La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/12/2014 | FRANCE | N°09/10015

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 11, 11 décembre 2014, 09/10015


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11



ARRÊT DU 11 décembre 2014 après prorogation

(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/10015

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 21 Octobre 2009 par le Conseil de prud'hommes de PARIS - RG n° 07/00967





APPELANTE

BANQUE DES ETATS DE L'AFRIQUE CENTRALE (BEAC)

[Adresse 2]

représentée par Me Yahia MERAKEB, avocat au barreau de

PARIS, toque : P0284







INTIME

Monsieur [Q] [Y]

[Adresse 1]

non comparant, représenté par Me Sébastien GARNIER, avocat au barreau de PARIS, toque : D1473





En Présen...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11

ARRÊT DU 11 décembre 2014 après prorogation

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/10015

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 21 Octobre 2009 par le Conseil de prud'hommes de PARIS - RG n° 07/00967

APPELANTE

BANQUE DES ETATS DE L'AFRIQUE CENTRALE (BEAC)

[Adresse 2]

représentée par Me Yahia MERAKEB, avocat au barreau de PARIS, toque : P0284

INTIME

Monsieur [Q] [Y]

[Adresse 1]

non comparant, représenté par Me Sébastien GARNIER, avocat au barreau de PARIS, toque : D1473

En Présence du Ministère Public, en la personne de Madame ESCLAPEZ, substitut de l'avocat général.

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 03 Avril 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Jean-Michel DEPOMMIER, Président

Madame Evelyne GIL, Conseillère

Madame Isabelle DOUILLET, Conseillère

Qui en ont délibéré

Greffier : Melle Flora CAIA, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Evelyne GIL, conseillère faisant fonction de Présidente et par Mademoiselle Flora CAIA, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu l'appel régulièrement formé par la BANQUE DES ÉTATS DE L'AFRIQUE CENTRALE (BEAC) contre un jugement du conseil de prud'hommes de PARIS en date du 21 octobre 2009 ayant statué sur le litige qui l'oppose à son ancien employé, [Q] [Y] ;

Vu le jugement de départage déféré ayant :

- rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la Banque des Etats d'Afrique Centrale, ainsi que toute autre exception ou fin de non-recevoir,

- requalifié la relation contractuelle ayant existé entre [Q] [Y] et la BEAC en contrat à durée indéterminée à compter de l'année 1995,

- fixé la moyenne des 3 derniers mois de salaire à 9'638,65 €,

- condamné la BEAC à payer à [Q] [Y] les sommes de :

- 38'554,60 €, brut, au titre de l'indemnité de préavis,

- 4 819,32 €, brut, au titre des congés payés afférents,

- 31'260 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

avec intérêts au taux légal à compter du 7 mars 2007,

- 30'000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 10'000 € à titre de dommages et intérêts pour réparation du préjudice moral,

- 8'000 € au titre du solde du mobilier,

avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

- 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- rejeté toute demande plus ample des parties,

- condamné la BEAC aux dépens ;

Vu les conclusions visées par le greffier et développées oralement à l'audience aux termes desquelles :

La BANQUE DES ÉTATS DE L'AFRIQUE CENTRALE (BEAC), appelante, poursuit :

à titre principal,

- l'infirmation du jugement entrepris,

- l'incompétence des juridictions françaises pour trancher le litige en raison de l'immunité de juridiction dont elle bénéficie,

à titre subsidiaire,

- l'application au litige du droit camerounais,

- l'irrecevabilité de l'action de [Q] [Y] et, en tout état de cause, sa prescription sur la période antérieure au 26 juillet 2002,

- l'infirmation partielle du jugement du 21 octobre 2009,

- sa confirmation en ce qu'il a rejeté les demandes au titre de la revalorisation salariale, de la prime d'ancienneté, de la prime de bilan, ou plus généralement de toutes les sommes sollicitées au titre du solde de tout compte du 31 mars 2004,

- le cas échéant, la condamnation de [Q] [Y] à restituer les sommes éventuellement perçues à ce titre,

en toute hypothèse,

- sa condamnation à lui payer la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile en sus des entiers dépens ;

[Q] [Y], intimé, conclut :

- au rejet comme mal fondé de l'appel de la BEAC,

- à la confirmation partielle du jugement déféré,

- à son infirmation en ce qu'il l'a débouté de ses demandes,

- à la condamnation de la BEAC à lui payer les sommes de :

- 52'817,40 € à titre de rappel de salaires consécutif à la réactualisation indiciaire,

