoût résultant de la politique de soutien aux énergies renouvelables, il est compensé par le biais d'une taxe , la contribution au service public de l'électricité instituée par la loi du 3 janvier 2003 qui pèse sur chaque consommateur d'électricité lors du paiement de sa facture.
Les conditions d'achat de l'électricité photovoltaïque ont été définies par les arrêtés du 13 mars 2002 puis du 10 juillet 2006 qui prévoyaient de façon identique que 'la date de demande complète de contrat d'achat par le producteur détermine les tarifs applicables à une installation'.
Mais fin 2009 la commission de régulation de l'énergie (CRE) s'est prononcée sur une nette révision à la baisse des tarifs d'achat de l'énergie photovoltaïque puis le gouvernement a annoncé une baisse du prix d'achat et une modification des conditions d'achat de l'électricité 'pour crever la bulle spéculative' apparue dans ce secteur .Un arrêté du 12 janvier 2010 a fixé les nouveaux tarifs applicables à partir du 15 janvier 2010 et a précisé que ' c'est la date de demande complète de raccordement au réseau public par le producteur qui détermine les tarifs applicables à l'installation' et non plus la demande d'achat.
Face à l'essor du photovoltaïque le gouvernement a décidé d'adapter encore le dispositif de soutien en réduisant à nouveau les tarifs d'achat et un arrêté du 31 août 2010 abrogera l'arrêté du 12 janvier 2010. Puis la loi dite Grenelle II du 12 juillet 2010 insérera un nouvel alinéa à l'article 10 de la loi du 10 février 2000 qui prévoit que les contrats régis par cet article ne sont conclus et (...) n'engagent les parties qu'à compter de leur signature.
Estimant que seul l'arrêté du 10 juillet 2006 est applicable à leurs demandes d'achat d'électricité photovoltaïque et se fondant sur les dispositions de l'article 1583 du code civil, les 28 sociétés en nom collectif Green Yellow, Ksilouest, Ksilnordest et Ksilest ont fait assigner par acte du 10 février 2010 la société EDF devant le Tribunal de commerce de Paris.
Par un premier jugement du 1er juin 2010, la juridiction consulaire a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par le Préfet d'Ile de France. Selon une décision du 13 décembre 2010 le Tribunal des Conflits a annulé l'arrêté de conflit qui avait été élevé le 15 juin 2010 par le Préfet de Paris et a renvoyé l'affaire devant le Tribunal de commerce de Paris.
Suivant un second jugement du 29 juin 2012 cette juridiction a, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :
- débouté la société EDF de sa demande visant à voir constater le désistement d'instance et d'action des sociétés Ksilest, Ksilouest, Ksilnordest, Green Yellow Jumbo Grans Large, Green Yelow Vals Près le Puy et Green Yellow Montpellier Celleneuve,
- dit qu'aucun contrat d'achat d'electricité n'était formé au 15 janvier 2010 entre les SNC Ksilest, Ksilouest, Ksilnordest et la société EDF,
- constaté que des contrats d'achat d'électricité se sont formés entre la société EDF et les 25 SNC Green Yelow aux dates d'expédition des demandes d'achat par ces sociétés,
- débouté les SNC Green Yelow de leur demande additionnelle,
- condamné la société EDF à payer aux 25 sociétés en nom collectif Green Yellow une somme globale de 60.000€ en vertu de l'article 700 du code de procédure civile.
Selon une première ordonnance du 6 novembre 2012, le conseiller de la mise en état a constaté l'extinction de l'instance et d'action pour les 25 sociétés en nom collectif Green Yelow et pour la société EDF.
Aux termes d'une seconde ordonnance du 10 avril 2014 le conseiller de la mise en état a déclaré recevable l'appel formé par les trois sociétés Ksilest, Ksilouest, Ksilnordest.
Par conclusions signifiées le 25 septembre 2014, les sociétés Ksilouest, Ksilest et Ksilnordest, appelantes, sollicitent :
- un donner acte de leur désistement d'instance et d'action pour les nouvelles demandes relatives aux sites d'[Localité 3], [Localité 4], [Localité 5] et [Localité 6],
- la constatation que le jugement querellé a violé le principe de la contradiction en soulevant d'office une difficulté relative au formalisme des contrats d'achat déposés par les trois SNC Ksilouest, Ksilest, Ksilnordest sans les mettre en mesure de s'en expliquer,
- la constatation que les demandes de contrat d'achat déposées avant le 15 janvier 2010 étaient complètes selon l'arrêté du 10 juillet 2006,
- l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il a jugé qu'aucun contrat d'achat d'électricité n'avait été formé entre elles et la société EDF ,
- la constatation que le prix des ventes résultant des demandes complètes d'achat qu'elles ont adressées à la société EDF sont ceux de l'arrêté du 10 juillet 2006,
- une injonction à la société EDF d'exécuter les contrats litigieux aux conditions contractuelles - la confirmation du jugement querellé sur l'ensemble de ses autres dispositions non contraires au présent dispositif du 10 juillet 2006,
- l'irrecevabilité de l'appel interjeté par la société EDF,
- à tout le moins son rejet ,
- la condamnation de la société EDF à lui verser la somme de 10.000€ en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile.
