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09/12/2014 | FRANCE | N°13/18424

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 8, 09 décembre 2014, 13/18424


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS









COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 8



ARRÊT DU 09 DECEMBRE 2014



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 13/18424



Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Septembre 2013 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2011046744



APPELANT :



Monsieur [J] [Q]

né le [Date naissance 1] 1958 à [Localité 7]

[Adresse 2]
>[Localité 5]

Représenté par Me Christian VALENTIE, avocat au barreau de PARIS, toque : C2441



INTIMES :



SELAFA MJA - Prise en la personne de Maître [P] [I] - Es qualité de « liquidateur judiciaire de...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 8

ARRÊT DU 09 DECEMBRE 2014

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 13/18424

Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Septembre 2013 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2011046744

APPELANT :

Monsieur [J] [Q]

né le [Date naissance 1] 1958 à [Localité 7]

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représenté par Me Christian VALENTIE, avocat au barreau de PARIS, toque : C2441

INTIMES :

SELAFA MJA - Prise en la personne de Maître [P] [I] - Es qualité de « liquidateur judiciaire des sociétés YIN, FISHER STREET, YIN PARTNERS, YIN EXPRESSION, NYTI »

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représentée par Me Frédéric BURET, avocat au barreau de PARIS, toque : D1998

Ayant pour avocat plaidant Me Olivier DEBEINE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0504

MINISTERE PUBLIC - Pris en la personne de Monsieur le Procureur Général près la Cour d'appel de PARIS élisant domicile en son Parquet au Palais de Justice

[Adresse 4]

[Localité 3]

PARTIES INTERVENANTES :

Monsieur [Y] [Z]

né le [Date naissance 2] 1955 à [Localité 6] (44)

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représenté par Me Christian VALENTIE, avocat au barreau de PARIS, toque : C2441

Ayant pour avocat plaidant Me Bertrand BIETTE de l'AARPI BLOWIN AVOCATS, à la Cour, toque : E0571

L'Association Interprofessionnelle des fruits et légumes frais (INTERFEL)

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Delphine MENGEOT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0006

Ayant pour avocat plaidant Me Pierre MORRIER de la SELURL ALINEA, Avocats à la Cour, toque : P0573

Numéro d'inscription au répertoire général : 13/19233

Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Septembre 2013 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 201105818

APPELANTE :

SELAFA MJA - Prise en la personne de Maître [P] [I] - Es qualité de « liquidateur judiciaire des sociétés YIN, FISHER STREET, YIN PARTNERS, YIN EXPRESSION, NYTI »

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représentée par Me Frédéric BURET, avocat au barreau de PARIS, toque : D1998

Ayant pour avocat plaidant Me Olivier DEBEINE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0504

INTIMES :

Monsieur [J] [Q]

né le [Date naissance 1] 1958 à [Localité 7]

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représenté par Me Christian VALENTIE, avocat au barreau de PARIS, toque : C2441

MINISTERE PUBLIC - Pris en la personne de Monsieur le Procureur Général près la Cour d'appel de PARIS élisant domicile en son Parquet au Palais de Justice

[Adresse 4]

[Localité 3]

Monsieur [Y] [Z]

né le [Date naissance 2] 1955 à [Localité 6] (44)

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représenté par Me Christian VALENTIE, avocat au barreau de PARIS, toque : C2441

Ayant pour avocat plaidant Me Bertrand BIETTE de l'AARPI BLOWIN AVOCATS, à la Cour, toque : E0571

L'Association Interprofessionnelle des fruits et légumes frais (INTERFEL)

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Delphine MENGEOT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0006

Ayant pour avocat plaidant Me Pierre MORRIER de la SELURL ALINEA, Avocats à la Cour, toque : P0573

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 15 Octobre 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie HIRIGOYEN, Présidente de chambre, présidente

Madame Marie-Christine HEBERT-PAGEOT, Présidente de chambre

Monsieur Joël BOYER, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mme Pervenche HALDRIC

Ministère Public : L'affaire a été communiquée au ministère public, représenté lors des débats par Monsieur Fabien BONAN, Substitut Général, qui a fait connaître son avis.

ARRET :

- contradictoire

- rendu par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie HIRIGOYEN, présidente et par Mme Pervenche HALDRIC, greffière présente lors du prononcé.

La société Yin Partners est la société de tête d'un groupe faisant appel public à l'épargne qui exerce au travers de sociétés opérationnelles des activitésde communication et de marketing, le groupe ayant racheté entre 2005 et 2007 douze sociétés ou fonds de commerces dans le même secteur d'activité.

La plus ancienne d'entre elles est la société Nyti qui a été créée en janvier 2005, qui comptait 36 salariés et réalisait un chiffre d'affaires de 3,7 millions d'euros en 2008.

Ont suivi :

- la société Fisher Street, créée en mai 2005, spécialisée dans le domaine de la santé, qui comptait 8 salariés et réalisait en 2007 un chiffre d'affaires de 1,8 million d'euros,

- la société Yin SAS, créée en août 2005, spécialisée dans le design et la communication par internet, qui comptait 33 salariés et réalisait en 2007 un chiffre d'affaires de 13 millions d'euros,

- Yin Expression, créée le 8 novembre 2007, spécialisée dans la photocomposition, qui comptait 6 salariés et réalisait un chiffre d'affaires de 1 million d'euros en 2008.

La société Yin Partners, holding du groupe, créée en juillet 2006, cotée sur Alternex depuis 2007, comptait 12 salariés pour un chiffre d'affaires en 2008 de 2,5 millions d'euros.

M. [J] [Q] était le dirigeant de droit de toutes ces sociétés à l'exception de Fischer Partners qui était dirigée par M. [Y] [Z], lequel était en outre administrateur de Yin Partners et le secrétaire général du groupe.