- 39'847 €, ou subsidiairement 37'783,40 €, à titre de prime d'ancienneté,

- 3 702,05 € à titre de prime de vacances,

- 46'673,40 € au titre du préavis,

- 5'834,17 € au titre des congés payés sur préavis,

- 152'912 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 108'846 € à titre d'indemnité pour service rendu,

- 2 891,60 € au titre de la part variable de la prime de bilan,

- 16'606 € à titre de reliquat de congés payés sur le solde de tout compte,

- 1 714 € à titre de reliquat sur la part fixe de la prime de bilan sur le solde de tout compte,

- 10'021 € en remboursement des frais de transport et de déménagement,

- 16'007,14 € à titre de reliquat sur le solde de tout compte (meubles),

avec intérêts à compter du 30 juin 2004,

- 55'000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,

- 20 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile en sus des entiers dépens.

Au terme de ses conclusions écrites et observations développées à l'audience, le Procureur général près la Cour d'appel de PARIS propose à la Cour de rejeter la demande relative à l'exception d'incompétence soulevée par la BEAC et de se déclarer compétente pour connaître du litige.

FAITS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La BANQUE DES ÉTATS DE L'AFRIQUE CENTRALE (BEAC) est un établissement public multinational africain ayant son siège à YAOUNDÉ (Cameroun) dont l'objet est l'émission de la monnaie de l'Union Monétaire constituée entre six Etats membres

(Cameroun, Centrafrique, Congo, Gabon, Guinée équatoriale, Tchad) et la garantie de sa stabilité. Dans ce cadre, elle détient et gère les réserves monétaires des Etats membres, garantit le bon fonctionnement du système des paiements dans l'Union et conduit les opérations de change.

En exécution de conventions de coopération conclues entre la Banque de France et la BEAC, [Q] [Y], cadre à la Banque de France, a été détaché auprès de la BEAC, en qualité de directeur adjoint de la formation, à compter du 16 janvier 1993, selon un contrat de travail à durée déterminée d'une durée d'une année plusieurs fois renouvelé.

Le salarié ayant fait valoir, en 1999, ses droits à la retraite auprès de la Banque de France, il a été engagé à compter du 1er octobre 1999, en qualité de directeur de service au siège central par la BEAC, suivant contrat de travail conclu le 5 novembre 1999 pour une durée déterminée d'un an.

Par lettre du 18 juin 2003, la BEAC, rappelant au salarié qu'il atteignait la limite d'âge de la retraite le 11 juillet 2003, l'a informé que son 'contrat de travail signé le 5 novembre 1999 s'achèvera le 30 septembre 2003, au terme de la période de renouvellement en cours', qu'il ne ferait plus partie du personnel de la banque à compter du 1er octobre 2003 et que le logement qui occupait devrait être totalement libéré le 30 septembre 2003 au plus tard.

Par lettre du 29 septembre 2003, la BEAC a prorogé son contrat de travail jusqu'au 31 mars 2004 afin de lui permettre de terminer l'étude sur ' l'optimisation des moyens à la banque' qui lui avait été confiée et de rendre son rapport sur ce travail le 31 janvier 2004 au plus tard.

[Q] [Y] a quitté les effectifs de la BEAC le 31 mars 2004.

Le 26 août 2004, il a sollicité, en application de l'Accord de Siège signé le 30 mars 2004 entre le Gouvernement de la République du Cameroun et la BEAC, la médiation du Ministère d'État chargé des Relations Extérieures (MINREX) du Cameroun qui l'a invité, par lettre du 21 juillet 2005, à envisager une tentative de conciliation devant l'inspecteur du travail territorialement compétent.

Celui-ci, ayant été saisi le 25 juillet 2005, a organisé, le 18 juillet 2006, une tentative de conciliation qui n'a pas abouti, le délégué provincial du travail de YAOUNDÉ constatant que les représentants de la BEAC s'opposaient à une telle tentative en raison de l'immunité de juridiction dont elle jouit aux termes de l'Accord de siège du 30 mars 2004.

[Q] [Y] a saisi le conseil de prud'hommes de PARIS, le 30 janvier 2007, de la contestation de la rupture de son contrat de travail et de ses demandes en paiement de rappels de salaire, de congés payés et de primes ainsi qu'en paiement d'indemnités de rupture et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et préjudice moral.

La BEAC a soulevé, in limine litis, l'exception d'incompétence des juridictions françaises en raison de l'immunité de juridiction dont elle bénéficie.