Selon écritures signifiées le 15 octobre 2014, la société EDF, intimée :
- à titre principal, soulève l'irrecevabilité de l'appel interjeté par les sociétés Ksilouest, Ksilest, Ksilnordest ainsi que de leurs demandes,
- demande l'infirmation du jugement querellé en ce qu'il l'a déboutée de sa demande tendant à voir constater le désistement d'instance et d'action de ces trois sociétés,
- souhaite la condamnation des sociétés Ksilouest, Ksilest, Ksilnordest à payer une amende civile de 3.000€ et une somme de 50.000€ à titre de dommages et intérêts eu égard au caractère abusif de ce recours,
- à titre subsidiaire réclame la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a jugé que les demandes de contrat d'achat d'électricité des trois sociétés susmentionnées étaient incomplètes,
- sollicite le rejet des demandes desdites sociétés et leur condamnation à lui régler la somme de 50.000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Il est expressément référé aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits, de leur argumentation et de leurs moyens.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Pour s'opposer aux demandes des trois sociétés Ksilouest, Ksilest et Ksilnordest, la société EDF soulève, à titre principal, une fin de non recevoir tirée du désistement d'instance et d'action de ces trois sociétés formulé par conclusions produites à l'audience du 21 mars 2011 devant le Tribunal de commerce de Paris.
En défense, les trois sociétés objectent qu'elles se sont rétractées de leur désistement d'instance et d'action avant que ce désistement ne soit accepté par leur adversaire qui avait déjà présenté une défense au fond, de sorte que leur désistement qui n'avait pas été accepté n'était pas parfait et qu'elles étaient donc libres de le rétracter.
Il est constant que par conclusions déposées à l'audience du 21 mars 2011 devant le Tribunal de commerce de Paris les sociétés Ksilouest, Ksilest et Ksilnordest se sont désistées de leurs instance et de leur action, alors que la société EDF avait déjà conclu au fond les 22 mars, 13 avril et 21 mars 2011.
Or devant le Tribunal de commerce en application de l'article 860-1 du code de procédure civile la procédure est orale. En cette matière de procédure orale, le désistement formulé par écrit antérieurement à l'audience produit immédiatement son effet extinctif avant l'ouverture des débats à l'égard de toutes les parties.
Par conséquent le motif d'antériorité des écritures de leur adversaire sur le fond par rapport au désistement ne saurait priver d'efficacité le désistement en matière de procédure orale.
En toute hypothèse, la société EDF avait nécessairement accepté le désistement des sociétés Ksilouest, Ksilest et Ksilnordest par ses conclusions du 9 mai 2011 aux termes desquelles elle prenait acte de ces désistements, conformément aux dispositions de l'article 397 du code de procédure civile, qui autorise une acceptation implicite contrairement à ce que soutiennent les appelantes. En effet, la société EDF qui ne s'était pas opposée auxdits désistements, ne les avait pas refusés, les avait en conséquence implicitement mais nécessairement acceptés.
Dans ces conditions les demandes des sociétés Ksilouest, Ksilest et Ksilnordest doivent être déclarées irrecevables, de sorte que la décision des premiers juges doit être infirmée de ce chef.
La société EDF réclame le paiement par les trois sociétés appelantes d'une somme de 3.000€ au titre d'une amende civile sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile et d'une somme de 50.000€ à titre de dommages et intérêts.
Mais une action non fondée ne suffit pas à caractériser l'abus du droit d'ester en justice, de sorte que ces chefs de demande ne sauraient prospérer.
En revanche, l'équité commande d'allouer à la société EDF une indemnité de 20.000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, compte tenu de la production de 83 pièces, des développements importants des appelantes dans des conclusions recto verso de 24 pages, auxquelles la société EDF était tenue de répondre.
PAR CES MOTIFS
Statuant contradictoirement,
Infirme le jugement rendu le 29 juin 2012 par le Tribunal de commerce de Paris en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
Dit irrecevables les demandes formées par les sociétés Ksilouest, Ksilest et Ksilnordest,
Condamne in solidum les sociétés Ksilouest, Ksilest et Ksilnordest à verser à la société EDF la somme de 20.000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette le surplus des demandes,
Condamne in solidum les sociétés Ksilouest, Ksilest et Ksilnordest aux dépens avec droit de recouvrement direct conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le Greffier Le Président