Le chiffre d'affaires consolidé du groupe qui s'élevait au 31 décembre 2007 à 16 millions d'euros pour un résultat de 1,6 million d'euros s'est effondré en 2008, marquant une perte d'exploitation sur ce dernier exercice de 3 millions d'euros.

Les sociétés Nyti, Yin Partners, Yin Sas et Fisher Street ont sollicité en décembre 2008 la désignation d'un mandataire ad hoc pour les assister dans la renégociation de leurs dettes.

Le rapport de mandat, déposé le 20 janvier 2009, a conclu à l'impossibilité du redressement des sociétés Yin Sas et Fisher Street cependant que la société Yin Partners demandait la suspension de sa cotation les 21 janvier et 26 mars 2009.

Le 26 janvier 2009, les deux dirigeants concernés ont déclaré l'état de cessation des paiements des sociétés Yin Sas et Fisher Street et, par jugement du 5 février 2009, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard des deux sociétés placées sous patrimoine commun, la date de cessation des paiements étant fixée au 13 janvier 2009.

Sur déclarations de cessation des paiements, par jugement du 14 avril 2009, une procédure de redressement judiciaire était ouverte à l'égard des sociétés Yin Partners, Yin Expression et Nity, la date de cessation des paiements étant fixée au 23 mai 2008.

Par jugement du 11 juin 2009, la liquidation judiciaire de ces trois sociétés était prononcée et la procédure de liquidation judiciaire se poursuivait sous patrimoine commun des cinq sociétés, la date de cessation des paiements étant fixée à la date la plus ancienne des deux procédures, soit au 23 mai 2008 et la Selafa MJA, en la personne de Maître [P] [I], désignée en qualité de liquidateur judiciaire.

Par jugement du même jour, le tribunal a arrêté un plan de cession total des activités des cinq sociétés.

Parallèlement, une enquête ouverte le 7 mai 2009 par l'Autorité des Marchés Financiers (AMF) relativement à l'information délivrée par la société Yin Partners depuis le 10 avril 2007 donnait lieu à une décision de la Commission des sanctions de cette instance, laquelle ne retenait que quelques irrégularités comptables à hauteur de 25 000 euros, estimait que la 'modicité' des sommes en cause ne révélait pas l'intention des dirigeants de majorer artificiellement les résultats et prononçait à l'égard de M [Q] une amende de 500 euros.

Les opérations de liquidation judiciaire ont établi un passif cumulé de 16,6 millions d'euros, dont 12,6 millions ne sont pas contestés, pour un actif de 1,2 millions d'euros, soit une insuffisance d'actif cumulée certaine à hauteur de 10,1 millions d'euros.

C'est dans ces conditions, après le dépôt du rapport de M. [N], expert désigné par le juge-commissaire en qualité de technicien, que deux instances en sanctions distinctes ont été diligentées à l'encontre de MM. [Q] et [Z].

La première, sur assignation du liquidateur judiciaire, par actes des 26 et 27 mai 2011, en responsabilité au titre de l'insuffisance d'actif, procédure dans le cours de laquelle, la société Interfel, créancier désigné contrôleur, est intervenue volontairement à l'instance, visait les fautes de gestion suivantes :

- la tardiveté de la déclaration de cessation des paiements,

- une communication financière inexacte,

- l'absence de tenue d'une comptabilité complète et régulière,

- une stratégie de croissance ruineuse et la non adaptation des coûts fixes à la diminution de la rentabilité,

- le non paiement des précomptes salariaux,

- un détournement de fonds aux dépens de l'association Interfel à hauteur de 105  000 euros,

- l'usage de fonds contraire à l'intérêt de sociétés débitrices pour favoriser une autre personne morale dans laquelle les dirigeants étaient intéressés, soit des avances sans contrepartie à une société Yin Managers, personnellement détenue par les dirigeants, pour un total de 558 000 euros.

La seconde, en sanctions personnelles, sur requête du ministère public du

25 juin 2011, le liquidateur judiciaire et le contrôleur Interfel étant intervenus volontairement à l'instance, visait les deux griefs suivants :

- la déclaration tardive de cessation des paiements (art. L 653-8 du code de commerce),

- le détournement de tout ou partie de l'actif ou l'augmentation frauduleuse du passif ( art. L 653-4 du code de commerce), ce grief visant des précomptes salariaux non reversés à l'Urssaf.

Le tribunal qui n'a pas fait droit à la demande de jonction de ces deux procédures a statué par deux jugements distincts du 11 septembre 2013.

Par le premier, statuant en matière de sanctions pécuniaires, le tribunal qui n'a retenu que les deux derniers griefs (détournement de fonds au préjudice de l'association Interfel et mouvements de trésorerie sans cause au bénéfice de la société Yin Managers), a condamné M. [Q] à verser à la Selafa MJA, ès qualités, la somme de 598 000 euros au titre de sa contribution à l'insuffisance d'actif et la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, a dit n'y avoir lieu à sanction pécuniaire à l'égard de M. [Z] ni à exécution provisoire, M. [Q] étant condamné aux dépens.

M. [Q] a relevé appel de cette décision par déclaration du 20 septembre 2013, l'instance étant enrôlée sous le numéro RG 13/18424.

La Selafa MJA a, par conclusions, formé appel incident en sollicitant la condamnation des deux dirigeants à un quantum plus élevé.

Par le second jugement statuant en matière de sanctions personnelles, le tribunal, après avoir relevé l'irrecevabilité pour tardiveté des demandes formées par la Selafa MJA, ès qualités, a dit n'y avoir lieu à sanctions.