Les parties ont développé à l'audience leurs moyens et présenté leurs demandes, tels que formulés dans leurs conclusions respectives.

Le substitut général a développé ses observations conformément à ses conclusions écrites préalablement communiquées aux parties.

SUR CE

- Sur l'immunité de juridiction et l'exception d'incompétence opposées par la BEAC

L'immunité de juridiction, dès lors qu'elle est formellement reconnue par les Etats et instituée par un accord, a pour effet de faire échapper l'organisation internationale qui en bénéficie à la compétence d'une juridiction nationale devant laquelle elle est assignée à comparaître. Ainsi, par principe, la juridiction nationale doit se déclarer incompétente pour connaître du litige impliquant l'organisation bénéficiaire de l'immunité.

Le privilège de l'immunité de juridiction, destiné à préserver l'indépendance de l'organisation à l'égard des Etats, ne doit pas pour autant lui permettre d'échapper à tout contrôle juridictionnel. Aussi doit-il s'accompagner de moyens pour éviter tout déni de justice afin que soit respecté le principe proclamé par l'article 6 §1 de la Convention européenne des droits de l'homme reconnaissant à toute personne le droit ' à ce que sa cause soit entendue '.

Il en résulte qu'une organisation internationale ne peut se prévaloir de son immunité de juridiction que si l'accord l'instituant prévoit un recours de nature juridictionnelle, comportant des garanties d'impartialité et d'équité. Dans le cas contraire, l'impossibilité pour une partie d'accéder au juge et d'exercer un droit qui relève de l'ordre public international constitue un déni de justice fondant la compétence de la juridiction française lorsqu'il existe un rattachement avec la France.

L'immunité de juridiction dont se prévaut la BEAC lui est accordée par l'Accord de siège qu'elle a conclu le 30 mars 2004 avec la république du Cameroun et lui est reconnue par ses statuts, les traités constitutifs de la banque et le décret du 19 octobre 1989 portant publication de l'accord entre le gouvernement de la république française et la BEAC signé le 20 avril 1988. Disposant du pouvoir de renoncer expressément et par écrit au bénéfice de l'immunité pour une opération particulière ou lorsque des intérêts d'ordre privé sont en cause, la BEAC n'a pas exercé ce pouvoir à l'occasion du différend l'opposant à [Q] [Y].

L'article 16 de l'Accord de siège, intitulé ' règlement des différends ' prévoit après un recours administratif obligatoire auprès du ministre des affaires étrangères, la possibilité d'un recours à l'arbitrage, à condition toutefois que la banque renonce à son immunité. Il en résulte que si la BEAC n'y renonce pas, elle ne peut être attraite devant aucune juridiction.

Elle soutient cependant que [Q] [Y], cadre contractuel, disposait d'un recours devant la cour de justice de la Communauté Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale (CEMAC).

La CEMAC instituée par traité entre les 6 Etats membres comporte en effet 4 institutions et plusieurs organes dont la BEAC. La Cour de justice de la CEMAC est une institution de la Communauté indépendante des Etats et des autres institutions et organes de la CEMAC qui exerce des attributions juridictionnelles, consultatives et de contrôle.

La convention du 5 juillet 1996 régissant la Cour de justice de la CEMAC dispose en son article 4 qu'elle ' est juge, en premier et dernier ressort, des litiges nés entre la CEMAC et les Agents des institutions de la Communauté, à l'exception de ceux régis par des contrats de droit local '.

Le contrat de travail à durée déterminée que [Q] [Y] a conclu avec la BEAC, le 5 novembre 1999, ne fait aucune référence à son éventuelle qualité d'agent de la CEMAC et exclut, au contraire, expressément l'application du statut des agents d'encadrement supérieur, à l'exception des dispositions visées par les clauses 7, 8, 9 et 10 du contrat relatif aux grilles de traitement, à la couverture médico-sociale de la banque, aux hypothèses d'accident ou de maladie et au régime de mission hors du lieu d'affectation. Il ne précise pas la loi applicable à son exécution mais les parties s'accordent pour reconnaître que cette loi est la loi camerounaise.

Dès lors que le contrat relevait du droit local, il apparaît que par application de l'article 4 de la Convention du 5 juillet 1996, [Q] [Y] ne pouvait saisir la cour de justice de la CEMAC pour faire juger le litige l'opposant à la BEAC.