La Selafa MJA, ès qualités, a relevé appel de cette décision par déclaration du 7 octobre 2013, l'instance étant enrôlée sous le numéro 13/19233.

Dans l'instance RG 13/18424 (sanctions pécuniaires)

Dans leurs dernières conclusions signifiées le 8 septembre 2014, MM. [Q]

et [Z], qui concluent ensemble, demandent à la cour de constater que la Selafa MJA ne retient plus au titre de la prétendue faute de gestion des dirigeants du groupe Yin que le seul retard à déclarer l'état de cessation des paiements, de dire et juger que M. [J] [Q] et [Z] n'ont commis aucune faute de gestion, de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté les fautes de gestion alléguées dans l'assignation introductive d'instance et en particulier le prétendu retard à déclarer l'état de cessation des paiements, de confirmer la mise hors de cause de M. [Z], d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné M. [Q] pour détournement des versements à l'association Interfel et pour le transfert de trésorerie de Yin Partners à Yin Managers, de débouter la Selafa MJA de ses prétentions, de la condamner solidairement, ès qualités, avec l'association Interfel aux entiers dépens de première instance et d'appel dans les termes de l'article 699 du code de procédure civile ou à défaut dire que les dépens de première instance et d'appel seront pris en frais privilégiés de la liquidation judiciaire.

Par dernières conclusions du 22 septembre 2014, la Selafa MJA demande à la

cour, vu l'article L. 651-2 du code de commerce :

- in limine litis, de prononcer la jonction entre la présente instance avec l'instance en sanctions personnelles (RG 13/19233),

- de dire et juger que les dirigeants ont commis des fautes de gestion qui ont causé une insuffisance d'actif de chacune des sociétés Yin Partners, Yin SAS, Fisher Street, Yin Expression, et Nyti,

- de condamner solidairement les dirigeants à lui payer, ès qualités, le montant de l'insuffisance d'actif de chacune des sociétés, soit :

2 172 921,42 euros s'agissant de la société Yin SAS,

241 333,94 euros s'agissant de la société Fischer Street,

4 665 368,77 euros s'agissant de la société Yin Partners,

277 486, 87 euros s'agissant de la société Yin Expression,

1 781 989, 58 euros s'agissant de la société Nyti,

- à titre subsidiaire, de condamner solidairement les dirigeants à lui payer, ès qualités, la somme de 105 000 euros correspondant à l'insuffisance d'actif liée au non reversement par Yin Partners à des tiers de sommes qui lui avaient été remises par Interfel à cet effet ou, a titre infiniment subsidiaire, de surseoir à statuer dans l'attente d'une décision définitive de fixation au passif,

- de confirmer le jugement dont appel quant à la sanction prononcée contre M [Q] pour les fonds prêtés à Yin Managers et en dire tenu solidairement

M. [Z],

- de condamner M. [Q] à lui payer, ès qualités, le montant des précomptes salariaux non reversés par les quatre sociétés qu'il dirigeait pour un total de 54 288,97 euros,

- de condamner M. [Z] à lui payer, ès qualités, le montant des précomptes salariaux non reversés par la société Fischer Street pour un montant de 8 614, 29 euros,

- en tout état de cause, de dire que l'intérêt légal sur ces condamnations courra à compter de la date de l'assignation et d'ordonner la capitalisation conformément à l'article 1154 du code civil,

- de condamner les dirigeants solidairement à lui payer, ès qualités, la somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 9 octobre 2014, l'association Interfel demande à la cour de déclarer son appel provoqué recevable, de confirmer le jugement déféré, de lui donner acte qu'elle soutient les demandes formulées par le liquidateur et de statuer ce que de droit sur les dépens.

M. l'Avocat Général a conclu à la confirmation du jugement sur le principe d'une condamnation de M. [Q] au titre de sa contribution à l'insuffisance d'actif et s'en est rapporté à justice sur le quantum de ladite condamnation.

Dans l'instance RG 13/ 19233 (sanctions personnelles)

Dans ses dernières conclusions signifiées le 29 septembre 2014, la Selafa MJA demande à la cour :

- de prononcer la jonction entre la présente instance et l'instance en matière de sanctions pécuniaires,

- de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit que la prescription avait été interrompue par la requête du ministère public en date du 25 juin 2011,

- d'infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a dit que les demandes du liquidateur étaient prescrites,

- de dire et juger les demandes de sanctions personnelles formulées par le liquidateur judiciaire recevables pour avoir été formées par conclusions régularisées à l'audience du 6 février 2012 soit moins de 3 ans après l'ouverture des procédures collectives de chacune des sociétés et en tout état de cause moins de trois ans après le prononcé de la liquidation judiciaire sous patrimoine commun,

- d'infirmer le jugement dont appel et de prononcer à l'encontre de MM. [Q] et [Z] une mesure de faillite personnelle, ou subsidiairement, d'interdiction de gérer d'une durée de cinq ans,

- de les condamner à lui verser, ès qualités, une somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Dans leurs dernières conclusions signifiées, séparément mais dans les mêmes termes, le 15 septembre 2014, M. [J] [Q] et [Z] demandent à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a retenu que la demande de sanctions personnelles de la Selafa MJA est apparue pour la première fois dans les conclusions déposées à l'audience du 10 septembre 2012 et que l'action de la Selafa MJA était par conséquente prescrite, subsidiairement, de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à jonction des deux procédures, plus subsidiairement au fond, de confirmer le jugement déféré en ce qu'il n'a pas retenu les deux griefs seuls reprochés et dit n'y avoir lieu à sanctions personnelles à leur égard, en tout état de cause de condamner l'appelante aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 20 mars 2014, la société Interfel demande à la cour de lui donner acte de ce qu'elle s'en rapporte à justice, de condamner tout succombant à lui payer la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Par avis écrit notifié par RPVA le 29 juillet 2014, le ministère public a conclu à l'irrecevabilité de l'appel de la Selafa MJA, ès qualités, au motif qu'elle ne se trouvait pas à l'initiative des poursuites en sanctions personnelles.

SUR CE

Sur la jonction des procédures

Le souci d'une bonne administration de la justice conduira à joindre les deux procédures, la discussion entretenue par les parties sur ce point étant inopérante dès lors que cette mesure de pure administration est sans effet juridique sur le sort des demandes et moyens de défense formés dans chacune des instances jointes, lesquels demeurent tranchés distinctement relativement à la seule instance à laquelle ils se rapportent.

Sur la sanction pécuniaire

En cause d'appel la Selafa MJA, ès qualités, évoque quatre fautes de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif :

- la déclaration tardive de cessation des paiements, fautive dès lors que les dirigeants n'ont pris aucune mesure utile de nature à redresser l'activité, laquelle a aggravé l'insuffisance d'actif à hauteur d'une somme globale de 10,13 millions d'euros

- l'avance non justifiée et contraire à l'intérêt social de fonds par le groupe Yin à la société Yin Managers à hauteur d'une somme de 578 000 euros,

- l'utilisation par le groupe Yin à des fins de trésorerie de sommes qui ne lui avait été remises par son client Interfel qu'aux fins d'être reversées par Yin aux prestataires de publicité d'Interfel,

- le non reversement des précomptes salariaux à l'Urssaf à hauteur d'une somme de 62 902 euros.

1. Sur la déclaration tardive de cessation des paiements

La tardiveté de déclaration de la cessation des paiements dans le délai légal, susceptible de constituer une faute de gestion, s'apprécie au regard de la seule date de cessation des paiements fixée dans le jugement d'ouverture ou dans un jugement de report, laquelle s'impose tant en matière de sanction pécuniaire que dans l'instance en sanctions personnelles.

En l'espèce, le jugement du 11 juin 2009 d'extension et de poursuite sous patrimoine commun des deux procédures ouvertes à l'égard des cinq sociétés concernées (la première visant les sociétés Yin Sas et Fisher Street ensemble, la seconde Yin Partners, Yin Expression et Nyti, ensemble) a fixé la date de cessation des paiements de l'ensemble des sociétés sous patrimoine commun au 23 mai 2008, sans que cette date n'ait été remise en cause par quiconque. Cette date s'impose donc au juge de la sanction.

Les moyens développés par les dirigeants qui soulignent que ce jugement n'a pas caractérisé l'état de cessation des paiements des sociétés sous patrimoine commun, s'étant borné à retenir la date la plus ancienne de cessation des paiements des deux procédures, laquelle avait de surcroît été fixée au seul vu d'une inscription de privilège à hauteur de 16 000 euros sur une seule des cinq sociétés, sans qu'ait été caractérisée ni directement ni indirectement l'insuffisance de l'actif alors disponible au regard du passif exigible, et sans avoir davantage recherché si, à cette date, la totalité des actifs disponibles des cinq sociétés n'étaient pas de nature à faire face au total de leur passif exigible cumulé, sont dès lors inopérants.

La cessation des paiements devant être déclarée dans les 45 jours, le retard se situe, selon les sociétés en cause, entre six et huit mois.

Mais le seul constat d'un retard ne suffit pas à caractériser la faute de gestion de nature à justifier la condamnation du dirigeant au titre de l'insuffisance d'actif, le caractère fautif d'un tel retard s'appréciant au regard du comportement d'un dirigeant normalement avisé ou diligent.

Enfin, selon les termes mêmes de l'article L 651-2 du code de commerce, le prononcé d'une condamnation pécuniaire, en cas de faute de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif, n'est, pour le juge de la sanction, qu'une faculté ('le tribunal peut [...] décider') qui s'apprécie au regard de l'ensemble des circonstances de la cause.

Et c'est dans le cadre de leur pouvoir souverain d'appréciation que les premiers juges ont écarté le prononcé d'une telle condamnation de ce chef.

Le liquidateur judiciaire conteste une telle manière de voir en soulignant en particulier :

- qu'au 30 juin 2008, le groupe avait perdu en six mois l'équivalent de son résultat net sur l'exercice précédent et que si sa marge brute avait augmenté de 18% en un an, les charges d'exploitation avaient cru sur la même période de 86% dont 80% pour les seuls frais de personnel,

- que les mesures prises par l'adoption d'un plan social pour l'emploi, mis en place en septembre 2008 et sans effet sur cet exercice, étaient impropres à rétablir la situation financière du groupe sur l'exercice suivant, l'économie de 2 millions d'euros de frais de fonctionnement qui en était attendu étant à rapprocher de la perte de marge de la seule société Yin Sas au 31 décembre 2008 de 4,105 millions d'euros,

- que dans une telle situation, l'absence de tentative de renégociation des baux commerciaux situés dans un immeuble luxueux des Champs-Elysées, moyennant un loyer annuel de 600 000 euros est fautive,

- que le maintien d'une rémunération élevée s'agissant de M. [Q] (112 176 euros annuels) et l'augmentation de 10% celle de M. [Z] en période suspecte étaient également fautifs.