Celle-ci n'ayant pas renoncé au bénéfice de l'immunité de juridiction, il existe pour [Q] [Y] un risque de déni de justice qui fonde la compétence des juridictions françaises.

Le lien de rattachement du salarié avec lesdites juridictions est constitué par sa nationalité française, dès lors qu'il n'a pas renoncé au bénéfice de l'article 14 du Code civil attribuant compétence aux juridictions françaises lorsqu'il s'agit de l'exécution d'obligations contractées en pays étranger envers des Français.

La saisine du Ministre d'État chargé des Relations Extérieures et la saisine de l'inspection du travail du Cameroun ne sont pas de nature à faire obstacle à l'application de l'article 14 du Code civil, ces institutions n'étant pas juridictionnelles.

Le rejet de l'exception d'incompétence par le conseil de prud'hommes doit en conséquence être confirmé.

- Sur le droit applicable au litige

Les parties s'accordent pour reconnaître que le droit applicable à leur différend est le droit camerounais.

- Sur la demande de requalification du contrat de travail à durée déterminée ayant pris effet le 16 janvier 1993 en contrat à durée indéterminée

L'article 25.-1) a et 2) du Code du travail camerounais dispose d'une part, que contrat de travail à durée déterminée ' ne peut être conclu pour une durée supérieure à deux ans et peut être renouvelé pour la même durée ', d'autre part, que ' le renouvellement du contrat des travailleurs de nationalité étrangère ne peut intervenir qu'après visa du ministre chargé du Travail '.

Le contrat à durée indéterminée consenti à [Q] [Y], de nationalité française, le 27 janvier 1993 pour une période de 12 mois a été renouvelé le 3 octobre 1994 pour une nouvelle période s'achevant le 30 septembre 1995. Ce renouvellement, signé par le vice-gouverneur de la BEAC sans visa du ministre chargé du travail est irrégulier.

La sanction de cette irrégularité n'est pas la nullité du contrat prévue par l'article 27.-3) du même Code du travail qui ne s'applique qu'au refus de visa et non à l'absence de demande de visa. L'absence de visa ministériel faute d'avoir été sollicité ne peut avoir pour effet que de priver le renouvellement de son terme et en conséquence, de transformer le contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée.

Les premiers juges ont donc justement prononcé la requalification. Toutefois, celle-ci doit intervenir, non pas à compter de 1995, ainsi qu'ils l'ont décidé, mais le 16 janvier 1994, au terme du contrat initial à durée déterminée qui n'a pas été régulièrement renouvelé.

- Sur la rupture du contrat de travail et ses conséquences

Par lettre du 18 juin 2003, le gouverneur de la BEAC a informé [Q] [Y] que son contrat de travail s'achèverait le 30 septembre 2003 en raison de l'atteinte à la limite d'âge de la retraite et du terme de la période de renouvellement en cours.

Aucun texte n'a été invoqué s'appliquant à la situation du salarié et fixant une limite d'âge pour exercer ses fonctions. Par ailleurs, l'employeur ne peut faire valoir le terme de la période de renouvellement du contrat en cours dès lors que ce contrat, signé le 5 novembre 1999, n'a pas fait l'objet d'un renouvellement.

En l'absence de toute demande précise de prestation au salarié, l'inexécution ou la mauvaise exécution de cette prestation n'est pas démontrée. Aucune insuffisance professionnelle, ni aucune faute n'est en conséquence établie à son encontre.

Les deux motifs de rupture invoqués par l'employeur se révélant injustifiés, c'est à raison que le conseil de prud'hommes a considéré qu'il s'agissait d'une rupture sans cause réelle et sérieuse.

Il n'est pas contesté qu'au moment de la rupture, [Q] [Y] occupait les fonctions de directeur de service au siège central de la BEAC situé à YAOUNDÉ et percevait en francs Cfa une rémunération mensuelle, hors gratification et prime spécifique, correspondant à 8'690,46 € comprenant son traitement de base, une indemnité d'expatriation (40%), une indemnité spéciale, une indemnité de salaire unique, une prime de voiture, une prime de domesticité et une indemnité de représentation.

Sur les soldes réclamés au titre de l'exécution du contrat de travail

Sur la demande de rappel de salaires consécutif à la réactualisation indiciaire (52'817,40€) pour la période de septembre 2001 à mars 2004 (30 mois)

Sur la réactualisation de la prime de vacances (3 702,05 €)

Sur le reliquat de congés payés (16'606 €) et de part fixe de la prime de bilan (1 714 €) sur le solde de tout compte

L'article 7 du contrat de travail de [Q] [Y] en date du 5 novembre 1999 stipule que ' la revalorisation du traitement de base et de l'indemnité d'expatriation est fonction des variations de la valeur du point indiciaire servant à l'établissement des grilles de traitement des agents d'encadrement supérieur de la Banque '.