Mais il sera relevé :

- que le groupe Yin Partners faisant appel public à l'épargne, ses comptes consolidés faisaient l'objet d'une publication à chaque fin de semestre après révision comptable par deux commissaires aux comptes, lesquels n'ont émis aucune réserve sur leur régularité, leur sincérité et leur fidélité, ni sur la continuité de l'exploitation, s'agissant notamment des comptes publiés le 31 octobre 2008, la procédure d'alerte n'ayant été déclenchée qu'en décembre 2008,

- qu'il résulte des pièces produites (rapport de M. [N] et trois rapports d'analyse de la société d'expertise comptable indépendante, FMC, à laquelle les deux dirigeants ont fait appel) que les difficultés rencontrées par le groupe sont essentiellement nées de la crise financière de juillet 2008, laquelle pouvait difficilement être anticipée, aux effets il est vrai d'autant plus fulgurants sur le groupe Yin que son modèle économique reposait sur le rachat de fonds de commerce cédés dans un cadre liquidatif ou de sociétés de communication déjà en difficultés,

- que la société Yin Partners a levé, dans le courant du second semestre 2008, un emprunt obligataire de 2,5 millions d'euros, ce qui atteste, en dépit d'un chiffre d'affaires incontestablement en baisse et des pertes relevées, de la confiance des dirigeants comme du marché en la poursuite de l'activité du groupe qui avait dégagé sur l'exercice précédent un résultat de 1,6 millions d'euros pour un chiffre d'affaires de

16 millions d'euros,

- que l'AMF, après enquête sur la qualité et la fiabilité de l'information financière délivrée par Yin Partners depuis son premier appel public à l'épargne en ce compris celui du second semestre 2008, n'a retenu aucun grief à cet égard,

- que, contrairement à ce que soutient le liquidateur judiciaire, des mesures de restructuration importantes ont été entreprises, marquées par une baisse des charges d'exploitation de la société Yin Sas de 1,5 million d'euros de l'exercice 2007 à l'exercice 2008 (pages 70 et 71 du rapport d'analyse FMC- pièce 6 des dirigeants), la réduction des effectifs dès le mois d'avril 2008 par l'adoption d'un plan social pour l'emploi et le départ de 37 salariés, soit plus de 25% des effectifs du groupe, ainsi que par la réduction de ses frais généraux au cours du quatrième trimestre 2008.

- que le grief de comptabilité irrégulière, susceptible d'accréditer la volonté des dirigeants de flatter la présentation comptable, n'est plus soutenu en cause d'appel par le liquidateur judiciaire, l'AMF ayant expressément souligné, quant à elle, 'la modicité des sommes en cause', soit 23 000 euros de factures mal imputées pour un chiffre d'affaires supérieur à 16 millions d'euros.

Au regard de ces éléments, ni la rémunération allouée à M. [Q], dont l'expert judiciaire a relevé qu'elle a diminué de 30 000 euros de l'exercice 2007 à l'exercice 2008, ni celle de M. [Z] qui n'a augmenté durant cette période que de 500 euros par mois, après avoir été plafonnée sur les trois exercices précédents à 60 000 euros annuels, ladite augmentation étant en lien avec le rachat de nouveaux fonds de commerce par la société qu'il dirigeait, ni encore l'absence de tentative de renégociation d'un bail, sans incidence immédiate sur les frais généraux durant la période suspecte, seule en cause de ce chef, ne sont de nature à conférer rétrospectivement au retard de déclaration de cessation des paiements constaté un caractère fautif tel, s'agissant d'un groupe de sociétés employant plus de 100 salariés et cotée sur le marché, qu'il justifie le prononcé d'une condamnation.

Aussi les premiers juges seront-ils approuvés d'avoir jugé que ledit retard ne

constituait pas une faute de gestion de nature à justifier, en l'espèce, le prononcé d'une condamnation au titre de la contribution à l'insuffisance d'actif.

2. Sur les flux de trésorerie vers la société Yin Managers

Le liquidateur judiciaire relève des flux de trésorerie des sociétés du groupe Yin vers la société Yin Managers, holding personnelle des dirigeants dont M. [Q] détient 67% du capital et M. [Z] 3, 60%, qui n'était pas dotée en fonds propres, son capital étant de 2 000 euros et son actif net de 1 517 euros, et qui détenait des participations notamment dans Yin Partners valorisées au 31 décembre 2007 à 116 075 euros.

La Selafa MJA relève qu'au 31 décembre 2007 les sociétés du groupe détenaient une créance en compte courant dans Yin Managers de 265 910 euros, laquelle n'était justifiée par aucune contrepartie, et fait en tout état de cause reproche aux dirigeants de ne pas avoir exigé le remboursement de cette somme en 2008 lorsque le groupe a commencé à rencontrer des difficultés en soulignant que les avances en compte courant du groupe à Yin Managers ont au contraire continué sur ce dernier exercice pour atteindre un montant de 558 000 euros au 31 décembre 2008, sans respect de la procédure applicables aux conventions réglementées et alors que ces flux de trésorerie n'avaient d'autre objet que de financer le patrimoine des dirigeants.

Cette faute de gestion a été retenue par les premiers juges qui ont prononcé une condamnation au titre de la contribution à l'insuffisance d'actif de ce chef à l'encontre de M. [Q] à hauteur de 558 000 euros.

Les deux dirigeants contestent toute faute de gestion en faisant valoir qu'une convention de trésorerie du 20 décembre 2004 liait la société Yin SAS et la société Yin Managers, alors dénommée Tyni, qu'il existait des mouvements en comptes courants entre les deux sociétés dès 2007, soit antérieurement à la période suspecte, et que les mouvements observés en 2008 étaient liés au rachat par Yin Partners d'une société

E- Magineurs, les actes de cession ayant prévu un intéressement des cessionnaires et le versement de compléments de prix sous la forme d'actions Yin Partners, de sorte que, Yin Partners, société cotée, ne pouvant pas procéder au rachat de ses propres titres, elle a apporté des fonds à Yin Managers aux fins que cette dernière rachète les actions Yin Partners en vue de les transmettre aux anciens actionnaires d'E-Magineurs au titre du complément de prix ou de l'intéressement convenu, d'où ils infèrent que cette opération qui n'était pas sans contrepartie dès lors qu'elle permettait de financer l'acquisition d'une nouvelle société, laquelle a été cédée in bonis avec ses salariés dans le cadre des opérations liquidatives, participait de l'intérêt social du groupe.

Il sera relevé sur ce point :

- qu'il est constant que la société Yin Managers, holding personnel des dirigeants, détenait directement ou indirectement plus de la moitié du capital des sociétés Yin, peu important qu'elle ne figure pas dans le périmètre de consolidation comptable du groupe dès lors que le seul lien capitalistique qui lui conférait un pouvoir de contrôle effectif sur les autres sociétés lui permettait de procéder à des opérations de trésorerie par application de l'article L 511-5 du code de commerce,

- que la convention de trésorerie intra-groupe du 20 décembre 2004, produite en cause d'appel, dispensait les sociétés concernées de l'application des dispositions relatives aux conventions réglementées, de sorte que le grief tiré de la méconnaissance desdites dispositions est inopérant,

- que les avances litigieuses ont fait l'objet d'écritures comptables cohérentes dans les livres des sociétés concernées, exclusives de toute dissimulation,

- que contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, les avances consenties par Yin Partners à Yin Managers durant l'exercice 2007 n'ont pas excédé 20 000 euros, le quantum de cette somme comme le résultat de l'exercice au cours duquel elle a été versée (1,6 million d'euros) ne conférant aucun caractère fautif à un tel soutien dont l'impact sur l'insuffisance d'actif des sociétés Yin n'est de surcroît pas démontré.

Reste en définitive la question des apports consentis par Yin Partners à Yin Managers durant l'exercice 2008, alors que la première rencontrait de graves difficultés qui devaient la conduire à la cessation des paiements.

Or, sur ce point, il convient de relever avec le liquidateur judiciaire :

- que les explications des dirigeants sur la cause des avances consenties 2008 destinées à permettre à Yin Managers d'acquérir des titres Yin Partners aux fins de les remettre aux cédants de la société E Maginers à titre de complément de prix ne reposent sur aucune pièce probante, les actes d'acquisition n'étant pas produits, seule l'étant des protocoles destinés à 'figer les négociations entre les parties', lesquels ne font nulle référence à Yin Managers,

- qu'à supposer une telle opération licite au regard de la prohibition édictée par l'article L 225-216 du code de commerce en matière d'avance de fonds par une société pour la souscription ou l'achat de ses propres actions par un tiers, il est constant qu'elle n'a pas été menée à terme, seule l'avance de fonds de Yin Partners à Yin Managers ayant été opérée, les dirigeants laissant sans réplique l'observation du liquidateur judiciaire selon laquelle aucune action Yin Partners n'a été acquise par Yin Managers au cours de l'exercice 2008, étant de surcroît relevé que le dernier rapport de gestion de Yin Managers présenté en septembre 2009 n'y fait nullement référence, alors que les sommes avancées n'ont pas été remboursées,

- qu'en revanche, le montant des nouvelles participations acquises par Yin Managers sur l'exercice 2008 s'élève à 310 000 euros, de sorte que ces dernières, dont l'intérêt social pour le groupe Yin n'est nullement démontré, ont été financées par ce biais.

Une telle manière d'opérer alors même que les sociétés du groupe Yin rencontraient de graves difficultés est incontestablement fautive et a, en privant la société prêteuse de ses capacités de remboursement de ses propres créanciers, nécessairement contribué à l'insuffisance d'actif à proportion des sommes avancées sans contrepartie probante pour le groupe durant l'exercice 2008.

M. [Q], dirigeant des deux sociétés en cause, supportera seul la charge de cette condamnation, la part prise par M. [Z] dans le montage en cause n'étant pas établie.

Sa contribution sera néanmoins cantonnée, compte tenu des observations qui précédent, aux seules sommes avancées en 2008 dont il résulte de la comparaison des comptes de Yin Managers sur les deux exercices qu'elle s'établit à 274 000 euros (578 000 [et non 558 000 comme quelquefois avancé par le liquidateur judiciaire] - 304 000), et le jugement déféré sera infirmé en ce sens.

3. Sur l'utilisation à des fins de trésorerie de sommes qui n'avaient été remises au groupe Yin par son client Interfel qu'aux fins d'être reversées à des prestataires de publicité d'Interfel

La société Interfel, association interprofessionnelle de légumes frais, a conclu le 8 octobre 2008 un contrat de prestations de services avec la société Yin Partners aux termes duquel Yin Partners devait notamment vérifier que les factures de publicité adressées à Interfel par ses partenaires étaient régulières.

Le liquidateur judiciaire soutient que, dans le cadre de cette convention, l'association Interfel a versé à Yin Partners au moins 65 000 euros afin que cette somme soit, après vérification et validation des factures concernées, remise par cette dernière aux prestataires de services d'Interfel, notamment une société Allée Centrale.

Il souligne que tel n'a pas été le cas, d'où résulterait un détournement de fonds au préjudice d'Interfel, situation qui a de surcroît conduit l'association à verser directement à la société Allée Centrale une somme de 40 000 euros pourtant comprise dans le total de sommes confiées à Yin Partners, de sorte que les fautes du dirigeant de ce chef se trouveraient directement à l'origine d'une insuffisance d'actif de 105 000 euros.

Les premiers juges ont retenu cette faute de gestion et, tenant compte d'une compensation avec une créance non contestée de Yin Partners sur Interfel de 64 942, 80 euros, ont limité la part de cette faute dans l'insuffisance d'actif à 40 000 euros.