Le salarié sollicite la revalorisation de ses salaires, primes de vacances, congés payés et part fixe de la prime de bilan en fonction de la variation de son indice 758 qui, appliqué à ses fonctions, aurait dû être fixé à 1044 et porter son traitement de base mensuel de 4 034,05€ à 5'291,76 € au 1er janvier 2001. Il se prévaut à cet égard de l'article 61 du Code du travail camerounais imposant le principe de l'égalité des salaires à conditions égales de travail et d'aptitude professionnelle.

Il n'est pas établi que ce principe soit, en droit camerounais, d'ordre public. Or, le contrat de [Q] [Y] a expressément retenu la revalorisation de son traitement en fonction des variations de la valeur du point indiciaire, dont la stabilité n'est pas contestée, à l'exclusion de la variation de l'indice correspondant à sa fonction dont auraient bénéficié les autres directeurs de service de la banque. Dans ces conditions, c'est à bon droit que le conseil de prud'hommes a rejeté l'ensemble des demandes de revalorisation salariale indiciaire.

Sur la demande en paiement de la prime d'ancienneté depuis 2001 (39'847 €, subsidiairement 37'383,40 €)

La prime d'ancienneté est prévue par les dispositions du statut des agents d'encadrement supérieur de la BEAC.

[Q] [Y] la revendique en application du principe d'égalité des salaires, subsidiairement en application du droit du travail camerounais (arrêté du 20 avril 1971).

L'arrêté n° 010/MTPS/DT du 20 avril 1971 dont les dispositions abrogent et remplacent toutes clauses relatives aux primes d'ancienneté dans les conventions collectives, les accords d'établissement ou les accords particuliers existants et sont de plein droit applicables au moment de la négociation de nouvelles conventions ou de nouveaux accords, institue une prime d'ancienneté calculée sur le salaire minimum de la catégorie professionnelle dans laquelle le travailleur est classé.

L'intimé a dressé le décompte des primes d'ancienneté qui auraient dû lui être versées de 1995 à 2004. Cependant, compte tenu de la prescription triennale prévue par l'article 74 du Code du travail camerounais, sa réclamation ne peut être admise que pour la période de février et mars 2004 qui n'a pas été chiffrée.

Sur la demande d'indemnité complémentaire pour services rendus (108'846 €)

Cette indemnité est prévue par l'article 23 du statut des agents d'encadrement supérieur de la BEAC, statut dont l'application est expressément écartée par le contrat de travail de [Q] [Y].

Le fait que la BEAC ait versé au salarié à ce titre, le 30 septembre 1999, une indemnité de 5'140'435 francs Cfa est sans effet sur les stipulations contractuelles auxquelles les parties n'ont pas renoncé.

Le rejet de ce chef de demande par le conseil de prud'hommes doit être confirmé.

Sur la demande au titre de la part variable de la prime de bilan (2 891,60 €)

Cette prime prévue par le contrat de travail comporte une gratification fixe qui a été versée en décembre et une partie variable, d'un taux variant de 0 à 150 % selon la décision du gouverneur de la BEAC, qui doit être versée en mars.

Par lettre du 23 mars 2004, le directeur des ressources humaines de la BEAC a informé [Q] [Y] que le taux de gratification complémentaire qui lui avait été accordée par le gouverneur au titre du mois de mars 2004 était de 120 %.

Il sera fait droit à la réclamation formulée à ce titre qui n'a pas été contestée dans son montant.

Sur la demande en remboursement des frais de fin de contrat (10'021 €)

Le contrat de travail prévoit expressément et sans conditions de départ effectif la prise en charge par l'employeur du rapatriement du salarié par le règlement de son titre de transport et des frais de déménagement de ses effets personnels.

Le montant réclamé étant justifié par la photocopie d'un billet d'avion et un devis de transport maritime des effets personnels, il sera fait droit à ce chef de demande.

Sur la demande en paiement du reliquat du solde de tout compte demeuré entre les mains de la BEAC pour le règlement du mobilier garnissant le logement de fonction (16'007,14€)

[Q] [Y], souhaitant acquérir de la BEAC les meubles garnissant le logement dont il est locataire, déclare avoir abandonné à son employeur la somme de 16'007,14 € sur son solde de tout compte en vue du paiement du mobilier.