Mais il est constant que la créance invoquée à ce titre par la société Interfel est litigieuse pour faire l'objet d'une instance en cours devant le tribunal de grande instance de Paris de sorte qu'elle ne saurait en l'état être regardée comme participant du passif ni, partant, comme ayant contribué à l'insuffisance d'actif.

La demande subsidiaire de sursis à statuer que forme la Selafa MJA, dans l'attente de la décision à intervenir sur ce point, sera rejetée, les relations d'affaires entre les parties comme l'existence non contestée de créances réciproques entre elles privant en tout état de cause un éventuel reste à payer de Yin Partners à l'égard d'Interfel de tout caractère de 'faute de gestion' au sens de l'article L. 651-2 du code de commerce.

 

4. Sur le non reversement des précomptes aux organismes sociaux.

Il est constant que des précomptes salariaux n'ont pas été reversés pour un total de 54 288, 97 euros par les sociétés dirigées par M. [Q], ce total se décomposant comme suit :

Yin Partners : 9 902, 14 euros

Yin Sas : 24 903, 46 euros

Nyti : 15 429, 83 euros

Yin Expansion : 4 053, 54 euros.

La société Fischer Street n'a pas reversé les précomptes salariaux à hauteur de 8 614, 29 euros.

Les premiers juges n'ont pas retenu cette faute de gestion au titre de la condamnation prononcée après avoir relevé le montant relativement modeste des précomptes au regard de la masse salariale et la difficulté pour les sociétés qui se trouvaient alors en cessation des paiements d'arbitrer entre leurs différents créanciers.

Mais ces cotisations, prélevées sur les salaires, ne constituent pas une facilité de trésorerie pour les entreprises et doivent être reversées sous peine de sanction pénale aux organismes sociaux, de sorte que la faute de gestion est caractérisée et a nécessairement contribué à l'insuffisance d'actif dès lors que le non reversement des précomptes a généré des pénalités.

Le seul lien entre la faute relevée et l'insuffisance d'actif suffit à entrer en voie de condamnation, quelle que soit la part de cette faute dans l'insuffisance d'actif constatée, dont le quantum, tel qu'il est mentionné au dispositif des conclusions de la Selafa MJA n'est contesté pour aucune des sociétés en cause.

Il sera dès lors fait droit à la demande du liquidateur judiciaire à hauteur de la somme de 54 000 euros s'agissant de M. [Q] et de 8 600 euros s'agissant de

M. [Z].

5. En définitive sur les sanctions patrimoniales, le jugement déféré sera infirmé et M. [Q] condamné à payer à la Selafa MJA, ès qualités, la somme de (274 000 + 54 000 euros) 328 000 euros et M. [Z] la somme de 8 600 euros.

La demande de la Selafa MJA tendant à voir ses sommes, qui revêtent un caractère indemnitaire, porter intérêts à taux légal depuis l'assignation, avec capitalisation, non autrement justifiée, sera rejetée.

Sur les sanctions personnelles

Il sera rappelé que cette instance a été engagée par le ministère public, que la Selafa MJA, ès qualités, y est intervenue volontairement, que les premiers juges ont dit n'y avoir lieu à sanction, que la Selafa MJA est seule appelante de cette décision.

Le ministère public conclut à l'irrecevabilité de l'appel au motif que l'action en sanction personnelle n'a pas été introduite par le liquidateur judiciaire, de sorte que ce dernier serait dépourvu d'intérêt à agir par application de l'article 546 du code de procédure civile.

Mais il est constant que la Selafa MJA, ès qualités, était partie à l'instance en sanction, pour être intervenue par conclusions d'intervention volontaire.

L'article L 653-7 du code de commerce confère au liquidateur judiciaire, concurremment au ministère public, le droit d'engager une procédure en sanctions personnelles de sorte qu'il dispose d'un droit propre en cette matière.

L'intervention volontaire du liquidateur judiciaire à l'instance en sanctions engagée par le ministère public est donc nécessairement principale au sens de l'article 329 du code de procédure civile, peu important qu'il fasse ou non assomption de cause avec ce dernier, tant sur les griefs formulés au soutien de le demande de prononcé de sanctions que sur la nature ou le quantum de la sanction poursuivie.

Intervenant principal, il a, en vertu de ce droit propre, qualité et intérêt à relever appel d'un jugement auquel la partie poursuivante principale a acquiescé.

L'irrecevabilité qui lui est opposée de ce chef par le ministère public sera rejetée.

Les dirigeants opposent à la Selafa MJA une fin de non-recevoir tirée de la prescription au motif que la procédure la plus ancienne ayant été ouverte le 5 février 2009, la Selafa MJA disposait d'un délai de trois ans pour agir, ce qu'elle n'a fait que par conclusions du 10 septembre 2012, date à laquelle elle se trouvait prescrite, ses conclusions antérieures du 6 février 2012 n'ayant pu interrompre la prescription dès lors qu'elles ont été déposées un jour après l'expiration du délai, dans la seule instance en responsabilité pour insuffisance d'actif et où elles se bornaient à solliciter une jonction à laquelle il n'a pas été fait droit.

Il résulte de l'article L 653-1 du code de commerce que les actions en sanctions personnelles se prescrivent par trois ans à compter du jugement qui prononce l'ouverture de la procédure. Le liquidateur judiciaire est dès lors mal fondé à soutenir que dans l'hypothèse d'une extension de procédure poursuivie à l'égard de plusieurs sociétés sous patrimoine commun, le point de départ du délai de prescription serait le jugement d'extension, alors que la prescription a commencé à courir à compter de chacun des jugements d'ouverture.

Le premier jugement d'ouverture, en l'espèce la liquidation judiciaire des sociétés Yin Sas et Fischer Street, a été prononcé le 5 février 2009, le liquidateur judiciaire disposait donc à compter de cette date d'un délai de trois ans pour agir, lequel expirait, par application des dispositions de l'article 2229 du code civil, le 6 février 2012 à minuit.

La Selafa MJA se prévaut, subsidiairement, de l'effet interruptif de prescription attaché à ses conclusions du 6 février 2012 par lesquelles elle sollicitait la jonction des deux instances en sanctions, précisait s'associer aux demandes du ministère public et concluait spécifiquement, tant dans les motifs que dans leur dispositif, au prononcé d'une mesure de faillite personnelle ou subsidiairement d'une mesure d'interdiction de gérer.

Ces conclusions, versées aux débats, ont nécessairement interrompu la prescription qui n'était pas alors acquise, peu important qu'elles n'aient été déposées que dans l'instance en sanctions pécuniaires, dès lors qu'elles visaient les numéros d'enregistrement des deux instances au rôle du tribunal de commerce dont le liquidateur judiciaire sollicitait la jonction et comportaient des demandes de prononcé de sanctions personnelles, de sorte qu'elles manifestaient sans équivoque la volonté de ce dernier de poursuivre les dirigeants en sanctions personnelles.

Il en résulte, le délai de prescription ayant été interrompu à cette date pour recommencer à courir pour un nouveau délai de trois ans, que le liquidateur judiciaire n'était pas prescrit lors du dépôt, dans l'instance en sanctions personnelles, de ses conclusions du 10 septembre 2012.

La fin de non-recevoir tirée de la prescription de la Selafa Mja sera dès lors rejetée, rendant inopérant le moyen défendu par M. [Z] tiré de la prescription de l'action du ministère public au motif que la citation à comparaître sur la requête du parquet ne lui a été délivrée que le 1er avril 2012, étant à toutes fins relevé que c'est la requête du ministère public, autorité de saisine de la juridiction, qui interrompt la prescription, celle-ci ayant été délivrée le 25 juin 2011, soit avant l'expiration du délai de prescription ayant couru à compter du jugement d'ouverture.

S'agissant des instances en sanctions personnelles, compte tenu de la nature des mesures susceptibles d'être prononcées et des conséquences personnelles et sociales qui s'y attachent, c'est l'acte introductif d'instance qui fixe définitivement et irrévocablement les faits et les griefs reprochés au dirigeant afin que ce dernier puisse, dès l'introduction de l'instance, connaître sans équivoque les faits dont il aura exclusivement à répondre et les moyens de défense qu'il pourra leur opposer, sans que la partie poursuivante puisse y ajouter en cours d'instance.

Il est constant, en l'espèce, que le ministère public dans sa requête initiale, comme la Selafa MJA, ès qualités, dans ses conclusions d'intervention volontaire, n'ont visé que deux griefs et deux faits, l'omission de déclaration de cessation des paiements dans le délai légal et le détournement d'actif ou l'augmentation frauduleuse du passif que caractériserait le non reversement des précomptes de cotisations salariales, seuls auxquels les dirigeants aient à répondre.

S'agissant de la déclaration tardive de cessation des paiements, le grief, constitué, ne justifie pas, en l'espèce et pour les motifs ci-dessus exposés, le prononcé d'une sanction.

S'agissant de l'absence de reversement des précomptes salariaux, si une telle omission volontaire est pénalement sanctionnée et de nature, le cas échéant, à justifier le prononcé d'une condamnation au titre de la contribution du dirigeant à l'insuffisance d'actif, elle ne constitue ni un détournement ou une dissimulation de l'actif, lequel se trouve au contraire artificiellement augmenté par l'utilisation des sommes non reversées comme facilité de trésorerie, ni une augmentation frauduleuse du passif, laquelle consiste à se reconnaître sciemment débiteur de sommes que la personne morale ne doit pas, de sorte que ce second grief ne sera pas retenu.

Aussi le jugement déféré (RG 2011058518) ne sera-t-il infirmé qu'en ce qu'il a déclaré la Selafa MJA irrecevable en ses demandes mais confirmé en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à sanctions personnelles.

Sur les autres demandes

Le sort des deux instances et l'équité ne justifient pas qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

Joint les deux instances enrôlées sous les numéros RG 13/18424 et 13/19233 sous le premier des numéros,

Sur le jugement du 11 septembre 2013 ( RG du tribunal de commerce de Paris 2011046744)

Infirme le jugement déféré du chef du montant de la sanction pécuniaire,

Statuant à nouveau de ce chef,

Condamne M. [Q] au titre de sa contribution à l'insuffisance d'actif à payer à la Selafa MJA, en la personne de Maître [P] [I], ès qualités, la somme de 328 000 euros,

Le confirme pour le surplus,

Y ajoutant,

Condamne M. [Z] à payer à la Selafa MJA, en la personne de Maître [P] [I], ès qualités, la somme de 8 600 euros,

Déboute les parties de leurs autres demandes,

Sur le jugement du 11 septembre 2013 ( RG du tribunal de commerce de Paris 2011058518),

Déclare l'appel de la Selafa MJA, en la personne de Maître [P] [I], recevable,

Infirme le jugement déféré seulement en ce qu'il a déclaré prescrite l'action de la Selafa MJA,

Statuant à nouveau de ce chef,

Rejette les fins de non-recevoir tirées de la prescription,

Confirme le jugement déféré pour le surplus,

Y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

Rejette toute autre demande,

Fait masse des dépens d'appel qui seront comptés en frais privilégiés de procédure collective, lesquels pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La Greffière, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 13/18424
Date de la décision : 09/12/2014

Références :

Cour d'appel de Paris I8, arrêt n°13/18424 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-12-09;13.18424 ?
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