Le gouverneur de la BEAC, après avoir donné son accord verbal pour la vente du mobilier, serait revenu sur cet accord et aurait exigé la restitution des meubles.

Il résulte d'un procès-verbal de constat dressé par huissier de justice, le 29 juin 2004, qu'à cette date à 12 h 10, divers biens mobiliers ont été sortis de la villa de [Q] [Y] et rangés dans un gros camion de marque Mercedes dans lequel s'activaient une vingtaine de personnes et qu'au moment de se retirer, l'huissier instrumentaire qui était sur place pour en dresser l'inventaire n'a laissé aucun exploit consignant ses opérations.

La BEAC, sans contester la somme qui serait restée à sa disposition pour l'achat du mobilier, s'oppose à sa restitution en raison de ses difficultés pour récupérer les meubles et le logement que le salarié continue à occuper.

Il appartiendra à la BEAC de faire valoir ses droits éventuels sur le logement et le mobilier le garnissant mis à la disposition du salarié.

En l'état, rien ne justifie sa rétention au préjudice de ce dernier de la somme de 16'007,14€ de nature salariale dont elle doit le paiement.

Sur les indemnités de rupture

Les indemnités compensatrices de préavis et de congés payés sur préavis ainsi que l'indemnité de licenciement réclamées n'étant pas contestées dans leur montant seront accordées au salarié.

En considération des circonstances de la rupture, de l'ancienneté et de l'âge de [Q] [Y] lors du licenciement, et au vu des éléments de préjudice versés au dossier, la cour estime devoir fixer à 90'000 € la réparation du dommage que lui a causé son licenciement injustifié.

Les violences et voies de fait commises à l'occasion de la rupture, notamment pour obtenir la récupération du mobilier ont causé au salarié un préjudice moral important dont la réparation doit être portée à 30'000 €.

- Sur la charge des dépens et les demandes d'indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile

Succombant en son recours, la BEAC sera condamnée aux dépens d'appel et gardera à sa charge les frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés, les dispositions prises sur les dépens et les frais irrépétibles de première instance étant confirmées. Il y a lieu, en équité, d'accorder à [Q] [Y] le remboursement de ses frais non taxables à hauteur de 5'000 €.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la BEAC, requalifié le contrat de travail à durée déterminée de [Q] [Y] en contrat à durée indéterminée, condamné la BEAC au paiement de l'indemnité de licenciement, au paiement d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et au paiement des dépens et en ce qu'il a rejeté les demandes du salarié en paiement de reliquats, rappels de salaire et de primes consécutifs à la réactualisation indiciaire ainsi qu'en paiement d'indemnité pour services rendus ;

Le réforme pour le surplus ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Requalifie la relation contractuelle en contrat de travail à durée indéterminée à compter du

16 janvier 1994 ;

Dit que la rupture du contrat de travail de [Q] [Y] par la BANQUE DES ÉTATS DE L'AFRIQUE CENTRALE (BEAC) est dépourvue de cause réelle et sérieuse ;

Condamne la BEAC à payer à [Q] [Y] la prime d'ancienneté de février et mars 2004 calculée conformément à l'arrêté n° 010/MTPS/DT du 20 avril 1971 ;

La condamne à payer à [Q] [Y] les sommes de :

- 2 891,60 € au titre de la part variable de la prime de bilan,

- 10'021 € au titre des frais de transport et de déménagement,

- 16'007,14 € au titre d'un reliquat sur le solde de tout compte correspondant à une avance sur le prix d'achat du mobilier,

- 46'673,40 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 5'834,17 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,

avec intérêts au taux légal à compter du 7 mars 2007, date de la réception par l'employeur de sa convocation devant le conseil de prud'hommes,

- 90'000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

avec intérêts au taux légal à compter du jugement du 21 octobre 2009 sur 30'000 € et à compter du présent arrêt sur le surplus,

- 30'000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral,

avec intérêts au taux légal à compter du jugement du 21 octobre 2009 sur 10'000 € et à compter du présent arrêt sur le surplus,

- 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Rejette le surplus des demandes ;

Condamne la BEAC aux dépens de l'appel.

Le Greffier,P/Le Président empêché,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 09/10015
Date de la décision : 11/12/2014

Références :

Cour d'appel de Paris L2, arrêt n°09/10015 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-12-11;09.10015 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award